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La journée tant redoutée de l’année c’est maintenant : le repas de Noël.

Je déteste depuis des lustres cette célébration qui du moins dans ma famille n’a plus aucun sens, sauf l’habitude, le paraître : foutaises, calomnie, hypocrisie en tête de liste.

Vous allez me dire : pourquoi fais-tu l’effort d’y assister si cette fête te rebute tant que cela… bonne question… pour ne pas passer encore une fois pour l’extraterrestre du bercail. Celle qui n’agit jamais comme les autres. Surtout, que l’explication risque d’entraîner un tas d’interrogations aux suites irréparables.

Alors, je continue à prendre sur moi, à grands coups de soupir, de rumination et d’exaspération.

J’avoue que la nourriture n’a pas beaucoup d’importance dans ma vie et encore moins tous ces mets soi-disant délicats qui me font horreur : l’huître visqueuse qui rien qu’à sa vue me donne la nausée, le foie gras écœurant – J’ai eu le malheur un jour de proclamer haut et fort que je préférai manger du pâté de foie – Scandale, outrage à Sa Majesté « foie gras », la dinde fourrée aux marrons avec laquelle je m’étouffe (oui ! je suis sensible du goulot), les fagots de haricots verts (je n’ai jamais aimé ce légume) et ne parlons même pas de la bûche glacée à la noisette et des succulentes pâtisseries tout sauf délicieuses.

Ma mère depuis le temps est censée connaître mes goûts. Je la soupçonne d’essayer de me provoquer. Je ne déguste que des desserts au chocolat, nom de dieu ! Pas de noisettes, pas de crème de marrons ni vanille… non, je veux du chocolat !

Les cadeaux surprises qui ne le sont plus depuis des lustres, dès lors qu’on demande à chaque convive ce qu’ils souhaitent recevoir à Noël. Vous comprenez que les oh ! Ah ! Super, je ne m’y attendais pas ! Me font bien rigoler.

Rester le cul collé à ma chaise en paille en rien confortable pendant des heures, me provoque des envies de meurtre.

Je vous passe l’exposé sur le fait que ma mère monopolise la parole toute la soirée et ne s’intéresse qu’à ma sœur, Béatrice qui jubile dans son coin. Pas un mot à mon intention ! Pas de « Tu vas bien ? Quoi de neuf ? ». Non, surtout pas ! Je n’existe pas ! À me demander, si je ne suis pas un fantôme qui se fait chier au point de squatter la première maison à l’angle de la rue arborant des guirlandes clignotantes.

Mon beau-père qui parviendrait à rendre un humoriste dépressif, tant il passe son temps à faire la gueule sans raison. Se prenant pour la fée des bulles avec son champagne soi-disant fantastique.

Ma sœur maniérée au possible, se comportant comme une femme de la noblesse, alors qu’elle se contente d’utiliser son temps à quémander des sous pour joindre les deux bouts.

Sa fille élevée à son image, qui rouspète, si on ne lui offre pas de l’argent sonnant et trébuchant plutôt qu’un chèque.

Le sapin miniature en plastique qui n’a rien de naturel, entouré de santons vieillots et poussiéreux.

Rien que la saison me déprime : l’hiver. Horreur, malheur ! Le froid, la neige, la pluie sans fin. Quand on imagine un instant que j’ai quitté le nord de la France pour vivre dans le Sud et avoir emporté dans mes bagages, les inconvénients ; ce n’est tout de même pas de chance.

Frileuse comme je suis, je ressemble au père Noël emmitouflé dans un gilet épais et mon écharpe à l’intérieur de l’appartement pourtant surchauffé. Hors de question de porter une petite robe décolletée en dentelle, je me transformerai en bâtonnet glacé.

Envoyez-moi une météorite sur la tête, pour qu’on en finisse une bonne fois pour toutes.

Les heures passent et je rêve que d’une chose ; me rouler en boule dans mon lit. Je baille à m’en décrocher la mâchoire, sans en effrayer le moins du monde les gens qui m’entourent, vu qu’à leurs yeux, je suis transparente.

Les fourmis me viennent au cul, je dois sortir de cet enfer un moment. Une bonne cigarette me fera le plus grand bien, sauf qu’il me faut arpenter le trottoir pour assouvir mon vice. Mon beau-père qui fumait comme un pompier, il y a peu, nous la joue « au monsieur indisposé par l’odeur ». Je te la ferais manger par les fesses, moi !

Je m’extirpe de mon siège tant bien que mal. Je sens le tissage de la paille s’être incrusté dans la peau de mon postérieur. Évidemment, personne ne remarque mon manège. Je pourrais voler toute l’argenterie du salon - qui n’existe pas - qu’on n’y prêterait pas plus d’attention.

Je récupère aussi vite que possible le sésame dans mon sac et me dépêche de sortir de cette prison. Je prends un malin plaisir à claquer la porte d’entrée dans l’espoir vain de les faire sursauter. J’appuie sur le bouton d’appel de l’ascenseur qui met trois plombes à rejoindre l’étage.

À l’instant où les battants se referment, une crise d’angoisse d’un autre monde m’envahit (J’ai oublié de vous informer que je suis claustrophobe). Je sens ma gorge se serrer, je passe de frigorifiée à en ébullition en une fraction de seconde et un vertige manque de m’envoyer m’éclater la tête contre le miroir au fond la cabine.

Je m’imagine déjà mourir d’un arrêt cardiaque si l’engin de malheur profite de ma faiblesse pour tomber en panne. On me retrouverait au Premier de l’an, grouillante de vers, beurk, enfin surtout à l’égard du pauvre technicien qui aurait le privilège de me découvrir.

Ouf ! La porte s’ouvre, j’ai survécu. Je ne demande pas mon reste et je m’active à sortir. Un froid polaire me saisit, moi qui étais en nage une minute plus tôt, j’ai l’impression que des cristaux de glace se forment sur les poils de mon corps. J’allume d’une main tremblante ma cigarette tant désirée, quand soudain une substance humide s’écrase sur ma joue. Purée ! Non ! Un oiseau n’aurait pas choisi ce moment pour me chier dessus !

Mes doigts se hâtent à enlever ce que je pense être une fiente avant de me rendre compte qu’il ne s’agit que d’un flocon de neige solitaire. Mes yeux scrutent le ciel à la recherche du nuage responsable de cet affront. Au secours ! Une centaine de répliques viennent me tourner autour avec une lenteur déconcertante, avant de se poser sur moi. Je m’énerve, je peste, je me m’ébroue tel un chien sortant d’une baignade.

Je songe immédiatement que j’ai une heure de route à sillonner pour rentrer chez moi. La totale : la nuit, la neige, l’envie de dormir ; un parcours du combattant va clore cette soirée mémorable.

Je remonte en vitesse en évitant le monte-charge, un peu d’exercice me calmera les nerfs. Je défonce presque la porte d’entrée en exclamant haut et fort que la fin du monde est arrivée. Que je dois retourner à mon domicile au plus vite, au risque de rester coincer sur les routes.

Mon annonce ne provoqua rien de plus que des yeux levés au ciel, me prenant pour une folle tout droit sortie de l’asile le plus proche. Grand bien leur fasse, j’ai au moins gagné le loisir de m’éclipser bien plus tôt que prévu.

Au final, le père Noël existe peut-être…


Texte publié par Nelka, 28 décembre 2019 à 11h36
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