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Soutient. Bande. Soigne. Pas le temps de parler, de répondre aux questions, de rassurer. Il faut aller vite. Il y a tellement de monde à garder en vie avant la nuit. Avant le prochain arrivage de blessés. La tente est pleine à craquer et il est impossible de les garder tous à l’intérieur. Qu’ils se reposent sur leur propre couchette. Qu’ils reviennent si leur cas s’aggrave. Tu as du mal à savoir où donner de la tête. C’est bien différent que de travailler dans un hôpital d’une grande ville. Ici, la pression est plus grande. Elle maintient ton esprit concentré de lever au coucher du soleil, ne te laissant que peu de temps pour te restaurer ou te soulager. Dès le début, le médecin t’a sollicitée pour un cas particulièrement grave. Une jambe à couper et une hémorragie à arrêter. Pas le temps d’agir dans l’ordre, il faut tout faire en même temps. D’autres attendent d’être soignés. Le soldat a été immobilisé, un tissu sale dans sa bouche et ton supérieur s’est échiné à couper l’os pendant que tu étais concentrée à entailler l’endroit où le sang coulait à flot dans son abdomen.

Agir vite.

Agir rapidement.

Agir efficacement.

Tu as été morte de peur d’échouer, mais cette émotion est partie aussi rapidement qu’elle est arrivée. Tes mains recouvertes de sang ne tremblent plus et tes gestes ne sont plus hésitants. C’est pour cette raison que le docteur te laisse agir librement, te laisse prendre des initiatives et écoute tes commentaires. Certes, tu n’as aucune expérience des soins sur le terrain, mais tu es assez réfléchie et débrouillarde pour ne pas te retrouver perdue parmi tous ces gémissements, ces supplications. Il y a tant à faire. La presse, les informations, les médias mentent quant à la réalité horrifique de la guerre, mais tu commences à saisir pourquoi. Si jamais les civils venaient à apprendre la vérité, les drames, l’horreur, les terreurs nocturnes, les traumatismes, les conditions déplorables et les dépressions, jamais personne ne voudrait s’enrôler pour n’importe quel poste. Personne ne voudrait se rendre utile d’une manière ou d’une autre. Alors, tu n’as pas décroché la mâchoire depuis ton arrivée, obéissant aux directives données. Tu es parvenue à arrêter l’hémorragie, mais la douleur a fait augmenter la fièvre du patient et il a sombré dans l’inconscience. Il n’y a plus qu’à espérer qu’il se réveille. Cela lui laissera une chance de survivre et de pouvoir rentrer au pays. Peu d’entre eux auront cette chance. Beaucoup pourront repartir sur le front après un court temps de repos, d’autres expireront leur dernier souffle dans un lit de fortune, loin de tous ceux qu’ils aiment.

Le chirurgien a fait appel à une seconde infirmière, te laissant t’occuper de ceux ne nécessitant que de rapides soins. Tu te laves les mains dans une eau usagée. Ce liquide vital est précieux, il faut l’économiser au maximum. Tu t’essuies sur ton tablier autrefois blanc avant de repartir à ton travail. Il est midi passé, mais tu n’as pas faim. Tu n’as pas le temps d’avoir faim. Tu es en train de panser une blessure à la tête lorsque tu sens une présence derrière toi. Tu ne te retournes pas. Tu as beaucoup de travail et si ce que l’inconnu a quelque chose à dire, qu’il parle et s’en aille. Les visiteurs sont interdits.

— T’as toujours eu des doigts de fée.

Tu te tends. C’est lui. Ton regard se durcit alors que tu fais un nœud solide au bandage autour du crâne. Une fois cela fait, tu te diriges vers un autre patient. Blessure à la main. Blessure volontaire. Il veut fuir le combat. Qui ne le voudrait pas…

— Écoute, je ne veux pas revenir à notre altercation, je sais que je ne mérite pas ton pardon. Je voulais juste que tu saches que je tiens toujours à toi. Ça change rien à ta colère, c’est sûr, mais… voilà.

Ignore-le. Ignore-le. Ignore-le.

— Ash’, je vais rejoindre ton frère sur le front.

— Tu sais où il est ?

