Peon attrapa quelques fruits, descendit un verre de lait d’avoine en prenant à peine le temps de respirer. Une main se posa sur son épaule.
— Eh, Krasny.
Une pointe de culpabilité l’envahit. Il ne méritait pas ce nom, comme Madder le lui avait toujours dit. Vidal Ioreik se tenait devant lui, étrangement différent : son sourire, toujours peint sur son visage, s’était effacé pour laisser des traits alourdis de fatigue et des yeux pleins de méfiance. À quand remontait leur dernière discussion digne de ce nom ? Depuis peu, Peon rentrait juste avant le couvre-feu, mettant à profit tout le temps disponible pour essayer d’apprivoiser son nouvel élément. Vidal laissa son regard courir sur lui, et Peon eut une expiration agacée. Son ami finit par lâcher, la voix basse :
— Je ne savais pas que les femmes t’intéressaient.
Peon fronça les sourcils.
— De quoi tu parles ?
— Ta Mushadine. Tu passes ton temps avec elle.
Peon s’attendait à ce qu’on lui fasse ces remarques, si bien qu’il s’était préparé.
— C’est une guerrière. On s’apprend des trucs pour progresser.
Vidal se contenta de le scruter en réponse.
— Je te vois rarement, en ce moment.
— Faut que je m’entraîne, t’as vu l’équipe que je me cogne ?
Il pensa à Danaël avec une pointe de culpabilité : en deux épreuves, le Thaelin avait prouvé qu’il n’était pas aussi inutile qu’il l’avait pensé, au tout début. Il avait guidé leurs recherches aux énigmes de Lan. Il avait poussé Mala pour exploser la cabane. Il percevait les choses plus vite que les autres.
Mala. Mala avait la maîtrise de l’air. C’était une mêlée, et Danaël était au courant.
— Peon, soupira Vidal, arrête de mentir. Je te connais.
La grande main chaude de Vidal se casa dans le creux de son cou. Peon l’en délogea d’un brusque mouvement d’épaules. Son ami fronça le nez et rompit le contact. Il lui tendit une enveloppe et Peon reconnut la graphie d’Olek. Avec culpabilité, il pensa à la lettre précédente à laquelle il n’avait toujours pas répondu. Vidal la retint au moment où il essaya de s’en emparer.
— Il est passé où, ce Peon qui avait envie de tout cramer ?
Noyé sous une eau qu’il ne maîtrise pas. Dans une ville où il oublie le son de sa propre langue. Dans des habits qui l’effacent. Peon ne répondit rien et ne croisa pas le regard de son ami. Il tira d’un coup sec sur le papier, et Vidal céda.
— Fais pas de connerie, dit-il d’un ton tranchant qui ne lui ressemblait pas. Nous ne sommes pas là pour niaiser.
— Mêle-toi de ton cul, et fous-moi la paix, gronda Peon.
Il le poussa pour rejoindre les gradins où Danaël attendait déjà, son carnet sur les genoux et son crayon à papier entre les dents, une gourde pleine de thé fumant à côté de lui. Les rayons du soleil donnaient à ses cheveux des reflets dorés, et sa silhouette paraissait encore plus longiligne que d’ordinaire.
— Toi ! s’exclama Peon en le rejoignant.
— Bonjour à toi aussi, soupira le Thaelin en fermant son carnet dans un claquement sec.
— Pourquoi vous nous avez rien dit ?
Danaël fronça les sourcils.
— J’ai beau avoir une intelligence supérieure à la tienne, je suis incapable de lire dans les pensées.
— Mala. Son air. J’ai voulu vous en parler hier, mais vous êtes partis comme des voleurs.
Danaël serra les dents.
— Ça ne te regarde pas.
— Si.
Peon regarda autour d’eux : ils étaient seuls. D’un petit geste de l’index, il fit monter l’eau chaude de la gourde et la fit passer sous le nez de Danaël, avant de la remettre à sa place. Les yeux bleu-gris de Danaël pétillèrent.
— Mala avait raison…
Peon se figea.
— Elle savait que…
— Elle s’en doutait.
Les premiers concurrents amplissaient les gradins, et Danaël baissa la voix. Il lui attrapa le bras avec une familiarité déconcertante pour se pencher vers lui. À cette distance, Peon constata que son nez était parsemé de pâles taches de rousseur.
— Écoute, on se voit à la fin de l’épreuve. Il faut qu’on parle.
