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tome 1, Chapitre 2 tome 1, Chapitre 2

(scène passée)

Une jeune fille aux cheveux d’or se réveille brusquement de l’un de ses innombrables songes duquel elle n’aurait voulu pour rien du monde s’échapper. En vain. La sonnette de la porte d’entrée retentit à nouveau, se faisant de plus en plus pressante. Tirée de sa rêverie, elle finit tout de même par sortir de son lit, le bruit de l’alarme résonnant encore dans ses oreilles. Grommelant « on est dimanche connard », avant d’ajouter, un peu plus fort, « Deux minutes, j’arrive ! ». La demoiselle enfile son peignoir puis se dirige vers la porte. Respirant un bon coup, elle ouvre.

— Oui ?

Grand blanc. Élie, qui manque de s’étouffer se retrouve face à Lùca Parsons, l’un de ses plus anciens amis. Son Lùca. Aucun des deux jeunes adultes ne sait quoi dire.

— Hey...

La seule réponse qu’il ait trouvée se résume en une misérable onomatopée. Les minutes défilent tandis que la propriétaire des lieux se décide à le faire entrer. D’une voix qu’il espère neutre, Lùca lui fait part de la situation sans oser soutenir son regard, par crainte.

— Je... J’ai cédé. Elle en parle depuis tellement longtemps... Hum.. Elle aimerait que tu viennes. Enfin, on aimerait tous te revoir tu sais.

Elle sait déjà tout cela mais prend plaisir à le voir s’empêtrer dans ses mots. Lui qui habituellement, est clair et concis, en cet instant, il ne fait pas le fier. Honteux, Lùca finit par la regarder. Tous deux sont conscients qu’il ne peut pas s’exprimer comme il le souhaiterait. Que pourrait-il lui dire de toute manière ? Il en veut à Charlie de lui imposer cette visite, ayant du mal à comprendre pourquoi sa fiancée ne s’est pas déplacée elle-même. C’était son idée.

— On va se marier. Vient s’il-te-plaît.

Boucles d’or prends le temps de savourer l’annonce puis débute un monologue. Un discours longuement réfléchi, des mots longtemps enfouis qui enfin peuvent sortir.

— Je rêvais encore de toi quand tu as sonné. C’est quand je suis sur le point de t’oublier que tu te décides à me donner un signe de vie. Comme si tu savais mais tu ne ferais jamais ça intentionnellement, n’est-ce pas ?

« Encore » « N’est-ce pas ». Ce sont les mots sur lesquels elle insiste savamment. Elle hésite à lui avouer qu’elle l’avait presque oublié, qu’il devenait un souvenir presque agréable mais que, depuis cet appel, elle attendait avec hâte cette visite. La jeune Bennet prend ça comme un signe. Elle a assez patienté dans les coulisses.

La jeune fille s’arrête un instant, comme pour mesurer la température. Son invité reste figé, il parait préoccupé. Il sait ce qui l’attend l’avoir déjà vécu et il a peur. Peur non pas des mots, ce serait bien trop facile. Lùca a peur des ressentis qu’il a profondément refoulés. Ces machins qu’il s’est toujours refusé d’éprouver. Ces trucs auxquels il n’a jamais voulu s’ouvrir. Toutes les excuses qui se sont malencontreusement présentées et auxquelles il a, à force de répétition, lui-même fini par croire. Ce qu’il n’arrive pas à nommer. Ce jeune garçon a peur de quelques sentiments. Aujourd’hui, il tente d’y faire face. Après tout, cela ne peut que leur faire du bien, se dit-il.

Élie, tout en l’observant, cherche les mots adéquats. Ceux faits pour blesser. Des paroles au plus proche d’une réalité passée. L’invitant à s’asseoir, elle se dirige vers la baie vitrée. Inspirant, elle enchaîne :

— J’avais comme un mauvais pressentiment que j’ai fait taire. Après tout ce qu’il s’était passé ces dernières semaines, je voulais simplement m’accorder un moment de répit. Quand tu es enfin sorti du lit pour t’avancer vers moi, j’étais devant cette même immense fenêtre, à te faire remarquer le temps. Il pleuvait quand je me suis levée. Il pleuvait encore quand tu m’as laissée tomber.

— Comment ?

