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Était-il possible d’halluciner simplement à cause de la joie ? Picarel se le demandait, car il n’avait rien bu pour expliquer la vision à laquelle il était confronté à présent. Il n’avait pas bu depuis plusieurs heures – il était assoiffé, d’ailleurs, en y pensant – et il n’avait pas mangé non plus. Il n’avait rien consommé d’autre, identifié ou non, et il ne lui semblait pas avoir respiré de gaz étrange. Vraiment, rien dans ses souvenirs n’expliquait la scène sous ses yeux. Il jeta une œillade vers ses camarades ; la bouche grande ouverte de Cockatiel, associé au haussement de sourcils surpris de Sytry – il n’obtiendrait sans doute rien de plus de lui – le confortaient dans l’idée qu’il n’était pas tout seul. Une hallucination collective, donc.

De Byleth en train de prendre tranquillement le thé en compagnie d’Asmodée, de Michael et d’Uriel, les deux démons faisant face aux deux Archanges. Soit. Une scène paisible entre des représentants de haut rang des deux partis ennemis, uniquement séparés par un plateau rempli de gâteaux et des tasses fumantes, excepté celle d’Uriel, tenue en l’air alors qu’il s’apprêtait à boire. Michael, lui, ne touchait à rien mais demeurait stoïque, chose exceptionnelle compte tenu de son aversion pour les démons. Oh, et un troisième ange derrière les deux Archanges, il ne l’avait pas vu. Picarel ne le connaissait pas et n’était pas sûr de vouloir le connaître ; il était aussi expressif qu’une porte de prison. Il haussa les épaules.

C’était une vision comme une autre.

L’illusion fut aussitôt brisée par un Michael qui bondit hors de sa chaise, toute trace de stoïcisme envolée. Dans son mouvement, il cogna la table et la tasse d’Asmodée se renversa sur ce dernier. Il ignora les protestations du démon et pointa un doigt accusateur vers Picarel.

– Toi !

Picarel resta d’abord planté sur place bêtement, la boîte contenant Nana à l’intérieur entre ses mains. Vraisemblablement, Byleth n’était plus de son côté, s’il l’avait vendu à Michael ! Le traître, c’était bien un démon, tiens ! Il détermina qu’un repli stratégique était nécessaire. De ce fait, il alla se cacher derrière Sytry, dont les traits se contractèrent en une moue goguenarde, à la suite de Cockatiel.

– Bande de traîtres, et vous vous planquez derrière un démon, en plus !

Comme Byleth restait sur sa chaise, placide, Uriel se résigna à intervenir.

– Michael, naturellement qu’ils se planquent derrière lui ; celui qui a l’air de vouloir en faire de la chair à pâtée, ici, c’est toi. Maîtrise-toi, nous ne sommes pas venus là pour les tuer.

– C’est vrai ? fit Picarel d’une petite voix, en sortant un œil de sa cachette.

Uriel soupira avant d’acquiescer, tandis que Michael se rasseyait dans un grognement.

– Bien sûr. Nous sommes venus pour récupérer la statuette que tu étais supposé nous rapporter, et te ramener au passage. N’était-ce pas pour cela que tu es venu en Enfer, toi ? Le prévenir de notre venue et de notre motivation ? ajouta-t-il à l’égard de Cockatiel. Tu as perçu nos intentions de manière bien étrange – mais j’imagine que certains détails n’ont pas aidé, concéda-t-il avec un coup d’œil à Michael.

Ce dernier garda le silence, comme si le sous-entendu ne lui était pas adressé. À la place, il croisa les bras sur son torse. Son air imperméable était revenu.

– Pourquoi est-ce vous qui êtes venus, alors ?

Le sous-entendu était clair : leur réputation n’était plus à refaire.

– Lui ? Parce qu’il ne voyait aucun ange capable de s’infiltrer seul en Enfer et d’en ressortir vivant avec l’objet hormis Gabriel et lui-même – mais Gabriel… peu importe. Moi ? Pour éviter qu’il ne provoque une guerre au passage – parce que c’est ce qu’il se serait passé, soyons honnêtes, fit-il en s’adressant à son Prince. La première chose que tu as voulu faire, c’est foncer chez Lucifer pour lui dire ta façon de penser sur la désorganisation de son territoire.

Michael eut un reniflement de dédain mais se refusa à répondre.

– Et lui ? demanda Picarel en désignant Shrapnel, toujours dans l’ombre d’Uriel.

Uriel prit un air blasé, voire un peu froissé.

– Lui ? C’est l’ange que Michael a décidé d’assigner à ma protection. Comme si je n’étais pas capable de l’assurer moi-même. Autant dire qu’il n’a servi à rien.

L’ange ne montra pas le moindre signe de vexation. Picarel en fut admiratif.

Picarel et Cockatiel sortirent alors de leur cachette, un peu rassurés. Le regard d’Uriel se baissa sur la boîte.

– J’imagine que c’est Nana, la limace que tu es venu chercher ? Byleth nous a tout expliqué.

Picarel jeta un coup d’œil peu assuré à ce dernier. Celui-ci lui adressa un petit geste de la main qu’il fut incapable d’interpréter. Était-ce un signe d’encouragement ou pour lui dire d’aller se faire voir ? Finalement, il acquiesça pour répondre à Uriel.

– Bien. Ceci étant réglé, plus rien ne te retient ici, désormais.

Uriel avait raison et Picarel avait toujours su que cela finirait par se produire, ayant même ardemment souhaité la survenue de cette issue le plus rapidement possible. Pourtant, à présent, quelque chose le gênait. Il se tourna vers Sytry. Pour une fois, le visage de ce dernier était indéchiffrable.

– J’imagine…

– Où est l’objet ? demanda Michael avec sévérité.

– L’o – Oh, je l’ai remis dans ma poche, répondit-il, avant de l’en sortir pour le leur montrer.

Michael se leva et s’empressa de le rejoindre pour récupérer la statuette. Il vérifia son authenticité ainsi que son intégrité avant de hocher la tête. Il la rangea dans sa propre poche.

– Bien ! Il n’y a plus qu’à rentrer au Paradis, à présent.

– Et nous ? couina Cockatiel. On peut rentrer… comme ça ?

Michael adressa un regard froid aux deux anges vagabonds.

– Bien sûr.

– Pas de punition ?

– Cela dépend du sens qu’on lui donne.

Cette phrase ne rassura pas les deux concernés.

– Euh… c’est-à-dire ?