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tome 2, Chapitre 5 « Peon » tome 2, Chapitre 5

Peon gardait les yeux ouverts dans la nuit, fixés sur les reflets des lumières au plafond. Les lanternes des soldats en faction dansaient à travers les petites fenêtres du dortoir et l’empêchaient de dormir. Il n’avait jamais réussi à trouver le sommeil si la pièce n’était pas plongée dans le noir, ni lorsque ses pensées refusaient de laisser son esprit en paix.

Les souvenirs d’un événement qu’il avait occulté lui revenaient de plus en plus en mémoire. Un homme, arrêté et traîné de force vers les geôles, frappé pour être réduit au silence. Le changement est en marche, et vous ne l’arrêterez pas ! Les paroles étranges qu’il avait dites, un monde sans différences, de vrais ges de paix sans la méfiance des dieux. Le vent qu’il avait lancé dans ses cheveux du bout des doigts. Le garçon qu’était Peon n’avait pas compris ce qu’il disait, mais depuis qu’il était enfermé ici, chaque nuit, il ressassait ces souvenirs et réalisait une chose : l’homme avec son air d’Orgoï savait manier le vent. Peon en était sûr, il se souvenait de ses gestes, les mêmes que Danaël reproduisait. L’inconnu de son enfance était un mêlé, et il s’était fait arrêter pour cela.

Il entendait sans le vouloir les domestiques qui se pressaient de ranger le réfectoire, à l’étage du dessous, les respirations et les ronflements de ses camarades autour de lui, les discussions des soldats à l’extérieur et son imbécile d’ami qui troussait une servante dans la pièce voisine. Vidal était exaspérant.

Peon soupira et rejeta ses couvertures. Ses pieds s’engouffrèrent avec habitude dans ses bottines et il se leva. Lui et ses acolytes avaient interdiction de sortir en dehors du palais, mais en dehors de cela, ils étaient libres de leurs mouvements. Même s’il était toujours accompagné d’un soldat qui le surveillait toute la journée, Peon avait globalement les mêmes droits que les autres. De toute façon, Waal savait qu’il ne pouvait enfermer de jeunes Orgoïs dans la force de l’âge entre quatre murs. Peu importe les règles, Peon devait prendre une bouffée d’air frais. Peon se demandait très souvent si les soldats avaient été postés pour assurer leur sécurité ou pour les maintenir enfermés ici.

Il évita de justesse celui qui passait dans le couloir et pressa le pas pour descendre les escaliers. Plusieurs domestiques en charge de préparer la table du lendemain matin avaient fini leur ouvrage et s’étaient éclipsés pour quelques heures de sommeil bien méritées. Peon traversa la pièce en prenant soin de ne pas faire de bruit. Le froid des murs de pierres, pourtant recouverts de tapisseries, vint mordre la peau nue de ses bras. Il vérifia autour de lui : un coup de tête à droite, un coup à gauche, et il ouvrit l’une des fenêtres qui grinça dans un bruit métallique. Cela lui arracha une grimace, mais personne ne vint à sa rencontre. Chanceux, Peon se faufila à travers l’ouverture, sauta dans l’herbe et prit une grande bouffée d’air. Il s’aplatit contre le mur, se rendant invisible aux soldats, qui passaient sur la coursive plusieurs mètres plus haut, puis traversa la bande d’herbes hautes qui le séparait des douves et s’y agenouilla.

Il força sa respiration à s’apaiser. Après un nouveau regard circulaire lancé avec anxiété autour de lui, il plongea ses mains dans l’eau glacée. Les ondulations brouillèrent le reflet étincelant de la lune. Peon serra les dents, le temps de s’habituer à la température.

Sens l’eau. Fais-toi accepter d’elle.

Il entendait presque la voix d’Aomi. Il ferma les yeux, bougea ses doigts sous la surface et, quand il se sentit enfin plus à l’aise, ressortit lentement ses mains qu’il tendit au-dessus de l’eau. Petit à petit, des cristaux de glace se formèrent et se soudèrent. Des doigts, Peon leur ordonna d’aller plus loin encore, d’être plus solides. Peut-être que ce serait pour ce soir. Peut-être que…

— Peon ?

Il se releva d’un bond, l’adrénaline pulsant dans tout son corps avec fureur. Il ne prit même pas le temps de regarder tout autour de lui avant de prendre aveuglément la fuite. Mais son corps, trop longtemps engourdi par le froid et l'immobilité, le trahit : il fut rattrapé et projeté à terre par une silhouette plus grande que lui. Sa bouche fut bâillonnée alors qu’il sentit les herbes hautes l’entourer comme dans un cocon. L’angoisse sourdait à ses tempes au rythme de son cœur affolé. Il ne comprenait pas ce qui se passait.

