Après le retour de nos deux guides, le soir du deuxième jour de cette expédition, nous avons marché toujours dans la même direction, sans jamais dévier de notre chemin. Depuis deux jours, ils décalent petit à petit notre rythme de voyage, et nous marchons désormais tout l’après-midi et une grosse partie de la nuit, pour nous reposer le restant de la nuit et le matin. Erdwyn se plaint que ce n’est pas un rythme, et qu’il ne parvient plus à trouver le repos. Arvaïl lui pense que cela va peut-être lui permettre de croiser enfin son "Bzzi Buzz Bizz". Pilpilim ne parle plus. Il n’était déjà pas bien bavard avant, mais là… Je crois que la dernière fois que j’ai entendu le son de sa voix, c’était hier, quand nous nous sommes remis en route. Cela fait donc une journée entière qu’il avance juste, la tête levée vers les cieux, comme à l’affût de quelque chose. Je crois que c’est le plus étrange compagnon de route qu’il m’ait été donné de rencontrer.

Le paysage n’a toujours pas changé. Pas en plein jour en tout cas, nous avançons toujours à travers un terrain poussiéreux, sec et accidenté. La couleur ne change pas, nous évoluons dans des nuages de poussière rouge ocre, nous trébuchons sur des rochers rouge ocre, et des cailloux rouge ocre viennent se loger dans nos chaussures. Nos vêtements ont pris depuis longtemps la même teinte à cause de la poussière. La seule couleur un peu différente, c’est le rouge luisant des coccinelles de bâts, sur lesquelles la poussière semble ne pas trouver de prise.

Lorsque le soir tombe, en revanche… Tout change. Il n’y a plus aucun nuage dans le ciel, plus rien pour voiler les étoiles et les lunes, qui semblent se rapprocher au fur et à mesure que nous avançons vers l’horizon. Je jurerai presque avoir vu tomber quelques petites étoiles, laissant derrière elles de fines traînées de poudre scintillante, mais Erdwyn s’est moqué lorsque je l’ai fait remarquer, et personne ne m’a appuyée. Je suis pourtant persuadée de ne pas avoir rêvé. Mais apparemment, je suis la seule à oser croire que nous nous dirigeons vraiment vers des fragments de lunes et d’étoiles…