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tome 1, Chapitre 52 « Des détails laissés en suspens (Part 1) » tome 1, Chapitre 52

– OK. Tout va bien. Nous allons juste mourir –

– Non mais t’inquiète, Sytry va revenir, il ne doit pas être bien loin !

– Non mais tu t’entends parler ?

Cockatiel n’en revenait pas. A présent, ils étaient plantés comme deux planctons au milieu de l’allée, à se dévisager comme des crétins. Il aurait dû se méfier davantage du démon et s’en voulait pour sa négligence, autant qu’il en voulait à Picarel pour être aussi crédule. Pour avoir accepté de suivre Sytry dans ce centre, aussi, dans l’espoir d’y trouver Nana. Et aussi pour être venu en Enfer, tout simplement. Tout cela ne se serait jamais produit sans cela.

Et pourquoi était-il venu, lui, déjà ?

– Et tu n’as toujours pas répondu à ma question, lui rappela Picarel sur le ton du reproche, en croisant les bras.

Cockatiel dut réfléchir quelques secondes pour se remémorer ladite question. Il se retint de se frapper la tête. Et après tout, pourquoi pas ? Autant profiter de l’absence de Sytry. Qui sait, peut-être l’optimisme de Picarel aurait-elle raison, pour une fois, et que le démon réapparaîtrait, tel le sauveur qu’il ne serait jamais ? Ou plutôt, Picarel finirait par réaliser qu’il s’agissait d’un démon et donc un être pas assez recommandable pour faire ami-ami ? A croire qu’il était tombé sur la tête durant ses pérégrinations en Enfer, pour se lier de la sorte à un individu pareil !

Cependant, en repensant au sujet gênant, toute colère s’envola et il rougit. Il détourna le regard, honteux. Il toussota, mais comme Picarel insistait pour qu’il répondît, il abdiqua.

— Je… vous ai vus… tous les deux. Toi avec… couché et lui…

— Tu veux dire, pendant que je dormais ?

— Non ! Vous… vous gémissiez…

Cockatiel eut un frisson. A présent qu’il y songeait, il était incapable d’attribuer les sons qu’il avait entendus à l’un ou à l’autre. La voix se modifiait lorsqu’on criait de peur, peut-être était-ce la même chose avec le plaisir ?

Devant lui, Picarel continuait de le fixer inlassablement, sans comprendre.

– Comment cela, on gémissait ?

Tu veux vraiment que je te fasse un dessin ? Cockatiel hésita à se frapper le front. Non, son ami n’était pas bête à ce point… et d’après ce qu’il en savait, il n’avait pas la mémoire d’un poisson rouge ! C’était juste de la mauvaise volonté, voilà tout !

— Il n’y a pas trente-six façons de gémir ! Vous faisiez cela quand vous… vous… cette histoire de sexualité !

— De seksualithé ? répéta Picarel, un peu hébété.

Puis une lumière sembla s’allumer dans sa tête.

— Oh, ça !

Aaaaaaaah. Le cri, muet, ne franchit pas ses lèvres, mais tout son corps le clamait haut et fort. Quelle indolence, quelle négligence, et nulle trace de culpabilité sur son visage ! Sytry l’avait corrompu jusqu’au bout ! Son ami était fini, il allait être déchu, il allait se transformer en démon ! L’accès au Paradis lui serait refusé et – Enfin, si les rumeurs au sujet de Michael et d’Uriel s’avéraient vrais, peut-être que non ? Dieu ne s’amusait pas à vérifier la chasteté de ses anges à tout bout de champ, apparemment, alors peut-être avait-il une chance, s’il faisait pénitence ? Ce qui n’était pas gagné, cela étant ! Mais même Michael ne s’était pas fatigué à imposer un tel examen à ses subordonnés – peut-être parce que lui-même aurait eu des problèmes s’il avait dû s’y soumettre lui-même ?

C’était bon, il déraillait, tout partait à vau-l’eau.

— Comment peux-tu parler d’un tel sujet de cette façon ? s’écria Cockatiel, indigné.

Picarel haussa les sourcils, perplexe.

— Bah… j’en parle normalement. Et puis, en fait, je n’ai rien dit. Tu parles bien du cours de Sytry ?

— Un cours ?

Alors c’était sous cette étiquette-là que Sytry avait glissé sa tentative réussie de corruption ? Le vil ! Pas étonnant que Picarel se fût fait avoir. Quoique, c’était quand même bizarre qu’il se fût montré assidu… il ne l’avait jamais été au Paradis. Le comble !

— Mais bon, je me suis endormi un peu trop tôt, je n’ai toujours pas compris… Sytry m’a dit qu’il m’en trouverait d’autres de meilleure qualité…

— Comment cela, il t’en trouverait d’autres ? D’autres quoi ?

Cockatiel devint livide. Parlait-il d’objets que Sytry avait décidé de tester sur lui ? Lui servait-il de cobaye ? C’était immonde ! Il fallait le soustraire de son influence infecte !

— Des vidéos !

Le cerveau de Cockatiel marqua un arrêt. Le redémarrage prit quelques secondes, puis le temps d’enregistrer et d’analyser les deux petits mots qui venaient d’être prononcés…

— Hein ?

Il fixa son ami, ahuri. Des vidéos ? Pourquoi parlait-il de vidéos ? Quelles vidéos ?

– Eh bien, difficile de vous rater, tous les deux, on vous entend crier à des kilomètres ! plaisanta Sytry, soudain revenu à leurs côtés.

– AAAAAAAAAAAAAAH !

Cockatiel fit un bond en arrière pour s’éloigner de l’apparition soudaine qui le contempla avec étonnement, une sucette en bouche. La main portée sur son cœur, il le pointa du doigt.

– Mais où étais-tu passé, toi ? On te cherchait partout !

– Ah bon, vous me cherchiez ? Pourtant, vous n’avez pas bougé d’un iota depuis que je suis parti. Et j’avais plutôt l’impression que vous discutiez, tous les deux, releva Sytry avec un gloussement.

– Tu étais passé où ? demanda Picarel, curieux.

Le démon tenait, calé sous son bras, une mystérieuse boîte cubique. Ses surfaces lisses et miroitantes renvoyaient des reflets colorés sur leurs vêtements. Aucune trace d’ouverture n’était visible, aussi il se demanda s’il s’agissait réellement d’une boîte.

Sytry la désigna.

– Faire le plein de sucreries, bien sûr ! J’ai vu ma boutique habituelle alors je m’y suis précipité, j’ai un peu oublié de vous prévenir –

– Un peu, répéta Cockatiel sur le ton de l’ironie.

Sytry leva les mains en signe de défense, exprimant une culpabilité factice et un regret tout aussi faux.

– Oui, je craignais qu’elle ne parte avant d’avoir l’occasion d’y aller. Bon, on continue ?

Aucun des deux anges ne comprit sa phrase mais ils ne s’y attardèrent pas et ils reprirent leur route. Sytry babilla un moment tandis que les boutiques défilaient à leurs côtés, rivalisant de charme, tantôt attrayantes, tantôt effrayantes pour les deux âmes innocentes selon ce qui était proposé : des vêtements, des pâtisseries, des objets de décoration, des objets de torture, des outils de luxure… Un vrai paradis en Enfer, selon les termes de Sytry ; on y trouvait de tout, et le choix était incommensurable ! Une chose existait, elle était trouvable en ces lieux.


Texte publié par Ploum, 15 octobre 2022 à 15h12
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