— T’as pas entendu quelque chose ?

Peon reconnut les soldats de Waal à leur orgoï parfait.

— Tu crois ?

— Mais ouais, ça bougeait !

Peon entendit l’un d’entre eux se rapprocher d’eux. Le souffle chaud de l’inconnu balayait son cou, et contre sa poitrine, il sentait la chamade de son cœur. Il s’écoula une éternité avant que l’autre soldat ne réponde à son coéquipier :

— Non mais t’es con, y’a rien, regarde. Certainement des bestioles qui traînent. Tu cries vraiment au loup, toi !

Assourdi par son palpitant, Peon eut du mal à entendre leurs pas s’éloigner. Après plusieurs minutes, la voix de son assaillant murmura à son oreille :

— C’est moi, Danaël, on est venu pour toi, alors s’il te plaît garde ton calme.

Danaël se releva en même temps que les herbes hautes les relâchèrent. Encore abasourdi, Peon resta figé au sol. La grande silhouette sombre enleva la capuche qui dissimulait son visage : les cheveux étaient plus sombres, plus longs, le visage plus émacié, mais la lueur dans ce regard était la même. Un mélange étrange de soulagement et de colère envahit la gorge de Peon. Il repoussa la main tendue de Danaël et se redressa.

— Qu’est-ce que… je pensais que t’étais mort !

— On t’expliquera.

Une seconde silhouette apparut. À sa voix chaude, il la reconnut.

— Mala, cracha-t-il. Toi aussi, t’as ressuscité ?

— Il faut qu’on parte vite avant de se faire repérer.

Peon esquissa un pas en arrière.

— Partir où ?

— Fais-nous confiance.

— Comment ? Depuis que je suis ici, j’essaie de…

Il désigna les douves d’un bras impuissant. Danaël lui sourit. Il joignit sa main à celle de Mala et les herbes hautes se tressèrent entre elles en un pont solide.

Un cor retentit. Tous les trois se retournèrent vers le château pour constater avec horreur que les soldats étaient revenus.

— Je t’avais bien dit qu’il y avait quelque chose ! s’exclama le premier.

Mala et Danaël prolongèrent leur pont et entraînèrent Peon. Ils coururent. Depuis la rive, les patrouilleurs débarquaient en masse.

— Ils arrivent en face aussi…

Soudain, le pont de lianes se rompit et ils tombèrent à l’eau. Impitoyable, celle-ci s’engouffra dans la bouche de Peon, s’enfonça dans sa gorge, pénétra ses poumons. Incapable de reprendre sa respiration, avec une impuissance rageante et désespérante, il coula et se vit mourir.

Tu dois te montrer digne d’elle, et elle sera ta plus fidèle alliée.

Aomi.

Remonte-moi, pria-t-il dans sa tête.

Il n’y croyait pas, et pourtant, cet élément si rebelle à son autorité s’exécuta et l’aida à remonter à la surface, poussant même jusqu’à le faire atterrir près de la rive opposée… où des soldats l’attendaient. Danaël et Mala étaient déjà là, des soldats s’apprêtant à les entraver. Ils étaient venus pour lui. Ils avaient fait tout ce chemin, avaient risqué leur liberté pour lui… Une colère sourde et froide glaça ses veines.

Les soldats n’eurent pas le temps de s’approcher de lui : une gigantesque vague se hissa, monstrueuse, derrière lui. Haletant de colère, Peon baissa ses deux bras dans un geste brusque : un raz-de-marée déferla sur la rive et emporta avec elles toutes les personnes qui s’y trouvaient dans un concert de cris et de métal.

Relâche mes amis.

L’eau recracha Mala et Danaël qui s’échouèrent près de lui. Il accourut pour les aider à revenir sur la terre ferme. Ils toussèrent et crachèrent l’eau avalée.

— Ton eau s’est autant améliorée ? demanda Danaël dès qu’il eut repris son souffle.

Peon sentit dans sa voix une pointe de surprise et d’admiration qui lui piqua agréablement le cœur.

— C’est pas le moment ! intervint Mala.

Une flopée de soldats déboulaient sur le pont.

— J’espère que t’es toujours aussi rapide, l’Orgoï !

Danaël se mit à courir vers les venelles de la petite Logowa, imité par Peon et Mala.