— Ton reflet. L’absence du pétillement dans ton regard. Tu aurais dû t’abstenir. Mais tout comme moi, on sait que tu ne l’aurais pas fait. Tu n’aurais pas pu. Tu m’as embrassée de nouveau. Puis ces stupides mots ont franchi tes lèvres.

S’il goûtait quand elle s’est levée, il pleuvait dru quand il l’a laissée tomber. En cet instant, Lùca veut lui expliquer les vraies raisons de son départ. Les choix qu’il avait faits uniquement pour la protéger, elle. Il espère avoir mis tout son amour dans ce baiser. En s’écartant de la jeune fille, Lùca aurait presque pu entendre leurs cœurs se briser. Et comme pour finir de se détruire, il ne rencontre dehors qu’un silence total. Aucune voiture ni aucun oiseau. Même le vent qui semblait souffler auparavant est aux abonnés absents. Lùca sait qu’Élie n’a pas bougé et qu’elle attend qu’il prenne la route. Son départ qu’elle prendra comme une confirmation. Tout en se remémorant ces instants, il semble prendre conscience du piège qu’implique cette visite et les conséquences qu’elle amènera par la suite. Ce qui explique le sarcasme qu’il décèle dans la voix de son ancienne amante :

— Quand tu relèves les yeux vers moi, ils sont remplis de larmes. Une dernière fois, j’ai droit à ton sourire. Celui qui désormais lui appartient. En y repensant d’ailleurs, je trouve cela plutôt égoïste, tu ne trouves pas ? Tu me quittes mais tes yeux en pleurent...

La propriétaire des lieux lui tend une feuille de papier qu’il ne tarde pas à reconnaître. Comme à son habitude, par réflexe probablement, il y a déposé quelques gouttes de son parfum avant d’écrire ces simples mots pardonne-moi. Lùca se rend compte de sa stupidité de l’époque. Elle n’a pas pu faire abstraction hier. Pas plus qu’elle ne le peut aujourd’hui. Dans un silence tendu, Lùca parcourt la pièce de son regard teinté d’une nostalgie inappropriée. Les mêmes murs d’un blanc cassé. La magnifique baie vitrée. Tellement propre qu’elle en parait invisible. Et cette vieille bibliothèque en bois, sur la gauche vers l’entrée. Toujours recouverte de tags divers, de citations. Les anciennes, les leurs. Et des nouvelles. Celles qui rappellent le temps qui passe.

— Rien n’a vraiment changé, ici, murmure-t-il. Tes murs ont toujours cet air vivant. Ce parfum. Rien n’a vraiment changé et, pourtant, tout est différent.

— N’est-ce pas ? Tu débarques chez moi après tout ce temps. Quatre ans Lùca. Ça t’aura pris quatre putains d’années...

À l’entente de ces mots, Lùca tique, ce qui ne passe pas inaperçu. Ils s’observent encore. Elle bouillonne de rage quant au fait qu’il se soit déplacé en personne, qu’il ait osé, après tout ce temps, quémander après elle. Mais surtout parce qu’il ne l’ait pas fait de sa propre initiative. Et d’un désir si intense, qu’elle se retient pour ne pas tomber. Elle n’aurait jamais cru avoir de nouveau si mal.

— Évidemment, tu ne pouvais pas revenir sans avoir enfoncé un peu plus profond ce maudit clou. Tu lui as fait ta demande dans notre restaurant branché après une journée des plus romantiques afin de faire passer ton manque d’originalité.

— Je hais le romantisme, tu le sais.

Elle ne veut pas espérer un probable message caché et ne prête pas attention aux mots employés. À tort. En cet instant, leurs vies auraient pris une autre tournure si Élie avait accepté une énième fois de lire en lui. Ils auraient pu se retrouver et s’enfuir loin de toutes ces conneries. Loin de ce maudit jeu auquel ils participent tous contre leurs grès. La jeune Bennet déblatère encore, de peur de ne plus en avoir l’occasion :

— Je commence à les comprendre tu sais. Ils me manquent. Les pauvres y ont pris part malgré eux.

Ces mots sortent quand sa conscience, elle, voudrait pourtant lui hurler : « Tu n’aurais pas dû venir. Et toi plus que les autres auraient dû le comprendre. Tu le sens. Je ne suis plus celle que tu as connue. »

— Simon m’a dit quelque chose comme c’est officiel et elle lui a demandé de t’inviter personnellement. Attends-toi à le voir. Je n’ai pas su quoi lui répondre. Bien sûr, je ne t’apprends rien. C’est ton meilleur ami, après tout.

