Adamanth écarquilla les yeux.
– Quoi ?
– C’Bibe qui l’a dit, se justifia Picarel avant de piquer une nouvelle fois du nez dans son verre.
Entre l’alcool et toutes les informations glanées ici et là au cours de la journée, il s’en trouvait fatigué. Il avait beaucoup cogité, dans le bar et sur le trajet, sur les divers couples que Bibesia, Sytry et d’autres démons, qui s’étaient greffés à la discussion, avaient évoqués. Sur les indices manqués, les conduites suspectes qui auraient dû l’alerter. De quoi en remplir des pelles ! Incapable de démêler le vrai du faux, il en venait à suspecter tout le monde. Combien de romances, de couples d’un soir et d’ententes étranges avait-il ainsi ratés ? Il devait savoir !
Le démon gloussa, ce qui lui fit relever la tête. Qu’y avait-il de si drôle ? Lui se sentait plutôt d’humeur dramatique. Ou triste. Ou nostalgique. Ou… en fait, il ne savait pas trop, mais ce n’était pas positif.
– Tu me rassures, je commençais à me demander si Michael ne cachait pas le fait d’être polyamoureux, en plus du reste.
Picarel le considéra avec perplexité, les yeux écarquillés. Sytry haussa juste un sourcil.
– Hein ?
– Bah oui. Parait qu’il va voir Lucifer de temps à autre… M’est avis que ce n’est pas que pour le travail !
Picarel le jaugea bêtement, incapable d’appréhender le sous-entendu dans ces mots.
– Il n’y a pas d’autres solutions. Nous devons nous rendre en Enfer pour récupérer cet objet. La question serait plutôt : qui envoyer ?
La question, sentencieuse, résonna un instant dans le silence de la pièce. Les anges de rang inférieur se regardèrent, angoissés à l’idée d’être désignés. Était-ce leur faute si cet imbécile de Picarel n’était pas venu leur amener l’objet ? Ils en avaient tant à trier et à répertorier qu’ils n’étaient pas en mesure de poursuivre tous les récalcitrants dans la seconde même !
Ils craignirent de voir leur peur se concrétiser lorsque le regard de Michael se posa sur eux, avant de passer sur les autres Archanges.
– Vu les lieux, je serais pour envoyer une troupe –
– Ne risquerions-nous pas de déclencher une guerre, si nous faisons cela ? s’exclama Gabriel, effrayé. C’est un peu tôt pour l’Apocalypse, et ce n’est pas à nous d’en décider !
– Sans compter que les démons se questionneront forcément sur la raison d’une intervention aussi musclée, et nous risquerions ainsi d’attiser leur curiosité pour cet objet, renchérit Uriel en retirant ses lunettes pour masser ses yeux. Quand ils comprendront de quoi il est question, évidemment, car il est illusoire de les croire trop stupides pour ne pas finir par l’apprendre.
Michael grimaça puis abdiqua.
– Seulement un ou deux agents, donc.
Le silence s’installa un moment tandis qu’il réfléchissait. Pendant ce temps, la plupart priait pour ne pas être sélectionnés. Aucun ne se sentait qualifié – la plupart d’entre eux n’étaient même pas des combattants. Se rendre en Enfer serait un enfer ! Quant à réussir la mission et à revenir vivant…
Michael soupira. Le choix était difficile, car restreint. Ce n’était pas à la portée de n’importe quel ange d’infiltrer l’Enfer pour se mettre en quête d’un objet sans savoir où il se trouvait, et pour s’en sortir vivant en comptant uniquement sur lui-même. Très peu en étaient capables ; après tout, c’était l’union qui faisait la force des anges. Ne restaient que les Archanges eux-mêmes. Il jugeait Raphael trop stupide pour la tâche et il était même sûr qu’il leur faudrait ensuite monter une mission de sauvetage pour le récupérer ; ils ne pouvaient décemment pas le laisser là-bas, sans compter que Dieu l’appréciait énormément. Gabriel aurait sans doute été le plus qualifié mais sa fiabilité restait discutable. Il avait une chance sur deux pour que ce dernier évoquât des messages sibyllins, possiblement imaginaires, à livrer en urgence, ce qui le rendrait indisponible pour cette mission. Il lui était toujours possible de l’y forcer mais le temps pressait, et veiller à ce qu’il se rendît bien à la localisation voulue l’épuisait rien que d’y songer.
Il émit un autre soupir. Il n’était vraiment pas aidé.
– Je vais y aller. Moi-même.
Il en profiterait au passage pour étrangler Picarel, une fois qu’il le retrouverait, car il le rechercherait lui aussi. Cela le consolerait du voyage.
Si l’ange n’était pas déjà mort à cause de sa bêtise, cela allait de soi. Combien de fois avait-il dû lui sauver les fesses en catastrophe ?
– Je viens aussi.
Michael tourna la tête vers Uriel, les yeux agrandis de surprise, comme le reste de la tablée. Uriel était un Archange relativement discret et intervenait assez peu hors du Paradis, contrairement à ses trois homologues. Sa proposition représentait donc une surprise pour tous.
Le Prince allait protester mais ce dernier s’empressa de se justifier :
– Pour éviter que tu ne crames tout sur ton passage et que tu ne nous provoques une guerre avec Lucifer.
Michael renifla avec dédain mais ne répliqua rien. Il n’avait pas tort ; la probabilité n’était pas négligeable. Lucifer et ses sbires étaient si exaspérants… Il finit par acquiescer après une brève hésitation. Sans être un ange combattant, Uriel restait bien plus puissant que leurs pairs, suffisamment pour se débrouiller et ne pas constituer un poids mort pour lui.
– C’est entendu.
Une vague de soulagement assaillit les autres anges, ravis de ne pas être du voyage, surtout avec les deux désignés. Quelques-uns se demandèrent brièvement s’ils ne seraient pas plus effrayants, en mission, que les démons susceptibles de les croiser.
Ils en vinrent à plaindre Picarel de les avoir à ses trousses.
Ainsi prit fin la réunion et tous se dispersèrent pour vaquer à leurs occupations respectives. Cependant, l’un d’eux ne retourna pas directement à son poste. Minitel, petite ange replète aux boucles rousses, profita du désordre pour se glisser au-dehors de la foule et s’éclipser. Après une dizaine de minutes à fureter à l’extérieur parmi les nuages, elle aperçut un ange aux boucles blondes penché sur une nouvelle sculpture duveteuse encore peu identifiable, colorée dans les nuances de bleu – peut-être un kitsune, avec ses innombrables queues ? Elle le reconnut à ses ailes grises tachetées de blanc. Elle l’interpella :
– Cockatiel !
Ce dernier se retourna, surpris. Elle se précipita vers lui avant de lui attraper les épaules pour le secouer.
– Il faut qu’on parle, c’est urgent ! C’est à propos de Picarel ! Il va mourir !
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