— On va où ? demanda Peon avec angoisse.

Ces rues étaient le terrain de jeu des soldats de Waal : ils allaient forcément les retrouver. Sa crainte se confirma quand il entendit leurs pas ferraillés et leurs ordres aboyés s’amplifier.

— Ici !

Peon se retourna pour voir un homme sur le seuil de son échoppe leur faire de grands signes. La porte se referma derrière eux, juste avant que les soldats ne déboulent dans la ruelle.

— Dans la cave, vite!

Il avait ouvert une trappe dans le sol, révélant un escalier de charpentier qui menaçait de se briser sous leur poids. Sans réfléchir, Peon suivit ses compagnons. La trappe se referma sur eux et ils entendirent leur sauveur tirer un meuble pour la recouvrir. À peine quelques secondes plus tard, on tambourinait à la porte. L’air sembla se raréfier. Peon plaqua l’une de ses mains contre sa bouche pour empêcher son souffle erratique de le trahir. Au-dessus, la porte de l’échoppe avait été ouverte.

— Nous venons faire un petit contrôle.

Les pas des soldats cognèrent le sol et des poussières tombèrent sur les trois fugitifs.

— Qu’est-ce que vous cherchez ?

— Ça te regarde pas, horloger.

Des bruits de fracas résonnèrent : ils retournaient tout. Peon ferma les yeux, et pria pour qu’ils ne trouvent pas la trappe. Un main trouva la sienne : il la serra avec force. Au-dessus, les soldats finirent par s’en aller tambouriner à la porte voisine.

La porte se referma. Peon soupira de soulagement.

— Euh… Peon, tu me fais mal…

Brusquement, il lâcha la main de Danaël. Leur hôte rouvrit la trappe et la lumière de la lampe à huile lui fit mal aux yeux.

— Eh ben, t’as chaud comme ça mon gars ? Pourtant t’es pas bien habillé !

Peon serra les dents, et remonta les escaliers.

— J’étais au lit il n’y a même pas une heure, se justifia-t-il. Vous êtes qui, vous ?

— Faëki. Et heureusement que j’étais là, parce que c’était retour à la case départ, les mômes. Cathan aurait pas été contente.

Peon fronça des sourcils.Danaël évita ostensiblement le regard de Peon, et les explications qu’il réclamait des yeux.

— C’est un ami, expliqua le Thaelin.

Un ami.

— Tu as de quoi nous sécher ? demanda Mala.

— Je t’apporte ça, ma petite, lui dit Faëki en disparaissant dans la pièce d’à côté.

La jeune fille le remercia d’un sourire, enleva sa cape et révéla son crâne rasé. Décontenancé, Peon la regarda en papillonnant des yeux.

— Fallait bien qu’on passe inaperçu, nos portraits sont partout dans Urbaïs, lui apprit Danaël.

— Et pourquoi ?

Peon croisa les bras, son regard allant de l’un à l’autre.

— Va falloir m’expliquer ce que vous foutez encore en vie, où vous étiez, et pourquoi vous êtes pas venus me chercher plus tôt. Et vite.

Danaël haussa un sourcil.

— Baisse d’un ton, d’accord ? Ou tu préfères qu’on te balance à Waal et qu’on lui dise, pour ta petite maîtrise ? D’ailleurs, je pense qu’avec tous les témoins qu’on a eu tout à l’heure, elle ne doit plus être secrète à l’heure qu’il est.

Peon pâlit et baissa les yeux. Il reçut une grande bourrade dans le dos.

— T’inquiète pas mon gars, on est tous comme toi chez nous, lui dit Faëki.

Pour le prouver, il fit voler vers Mala une serviette propre. Peon fixa le tissu, ouvrit de grands yeux ronds, puis scruta Faëki. Celui-ci rit, rejoint par Mala et Danaël.

— Bienvenue dans la Famille, Peon !

La Famille ? Il fronça des sourcils et s’apprêta à poser des questions, mais on frappa à la porte. Tous se turent. Faëki avança prudemment vers celle-ci, jeta un œil dans le judas et se détendit. Un jeune homme pénétra dans la petite pièce et découvrit sa cape d’un mouvement colérique.

— Mais vous êtes complètement tarés, vous êtes pas fichus de vous en tenir au plan ! siffla-t-il entre ses dents. Tous les soldats de Waal sont sur le pont et l’armée impériale va les rejoindre ! Qu’est-ce que vous avez fichu ?