Il rouvrit son carnet à la hâte et lut ses notes avec frénésie. En ouvrant un œil, Peon admira l’écriture vive, nerveuse et fine, de celui qui avait appris à faire de belles lettres et qui, même en rédigeant à la hâte, ne parvenait à se détacher de ses manies stylistiques. Quand Mala les rejoignit, Danaël se pencha à son oreille et, d’un seul coup, Peon sentit l’agacement poindre.
— Salut l’Orgoï.
Aomi s’assit.
— Tu leur as parlé ?
Son masque d’indifférence s’était effrité la veille : elle aussi avait été intriguée. L’un comme l’autre avait été frustré de ne pouvoir éclairer le mystère.
— Après l’épreuve d’aujourd’hui.
Elle assentit. D’un seul coup, une vague de surprise secoua les gradins, dans lesquels le public prenait place. Peon suivit le mouvement et observa la tribune d’honneur : Lan s’était installé à son trône sans attendre d’être annoncé. Il lui sembla que le regard du dieu s’attarda dans leur direction avec plus d’insistance. Sans savoir s’il allait être vu par Lan, Peon darda en retour des yeux pleins de colère. Il le détestait.
L’héraldesse de l’empereur arriva après quelques secondes, essoufflée, et combattit son trouble pour annoncer Axiliam. Le Donneur entra dans la tribune sans échanger le moindre regard avec son dieu.
Quand ce fut au tour de Maëlan de prendre place, l’empereur grimpa les dernières marches avec difficulté, les mains sur les genoux, en lutte pour reprendre un souffle qui se refusait à lui. Sa jeune héraldesse lui offrit son bras avec zèle et le soutint avec un peu plus de fermeté que de coutume. Peon déglutit. Si jusqu’alors, ce concours avait toujours été habillé de gloire dans son esprit, il se rendait maintenant compte du sacrifice que cela représentait en voyant ce corps vieilli si prématurément.
Axiliam se présenta au bord de la tribune. Le vent secoua ses boucles blondes tandis qu’ill gonfla sa poitrine pour leur annoncer d’une voix forte :
— Bienvenue à cette dernière épreuve de Lan. Il s’agit de votre dernière chance de marquer des points avant les prochains duels d’élimination.
Cela jeta un froid dans les tribunes déjà clairsemées par les deux premières séries d’épreuves.
— Pour aujourd’hui, il vous faudra ouvrir ceci le plus vite possible.
Axiliam leva la main et montra à tous un objet cylindrique aux dorures accentuées par les rayons du soleil qui le frappaient. En plissant les yeux, Peon remarqua que la mosaïque qui le constituait était un ensemble de lettres, de chiffres et de symboles. Danaël lâcha un gémissement.
— Un cryptex…
— Un quoi ?
D’un coup de menton, Danaël l’incita à écouter le Donneur qui exposait les consignes.
— Chaque cryptex contient un mot de passe différent, qu’il faudra nous révéler pour valider l’épreuve. Ce mot de passe est inscrit sur un morceau de papier coincé à l’intérieur. C’est toujours les plus rapides qui recevront le plus de points.
— Sauf si c’est truqué, maugréa Peon.
— Je vous invite à rejoindre l’arène !
Intrigués, les candidats descendirent les gradins sous les applaudissements mesurés du public, tout aussi curieux et sceptiques qu’eux. Danaël boîta un peu : Peon eut envie de tendre le bras pour qu’il s’y accroche.
Les organisateurs distribuèrent les cryptex dans les rangs. Alors qu’Aomi tendait la main, une femme rabroua son collègue.
— Pour eux, c’est le numéro sept !
— Pourquoi ? tiqua Aomi.
L’organisatrice haussa les épaules.
— C’est l’ordre de Lan.
Depuis la tribune d’honneur, le sourire de Lan le rendait presque laid. Peon renfloua l’envie qu’il avait de lui hurler quelque chose, n’importe quoi. Aomi prit le cylindre numéroté d’un sept d'or et ils se penchèrent tous les quatre dessus.
— Qu’est-ce que c’est ? demanda Mala.
— Un cryptex, répéta Danaël avec un petit soupir condescendant.
— Arrête de te la jouer et explique, s’agaça Peon.
Le Thaelin s’en saisit. Hormis lui, personne de leur groupe n’avait jamais vu un objet pareil. De ses longs doigts d’ivoire, il montra les cinq rondelles juxtaposées de lettres et de symboles.
— Il faut faire tourner les rondelles pour afficher le code que l’on désire. Cela permettra d’ouvrir le mécanisme, dit-il en montrant le bout du cylindre, et de libérer le morceau de papier qui s’y trouve.
