Garance avait cru que fausser compagnie à leur escorte ne serait pas très compliqué. Sächen était une ville populeuse, même aux premières heures du jour. Ses rues étaient dans un perpétuel état d’encombrement. Son plan prévoyait d’utiliser ce fait à leur avantage.
Aussi, dès qu’ils s’engagèrent dans la rue principale, au lendemain de leur arrivée, elle échangea un regard assuré avec Wolfgang et d’un même mouvement, ils sautèrent à bas de leur cheval. La jeune femme obliqua à gauche, laissant son compagnon se perdre dans un lacis de ruelles à droite.
Des exclamations retentirent dans son dos. Un coup de feu partit, entraînant encore davantage de cris. Garance profita de la pagaille pour sauter par-dessus une charrette. Une volée de poules se dispersa en caquetant sur son passage. Elle courut, tournant dès qu’elle en avait l’occasion pour semer d’éventuels poursuivants. A cheval, dans ces étroites venelles, les hussards n’avaient aucune chance de les rattraper. Le temps qu’ils le comprissent et réagissent en conséquence, Wolfgang et Garance auraient eu le temps de quitter Sächen.
La jeune femme remonta une rue et jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. Personne ne la poursuivait. Elle ralentit un peu. Wolfgang et elle avaient décidé de se retrouver un peu à l’extérieur de la ville, près de la cabane en ruines qu’elle avait repérée le long de la route, la veille. Si elle parvenait à rejoindre les faubourgs, elle aurait fait le plus dur.
A un pas plus naturel, mais les sens en alerte, la chasseresse continua sa progression. Les maisons étaient si proches les unes des autres qu’il était parfois difficile d’apercevoir une bande de ciel grisâtre au-dessus de sa tête. Une femme vida une bassine par la fenêtre et son contenu s’écrasa avec un bruit mi humide mi spongieux sur le sol de terre battue devant Garance. La chasseresse plissa le nez, sauta par-dessus la flaque et déboucha dans une rue un peu plus spacieuse. Des étals s’accrochaient aux façades à colombages. Elle vit un gamin des rues chaparder un feuilleté à la viande, juste sous le nez d'un boucher occupé avec une cliente charpentée comme un tonneau de bière. Le garçon surprit son regard et une étincelle de peur passa dans ses yeux. Un demi-sourire aux lèvres, la chasseresse lui adressa un clin d'œil avant de poursuivre sa route sans mot dire.
Elle se demanda si tout allait bien pour Wolfgang. Sa détresse la veille l'avait troublée. Le garou n'était pas du genre impressionnable. Si l'idée même de pénétrer dans la forêt le glaçait de la sorte, Garance préférait ne pas en savoir davantage et se tenir éloignée. Ne restait plus qu'à espérer qu'il eût réussi à semer ses poursuivants avec autant de facilité qu'elle.
Elle traversa l'artère commerçante avant de bifurquer dans une ruelle plus étroite. Un pan de grosse maçonnerie grise apparut dans son champ de vision. Le rempart. Elle était donc tout près des faubourgs. Avec un regain d'énergie, la jeune femme se dirigea dans cette direction.
Elle aurait dû se douter que c'était trop facile.
A l'instant où elle mit le pied dans la rue du rempart, elle se sentit observée. Elle voulut faire demi-tour, mais un coup de feu retentit. La balle arracha un morceau de pavé à quelques pouces de son pied. Garance fit un bond de côté. Le cœur battant, elle chercha un endroit où se mettre à l'abri. On ne lui en laissa pas le loisir. Alors qu'elle allait se retourner, elle sentit la pointe d'une baïonnette s'enfoncer entre ses omoplates.
« Bien essayé, Fräulein. »
Garance ferma les yeux et soupira.
Quelques minutes plus tard, la jeune femme fit son entrée entre quatre hussards sur une place surplombée par un beffroi. Plusieurs chevaux s’abreuvaient à la fontaine sous la surveillance d’autres soldats. Parmi eux, la chasseresse reconnut immédiatement la silhouette replète en vareuse terne. Elle se rembrunit.
Lorsqu’ils arrivèrent à sa hauteur, l’homme lui adressa un regard triste.
« Je soupçonnais quelque tentative de cette sorte, soupira-t-il. Mais j’espérais sincèrement que vous auriez l’élégance de tenir vos engagements.
— Nous n’avons conclu aucun engagement, rétorqua-t-elle.
— Je vous ai offert une récompense, cela me semble bien suffisant. Mais puisque vous n’êtes pas de cet avis… »
Le capitaine Hahn s’approcha, impassible, des fers à la main. Les bracelets de métal cliquetèrent quand ils se refermèrent sur les poignets de la jeune femme. Elle en sentit le poids tirer sur ses bras.
« Nous retrouverons votre comparse, reprit l’homme. Et sachez qu’à la prochaine tentative de fuite, mes hommes auront ordre de vous tuer, Fraülein. Après tout, votre présence n’est pas indispensable à la réussite de cette entreprise. Peut-être que cela persuaderait votre compagnon de se montrer plus… coopératif. »
Garance décocha un regard assassin à son interlocuteur.
Ils restèrent là un long moment, tandis que la pluie se remettait à tomber. Bientôt, Garance fut trempée jusqu’aux os. Mais s’ils attendaient ainsi, c’était qu’ils n’avaient pas encore retrouvé Wolfgang et c’était une consolation malgré tout.
Cela ne dura pas.
Au moment où Garance commençait à craindre de se liquéfier à force d’attendre sous la pluie, un attroupement de soldats déboucha sur la place. Wolfgang était avec eux. On lui avait déjà passé des fers aux mains et aux pieds.
« Vous savez ce que je veux, déclara l’homme en vareuse lorsqu’ils furent réunis. Et vous allez me le ramener. Même s’il faut vous couvrir de chaînes ou vous mettre en cage. »
Il se pencha vers eux.
« Ne réessayez pas de vous enfuir. Vous savez ce qui vous attend … », glissa-t-il à l’attention de Garance.
La jeune femme serra les dents. Wolfgang cracha à ses pieds un mélange de salive et de sang. L’homme grimaça et se recula d’un pas.
« Ne le prenez pas de manière si grossière. Ce sont les règles du jeu. »
Garance le fusilla du regard.
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