Peon reconnut un domestique qu’il voyait souvent traîner dans les pattes des soldats. Les narines de Danaël vibrèrent de colère et il répondit sur le même ton :

— T’étais censé distraire les soldats, je te rappelle ! Au lieu de ça, ils se sont ramenés ! Et la potion, tu leur as donnée ?

— Figure-toi que vu le grabuge que ça a causé, ils ont carrément changé les équipes ! Vous n’auriez pas...

— On se calme, les jeunes ! On a récupéré Peon, et c’est le plus important !

Les mains robustes de Faëki tombèrent sur les épaules de Peon et le forcèrent à s’asseoir derrière une petite table en bois. Le regard du nouveau venu lâcha Danaël pour tomber sur lui. Il eut un sourire à la Vidal qui le perturba.

— Super, Danaël va enfin diriger ses attentions romantico-agressives sur la bonne personne.

Fadaöde, Talek.

— Je ne sais pas ce que ça veut dire, mais les insultes thaelines ont presque l’air de caresses. Je me demande ce que ça doit donner au…

— Si on se concentrait ? intervint Mala.

— J’aimerais bien comprendre ce que je fous ici.

Faëki lui tapota l’épaule et lui glissa dans les mains une tasse de thé fumant. Peon reconnut les parfums des fleurs d’hiver de Logowa, et l’attention le détendit quelque peu. Le mélange familier sur sa langue le rendit mélancolique. Il baissa la tête et se frotta les yeux. Danaël se tourna vers lui, avec son regard brillant et la mine sérieuse qu’il avait quand ses méninges tournaient plus vite que d’ordinaire.

— Tu te souviens de la discussion qu’on a eue, en sortant des épreuves de Lan ?

— Bien sûr, comme si c’était hier, ironisa Peon. Mais c’était pas vraiment hier.

Il se souvenait davantage de ce qui s’était passé ensuite, lorsque Mala et Aomi les avaient quittés, mais n’en dit mot.

— Je commence à comprendre ce que tu disais, chuchota Talek à Mala.

— Comme quoi tous les quatre, nous sommes mêlés, reprit Danaël faisant fi du commentaire de l’Orgoï, que quelqu’un nous a mis dans la même équipe pour cette raison, que quelqu’un nous cherchait et c’est pour ça que y’avait des enlèvements ? Ça y est, tu connectes ?

— Oui, c’est bon, je ne suis pas demeuré.

— Et bien ce quelqu’un, c’est la Famille, conclut Danaël en désignant Faëki et Talek. Enfin, ils sont plus nombreux. Ce sont des mêlés.

— Ça me dit toujours pas pourquoi vous n’êtes pas réduits en morceaux sous les décombres de l’Amphithéâtre et pourquoi je suis ici.

— N’abuse pas, c’était une petite bombe de rien du tout, intervint Faëki depuis la fenêtre où il s’était posté.

— C’est eux. Ils sont venus nous chercher juste après l’explosion. Lys n’a pas réussi à vous attraper, Aomi et toi.

Peon haussa les sourcils.

— Tu viens de me dire que ces terroristes qui enlèvent les candidats du Grand Choix sont venus vous chercher, que vous avez accepté de coopérer parce que… Parce que quoi déjà ? On est tous mêlés, et c’est formidable ?

La colère de Peon monta d’un cran. Il reposa la tasse qui tremblait entre ses doigts sur la petite table en bois.

— Et vous êtes venus me chercher parce que moi aussi, je suis mêlé, que vous pensez que je vais entrer dans votre “Famille” sans me poser de question et que je vais…

— Peon.

Danaël lui attrapa la main.

— Nous avons besoin de toi.

Peon s’arracha à lui, comme brûlé.

— Et moi j’ai besoin de foutre le camp d’ici.

— Tu crois que tu réussiras à vivre dans un monde comme ça ? gronda Faëki. Nous ne sommes acceptés par personne. Nous devons nous cacher ou alors nous sommes réduits à être recensés et parqués dans le plus grand cimetière à ciel ouvert de l’empire, le Plevraïki. Tu en parles, mais tu y as fichu les pieds, petit con ? Tu sais ce que ça fait de grandir là-dedans sans rien à becqueter ? Petit Krasny de mes deux, tu peux te plaindre, mais t’as jamais vécu avec l’étiquette de mêlé sur le dos. Là, maintenant, si tu mets un orteil en-dehors de chez moi, tu vas comprendre. Tu peux critiquer nos méthodes, et on s’en fout. On n’est pas des gentils. On veut juste vivre, petit merdeux.

