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Huitième nouvelle
Dans un grenier...
Merci Erval d'avoir glissé les mots " grenier " et "généreusement", dans ta petite liste de mots :
savon, encas, réfrigérateur, lampe à huile, clou, écharpe, rhododendron, dinde, attaché-case.
Nous voici donc partis...dans le grenier ...
*****
Georges Bonpard est confiné dans son grenier depuis vingt ans.
- " Depuis vingt ans, c'est une image ... !"
- Non , non, depuis vingt ans, il n'a pas mis le nez dehors. Au fil du temps, il s'est organisé son petit espace de vie dans le grenier et il ne sort plus, si ce n'est pour descendre les quelques marches et aller dans la salle de bain de l'étage en dessous.
C'est sa femme, Colette, qui lui apporte un plateau le midi et un le soir. Au début, elle pensait que cette lubie passerait... Georges Bonpard est ingénieur-agronome de formation, spécialisé dans l'étude des sols. Dans les années 2000, il a assisté aux abus de l'agriculture chimique intensive. Il a vu l'appauvrissement des terres agricoles à cause de ces produits élégamment appelés...phytosanitaires ! Il a vu la destruction massive des vers de terre, des abeilles et de toutes ces espèces vivantes nécessaires à la bonne santé de la terre et à la fécondation des plantes. Alors, il a tiré la sonnette d'alarme dans ce train express du soit-disant progrès, qui détruisait tout sur son passage ... Il a écrit des notes très claires au ministère. Il a fait paraître des articles dans les revues scientifiques. Personne n'a voulu l'écouter, tous l'ont traité de pessimiste sceptique. N'était -elle pas superbe cette courbe de la production agricole, dans son spectaculaire mouvement ascensionnel !
Alors, il n'a pas voulu participer à ce crime contre l'environnement. Alors, il n'a même pas voulu voir les effets terribles qui s'annonceraient, vu la trajectoire. C'est le dix-huit septembre 2000, à l'âge de cinquante sept ans, qu'il s'est bricolé cet espace dans le grenier.
Il a gardé son air vieillot, le grenier de Georges. Le plancher craque à souhait, des vieux bibelots sont là, sur un petit guéridon, lampe à huile, boites à bonbons, un beau porte-savon, des bougeoirs, on y voit un vieux fauteuil qu'il utilise volontiers, un lit, une étagère avec les petites voitures et les camions, en métal, de son enfance, un coffre à jouets. Ici, traine un vieux clou aux pneus tous dégonflés et là un tableau, un déjeuner champêtre. Il y a aussi une grande armoire bretonne où il entasse ses livres et ses dossiers et puis son bureau, époque Louis-Philippe avec deux tiroirs. Bien sûr, aucun ordinateur, Georges ne veut recevoir aucune nouvelle de ce monde. Pas même une pendule ou un réveil, le carré de ciel du velux, lui donne le rythme des jours et des nuits, ça lui suffit. Il a quand même un calendrier et de temps en temps, il demande à Colette, si on a bien commencé le mois de mai, car il veut compter les jours pour lui fêter son anniversaire.
Car Georges n'est pas aigri, ni ronchon, ni bougon. Grâce à cette décision, il se sent libéré de toute responsabilité. Il ignore ce monde et ses problèmes, pour vivre à son rythme et à sa façon.
Heureusement, que Colette est là et qu'elle assure le quotidien, généreusement. Les premières années, elle était triste de le voir ainsi reclus, tout là-haut. La maison lui semblait vide, elle s'inquiétait. Et puis, à force de le voir heureux dans son coin de grenier, elle s'y est fait. Elle va parfois s'asseoir dans le vieux fauteuil à côté de lui, sans parler. Il ne veut rien savoir de la vie du quartier, des nouvelles de la ville. Où parfois elle évoque le jardin, les rhododendrons sont superbes cette année, j'ai ajouté des campanules le long de l'allée. Parfois elle vient manger avec lui, sur un coin du bureau, un encas léger, un gros pain, des rillettes, une poignée de cerises, une bouteille de rosé. Mais le plus souvent elle mange dans sa cuisine, face au réfrigérateur , le même menu que Georges bien sûr, escalope de dinde, purée de légumes, ça suffit à les rapprocher et curieusement, elle ne se sent plus seule, la présence de Georges, sous le toit, lui suffit. Elle aime bien sortir, voir son amie, faire le marché, discuter. Mais elle ne parle pas de Georges. Elle respecte son effacement.
Mais que fait Georges toute la journée ? Il écrit. Vous n'en êtes pas étonnés. Il écrit des histoires. Il ne parle pas de son passé et ses récits ne sont pas dans ce monde -ci. Il a dessiné une grande carte, colorée au pastel et c'est dans ce pays imaginaire qu'il a inventé une autre forme de vie, où les êtres vivants font alliance avec la nature. On y vit de l'eau pure des cascades, on mange les fruits gorgés de soleil que nous offrent les grands arbres, aimés et protégés par tout un peuple pacifique. Il s'est créé des amis et il part en balade avec eux, ils jouent à la belote, fabriquent des maisons sur pilotis et cultivent des plantes hybrides seulement connues de lui.
Et puis quand il est fatigué d'écrire, il s'allonge un peu, le velux est juste au-dessus de son oreiller. Il voit passer les nuages et puis les oiseaux. Le soir, il entend un hibou qui loge à côté et qui vient souvent se poser sur une cheminée. Et puis il y a aussi des petites souris, on est bien dans un grenier et il apprécie leur compagnie. Il leur a même fait un petit lit : dans son vieil attaché-case datant de sa vie active .., il y a mis une écharpe bien confortable et parfois il les voit qui viennent s'y cacher...
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