— Et comment on trouve le code ?
Danaël haussa les épaules. Peon soupira de frustration.
— Ça peut être un assemblage de lettres, de symboles, de chiffres, le tout mélangé…
— S’il a précisé qu’il nous fallait celui-ci, c’est parce qu’il nous a prévu quelque chose, raisonna Aomi.
Elle fit un geste pour reprendre l’objet, mais Danaël le retint avec force.
— Quoi ? Je veux tester quelque chose !
— Tu ne peux pas. Si une…
Une explosion retentit non loin d’eux. Aussitôt, des cris de douleur éclatèrent : deux membres d’un groupe voisin avaient le visage en sang et les mains en sang. Le maître du vent éclata de rire, et Axiliam fit tomber la sentence :
— Éliminés, malus de quatre-vingt points.
— Si une mauvaise combinaison est rentrée, reprit Danaël, un mécanisme d’auto-destruction s’enclenche.
Peon serra les dents.
— Il nous a déjà fait le coup avec la dernière épreuve, grommela-t-il.
— Oui. Les murs étaient plus solides que ceux des autres, rappela Danaël.
Mala lui tapota le bras, comme elle le faisait de plus en plus souvent lorsqu’elle réfléchissait. Cette proximité agaça Peon sans qu’il ne sache pourquoi.
— Il s’attendait peut-être à ce que les concurrents utilisent la maîtrise de l’air des Thaelins pour exploser tout et sortir, comme on l’a fait. Comme maintenant, cette épreuve est faite pour avantager les Thaelins.
— Oui, il a toujours fonctionné comme ça, assentit Danaël.
— Mais vous vous souvenez ?
Mala se rapprocha et baissa la voix.
— J’ai dû l’aider. Je… La seule maîtrise de Danaël aurait été insuffisante. Il s’attendait à ce que l’un d’entre nous l’aide. Il nous y a poussé.
Peon fut choqué de la facilité avec laquelle Mala venait d’avouer ses origines. Derrière eux, un nouveau groupe avait fait exploser son cryptex, mais l’avait cette jeté avant qu’il n’explose, et l’explosion se déclencha près des premiers rangs des spectateurs, qui criaient d’effroi.
Danaël fut plus rapide à réfléchir.
— Il veut nous passer un message.
— Celui qu’il a compris ce que nous sommes.
Ils échangèrent un regard. Peon mordilla sa lèvre inférieure. Il fallait qu'il le dise. Mala avait eu le courage de l’avouer, alors pourquoi pas lui ?
— Mêlés, souffla-t-il. Le mot de passe. Cinq lettres, ça rentre.
Ils se regardèrent, tous les quatre. Pour la première fois, quelque chose d’imperceptible passa entre eux, une sorte de reconnaissance mutuelle. Comme s’ils s’avouaient qu’au fond, ils avaient toujours su. Danaël papillonna des yeux et opina.
— C’est tout à fait son genre.
— On essaie ? s’impatienta Aomi.
Danaël redonna le cryptex à la guerrière.
— Fais-le, mes mains tremblent.
Elle inspira, puis commença à tourner les rondelles pour assembler le mot. Au moment d’appuyer sur le bout du cryptex pour valider, Peon se rendit compte que sa respiration s’était coupée. Il y eut un “clic” et l’autre bout se dégagea. Aomi le tira et déroula le minuscule morceau de papier, qu’elle tendit à Danaël. Celui-ci renâcla.
— Fapïagaël. Enfant frontière, c’est comme ça qu’on appelle…
— Les mêlés, compléta Peon.
Depuis la tribune d’honneur, le dieu n’avait rien perdu de la scène. D’un geste condescendant, il leur fit signe de venir vers lui. Mala et Danaël échangèrent une œillade terrifiée.
— Nous ne sommes que sous l’autorité de la Divinité Supérieure, leur rappela Aomi.
Elle anvança, la volonté chevillée au corps, et ils ne purent que suivre son mouvement. Danaël ferma les yeux quelques secondes, et exhala un souffle lourd d’appréhension et de crainte. Observé par tous les autres groupes en compétition, et par le public qui faisait exceptionnellement silence, Peon se força à adopter une respiration régulière. Ignorer l’inquiétude. La colère. Se retenir d’attraper la main de Danaël pour le rassurer.
Aomi s’arrêta au pied de la tribune et releva la tête. Depuis cette place, le dieu leur lançait un regard amusé.
— Alors ?
