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Cockatiel s’écarta de son œuvre pour l’admirer sous tous les angles. Ses yeux se mirent à briller et il joignit les mains, un sourire extatique sur les lèvres. En même temps, un élan de fierté le saisit. Il n’était pas bourré de talents mais s’il y avait bien quelque chose pour lequel il était doué, c’était la sculpture sur nuage ! Un énorme maneki-neko mêlant des tons rose, mauve et violet, le saluait d’une patte indolente au gré des courants d’air. Influence japonaise obligeait, ces derniers temps il accumulait les sculptures de ce style.

– Trop kawaii !

Soudain, il remarqua qu’une effiloche en fine moustache commençait à s’affaisser. Il s’en rapprocha pour la remettre en place et dans son geste, il ne vit pas la silhouette qui se glissa dans son dos. Elle resta quelques secondes immobile, jusqu’à ce que Cockatiel reculât dans le but d’apprécier une fois de plus son ouvrage et ne butât sur elle. L’ange sursauta violemment et se retourna. Un autre ange le dévisageait, l’air désabusé. Il le reconnut à sa silhouette maigre, son teint pâle, sa crinière noire et surtout, ses yeux inquisiteurs qui le scrutaient avec avidité – selon lui –, en quête du moindre petit potin à se mettre sous la dent. Il pâlit.

– R-Raguel !

Le délateur des anges, celui qui aimait rapporter le moindre des faits et gestes de ses pairs pour son petit plaisir – surtout les anecdotes fâcheuses –. Personne ne désirait être sa prochaine victime.

– Q-quel plaisir de te voir !

Sa tête catastrophée démentait ses propos.

– Q-que… pourquoi es-tu là ?

Raguel haussa un sourcil qui inquiéta Cockatiel. De toute façon, tout geste de sa part était source d’inquiétude pour lui.

– Pourquoi n’y serais-je pas ? Nous sommes toujours au Paradis et j’ai le droit d’être ici.

Cockatiel ne sut que répondre, alors il resta bêtement la bouche entrouverte. Raguel l’observa quelques secondes, ce qui lui tira quelques frissons.

– Où est ton ami ?

– M-mon ami ? Quel ami ?

Il en avait plusieurs, mais il n’était pas tout le temps collé à la plupart d’entre eux –

Oh non, c’est Picarel.

– Celui avec qui tu traines tout le temps… Picarel, c’est ça ?

Cockatiel paniqua. Que dire ? Que faire ? Inutile d’essayer de parlementer avec lui, s’il savait, tout le monde au Paradis – y compris les Archanges et Michael ! – sauraient tous pour lui.

– A-ah ! Picarel ! Oh, b-bof, j-je n’en sais rien, il doit trainer quelque part… essayer d’installer un hamac entre deux nuages, ou autre chose… enfin, se prélasser quelque part, quoi. Vraiment, je n’ai aucune idée d’où il se trouve en ce moment !

Le regard dubitatif de son vis-à-vis l’effraya.

– Bizarre, vous êtes toujours fourrés ensemble, pourtant. Surtout pour faire ce genre d’idioties…

Il désigna l’énorme chat du doigt. Cockatiel se força à rire et se frotta la tête, suppliant n’importe lequel de ses pairs d’attirer l’attention de Raguel ailleurs.

– Pas toujours, nous ne sommes pas collés ensemble –

– On aurait pu le croire.

– Et puis, où voudrais-tu qu’il soit, sinon ? En Enfer ? Ah, ah, ah !

Il regretta aussitôt ses paroles et son rire mourut dans sa gorge alors que Raguel plissait les yeux et le dévisageait, une lueur étrange dans le regard. Peut-être en avait-il trop dit. Il grimaça.

– E-et sinon, pourquoi tu le cherches, tout à coup ? Tu as besoin de le voir ?

– Non. Juste de vérifier quelque chose…

Sur ces mots, Raguel ouvrit ses ailes et s’envola pour partir. Cockatiel ne fut en rien soulagé.

**

De la visite de la demeure de Byleth, Picarel n’avait presque rien retenu, si ce n’était que cet endroit était un véritable labyrinthe au nombre incalculable de pièces et que leur agencement était totalement loufoque. A présent, il se tenait, sidéré, sur le toit-terrasse avec Adamanth. Une dizaine de hamacs et de transats avaient été installés. Tous étaient occupés, essentiellement par des chats à poil. Ils portaient des lunettes de soleil noires, alors qu’aucun astre n’éblouissait leurs yeux, et se prélassaient. Il ne comprenait pas. Byleth lui avait proposé d’être son serviteur en échange de sa protection, alors pourquoi Adamanth l’avait-il conduit là ?

– Euh, je suis sensé faire quoi ?

Peut-être devait-il assurer le service ? Il gémit de désespoir. Il n’avait jamais officié en tant que serveur de toute sa vie et il ne savait pas comment il fallait s’y prendre ! Assurément, il allait tout casser –

Il fut interrompu dans ses pensées par une silhouette humaine, une femme, qui apparut sur le toit-terrasse, un plateau à la main. Une dizaine de verres de divers cocktails s’y tenait, serrés les uns contre les autres. Elle en tendit un premier en direction d’une main levée qui le récupéra, ce qui le plongea dans la perplexité.

– Bof, rien de particulier.

– Hein ?

Picarel se tourna vers Adamanth, incrédule.

– R-rien ? Comment ça, rien ?

Ils fichaient quoi, ses serviteurs, alors ?

Adamanth haussa les épaules avec nonchalance.

– Bah rien, ça veut dire rien. Tu n’es pas chez Mammon ou Asmodée ici. Tu te souviens ? Le Seigneur Byleth s’occupe, entre autres, des paresseux… Ce sont les Ames Damnées d’humains qui exécutent toutes les tâches au sein de la demeure.

Picarel sursauta à la phrase. Il désigna la femme qui finissait ses allées et venues entre les transats et s’exclama :

– C’est une âme humaine ?

Adamanth suivit la direction de son doigt pour voir ce dont il était question et s’en étonna.

– Tu ne l’avais pas remarqué ?

Picarel secoua la tête en signe de dénégation, hébété. Jamais il n’aurait cru voir une Ame ici. Alors elles ne finissaient pas toutes dans un chaudron à hurler de douleur ou à être torturées d’autres manières ? Celle-ci paraissait bien portante et sa peau exposée ne montrait aucun stigmate d’une quelconque maltraitance. Elle disparut à l’intérieur de la demeure et Picarel continua de fixer son sillage, éberlué.