Ça y est, tu as brisé ta décision de ne plus t’occuper de lui. Il suffit que l’on parle de ton frère pour que ta langue se délie et que tu te retournes, le regardant avec ta mine inquiète.

— Je ne peux pas te le dire.

— James. Où est mon frère ? insistes-tu.

Tu t’es approché de lui. Assez près pour qu’il puisse poser sa main sur ton bras, pour qu’il te domine de toute sa taille et te force à lever la tête vers lui. Cet abruti avec son mètre quatre-vingt-cinq. Son regard est doux et c’est très dur pour toi de ne pas te laisser berner par tout ce qui émane de lui. N’oublie pas ce qu’il a fait. Il ne tient pas à toi. Tu n’es qu’une poule de plus.

— Tout ce que tu dois savoir, c’est que je vais le retrouver et que je vais veiller sur lui. Je te l’ai promis, après tout.

Il t’offre un sourire que tu ne lui rends pas. Tu ne peux pas. Pas alors que tu sens une chape de plomb dans ton estomac. Pas alors que tu es morte d’inquiétude pour ton aîné. Pas alors que l’homme que tu es censé détester s’en va à son tour. Alors, tu ne peux qu’opiner du chef, détourner le regard, jouer avec le bandage entre tes mains. Au final, c’est lui qui finit par te lâcher et s’écarter avant de déposer un tendre baiser sur ta joue. Il recule. Tu ne fais rien. Il te tourne le dos. Tu ne bouges. Il sort de la tente.

— James, attend !

Tu le rattrapes, gardant tout de même une distance sécuritaire pour qu’il ne cherche pas à te prendre dans ses bras ou à t’embrasser une nouvelle fois. Il se retourne, te regarde et tu as du mal à ne pas baisser les yeux, à rester neutre.

— Soyez prudent. Tous les deux.

— Tu as ma parole.

Il a envie d’en dire plus, d’en faire plus. Cependant, la bouche reste close, le corps reste immobile. Jusqu’à ce que tu souffles un bon coup et fasse demi-tour. Tu as encore beaucoup de blessés à soigner et lui doit rejoindre son bataillon d’Infanterie avant qu’il ne se fasse rappeler à l’ordre malgré son rang de sergent. Pas d’au revoir. Pas de salutation. Il n’y a rien de tout cela. Tu as déjà assez baissé ta garde comme cela en lui adressant la parole, en lui demandant de faire attention à lui et à ton frère, Jeff. Jefferson, ton frère de trois ans ton aîné. Il avait un avenir tellement prometteur, mais il a fallu que la guerre arrive et qu’il prenne part au combat, souhaitant défendre son pays, que ses parents soient fiers de lui, qu’ils se souviennent de lui comme ayant combattu pour défendre la paix, la justice et la liberté. Mais il faut que tu te ressaisisses et retrouves ton professionnalisme. Tu n’es pas venue pour rêvasser. Alors, tu fais promptement demi-tour jusqu’à la tente de l’infirmerie où des soins doivent encore être donnés.

Ou des gens doivent être sauvés.

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— Allez… j’suis sûr qu’une aussi gentille infirmière que toi peut me soulager.

— Soldat, des vrais blessés attendent d’être soignés alors, soit vous me lâcher immédiatement, soit je m’en vais référer votre comportement à votre supérieur.

— Eh bien, vas-y. Qu’est-ce que t’attend ? Ton supérieur est dehors et fume sa clope, ta copine est à sa pause et si tu regardes bien autour de toi, personne va lever le p’ tit doigt pour venir t’aider.

— J’en serais pas aussi sûr, si j’étais toi.

Vous tournez la tête tous les deux et tes yeux s’écarquillent de surprise alors que tu reconnais la tête qui vient de prononcer la dernière phrase. Pas le reste du corps. Tu ne comprends pas ce brusque changement physique. Il ne peut pas changer en si peu de temps. En à peine deux ans. Pourtant, tu reconnaîtrais son visage entre mille. Alors, totalement ébahie, tu ne bouges alors qu’il s’approche du gros lourdaud et prévient qu’il ne se répétera pas. Qu’il s’éloigne de toi avant qu’il ne le regrette. Malheureusement, l’autre ne se laisse pas démonter. Et s’il t’a lâchée, te permettant de reculer quelque peu, il semble prêt à vouloir en découdre. Comme si c’était le moment. Comme si c’était l’endroit. Le gars va pour porter le premier coup, mais le plus grand esquive avec une facilité quasi déconcertante et lui donne une bonne droite sur sa pommette. Perte d’équilibre. Chute. Il ne lui faut pas longtemps pour saisir qu’il ne fait pas le poids. Alors, il fuit sans se retourner, sans jurer de se venger. Ton sauveur se tourne enfin vers toi et tu as tout le loisir de le détailler. Bel homme.