Faëki retrouva le silence, et soutint son regard avant de surveiller la rue à travers la fenêtre. Peon ne dit rien. Il ferma les paupières, retenant une colère, plus grosse qu’à l’accoutumée, de l’envahir, mêlée à cette impuissance de voir son destin s’échapper. La main de Mala se posa avec précaution dans son dos. Peon s’écarta avec vigueur.

— Nous sommes dans la même situation que toi, Peon, souffla-t-elle.

— Si on veut reprendre nos vies, nous n’avons pas le choix.

Danaël approcha sa main de la sienne, comme s’il essayait d’apprivoiser un animal sauvage. Son index toucha celui de Peon, qui le laissa faire.

— Pourquoi moi ?

— T’es un mêlé de première génération, expliqua Talek. Moi par exemple, ma petite maîtrise a été trop noyée sous de l’Orgoï, du coup, elle est trop faible.

— Et vous ? demanda-t-il à Danaël et Mala.

— On est dans le même bateau, sourit faiblement Danaël.

Il accrocha son regard à celui de Peon pendant de longues secondes, avant de rougir et de détourner les yeux. Il tenta de retirer sa main, mais Peon l’attrapa pour la serrer.

— Qu’est-ce qui s’est passé, depuis que je suis enfermé ?

— Les dieux nous cherchent partout, Mala et moi, parce qu’ils savent que nous les mettons en danger. Ils vont te chercher de la même manière.

— Vous les mettez en danger ?

Mala se pencha vers lui.

— Nous sommes des mêlés. Nous maîtrisons deux éléments. Nous menaçons leur autorité, car le pacte que les dieux ont scellé avec leur peuple, c’est notre obéissance en échange de la maîtrise de leur élément. Si nous maîtrisons deux éléments, à qui va notre fidélité ?

— C’est pour ça qu’ils imposent aux mêlés des règles aussi inhumaines, ajouta Faëki. Et c’est pour ça qu’ils ont réussi à rentrer dans la tête de tout le monde que nous ne méritons pas de vivre.

Peon se mordit les lèvres. Dans quel bourbier s’était-il enfoncé depuis qu’il avait fichu les pieds à Urbaïs ?

— Le Plevraïki gronde, il supporte de moins en moins les incursions de l’armée de Waal et les privations qu’on lui inflige, expliqua Faëki. Nous comptons de plus en plus de membres là-bas.

— Chez nous à Logowa, Waal perd du terrain, ajouta Talek. Sa répression est trop violente, et la Famille compte de plus en plus de résistants, et pas que des mêlés.

Peon papillonna des yeux. Il n’aurait jamais cru qu’on puisse rejeter l’autorité du puissant Waal.

— C’est pareil partout, continua Faëki. Les cités mushadines flambent, les nobles ne parviendront bientôt plus à imposer leur autorité, certains clans alayis n’ont plus de contact du tout avec la déesse et parviennent à repousser sa présence astrale qui les espionne. Quant à Lan, il va bientôt être à court d’argent pour réparer les dégâts matériels qu’on lui inflige. Les Thaelins n’ont pas l’habitude d’être privés de fêtes.

— Depuis quand avez-vous ces informations ? demanda Danaël avec suspicion en se tournant vers Faëki.

— Elles circulent de mieux en mieux, depuis qu’on a de plus en plus de membres et que les dieux sont trop occupés.

Danaël et Mala hochèrent la tête. Peon caressa du pouce les doigts de Danaël, pour se calmer.

— Et qu’est-ce qu’on a à voir là-dedans, tous les quatre ?

Faëki soupira.

— C’est pas à moi de t’expliquer tout ça, gamin.

Il se releva.

— Bon, vous êtes mignons, mais maintenant, allez pioncer à l’étage. Talek, tu iras expliquer la situation à Cathan demain. Vous trois, vous sortez pas de là-haut tant que je vous ne le dis pas.

— Chef, oui chef !

Le garçon se dirigea vers les escaliers au fond de la pièce, suivi par Mala qui bailla à s’en décrocher la mâchoire.

Danaël s’arracha au regard de Peon et lui lâcha la main. Depuis la première marche de l’escalier, il lui adressa un petit coup de tête timide pour l’inviter à le suivre. Peon termina son thé puis le rejoignit. Avant de monter sur la première marche, il se mordilla les lèvres.

— Désolé, pour tout à l’heure, lâcha-t-il en direction de Faëki.

Celui-ci hocha la tête.

— Va te reposer, gamin.


Texte publié par Codan, 1er août 2023 à 07h57
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