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– Effectivement. Je te présente Pika, je l’ai rencontré il y a quelques jours, répondit Sytry. C’est un sous-fifre de Byleth alors ne sois pas étonnée si ce n’est pas une flèche, tu connais ses standards.

Picarel se sentit un peu vexé. Sous-fifre ? Pas une flèche ? Était-il en train de le traiter d’idiot ?... Ce n’était pas sa faute si l’Enfer se composait d’un bordel sans nom, illogique et incompréhensible !

– Oh, vraiment ? ronronna la démone. Pourquoi le traines-tu dans ton sillage, dans ce cas ? Tu ne portes jamais aucune considération aux démons inférieurs.

A ces mots, elle s’approcha de Picarel pour le détailler avec curiosité. Celui-ci identifia alors les effluves qu’elle exhalait et haussa les sourcils sous l’étonnement : de l’alcool ! Pourtant, elle semblait sobre ; c’était comme si le liquide suintait de tous ses pores.

– Les choses changent. Je le trouve amusant. Sa lubie, surtout. Pika, je te présente Bibesia.

– Sa lubie ?

– Courir après une limace dans tout l’Enfer.

– Oh !

Tandis que Bibesia riait, Picarel considéra Sytry, le cœur serré. Certes, il avait déjà conscience que Sytry n’avait pas proposé son aide pour ses beaux yeux… mais était-ce tout ce qu’il représentait pour lui, même après tout ce temps passé ensemble, quand lui-même voyait en lui un ami ? Il se morigéna. Comme s’il ne se doutait pas déjà que c’était à sens unique !

Il remarqua alors que les deux démons s’étaient tus et semblaient attendre une réaction de sa part. Pourquoi ? Il n’en avait aucune idée. Il fronça les sourcils et finit par lâcher :

– Je suis censé vous connaitre ?

Il songea qu’il devait être sur la bonne voie lorsque les quatre yeux de la démone s’agrandirent. Elle croisa les bras, froissée.

– Eh bien, je sais que je ne suis pas aussi connue qu’Asmodée ou Lucifer, mais quand même ! Mon établissement est un lieu incontournable connu de tout l’Enfer !

– Voyons, Bibi, je te l’ai dit, il vient de chez Byleth. Tu sais bien qu’il ne faut pas trop leur en demander ! intervint Sytry avant de chuchoter à l’oreille de Picarel : Elle est la gérante de ce bar et la démone de l’ivresse.

– De l’ivresse ? hoqueta Picarel.

– Hm, tu n’as pas tort ; on peut dire que son ignorance colle bien au niveau habituel des crétins ignorants de ce cher Byleth. Le pauvre, je me demande toujours pourquoi il s’encombre de ces imbéciles…, lâcha Bibesia avec une moue avant de retrouver ses sourires. Enfin, j’imagine que l’on ne peut pas t’en vouloir, donc.

Picarel se sentit vexé mais s’abstint du moindre commentaire. Il préféra fixer Sytry d’un air blasé voire un peu fâché, car c'était lui qui l’avait trainé jusqu’ici. Ce dernier haussa les épaules, et Picarel fut incapable de conclure s’il s’agissait d’un geste d’excuse ou d’indifférence totale envers ce qu’il essuyait.

Quand il s’extirpa de ses pensées, Bibesia se tenait derrière le bar, Sytry s’était rassis et les deux démons échangeaient avec animation.

– … ici ?

– Nous étions chez As’ avec Byleth. Comme tu dois te douter, ils sont en train de prendre du bon temps tous les deux – enfin trois avec Bahomet –

– Ah, ce petit coquin d’As’, il ne changera jamais ! Toujours à accueillir ses invités de la même manière !

– Pas tout le monde, non ! rit Sytry.

– Pas faux ! Enfin, lui, il le mérite.

– Tu ne manges pas ni ne bois ? lâcha soudain la seconde tête à Picarel.

L’ange sursauta et se rendit compte que celle-ci le fixait avec insistance.

– Cela ne te convient pas ? renchérit la première. Nous pouvons te servir autre chose si tu le souhaites. Il suffit de demander.

Le regard de Picarel, troublé, erra entre les deux têtes.

– C’est-à-dire que…

– Il ne connait pas la maison ni vos spécialités, sans compter qu’il doit être un peu intimidé, fit Sytry en agitant la main, un sourire goguenard sur les lèvres.

