– C’est certain ! appuya Byleth d’un hochement de tête tandis qu’intérieurement, il ricanait.
S’il savait, le pauvre… Il en avait même deux exemplaires chez lui, désormais. Il était clair que le duo faisait de bonnes recrues pour son domaine.
– Et pour ton autre démon ?
Ah… Adamanth ! Le souci était un peu plus corsé, peut-être, en un sens – à présent que le précédent était résolu avec une relative facilité étonnante. Démêler ce qu’il était supposé avoir fait serait déjà une première étape. Ce qui ne serait pas une sinécure.
Cette journée promettait d’être affreusement longue.
Cockatiel n’aurait jamais cru penser cela en Enfer, mais là, tout de suite, il se sentait bien. Il avait l’impression d’être en sécurité, une sécurité relative, certes, et sans doute illusoire, mais le cadre autour de lui l’y aidait. En même temps, comment ne pas se détendre dans une pièce remplie de plaids, de coussins, de transats, de hamacs et de chats qui ronflent ? De murs aux couleurs pastel qui invitaient à l’assoupissement et à la relaxation ? Jamais il ne se serait attendu à un tel décor à l’intérieur de l’antre d’un démon ! Était-ce juste Byleth, le Roi des Paresseux, ou y avait-il d’autres surprises ailleurs dans ce monde ? L’ange se posait honnêtement la question.
Au moment où Sytry l’avait attrapé pour s’enfuir avec, Cockatiel ne savait pas si c’était réellement une chance ou si sa situation allait juste de mal en pis. Lorsqu’ils s’étaient rendus chez Byleth, Cockatiel avait cru ne passer que d’un geôlier à un autre. Picarel avait mis du temps à lui expliquer la situation – et ce qu’il s’était passé pour lui depuis son arrivée, par la même occasion : que Byleth l’avait couvert – et les couvraient tous deux, désormais – en prétendant qu’ils étaient des démons sous ses ordres, dans l’espoir de plaider sa cause auprès du Paradis – il pouvait toujours rêver mais cela les arrangeait. Cockatiel avait cru halluciner à l’entente de son récit, effaré par la chance incommensurable que Picarel avait eue ; car il ne devait sa survie qu’à cela, pour avoir croisé le chemin, comme par hasard, des ‘bons démons’ derrière lesquels se réfugier. Étant donné la rapidité de sa propre capture, Cockatiel n’avait aucun doute sur le fait que le mieux était d’imiter Picarel et de rester planqué sous les jupons immatériels de Byleth. Et son soulagement était tel qu’à aucun moment, il ne pensa à ce qui avait déclenché sa propre venue, et donc à parler d’Uriel ou de Michael. Il estimait juste sa chance d’être encore en vie, sans avoir subi non plus de séance de torture ou d’ébouillantage en prime. Picarel, trop heureux de le voir, ne le questionna pas à ce sujet, ce qui ne l’aida pas à se le rappeler.
Cependant, une chose chiffonnait Cockatiel dans cette histoire : le Prince Sytry. En particulier la relation que Picarel entretenait avec lui, à force de le côtoyer. Il n’avait parlé de lui qu’en bien, et Cockatiel hésitait, pour justifier ce constat, entre sa naïveté ou une tout autre raison. Pas que Picarel eût à reprocher quoi que ce fût à Byleth non plus, mais il était passé bien plus vite sur son cas lorsqu’il l’avait évoqué. Le fait de le voir si maussade depuis que Sytry avait avoué qu’il ne viendrait pas pendant quelques jours, le temps que Byleth l’oubliât, ne le rassurait pas.
– Tu penses quoi de Sytry, exactement ?
Picarel cligna des yeux, surpris, avant de détourner les yeux, un peu gêné. Le ventre de Cockatiel se noua tandis que son ami examinait les alentours, pour vérifier qu’aucun individu attentif ne les fixât. Il n’y avait personne, si ce n’étaient les félins endormis.
– Je… je peux te dire un secret ? Tu me promets que tu ne diras rien à personne ?
Oh non, dites-moi que j’ai mal entendu ? Cockatiel acquiesça, la gorge nouée. Picarel vérifia une nouvelle fois autour d’eux avant de se jeter à l’eau :
– Sytry, je crois que… je le considère comme mon ami.
Cockatiel hésita un instant, se demandant s’il avait bien dit ami ou plutôt amant, comme ses pires craintes le supposaient. Mais non, il avait définitivement entendu le ‘i’.
– Hein ?
– Cela n’a rien d’officiel, je veux dire, je n’en ai jamais discuté avec Sytry et je… j’hésite à en lui parler. Je sais qu’il est plus que probable que ce soit à sens unique –
– Attends, pause, stop ! Tu es sûr de parler d’amitié, là, et pas d’amour ?
– D’amour ? Mais pourquoi tu parles d’amour ? Pour l’amour, c’est évident !
– Quoi ?
– Le Seigneur nous a dit d’avoir de l’amour pour toute chose –
– Mais je ne te parle pas de celui-là, idiot ! En plus, on parle d’un démon !
– Tu parles duquel, alors ?
Picarel réfléchit un instant puis lâcha :
– Tu veux parler de celui des humains ? Avec les couples ? L’amour romantique ?
Cockatiel acquiesça. Picarel haussa les épaules.
– Je ne crois pas. Je ne vois même pas ce que c’est.
Cockatiel se retint de se frapper le front. Il aimait bien Picarel, vraiment… mais parfois, il était juste…
– Comment peux-tu me dire ‘non’ et ‘je ne sais pas ce que c’est’ dans la même phrase ? Si cela se trouve, tu l’es mais tu ne t’en rends juste pas compte !
– Mais non !
– Mais si !
– Mais non ! Je sais ce que c’est, un ami, et c’est ça ! Et pourquoi, vu que je ne sais pas, alors ce serait forcément ça ?
– Cela dépend. Tu le désires ?
– Quoi ?
– Tu ressens du désir pour lui ?
– Mais je ne sais même pas de quoi tu parles !
– Tu as couché avec lui ?
– Quoi ? Cou-quoi ? Je ne sais pas ce que c’est non plus, tu parles dans une autre langue ! Ou alors, tu parles de dormir avec lui ? Mais en quoi ce serait un problème ?
Cockatiel soupira de soulagement. Cela répondait à la question. Si cela s’était produit, il l’aurait su… Il l’aurait su, n’est-ce pas ?
– Bref, peu importe. Donc, tu le vois comme un ami ?
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