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tome 3, Chapitre 5 tome 3, Chapitre 5

C’était un bel endroit. On y accédait par un monumental portail gothique à deux arches. L’intérieur tout aussi majestueux tirait profit de son terrain vallonné. Les mausolées régnait à partir des hauteurs. Plus bas des lacs se joignaient à la végétation pour apporter un sentiment de plénitude.

Tout ce soin sonnait presque comme une provocation. Car le cimetière de GreenWood se situait en plein Brooklyn avec ses habitations vétustes. Même les morts étaient mieux traités que les pauvres gens toujours de ce monde.

Parmi les vivants trainant dans ce cimetière deux femmes remettaient à leur manière un peu d’égalité par leurs différences : Anne l’ingénue, et Dominique la femme forte.

Anne assistait à un enterrement en tant qu’ombre. Elle se tenait à l’écart dissimulée par les tombes. Mentor, guide, mère, sœur, amie.... aucun terme n’était assez fort pour définir la place de Séraphine dans son existence. Et c’était réciproque. Séraphine avait confié à elle seule l’imminence de sa mort par maladie.

Plus Anne observait plus elle avait l’impression d’assister à l’enterrement de quelqu’un d’autre. Aucun proche de Séraphine n’était présent. Juste des gens pleurant la mort d’une certaine Élisabeth Winston. A la réflexion pleurer n’était pas vraiment le bon terme.

Ils affichaient juste un air triste de circonstance. Il y avait aussi ce prêtre, qui parlait de Dieu, de péchés, de rédemptions.... Toutes ces notions que Séraphine avaient exclus de son existence.

Anne eut honte d’être venue. Parce que tout comme la famille de cette Élisabeth Winston, elle avait agit au fond par convention. Le final approcha. Chacun vint jeter un bout de terre dans la fosse. Alors qu’elle s’apprêtait à partir, Anne la remarqua.

C’était Séraphine tout craché ! Elle lui manquait juste quelques rides. Les larmes finirent par venir. Anne réalisait enfin que la femme dans le cercueil était bel et bien Séraphine.

Peut-être sous l’émotion poussa-telle un sanglot ou quitta sa place discrète ? Quoiqu’il en soit la fausse Séraphine tourna la tête dans sa direction. Par ce simple regard elle comprit tout.

Ce regard révélait également d’autres choses. Il contenait tant de dégoût. Comment une simple présence pouvait engendrer un tel ressentiment ? Ces chrétiens parlaient tout le temps d’amour. Pourtant ils débordaient de haine au point de ne même pas supporter l’existence d’autrui.

Anne partit mais pas par peur. Simplement parce qu’ainsi elle s’éloignaient d’Élisabeth Winston et surtout rejoignait Séraphine.

Dominique quitta également le cimetière bien plus sereine. Elle y avait fait ce qu’elle devait. Il l’attendait légèrement appuyé non nonchalamment sur l’un des piliers du portail gothique. Benny bénéficiait d’un bon sens de la mise en scène.

Comment avait-il su où la trouver ? Dominique préféra éviter la question par crainte de la réponse. Peut-être avait-il soudoyé voir menacé un de ses proches ?

Dominique fit face tout de même au personnage en venant à sa rencontre. Il était différent de d’habitude. Son éclat naturel paraissait comme absent. Les traits tirés, les vêtements chiffonnés, à première vue son samedi-soir avait dû être agité.

En s’approchant Dominique réalisa son erreur de jugement. Benny ne présentait pas l’air repu suite à une bonne soirée. Au contraire il paraissait harassé à cause d’une mauvaise.

On lisait également en lui de l’impatience. Même si elle le niait, Dominique commençait à avoir peur. Qu’elle pouvait bien être la raison de sa présence ?

A son arrivée Benny retira son chapeau. Le fait qu’il joue encore au séducteur était un bon présage selon Dominique. Toujours dans le flou elle lui répondit par un hochement de tête. Il valait mieux qu’il dévoile son jeu le premier.

« Je suis venu vous dire que tout est réglé. »

Ces mots balancés brutalement n’étaient pas à la hauteur de ce charmeur. Dominique se demandait, s’il ne lui cachait pas quelque chose.

« Qu’est-ce qui est réglé ? »

Cette question parut l’énerver. A vrai dire c’était le but recherché. Dominique lui en voulait toujours au sujet d’une mauvaise surprise. Après la révélation sur Gary, le client avait reçu un nouvel appel téléphonique. La voix était différente à savoir féminine, mais le thème était le même : le faire chanter à propos de son orientation.

« La femme, qui a reprit le chantage. C’était une standardiste téléphonique que j'avais mis dans le coup. Je m'en suis occupé. »

Dominique se contenta de répondre par un second hochement de tête.

Pourtant elle avait d’autres questions à l’esprit à commencer par la signification de « réglé ». Dominique éluda vite cette question tout comme pour l’absence de Gary lorsqu’elle était revenue dans son bureau.

Benny l’avait sûrement emmené par la porte de derrière. Pour où et pourquoi ? Là encore elle préférait l’ignorance.

Une dernière question demeurait. Pourquoi venait-il lui faire ce compte-rendu ? Après tout elle n’était toujours qu’une intermédiaire dans cette affaire. Silencieux Benny attendait visiblement une réaction de sa part. Ainsi il lui donna la réponse sans le vouloir.

Il voulait son approbation. Ce qui renvoyait à une autre question : pour quelle raison ? Benny n’avait jamais fait preuve du moindre intérêt envers elle jusqu’à présent.

« Bon boulot. » Dit-elle alors.

Benny ne remarqua pas son amertume. Il la salua, remit son chapeau, et quitta cet endroit comme un murmure. Dominique crut même avoir rêver de sa venue.

Comment quelqu’un disposant d’une telle présence pouvait-il faire preuve de cette furtivité ?

De nouveau seule Dominique s’offrit une courte pause en observant cet endroit où elle se rendait pourtant régulièrement. Sa tentative de détente tourna court. Ces tombes alignées formaient un tout. Cette organisation en rappela une autre à Dominique. Si Benny se moquait de sa personne, il en allait autrement de son statut.

A force de le côtoyer elle connaissait le fonctionnement du milieu. Il était impitoyable. La moindre erreur se payait généralement cher. Or Benny en avait fait une avec cette standardiste. Alors il veillait à ce que l’on sache, qu’il avait rectifié le tir.

Par « on » il fallait bien évidemment entendre ses pairs. Cela signifiait que Dominique comptait parmi eux. Ce ne fut pas une révélation très agréable. Elle qui se considérait comme une sorte de protectrice de sa communauté, se trouvait à présent dans la peau d’une criminelle.

Son intelligence l’empêchait de se voiler la face du moins à présent. Dominique savait à quoi s’attendre dès l’instant où elle avait fait appel à Luciano.

Les tombes prirent alors un tout autre aspect celui d’un complice. Encore sous le coup de cette révélation Dominique ne savait pas encore quoi ressentir, mais ça viendrait.


Texte publié par Jules Famas, 27 avril 2020 à 19h09
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