Les deux têtes gloussèrent. Picarel devina que quelque chose lui échappait et il baissa les yeux vers son assiette. En quoi était-ce sa spécialité ?

– Nous ne servons que de l’alcool, ici. Normal, c’est un bar. Et je suis la démone de l’ivresse. Mon but – que je n’ai jamais caché, j’ai ma réputation, après tout – est que personne ne ressorte d’ici sobre. Enfin, encore faut-il réussir à sortir.

– Euh… ?

Autant cela expliquait les ivrognes en loque qui semblaient être là depuis des jours, autant c’était moins le cas pour le mijoté devant lui.

– Les plats que nous proposons sont tous à base d’alcool, ajouta-t-elle alors, satisfaite.

– Oh !

Il se retourna vers Sytry.

– Ton objectif est de me rendre ivre ?

Celui-ci lui adressa un petit sourire mutin. Picarel fixa alors son verre et son contenu. Il avait craint un poison ou autre chose mais après tout, pourquoi pas, si ce n’était que cela ? En lui-même, il devait avouer que sa curiosité à l’égard de ce liquide défendu était attisée depuis un moment. Peut-être était-ce le moment de l’assouvir. Et puis, il saurait se montrer raisonnable, il ne s’agissait que d’un test. Finir comme Saint Pierre ne le tentait pas !

– Alors, je te sers autre chose ou… ?

Picarel porta le récipient à ses lèvres avant d’avaler une grande gorgée, qui coupa court à la question.

– J’imagine que cela veut dire non, répondit Sytry, amusé.

Après quelques gorgées et quelques bouchées de plat alcoolisé, Picarel se sentit plus détendu. Il ne savait même plus pourquoi il était là mais il était heureux. Il ne savait pas pourquoi il l’était non plus mais il l’était, c’était indéniable.

– … et Azpoté qui veut se – hic ! – faire des trucs avec Uriel ! Uriel ! Hic ! Faut être fou pour vouloir ça, nan ? Hic !

– Oh, il a encore parlé de son crush pour lui ? fit Bibesia, vivement intéressée.

– Yup, confirma Sytry.

Tous deux fixaient Picarel avec amusement. Il était avéré que ce dernier ne tenait pas l’alcool. Puis Bibesia secoua ses deux têtes, faussement désolée.

– Le pauvre… Il devrait pourtant savoir que ça ne marchera jamais, Uriel couche avec Michael.

– Uriel couche avec – hic ! – Michael ? répéta Picarel dans un cri.

Dans la surprise, il avait ouvert la bouche, et des rigoles de sauce s’échappaient désormais de ses lèvres. Trop hébété, il ne s’en rendit pas compte.

Bibesia acquiesça tandis que Sytry secouait la tête pour réfuter.

– Bien sûr !

– Ou pas ! On n’en sait rien. Tu les as vus, tous les deux ?

– Non, mais c’est évident ! Comment Uriel est-il devenu Archange, après la chute de Lucifer, d’après toi ? En couchant avec Michael, évidemment ! Leur couple fait très ‘La Belle et la Bête’ avec Michael en Bête –

– Ce n’est pas un argument, ça, ricana le prince.

– En plus, Michael ne lui crie pas dessus et il est familier avec lui. Tout concorde.

– Hein ? fit Picarel, perdu. Hic.

– Et je suis sûre que Michael a des hobbies bizarres, lui aussi – qu’il cache, bien sûr, pour faire genre. Je le vois bien soumis à Uriel dans l’intimité –

Le rire de Sytry interrompit sa diatribe. Les deux têtes firent la moue, avant de rouler des yeux.

– Un jour, tu verras que je dis vrai. Ces deux-là couchent ensemble !

– J’ai hâte d’en voir la preuve !

– T’inquiète pas pour ça ! Et, oh, tu as entendu ce qu’on dit sur Gabriel en ce moment ? Que ses tendances à fuir seraient en fait…

Picarel cligna des yeux, hébété. Au fil de la discussion, les rumeurs et les couples s’enchainèrent, de sorte qu’il ne sût bientôt plus où en donner de la tête. Où étaient le vrai et le faux, là-dedans ? Le saurait-il jamais ? Devrait-il le demander à Uriel, à Michael ou à… ?

Sur ces questions d’importance, sa tête bascula en avant pour y rencontrer son assiette presque vide et il se mit à ronfler avec enthousiasme.