Le Lower East Side. Jamais Lucy ne s’était aventurée aussi loin de la forteresse. Son appréhension était encore accrue avec les quelques récits sur l’endroit parvenus à ses oreilles.
En fait d’endroit c’était surtout les gens, qui causaient visiblement problème. Ces fameux juifs parasites, sales, porteurs de maladie, plus proches du rat que de l’humain.
Lucy avait tellement vu sa réalité bouleversée précédemment, qu’elle ne savait pas trop à quoi s’attendre. En fait de rats elle eut à faire à des fourmis. Chaque façade, chaque bout de trottoir, chaque espace était consacré à une activité : une boutique d’usurier, une charrette de rémouleur, un étal de casseroles à même le sol....
Au milieu de toute cette agitation Lucy se sentit perdue dans un premier temps. C’est comme si elle bougeait au ralenti. Comme à chaque fois face à un problème elle se mit à marcher afin que la solution lui vienne. Comme à chaque fois le procédé fonctionna.
Un type visiblement éméché titubait au milieu de la rue. Par chance dans le Lower East Side il y avait toujours de quoi s’accrocher. Lucy prit alors sa direction d’origine. Ainsi poivrots, vomis, et relents d’alcool lui servirent de guide.
Lucy qui ne s’était jamais intéressée au trafic d’alcool, fut surprise par tant de facilité. Qu’est-ce que faisait la police ?
Le temps passa jusqu’à la simple porte d’entrée d’un appartement. Lucy y frappa. Un bout de bois se défit et laissa la place à une paire d’yeux.
« Qu’est-ce que vous voulez ? » Dit son propriétaire.
« Barres-toi. » Sous-entendait-il par le simple timbre de sa voix.
« Je cherche quelqu’un. » Répéta Lucy pour la troisième fois au moins.
« Il n’y a pas de quelqu’un, ici. »
Se trouvant en territoire étranger elle n’insista pas et recula. L’inexplicable alors se produisit. La porte s’ouvrit accompagné d’un « faites vite. »
Comment expliquer ce revirement ? Lucy le comprit bien plus tard. En reculant elle avait dévoilé toute sa silhouette.
Ainsi elle pénétra dans son troisième speakeasy. Même si les précédents se trouvaient respectivement dans une cave, et un garage, la différence ne sautait pas vraiment aux yeux. La même atmosphère suffocante, la même large table faisant office de comptoir, et surtout les mêmes sales gueules. Certains de leurs propriétaires s’approchèrent de Lucy en quête de chaire fraiche. Puis leurs regards s’abaissèrent et leurs excitations avec.
Sans vouloir elle s’était fabriquée une véritable armure. Lucy parvint au bar de fortune sans trop de heurt.
Sur la table étaient éparpillés des verres et des bouteilles. Les bouteilles en question étaient sales, fissurés, et dépareillées. Comme si ça ne suffisait pas elles portaient des étiquettes où étaient écrits grossièrement les noms des boissons supposées.
Lucy se demandait comment des gens pouvaient boire çà volontairement. En ce qui la concerne elle n’avait jamais touché à une goutte d’alcool. L’envie et l’occasion ne s’étant jamais présentées.
Le barman non plus n’inspirait pas confiance. Visiblement il ne semblait pas au courant que la matinée était bien avancée. Il n’était pas réveillé ou à la rigueur partiellement. Aux membres flasques et à l’air endormit s’ajoutait une odeur de renfermé et de sueur.
Malgré ce tableau peu engageant Lucy lui sortit sa phrase clé.
« Je cherche quelqu’un. »
Son putois fut alors sujet à un étrange phénomène. Ses traits s’étirèrent. Ses yeux clignotèrent. La mise en marche prenait du temps.
« Qui ? »
Après un pesant silence ce simple mot sortit péniblement de sa bouche. Ça n’allait pas être simple.
« Je connais pas son nom, enfin son vrai nom je veux dire. »
Son putois se mit d’abord à tanguer un peu. Ce qui eut pour effet de le rendre un peu plus réactif.
« Et pourquoi vous voulez le voir ? »
Le temps de l’autre phrase clé était venu.
« C’est le père. » Dit-elle en tapotant son ventre rembourré.
Sa détermination n’était pas venu à bout de sa prudence. Lucy savait qu’elle pourrait attiser une certaine méfiance en cherchant l’homme de l’imprimerie. Alors elle s’était trouvée un prétexte crédible.
Cette dernière révélation finalisa le réveil du putois.
« Il ressemble à quoi ? »
En guise de réponse Lucy lui tendit un papier. Il s’y trouvait le portrait effectué par Todd sous les indications de Jim.
« Putain c’est Benny ! » S’exclama-t-il les yeux enfin ouverts intégralement.
« Benny ? »
« Benjamin Siegel. » Précisa le putois plus calmement. « Si tu veux un conseil petite trouves-toi un autre père pour ton gamin. »
Elle y était arrivée ! Alors que tout se désagrégeait autour d’elle, Lucy marquait enfin des points. Il ne fallait pas oublier son rôle de malheureuse engrossée pour autant.
« Il a quoi de spécial ? » Demanda-t-elle en cachant son enthousiasme.
« C’est parce qu’il a une gueule d’ange que s’en est un. »
« On est à New York. » Ironisa Lucy n’appréciant pas d’être traitée comme une gamine naive.
« Il ne vend pas juste un peu de gnôle comme moi. »
« Il fait quoi alors ? »
On sentait de l’agacement dans ces dernières paroles. Elle était si proche du but et voilà que ce foutu putois faisait des manières. Il se fit encore désirer en marquant une pause. Puis il leva lentement l’un de ses bras et forma avec sa main un pistolet.
« Voilà ce qu’il fait ! » Balança-t-il avec dureté. « Et ça lui plait. »
Ce message fut comme une sorte de rappel à l’ordre, un violent rappel à l’ordre. Obnubilée par son enquête, Lucy jusqu’ici ne s’était jamais interrogée sur l’après et surtout sur les risques.
Le putois attendait sa réaction à moins que ce ne soit simplement son départ. A présent Lucy devait faire un choix.
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