— Ils sont toujours comme ça avec toi, Ash’ ?

— Steve ? C’est bien toi ? t’exclames-tu, plus que surprise.

— Ouais. Je sais, j’ai un peu changé.

— Un peu ?! Tu n’as plus rien de celui taillé dans une biscotte. À croire que la guerre te réussit mieux qu’à d’autres. Mais c’est quoi cet accoutrement ?

Tu n’y as pas prêté beaucoup d’attention, mais ses vêtements sont… ridicules. Tu ne trouves pas d’autres mots. C’est bleu. C’est rouge. C’est blanc. C’est propre. Décidément pas des habits pour un combattant de la liberté. Vraiment. Qu’est-ce qu’il fait dedans ? Qu’est-ce qu’il fait ici ?

— Ah, oui. C’est une longue histoire.

— Si tu me racontes la version courte, je suis toute disposée à t’écouter. Je n’ai plus aucun patient à soigner pour le moment.

— J’ai encore dix minutes devant moi.

Alors, Steve te raconte dans les grandes lignes. Son admission dans la section scientifique de l’armée, sa rencontre avec le docteur Erskine, le sérum, sa transformation, son entrée dans le monde du spectacle.

— Eh bien. Tant de choses en si peu de temps.

— Et toi ? J’ai cru comprendre que tes patients souhaitaient un peu de ta gratitude.

—… T’en fais pas pour ça, réponds-tu en te refermant comme une huître. Ce n’est pas le premier imbécile à croire qu’il peut obtenir plus qu’un bandage.

— Et ça se termine comment généralement ?

— On n’est jamais toute seule longtemps.

— Ash’…

— Insiste pas, s’il te plaît, Steve. S’il te plait.

Il te regarde, t’étudie de haut en bas et ce n'est plus comme en dix-neuf cent quarante-et-un. Ton masque est parfaitement ajusté. Tu restes bien, droite, digne. Il n’y a que tes yeux qui vacillent, mais ton ami acquiesce enfin, accepte de clore cette désagréable discussion. Tu le remercies silencieusement. Tu comprends que cette situation ne lui plaise guère, mais tu ne veux pas en parler. C’est une partie de ta vie que tu ne veux partager avec personne. Seulement avec la solitude et la nuit. Pas même avec Peggy. Gentille Peggy avec qui tu as pu sympathiser et te sentir un peu moins seule. Elle en a fait du chemin pour arriver là où elle se trouve actuellement. Tu l’admires. Ce n’est pas une banale infirmière comme toi qui pourrait agir comme elle. Alors, tu ne montres aucune faiblesse, ne craques pas, ne pleures pas bien que l’envie soit grande. D’en parler à quelqu’un. De t’effondrer.

— Steve ! Quelqu’un a vu Steve ?

— Je dois y aller. Mais je te retrouve après, c’est promis.

— Fonce, Captain America, acquiesces-tu avec un pauvre sourire.

Sa silhouette disparaît sous la pluie et tu retournes à ton inventaire. Ce n’est pas une surprise de constater que vous manquez de bandage. Les réapprovisionnements ne sont pas venus depuis deux mois. Bientôt, vous ne pourrez plus soigner qui que ce soit.

Vous ne pourrez plus nourrir qui que ce soit.

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— Miss Fox, je croyais m’être bien fait comprendre. Pas de prochaine altercation où je demanderai votre mutation immédiate pour incompétence,

— Sauf votre respect, monsieur, mais je fais mon travail d’infirmière ainsi que le vôtre quand vous êtes trop occupé à fumer ou coucher avec Lindsey. Vous saviez qu’elle était une jeune mariée ? Et si vous ne voulez plus qu’un gros lourdaud tente de soulever ma robe, faites leur comprendre que leur sexe n’est pas une seringue.

