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Treizième nouvelle
Dans une église...
Ploum nous propose, cette fois, d'aller dans une église... et c'est donc une liste, murmurée à voix basse, que je vous confie : calmement, ferveur, autel, statue, moustique, lueur, dragon, larmes, lys, voûte, firmament, sandwich, rose, peine. Merci Ploum !
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Paul, tout jeune et nouvellement formé, venait de se voir confier sa toute première mission et il débarquait dans la petite ville de Saint-Aubin, ce jeudi douze mars 2020. Bien sûr, sitôt sorti de la gare, il se dirigea vers l'église. Paul venait d'être ordonné prêtre et s'apprêtait à découvrir la région où il allait célébrer la messe, devant ses nouveaux paroissiens, pour la première fois.
Imaginez sa frustration, quand le soir même, le Président de la République annonçait la fermeture des écoles et des bâtiments publics pour cause de grand confinement !
Ce dimanche pourtant, il entra dans l'église et marcha calmement dans l'allée centrale, contemplant à sa droite et à sa gauche, les rangées de chaises et de bancs vides. Le silence était total aussi bien sous les voûtes que dehors, sur la route. Mais en s'approchant de l'autel, il entendit un petit bourdonnement : sur la Bible ouverte, un moustique était posé. Un moustique mystique, sans doute, qui lisait les textes sacrés ! Cette pensée fit sourire Paul, mais quand il se retourna face à la nef qui aurait due être remplie de fidèles, elle le lui passa bien vite, cette envie de rire. Par contre, l'envie de délivrer son message, de secourir et de secouer les âmes, surtout en ce temps difficile, cette envie l'étouffait, lui tordait les tripes, si bien que, sans réfléchir davantage, il alla se revêtir de son étole blanche et dans le tabernacle, il prit les hosties, le pain et le vin, pour célébrer cette messe.
Elles furent étonnées, les statues de Saint- Antoine, de Saint-Michel terrassant le dragon et même celle de la Sainte Vierge bleutée, en entendant le sermon de ce nouveau prêtre...
- " Que la paix soit avec vous."
Sur le moment, il se demanda s'il devait dire aussi les réponses. Mais jugeant qu'à chacun revenait sa part, il continua, se contentant de les imaginer.
- " Mes biens chers frères, en ce quatrième dimanche avant Pâques, nous voici rassemblés...
Il commençait à totalement assumer cette curieuse situation, car même ces mots-là ne lui parurent pas incongrus.
- ....pour réfléchir à notre condition d'humains, dans un monde bouleversé. Nous sommes des êtres de plus en plus éloignés de la Nature, que le Seigneur a créée. Il nous faut ré-apprendre à vivre en harmonie avec la Création, à respecter ses rythmes, à accepter nos limites. Ce fléau ne fait qu'exacerber les dysfonctionnements de notre monde. L'ordre des choses est perturbé et nous risquons des catastrophes, comme celle que nous affrontons aujourd'hui. "
Comme il regrettait de n'avoir aucun auditoire. Ce sermon n'était pas écrit, il venait tout droit de son coeur, de son esprit. En temps normal, il n'aurait jamais osé improviser et il aurait eu tort ! Les mots lui venaient facilement, le message, pour lui, était évident et ainsi livrer, elle était ardente cette ferveur, cette intime confession de son ressenti. Il continua à parler en s'adressant aux cierges vacillants, qui l'encourageaient de leurs petites lueurs vivantes, en s'adressant aux vitraux , parfois rayonnants de l'éclat du soleil, il prêchait la modération, la modestie, la reconnaissance du grand mystère de l'univers qui nous dépasse, il prônait l'entraide entre les peuples, entre les hommes d'un pays, d'une même ville sous le regard d'un Père toujours aimant et en disant ces dernières paroles, il leva ses mains ouvertes vers le firmament.
Alors on entendit, venant de derrière un pilier, un "Amen !" à peine articulé.
Là, petite sur sa chaise, une femme le regardait. Elle portait un bouquet de lys roses, que sans doute elle apportait pour fleurir les vases de l'autel. Tout à son homélie, il ne l'avait pas entendu entrer, mais elle, Dieu, comme elle l'avait écouté !
Et maintenant, elle voyait des larmes couler sur les joues de ce jeune abbé qu'elle ne connaissait pas. La charité chrétienne lui commanda, bien sûr, d'aller réconforter cet homme là et de le consoler de sa peine. Elle se présenta et il lui répondit, encore tout étonné.
Elle posa ses fleurs sur l'autel et revint avec de l'eau fraîche dans un vase et tout en parlant, déballa son bouquet, arrangeant les feuilles, coupant les tiges et le jeune prêtre s'en trouva apaisé. Elle lui parla de Saint-Aubin, des gens de la ville, de l'ancien curé, depuis vingt-six ans elle s'occupait de l'église ! Elle raconta les travaux accomplis et le mur de la sacristie qui donnait des soucis et puis, bavarde, bavarde, mais aussi si réconfortante, elle lui proposa de partager son encas. Etourdi de paroles, mais si content de cette présence, il accepta.
Et c'est sur les marches, au pied de l'autel et plus loin, du grand crucifix, qu'elle rompit le pain de campagne. Paul put mordre dans un savoureux sandwich et boire au goulot d'une bonne bouteille de vin produit dans cette région viticole. Sans le savoir, cette brave paroissienne célébrait ainsi une sorte de "communion". Et tout en mangeant , elle lui parla de son sermon. Elle ne comprenait pas grand chose aux textes d'Evangile, les paraboles étaient bien trop difficiles, mais ses mots à lui, c'était si clair, il parlait si bien de tout ce qu'elle ressentait, mais qu'elle n'aurait pas su dire !
N'était-elle pas magique cette première messe, devant sa première paroissienne ? Paul était aux anges. Quel partage ! Quelle communion !
Il lui raconta son parcours, ses espoirs et elle, à présent silencieuse, presque recueillie, elle se mettait à sa place quand il exprimait ses craintes, ses appréhensions et puis la déception de ces dernières journées.
- " Vous avez dû me croire fou, de dire une messe devant personne...
- Mais non, pas du tout " et elle ramassa quelques miettes qu'ils avaient laissé tomber...
Eglise pleine, église vide, comme le répétait sans cesse l'ancien curé : - J'ai l'impression de toujours prêcher dans le désert ! - Ce n'est pas écrit dans vos évangiles, tout ça ...
Et quand elle repartit au début de l'après-midi, Paul se sentait raffermi dans ses convictions :
quelque soit le nombre de paroissiens qui viendraient ou qui ne viendraient pas, chaque dimanche, préparés avec soin mais laissant place à la force de l'instant et à l'improvisation, ses sermons seraient dits. Et il s'éloigna tranquillement, en descendant sur le parvis de l'église, déserté.
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