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Chapitre 7
1789 - Clément et Charles-Louis
- "Citoyen Clément, rends-toi !
- Jamais, plutôt mourir . "
Ils étaient deux gamins que ce mois de Thermidor avaient réunis à Champagnole. Ils venaient souvent jouer dans ma clairière. Leurs familles avaient fui Paris, les émeutes, les barricades et la prise du Palais des Tuileries.
Clément Bourdeau était un petit gars du peuple, avec sa gouaille parisienne et Charles- Louis, bien sûr, était issu de la noblesse. Ils ne comprenaient rien aux luttes entre royalistes et républicains et se jouaient à leur façon, une pantomime sur fond de Révolution ! Ils se traitaient "d'Aristo" ou de "Sans-culotte", sans vraiment savoir ce que ces mots voulaient dire, mais ils les faisaient bien rire.
Leurs mères les accompagnaient parfois. Elles aussi, ne comprenaient guère ces soulèvements qui les éloignaient de leur logis de Paris et de leur mari. Leurs robes étaient plus légères, à la mode de l'époque, cachant davantage les décolletés mais laissant deviner les chevilles et elles portaient de curieux petits chapeaux, sous prétexte de se protéger du soleil !
Tout ébouriffé que je suis, j'ai réussi à pousser droit et à fêter mes cent ans, comme il se doit. De la souche vénérable, à mes pieds, il ne reste plus grand chose. Elle a fait le terreau de maints petits sapins, cinq ou six, je crois. Mais sans doute un seul, plus robuste fera son chemin et prendra la place. En cette année 1789, année patriotique !, les hommes faisaient un peu de même. Louis XVI ne serait bientôt plus et plusieurs noms apparaissaient dans le décor politique . De Danton, Marat ou Robespierre, lequel se ferait une place ?
A la citadelle de Besançon se réunissaient les trois ordres : la noblesse, le clergé et le bas-peuple, nombreux celui-là, qu'ils appelaient "Le Tiers-Etat". Tout ce petit monde se battait joyeusement ! Il est vrai que ces émeutes étaient meurtrières mais les guerres en ce temps-là étaient glorieuses et colorées. Chacun y allait de sa bannière, blanche pour le Roi, cocarde tricolore pour la République. On part au combat au son des fifres et au roulement des tambours et l'insurrection se mène aussi en chansons. Clément et Charles-Louis ne se privaient pas de claironner dans les bois, des "Ah ! ça ira, ça ira..." et des "Aux armes, citoyens ! ", sans savoir que l'auteur de la Marseillaise, Rouget de Lisle était né à trente kilomètres d'ici, à Lons-le-Saulnier.
Mais toutes ces contractions avant la naissance de la Première République, on ne les apercevait que de loin, dans la vie quotidienne de Champagnole. C'était maintenant une petite ville avec presque mille cinq cent habitants. Bien sûr, pour la Citoyenne Bourdeau qui avait quitté les faubourgs parisiens avec ses commerces, ses vitrines, ses places vivantes et ses marchés, ici, l'ennui arrivait vite. Ainsi, elle avait pris l'habitude d'amener un panier pour venir manger en forêt avec Clément. Dans la hêtraie, plus loin, il y a un bel espace de mousse que l'ombre des grands bois gardait intacte, malgré le soleil d'été.
C'est plusieurs fois dans la semaine, que la mère et son fils mangeaient sur l'herbe. Une fois, durant leur repas, ils entendirent, tous proches, les bûcherons maniant la hache et la pioche. Un peu curieuse, au moment du dessert, elle alla avec son gamin, proposer des cerises aux deux gars qui travaillaient là.
Ils posèrent leurs outils, lissèrent leur chevelure, remirent sur les épaules, leur chemise accrochée à un arbrisseau et acceptèrent. On fit connaissance. On parla des évènements et puis de la région. Elle riait, prenait des poses et nous, les vieux sapins qui connaissons bien les choses, nous la voyions minauder, cette jeune femme, loin de son mari, isolée.
Elle revint plus souvent déjeuner en plein-air et s'arrangeait toujours, pour tendre l'oreille et repérer la cognée, afin de choisir un coin d'herbe. Le Clément du haut de ses neuf ans, suivait sa mère, bonasse et innocent. Cette histoire ne se serait pas davantage gravée dans nos mémoires, si une soirée de Vendémiaire, on avait vu courir, échevelée, la Citoyenne Bourdeau, seule et affolée. Elle appelait " Clément " dans toute la forêt, comme une mère désespérée. Nous ne pouvions lui dire que ce jour-là ni Clément, ni Charles-Louis n'étaient passer jouer par là, mais c'est un des bûcherons arrivant par la grande allée forestière, de retour de sa journée de travail, qui parla avec elle. Sans doute, qu'ils s'organisèrent : lui partit vers l'ouest en appelant l'enfant, elle vers l'est, faisant pareil évidemment.
Cette nuit-là, c'était pleine lune. Le ululement des chouettes était lugubre., on sentait que la mort rôdait dans les bois. Au petit matin, un groupe de villageois débarqua à la croisée des chemins. La Citoyenne Bourdeau, le visage défait, marchait comme une automate. Des équipes se répartirent dans tous les recoins de la forêt de la Joux et c'est trois heures après, qu'ils retrouvèrent l'enfant. Il était recroquevillé contre un gros rocher. Petit être tremblant et choqué, il montra du doigt, un peu plus loin, la grosse branche d'un hêtre où se balançait, une silhouette. Le petit Clément, hier au soir, venait de voir un pendu ! Hélas ! trois fois hélas ! Parfois aussi, les arbres servent à cela.
On ne connaissait pas le pauvre hère ; des hommes escaladèrent pour le décrocher de là. Et on ramena à la Citoyenne Bourdeau, son enfant encore traumatisé par ce triste tableau.
Tout cet automne, à Champagnole, on considéra la forêt comme une malédiction et il y eut peu de promeneurs et peu de cueilleurs de champignons. Les bûcherons continuaient leurs coupes bien sûr, mais pour la pause déjeuner, aucun ne vit plus jamais, un panier de cerises ou un gâteau tout frais ! Et tandis qu'ils coupaient, coupaient, d'autres plantaient dans tous les villages et sur toutes les places de France, en ses temps troublés de La Révolution et c'est un symbole qui nous va droit au coeur, bien sûr : les hommes plantaient des arbres de la Liberté !
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Après la Révolution dans la forêt, le chapitre suivant sera sans doute plus calme....
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