La jeune femme conclut d’une voix acerbe :

— On sait très bien que vous vous dites tout, n’est-ce pas ?

Élie est comme en transe. Dos à lui, fait mine d’observer la vue qui s’offrait à elle. Elle ne peut pas l’affronter, pas encore. Il faut qu’elle finisse sans craquer. Qu'il voit qu'elle a tourné la page. Il ne semble pas avoir changé. Toujours lui. Son Lùca. La moitié des Bennet n’aurait pas cru cela si dur. Les mots sortent, sans qu’elle ne les retienne. Ceux qui émergent. Ceux qui bloquent. Lùca les décrypte toujours aussi bien. Elle se décide finalement à lui faire face. Même après ces quelques années, ils sont restés bornés l’un et l’autre. Lùca Parsons attend patiemment qu’elle termine. Si par patiemment, on entend qu’il commence à s’agiter sur sa chaise. Il ne savait pas, à ce moment donné, ce qu’il aurait dû faire. Il ne voulait plus mentir et, de ce fait, avait dû faire un choix. Le mauvais, il le sait. Et pire encore, elle le sait. La jeune femme le sent et esquisse un sourire. Il aimerait tellement l’enlacer. La calmer. L’embrasser. Il secoue la tête, comme pour chasser ces stupides pensées, ce qu’elle prend, à tort, comme une réponse.

— Ne t’inquiète pas, je sais encore tenir ma langue.

— Personne n’en a jamais rien su.

— Elle a toujours été là. Entre nous.

Le futur marié tente désespérément de se faire entendre mais son interlocutrice n’en a que faire. Elle l’ignore une fois de plus. Et c’est d’une voix lasse, qu’on peut entendre :

— Tous, nous savons maintenant que la seule personne de trop n’était que moi. Depuis le début. Mais on ne le savait pas à l’époque. Je ne voulais pas l’accepter. Ç’aurait pu être différent. Nos choix auraient pu être différents.

Un énième silence. L’hôtesse de maison n’en a pas fini :

— Probablement qu’elle s’en doute n’est-ce pas ? Je n’ai plus envie de me contenter de ce que tu veux bien me donner.

La belle blonde le jauge alors qu’il s’impatiente. Il espère une réponse mais elle ne sait pas laquelle. Veut-il un oui, comme une bénédiction officielle ? Un non ? Un non empli de leurs souffrances. Un non hurlé sur une feuille de papier. Renvoyé par la poste et qu’il tiendra dans ses mains d’ici peu. Une réponse qui fera du mal. Qui ré ouvrirai des plaies mal cicatrisées, à peine entrouvertes. Purulentes de non-dits, de désirs bruts. Une réponse qui pourrait expliquer son absence. Leur indifférence. Élie accepte la situation délicate dans laquelle ils se sont mis. Dans laquelle ils avaient volontiers plongé malgré tout ; malgré eux. Là où Lùca était remonté, Élie a préféré rester dans l’eau. Une eau si bonne mais pourtant si dangereuse. Jusqu’à Matthew.

— Avec le recul, partir était la seule solution et nous sommes tous d’accord là-dessus. Cette question aussi finirait par arriver. Je ne sais pas. Dis-leur ça. Je ne sais pas si je viendrais.

Un soupir. Deux respirations. Autre soupir. Elle se trompe lourdement sur ses pensées, mais il ne lui dira pas. Le jeune Parsons se lève du magnifique canapé en cuir et s’en va comme il est venu. Les semaines passent comme si de rien n’était. Comme s’ils ne s’étaient pas revus, que tout était profondément oublié. Les semaines passent et les barrières qu’ils se sont tous efforcés d’ériger ces quelques années sont sous le point de disparaître. Anéanties, ces cloisons sur lesquelles ils se sont reconstruits. Ce mur porteur en a fini de jouer son rôle. Pour finir, il n’aura probablement pas pu les soutenir comme il le devait et lentement, il laisse entrevoir quelques fissures d’un passé refoulé. Ce rideau qui les aura en réalité, émiettés sans qu’ils s’en aperçoivent. Car comme dit le proverbe, Cachez-vous de votre passé. Il vous sautera en pleine face plus tard.


Texte publié par Sara_B, 19 février 2020 à 17h00
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