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Septième nouvelle

Dans une chambre en colocation...

Merci Yumon de nous proposer une liste avec ce thème intéressant : Une chambre en colocation !

(tu précisais à la campagne, mais je prends la liberté de l'imaginer à Paris, j'espère que tu n'en seras pas contrarié !)

Voici les mots que tu suggères : livre, internet, cartes, bilboquet, maraîcher, nocturne, furtif, tapis, aphone, chouette

*****

Elle faisait vingt-cinq mètres carrés, leur chambre de bonne, au sixième étage, d'un immeuble haussmanien . Et quand le confinement fut instauré, hébétés tous les deux, assis sur leur canapé, ils ont regardé sans y croire, ces vingt cinq mètres carrés, encombrés de bazar...

- "NON !!!!"

Pendant le temps de la stupéfaction, un silence envahit facilement le petit espace. Puis, Vincent fut le premier à réagir :

- "Sylvain, il va falloir s'organiser !"

Ce mot, ici, n'avait jamais été prononcé...

Quand Vincent avait besoin de la piaule, Sylvain allait au bar d'à côté. Pour dormir, chacun avait son coin, mais la plupart du temps ils restaient pour la nuit chez les copains. Vivre quinze jours et quinze nuits, ici, c'est pas vrai...

- "NON !!!!"

Tout de suite, ils avaient passé des coups de fil, mais cela s'avéra inutile :

- "Ma soeur ne veut pas ! Pas avec son nouveau-né !

- Chez mon père, la chambre d'amis est squattée par son ex avec tous les marmots ...

- T'as essayé chez Alex ?

- Sa copine est revenue, pas possible non plus ! "

Il fallait se rendre à l'évidence, elle allait être galère, la coexistence !

Sylvain dévala les six étages et revint quarante minutes plus tard avec deux sacs de papier -toilette et puis douze canettes de bière, des pâtes, des biscottes et bien d'autres emplettes dans un grand carton. Pendant ce temps, Vincent avait dégagé tous les livres, ils les casèrent dans le carton qui dégagea dans le couloir de l'immeuble, avec la mention : "Extension provisoire."

Et leur chambre prit des allures d'épicerie avec ses rangées de conserves, sur les étagères, au-dessus du canapé. Il y avait aussi une casserole flambant neuf, ici, en temps normal, on ne faisait guère chauffer que le café...

Et les jours se sont succédés. Par l'unique fenêtre, on ne voyait que les tuiles des toitures et un carré de ciel bleu azur. Si on essayait de se pencher, on pouvait voir tous en bas, la rue vide et le silence incongru de la ville vivant au ralenti.

Les deux colocataires passaient leur temps sur internet, ils avait fait quelques parties de cartes, des championnats de poker, regardé quelques films mais au bout de cinq jours, déjà, le climat était tendu. Sylvain fumait de plus en plus. Il se mettait, plié en deux à la fenêtre, pour que l'air de la chambre reste respirable. C'est de cette habitude que lui en vint une autre : discuter avec un gars qui habitait aussi sous les toits, mais de l'autre côté de la rue. Au bout de deux jours, Sylvain était aphone, à force de gueuler pour se faire entendre et les voisins, en plus, s'en sont mêlés... Vincent a vu le moral de son pote, décliner.

C'est au bout du dixième jour, qu'ils se sont offert une petite virée nocturne. C'est vrai qu'à minuit, il n'y a pas un chat, rue Saint-Benoit. "Le Bilboquet" naturellement était fermé. Qu'est- ce qu'ils n'auraient pas donné pour boire une pression en rigolant avec le patron ! Boulevard St Germain, pas un pékin, non plus ! Ils gambadèrent comme des chiots dont on aurait défait la laisse, mais après un grand tour dans le quartier, il a bien fallu rentrer. C'était chouette quand même, rien que deux heures, un intermède furtif, mais une petite bouffée d'oxygène dans cette galère confinée !

Et les journées vautrés sur le tapis s'enchaînèrent... On ne prenait même plus la peine de se changer et une odeur de linge pas lavé commençait à empester dans les vingt cinq mètres carrés. En plus les infos laissaient entendre que le confinement serait prolongé. Sylvain devenait fou. Mais par bonheur, le seizième jour Alex a appelé. A vivre sept jours sur sept confinés, il s'était embrouillé avec sa copine et elle était repartie chez sa mère ! Alex leur proposait de venir, il n'avait pas trop le moral ...

Je te dis pas la samba dans les vingt cinq mètres carrés, c'était Rio, c'était jonglage avec les canettes vides et ils ont volé au plafond, les oreillers !

Alex, c'est tout ce qu'ils n'avaient pas : deux chambres, un frigo, une baignoire, une machine à laver, une baie vitrée ! En plus Alex préparait un BTS de cuisine ! A eux, les côtelettes grillées, les trucs en papillote, en matelote, les petits plats du maraîcher ! Ce serait du trois étoiles ! Et pour ce qui est de te remonter le moral, Alex, t'en fais pas ! Nous, voilà !

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