Ta voix claque dans l’air, profitant que vous soyez seuls pour que tu laisses monter de quelques volumes. Tant pis si quelqu’un passe et surprend votre conversation et ton langage. Tu as découvert avec le temps que la vulgarité facilitait la compréhension chez certaine personne. Du coup, tu as appris à ne plus rougir en proférant une injure et plus avoir peur d’utiliser le mot pour telle chose. Appelons un pénis, un pénis. Le médecin devant toi rougit de colère. Il est estomaqué de ta répartie, sans doute trop habitué à ce qu’on se taise et baisse le nez lorsqu’il parle, lorsqu’il cherche à s’imposer. Mais il est tombé sur un os en essayant de t’intimider de la sorte. Non seulement, tu ne te laisses pas démonter, mais tu rétorques ouvertement, refuses de courber l’échine. Cela le déstabilise, augmente sa colère, mais tu t’en fiches. Tu te moques du brouhaha qui augmente de seconde en seconde, de l’apparent mouvement de foule. Cela n’attise pas ta curiosité, mais la sienne, oui. Il te glisse un « nous en reparlerons plus tard » et s’en va. Ton sang bouillonne sous la colère et la fraîcheur de la pluie ne t’aide en rien à te calmer. Ce so… ce… salopard veut te rendre responsable de la tentative viol. Il veut te rendre responsable de toutes les autres fois. Tes mains tremblent de colère et prendre de longues respirations t’est totalement inutile. Il faut que tu t’exprimes. D’une manière ou d’une autre. Mais ce n’est ni le lieu, ni le moment. Alors, il faut que tu continues à encaisser, que tu prennes tellement soin de ce masque qui ne te quitte plus.

Tes pas te mènent jusqu’à la foule, te frayent un chemin et tu peux apercevoir Steve dans son costume digne des dessins animés de Disney. Son bouclier dans une main, le casque encore fiché sur sa tête. Tu écoutes les hommes expliquer aux nouveaux arrivant de quoi il retourne, et tu ne peux empêcher tes yeux de s’écarquiller alors que tu distingues sa silhouette. James Buchanan Barnes. Tu avais fini par le croire avec les morts et tu t’es surprise à le pleurer. Lui, au même titre que ton frère. D’ailleurs, tu le cherches du regard, espère qu’il va apparaître, te fasse exploser de joie et de soulagement. Mais tu ne le vois pas et tu as un besoin viscéral de le savoir. Alors, tu profites que le plus haut gradé s’éloigne de la foule pour le rejoindre en trottinant.

— Colonel Phillips. Colonel !

— Qu’y-a-t-il, jeune femme ? J’ai pas l’ temps de palabrer sur le problème des stocks.

— Ashleigh Fox, monsieur. Et je ne viens pas parler des problèmes de stocks bien que nous allons cruellement manquer de bandages étant donné que les réapprovisionnements ne nous parviennent pas jusqu’en Italie et que…

— J’ vous écoute, mais faites vite, coupe-t-il sèchement.

— Savez-vous si un certain Jefferson Fox est porté disparu ou…

Tu n’arrives pas à terminer ta phrase.

— Au début de tout c’ merdier, j’aurais pu vous répondre, mademoiselle Fox. Mais avec ce sauvetage, je peux que vous conseiller de vous renseigner auprès de ces gars. Ils auront sûrement la réponse.

Tu acquiesces et le remercie, comprenant que cela ne sert à rien d’insister et que tu dois partir. Tu sors alors de la tente et te diriges vers celle de l’Infirmerie, convaincue que les blessés vont certainement affluer et que tu pourras en profiter pour poser tes questions. Peut-être même l’apercevoir et le soigner, le traitant de tous les noms pour son inconscience, la peur qu’il t’instille dans les veines. Et cela ne manque pas. Il y a beaucoup de monde et c’est très difficile de tout gérer avec seulement trois personnes. Le médecin et l’infirmière en second – son amante –, s’occupent des blessures graves, tandis que tu bouges ici et là pour apporter les premiers soins nécessaires. Bientôt, tu es obligée de déchirer quelques morceaux de ton tablier blanc pour l’utiliser comme bandage. Tu scrutes les visages, interroges, mais ne vois pas ton aîné et les hommes ne savent pas où il se trouve, ne se souvenant pas de l’avoir vu avec eux. La peur commence à t’étreindre l’estomac et tu ne peux que commencer à imaginer le pire.