Sa voix mélodieuse donna envie à Peon de lui arracher la gorge. Danaël, le papier dans la main, humidifa ses lèvres et s’éclaircit la gorge.
— Le mot inscrit dans le cryptex numéro sept est fapïagaël.
Des souffles d’effroi retentirent dans l’Amphithéâtre. S’il ne craignait pas de prendre un malus, Peon aurait rétorqué aux autres de regarder ailleurs.
— Vous avez bien entendu, père ? demanda alors Lan par-dessus son épaule. Voulez-vous que je vous le traduise ?
Depuis le fond de la tribune, Maëlan se redressa. Il ignora délibérément son fils pour les regarder eux, Peon et son équipe, les quatre rebuts mis ensemble et qui n’auraient pas dû arriver à ce stade de la compétition. Alors que son attention se concentrait sur eux, son pouvoir, lourd et impossible à enfermer dans une simple enveloppe charnelle, se manifesta et leur tomba sur les épaules. Il sembla à Peon que ses pieds s’étaient enfoncés de quelques centimètres dans le sol. La Divinité supérieure finit par s'adosser à son trône sans avoir ouvert la bouche. Son fils avait perdu son sourire.
— Dis-leur de partir, ordonna-t-il à son Donneur.
— Votre équipe gagne quatre-vingt points à l’issue de cette épreuve.
Une immense vague de soulagement envahit Peon. Incrédules, ses trois compagnons restèrent abasourdis et immobiles durant quelques longues secondes. Il les tira loin de l’attention. Les discussions reprirent autour d’eux, un peu plus mesurées, mais quelques Thaelins leurs jetèrent des regards méfiants.
— On a bien tous les points ? chuchota Danaël.
Peon lui sourit et opina du chef. Mala expira un long soupir tandis qu’Aomi claqua une bourrade entre les omoplates de Danaël. Elle se pencha vers eux pour chuchoter :
— Rendez-vous dehors, nous avons des choses à nous dire.
Puis, de sa démarche fière et hautaine, elle se dirigea vers la Porte Ouest pour quitter l’Amphithéâtre.
— À tout de suite, fit Peon.
Il imita son amie en prenant le chemin de la Porte Nord. Sans pouvoir s’en empêcher, il jeta un dernier coup d’œil à la tribune d’honneur : la malice avait quitté le visage de Lan dont le regard noir les fixait, les uns après les autres. Peon prit bien soin de lui adresser un sourire victorieux.
Ils s’étaient retrouvés dehors, et, à force de tourner dans les rues pour trouver un endroit où ils pourraient manger sans être dérangés, Aomi s’était agacée et avait désigné une gargotte thaeline. Peon vit le plaisir s’allumer dans les yeux de Danaël quand ils se posèrent sur les banderoles criardes décorant la terrasse de bois. La musique virevoltante et joyeuse pouvait s’entendre au-dessus du brouhaha du pavé.
— On mange ici ? dit la Mushadine.
Les autres assentirent. Danaël entra avec excitation, sa jambe douloureuse l’empêchant de se précipiter vers le comptoir. Peon esquissa un sourire. Il devait être heureux d’avoir trouvé un endroit qui lui rappelait son chez lui.
Le propriétaire, un homme avec une bedaine toute ronde et une barbe qui empêchait de deviner son âge, les accueillit avec un grand sourire. Aussitôt Danaël se mit à lui parler en dialecte thaelin, une langue pleine de doubles voyelles, de sonorités légères et de tonalités longues où les pauses n’étaient pas permises. Visiblement, le gargotier devait apprécier l’introduction de Danaël, puisque son rire tonitruant retentit.
— Tu lui as dit quoi ?
— Qu’on avait besoin de beaucoup manger.
Peon resta interdit. Elle était où, la blague ? Le propriétaire les installa dans un endroit un peu plus reculé, loin des habitués qui chantaient des chansons paillardes dans cette langue étrange.
— C’est pas franchement calme, grommela Aomi.
— C’est parfait pour ce qu’on a à dire, répondit Danaël, ils ne feront pas attention à nous.
Mala assentit d’un léger coup de tête fatigué. L’épisode de la veille, la tempête qu’elle avait fait naître semblait l’avoir vidée, même si elle avait davantage d'interactions avec eux. Il se rappela l’étreinte qu’elle avait échangée avec Danaël, l’explication qu’avait fait le jeune homme sur la culture alayie. Peon étudia le profil de Danaël alors qu’il commandait à manger. La ligne fine de sa mâchoire, son nez droit, ses joues creusées par ses hautes pommettes. Connaissait-il autant de choses sur la culture orgoïe ?
