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– Quel honte ! Pactiser avec des démons –

– Ils n’ont pas pactisé avec, Michael. Du moins, rien ne le prouve pour le moment.

Uriel et Shrapnel l’avaient retrouvé à l’extérieur du centre commercial, après qu’il eut été semé par le trio en fuite, écumant de rage et lançant des imprécations dans le vide. Par chance, la zone était déserte ; par conséquent, pas de témoin, et donc aucun démon pour les identifier ou pour leur chercher querelle. Dans le cas contraire, l’aura menaçante de Michael les aurait prévenus qu’il leur était préférable de fuir très loin de lui.

– Bien sûr que si, ils étaient avec le Prince Sytry ! Et pour quelle autre raison auraient-ils fui, si ce n’est à cause de la culpabilité ?

Uriel s’abstint de laisser entendre qu’il n’était pas réellement étonné que la vision d’un Michael furieux en train de foncer sur eux en hurlant à la traîtrise eût eu un tel effet sur eux. Peu auraient eu le courage de l’affronter, même sans cela.

Michael repéra alors les sacs dans les mains d’Uriel. Il fronça les sourcils.

– C’est quoi, ces sacs ?

– Des achats.

– Ça, j’avais deviné ! Mais pourquoi –

Uriel le fixa d’un œil torve qui le réduisit au silence. Il hésita avant de décréter qu’il était inutile de pousser les investigations plus loin. Après tout, il avait déjà une idée de ce que cela devait être, dans la veine sadomasochiste ou torture, et il préférait qu’il ne lui divulguât pas les détailer. Ignorer leur existence, c’était bien. Tant que son collègue ne cherchait pas à inclure un ange dans ses activités, tout irait bien.

Il se détourna pour clore ainsi le sujet.

– Bien ! Nous disions donc ?

– Que tu avais perdu leur trace et que nous n’étions pas d’accord sur la question de leur éventuelle traîtrise.

– Ah !

– Cependant, rassure-toi, la question sera vite réglée. J’ai questionné des démons pendant ta course-poursuite. J’ai eu l’occasion de découvrir sous quelles identités nos deux larrons se baladent ici et, surtout, l’identité du démon qui les protège.

– N’est-ce pas le Prince Sytry, celui qui était avec eux ?

– Non. Apparemment, il traine Picarel un peu partout depuis quelques temps pour rechercher une limace et une certaine Nana – qui, vu le personnage, pourrait bien être la limace.

– Une limace ? Qui s’appelle Nana ? tiqua le Prince.

– Oui. Possiblement.

– … OK.

Michael ne chercha pas à comprendre. Ne surtout pas chercher à comprendre.

– Et donc ? Qui est le démon qui le protège ? Enfin, qui les protège tous deux, désormais ?

– Le Roi Byleth.

**

Aussitôt revenus du domaine de Léviathan, les deux anges s’étaient réfugiés dans une chambre pour ne plus en bouger, celle qui avait été attribuée à Picarel. Byleth en avait proposé une autre à Cockatiel mais la perspective de se retrouver seul, dans une salle d’un manoir démoniaque, l’avait conduit à le supplier de partager celle de son ami, prétextant ne pas l’avoir vu depuis tellement longtemps… Certes, ils avaient perdu en place puisqu’un autre lit avait dû être ajouté dans la pièce mais les deux anges en étaient satisfaits : Picarel avait bien entendu accepter la requête de son ami avec joie. Il y avait vu là l’occasion pour eux d’organiser tranquillement des soirées pyjamas et des batailles d’oreillers ou de peluches.

Toutefois, pour l’heure, alors qu’ils venaient tout juste de rentrer, l’ambiance n’était pas à ce genre de réflexions-là, ni aux jeux. Les deux anges peinaient à se remettre de leur course. Leurs poumons étaient en feu et leurs jambes menaçaient de tomber en milliers de morceaux. Tant d’activité n’était pas bon pour leur santé !

– Sytry est rentré chez lui ? demanda Cockatiel, après avoir dégluti.

Le démon avait rapidement disparu après leur retour dans le manoir de Byleth. Ils n’avaient même pas cherché le Roi démon pour lui parler du problème Archanges. Picarel se questionnait encore sur ce qui venait de se produire, si le centre de Léviathan avait pu jouer sur ses peurs et créer une illusion aussi réaliste, tandis que Cockatiel pestait contre lui-même. Dire qu’il était justement venu en Enfer pour prévenir son ami de leur arrivée !

– Il a dit qu’il allait chercher Byleth, pour parler de la présence de Michael, d’Uriel et… et de l’autre, répondit Picarel après avoir repris son souffle.

Cockatiel haussa les épaules. Grand bien lui fît. Picarel hésita avant de reprendre :

– C’é… c’était bien eux ?

– Oui, confirma son ami avec un acquiescement.

– Mais… pourquoi sont-ils là ? Et pourquoi as-tu dit qu’ils voulaient nous tuer ? Et pourquoi Michael avait-il l’air aussi fâché ?

– Michael a toujours l’air fâché, surtout avec des démons à proximité, fit remarquer Cockatiel.

Si Picarel n’était pas tout à fait d’accord avec lui – en temps normal, Michael affichait une mine sévère mais n’exprimait pas toujours de la colère –, il concédait que les démons étaient un sujet sensible pour lui. Les ailes colorées lui apportaient déjà un certain agacement, alors d’anciens anges tombés dans le péché représentaient de véritables disgrâces à ses yeux. Ils entachaient l’œuvre de leur Seigneur. De véritables horreurs chaotiques dans son idéal bien ordonné.

Si cela ne tenait qu’à lui, les démons auraient sans doute été éradiqués depuis longtemps et l’Enfer n’aurait pas eu l’occasion d’exister.

– En fait, reprit Cockatiel, gêné. J’étais justement venu ici pour ça.

– Comment ça ? s’étonna Picarel.

– Je… Minitel m’a appris que les Archanges avaient organisé une réunion, qui portait sur la disparition d’un objet. Celui que l’on a dû récupérer, tu te souviens, la statuette ? Et que tu devais rapporter. Parce que c’était toi qui l’avais.

Picarel le fixa un moment, indécis, puis ses traits s’éclairèrent sous la compréhension.

– Oooh ! Ce truc-là !

Il se leva pour se diriger vers la table de nuit, farfouilla quelques secondes dans son tiroir et récupéra une statuette qu’il montra à Cockatiel. La sculpture hybride, plutôt laide, issue d’un mélange de gorgone et de serpent des mers. Ou une femme particulièrement furieuse et difforme. Enfin, était-ce vraiment une femme ?

– C’est bien de celle-là dont tu parles ?

– Oui.

Picarel retourna s’asseoir sur le lit.

– Mais que veulent-ils à ce truc ?

– Bah, le récupérer.