— Ashleigh !

Tu te retournes et tu te retrouves plaquée contre une masse, son odeur familière envahissant tes narines. Seigneur, que sa simple présence t’avait manqué malgré tout le mal qu’il t’a fait. Mais tu ne bouges pas, ne l’enlaces pas en retour. Il ne faut pas que tu cèdes, que tu ne lui fasses pas croire que tu as oublié la souffrance qu’il t’a infligée. Au final, il finit par se reculer et tu ne peux que remarquer sa mine à la fois soulagée et attristée, son bandage de fortune entourant tout son torse. Ses côtes.

— Je suis si content de voir que tu vas bien. Je ne savais pas qu’il t’avait mutée en Italie.

— Il se passe beaucoup de choses en deux ans, réponds-tu laconiquement.

— Ouais, c’est vrai.

— James. Où est mon frère ?

Il ne répond pas. Pourquoi il ne répond pas ?

Ce n’est pas normal.

Qu’il arrête avec ce silence. Il est gênant. Il est horrible. Il faut qu’il te réponde, qu’il t’aide à comprendre la situation, car tu n’y arriveras pas toute seule, pas cette fois. À la place, c’est votre ami qui se place à ses côtés et te regarde avec un air aussi désespéré que cela t’énerve d’être prise ainsi en pitié.

— Ash’. Ton frère n’a pas survécu.

La phrase claque. Douloureuse.

Violente.

Tu te sens pâlir et tes mains trembler, un grand froid s’emparant dans ton corps.

— Un de nos gardiens se marrait en nous battant tous. Il montre quelques ecchymoses encore bien visibles sur ses bras. Jefferson était avec nous. J’ai essayé de le protéger, mais les coups l’ont affaibli et quand il n’a plus été capable de se relever à cause de son état, ils l’ont emmené dans un autre endroit du complexe. On a pu tuer le salopard qui l’a mis dans cet état, mais on a rien pu faire pour Jeff’. C’était trop tard.

Mort. Ton frère, ton grand-frère est mort.

— Ash’, je suis désolé, s’excuse doucement James en tentant de poser une main sur ton bras.

— Ne me touche pas, recules-tu agressivement.

— Ash’. Hydra a fait subir la même chose à Bucky, te rabroue ton ami blond.

— Qu’est-ce que tu veux que ça me fasse, rétorques-tu.

— Fox ! Vous demanderez un autographe plus tard !

Tu vas pour t’en retourner à ton travail quand une main te retient par ton poignet et tu n’as pour seul réflexe de faire face et de gifler la personne de toutes tes forces. Qu’on ne te touche plus. Tu ne veux plus qu’on te touche. Pas avec tout ce que tu as enduré. Tu incendies du regard James qui te fixe comme s’il découvrait une étrangère. Il ne te reconnaît pas, mais tu t’en moques. Il se passe beaucoup de choses en deux ans.

— Ne m’approchez plus. Tous les deux.

Ta voix est sèche, glaciale et tu te détournes enfin d’eux, ne te préoccupant de la rassurante phrase de Captain America « Ne t’en fais pas. Elle va se calmer. Laisse lui du temps ». Comme si ce n’était qu’une vulgaire crise, qu’une passade. Tes mains tremblent alors que tu concentres sur les soins à apporter, sur les plaies à nettoyer, à soigner. Tu sens quelques larmes poindre, mais tu les combats et renifles, n’ayant plus rien pour te moucher. Tu ne peux pas t’effondrer maintenant. Il faut que tu tiennes au moins jusqu’à ce soir. Et même là, tu devras te montrer discrète quant à ton abattement, tes larmes.

— Vous allez pas bien, mam’zelle, constate gentiment un patient épuisé.

— Ce n’est rien.

Tu as juste perdu un être cher.

Et haï deux autres.


Texte publié par Edda T. Charon, 16 février 2020 à 19h06
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