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tome 1, Chapitre 45 « La meilleure façon de cuisiner un ange (Part 2) » tome 1, Chapitre 45

Et voilà que, dans ses cauchemars horrifiants, ses délires aux odeurs de ténèbres, de soufre et d’embruns marins, tandis que la Mort moqueuse approchait à grands pas sur son destrier squelettique, un fouet de vertèbres en main, accompagnée par son cortège de corneilles, il se mettait à entendre la voix de son ami. Il était fini.

Le groupe de cuisiniers démoniaques se tourna comme un seul homme vers la voix et Cockatiel finit par ouvrir les yeux. Ses hallucinations n’étaient pas qu’auditives ! Car se tenaient devant eux, de l’autre côté de la grande table en bois qui servait de plan de travail, un individu qui ressemblait à s’y méprendre à Picarel, sans ses ailes et son auréole, et un jeune démon d’apparence humaine, aux longs cheveux bleus et aux yeux dorés qui grignotait une sucrerie. Si le premier – il avait beau se frotter les yeux, impossible, c’était toujours l’image de Picarel qui se dressait là – semblait hébété devant la dégaine de Cockatiel, façon saucisson ficelé, le second paraissait amusé, ou ravi… il ne savait pas trop. La situation ne paraissait pas lui déplaire, sans qu’il s’intéressât réellement à la pauvre victime qu’il était. Un démon, quoi. Ce dernier décida d’intervenir, un doigt levé, porté par l’enthousiasme :

– Pour ma part, les amis, je serais plutôt d’avis de cuisiner un ange en pâtisserie – un gâteau, par exemple. J’aime beaucoup les œuvres de Cyril Bouchon, sur Terre, qui ne manquent pas de charme et de goût et sauraient vous inspirer dans vos propres créations.

En fait, si, il s’intéressait à sa situation, mais pas de la meilleure des façons !

Picarel tourna la tête vers Sytry, mi-ulcéré, mi-effaré. Était-il sérieux ? Son air jovial était là mais c’était sa constante, alors difficile à dire. Il lui attrapa le manche, un air suppliant sur le visage.

– Il faut le sauver ! couina-t-il, et ces quelques mots provoquèrent la surprise des cuisiniers.

Quelques regards errèrent sur Cockatiel, interrogateurs. Parlait-il réellement de l’ange ? Certains se firent défiants, mais la présence de Sytry, Prince de son état, empêchait l’esclandre pour le moment.

Ce dernier haussa un sourcil tandis que Cockatiel écarquillait les yeux, tandis qu’il venait tout juste de le reconnaître. S’il avait été un plus attentif aux cours sur les démons que Picarel, il en avait retenu un peu plus aussi, mais il lui fallait du temps pour mobiliser ses maigres connaissances.

– Es-tu en train de plaisanter, Pika ? Pourquoi libérerions-nous un ange ? Et puis, pourquoi nous laisseraient-ils partir avec lui ? Vous nous laisseriez partir avec lui ?

Les cuisiniers le jaugèrent un instant, comme s’ils tentaient d’évaluer le niveau de sérieux de ses questions. Comme il riait en même temps, ils furent incapables de le déterminer.

– … Non.

– Ah, voilà, qu’est-ce que je disais ! fit-il, faussement plaintif.

Picarel insista, ce qui lui valut davantage de défiance de la part des démons qui leur faisaient face. Les remous n’étaient pas assez importants, cependant, pour attirer l’attention des autres près d’eux. Cockatiel, lui, assistait à la scène avec angoisse. Ce devait bien être Picarel, pour insister autant à le sortir de là – un démon lambda, même jumeau de son ami, n’y verrait aucun intérêt –, mais que s’était-il passé pour qu’il se retrouvât en compagnie de Sytry, qui n’était rien de moins qu’un Prince ? Dans le palais de Belzébuth, qui plus est ?

Sytry haussa un sourcil devant son obstination, mais ne montra aucun signe d’embarras.

– Eh bien, nous ne pouvons – Oh, mais attends !

Il fit semblant de scruter Cockatiel plus attentivement, comme si quelque chose avait retenu son attention et réveillé sa mémoire. Celui-ci s’était figé, angoissé. Sytry ignora son malaise et se redressa, comme si l’évidence le frappait soudain.

— Oh, par Lucifer ! Ne me dis pas que c’est Pouik ? Le démon que Byleth a déguisé en ange ? Tu aurais dû me le dire plus tôt ! Je l’ai à peine vu, j’ai eu du mal à le reconnaître !

Picarel le dévisagea d’un œil étrange avant d’hocher vigoureusement la tête, trop heureux du prétexte. Tout ce qu’il voulait, n’importe quelle excuse, pourvu qu’ils sortissent Cockatiel de là !

Le nouvellement appelé Pouik hoqueta d’incompréhension, mais le bâillon l’empêcha de se faire entendre. Les autres démons parurent perplexes.

– Un ange déguisé ?

– C’est quoi encore que ces conneries ? C’est un vrai ! Et pourquoi le roi Byleth aurait-il fait une chose pareille, de toute façon ?

Sytry haussa les épaules avec indolence.

– Qu’en sais-je ? Je ne suis pas Byleth, et il a de ces lubies, quelquefois… Peut-être cela a-t-il un lien avec son désir de redevenir un ange ? Enfin, cela reste moins stupide que l’idée qu’un ange de seconde zone se rende tout seul en Enfer pour… pour faire quoi, au juste ?

Durant sa tirade, Sytry avait fait le tour de la table pour se rapprocher de Cockatiel, talonné par Picarel, un air goguenard sur le visage, comme s’il se moquait de sa propre suggestion. Les cuisiniers hésitèrent et s’entreregardèrent avant de détailler Cockatiel du regard. Les yeux de ce dernier s’étaient faits suppliants.

– C’est vrai que, débile comme il est, il pourrait être de Byleth, se hasarda un démon. Se balader dans les prairies aux plantes carnivores en pleine chasse de crevettes géantes…

— Et puis c’est vrai que c’est bizarre, quand même, un ange qui viendrait tout seul… C’est que ça vient généralement en meutes, ces bêtes-là !

– Mais c’est un ange, cela se voit !

– Comment peux-tu être aussi catégorique ? Qui l’a capturé ?

— Peut-être faudrait-il tirer sur ses ailes pour voir si ce sont des vraies ?

– Alors, je crois que c’était…

Soudain, une explosion retentit à une certaine distance d’eux ; les murs tremblèrent, de la poussière tomba du plafond et tous les regards convergèrent en direction du son. Tous, si ce n’était celui de Sytry, qui se précipita vers Cockatiel pour le caler sous son bras avant de prendre la poudre d’escampette, tirant Picarel derrière lui.

– Au plaisir, les gars !

Lesdits gars n’eurent que l’occasion de voir sa silhouette, encombrée de quelque chose, disparaître dans une pièce adjacente. Avant de constater la disparition de l’ingrédient principal de leur mijoté, rôti ou autre plat encore indéterminé. Leurs yeux retournèrent ensuite là où Sytry et Picarel avaient disparu, soit à l’opposé du mouvement de foule qui se dirigeait vers la fumée opaque, en vue d’éteindre le début d’incendie qui s’était déclaré.

– … J’espère que le Seigneur Belzébuth n’a pas été averti qu’il était censé y avoir une surprise, sinon il va très mal le prendre. Déjà qu’il n’était pas content.


Texte publié par Ploum, 13 octobre 2022 à 20h29
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