— Je crève de faim, lâcha Peon quand le gargotier fit demi-tour.
— T’inquiète, y a plein de fruits sur le plateau que j’ai commandé.
Peon ne répondit pas. Comment savait-il qu’il…?
— Bien ! lâcha Danaël en joignant ses mains. Par où commencer ?
— Peon, intervint Mala, tu es…
Il hocha la tête.
— Aomi m’a aidé à la contrôler.
— Tu vois, je t’avais dit que c’était louche qu’ils soient ensemble. Les Mushadins et les Orgoïs ne se supportent pas.
Mala soupira devant l’air victorieux de Danaël. Le Thaelin adorait avoir raison.
— Ta mère s’appelle bien Garhenae Krasny ? lui demanda-t-elle.
— Comment … ?
— Nous avons trouvé sa trace dans les Archives. Tout comme mes parents. Ma mère est alayie et mon père est thaelin, dit-elle en baissant la voix.
Il fut choqué d’entendre Mala l’avouer avec autant de simplicité face à eux.
— Ton père doit être mushadin, ajouta Danaël à son encontre. Nous avons constaté que notre génétique est en majorité issue de nos mères, ce qui leur a permis de nous cacher…
— Nous ? nota Peon.
Comment ça, nous ? Il s’incluait ? Danaël baissa les yeux.
— La terre s’est réveillée chez moi, chuchota-t-il.
Peon le scruta une fois de plus, chercha son regard bleu-gris sans l’attraper. Ça le frustra. Savoir qu’il avait plus en commun avec cet étranger qu’avec la majorité de ses compatriotes était troublant.
— Nous sommes tous mêlés, et les dieux le savent.
— Attendez, intervint Aomi.
Elle se pencha vers eux.
— Je ne suis pas comme vous. D’accord, je suis bâtarde, mais pas mêlée.
— Oh, Aomi, tu penses vraiment que tu es là par hasard ? demanda Danaël. Tu détonnes trop parmi les tiennes pour ne pas être comme nous.
L’assurance qu’il affichait avait lui donnait un charisme que Peon n’avait jamais perçu auparavant. Le gargotier revint avec un plateau, et sans attendre, Peon se jeta sur une belle poire brillante pour y mordre avec vigueur. Aomi s'adossa au dossier de sa chaise, les bras croisés, la méfiance tirant sur son visage un masque de froideur.
— Si les dieux le savent, alors pourquoi ils nous ont laissé participer ? contra-t-elle.
— Je ne pense pas qu’ils le savaient au début. Gaïa l’aurait détecté en me visitant.
Face à l’incompréhension de Peon et Aomi, Danaël expliqua avec sa pédagogie habituelle :
— Gaïa se projette dans l’esprit des Alayis et les surveille comme ça. Ils ne peuvent rien lui cacher. Et pour répondre à ta question Aomi, je pense que quelqu’un les y a poussés.
— C’est pour ça que Lan ne t’aime pas ? demanda-t-il sans réfléchir.
Danaël sursauta, et se gratta la nuque.
— Oh je… avant même qu’il le sache, il ne m’aimait pas. Il n’aime pas qu’Axiliam et moi soyons proches. C’est son Donneur…
Lui aussi avait été mis à part. Lui aussi avait grandi en se sentant différent, sans comprendre. Axiliam avait-il été son Olek ? Peon fronça les sourcils : l’écart d’âge était trop important pour ça. Mais après tout, les Thaelins étaient connus pour avoir des mœurs plus légères qu’ailleurs…
— C’est bien beau tout ça, intervint Aomi avec agacement, mais si vous avez raison, qu’est-ce qu’on fait ici ?
Mala et Danaël se regardèrent.
— On ne sait pas encore, mais…
— Danaël a remarqué qu’on ne retrouve pas les candidats à la fin des épreuves. Ils disparaissent. Nous pensons que quelqu’un les cherche.
— Chalae… souffla Peon. Chalae a disparu. Et elle était encore dans la course.
— La Mushadine de l’équipe de Baako aussi…
— C’est pour ça que les dieux se sont débarrassés des équipes incomplètes, ajouta Aomi. Pour éviter qu’on s’en rende compte.
Danaël posa ses deux coudes sur la table. Peon fut happé par l’aplomb de son regard.
— Ça me semble clair. Quelqu’un nous cherche et n’attend pas la fin des épreuves.
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