Je crois que je ne reconnais plus le sens de ce mot. L’Honneur ne résonne plus en moi que comme deux syllabes désagréables derrière lesquelles cacher les pires atrocités. Au nom de l’Honneur, de la Famille, du bien-être de la patrie… Je me souviens avoir dit à Date-san et Tadamune-san que si une guerre éclatait au Lannet, je le quitterai sans le moindre remord. Plus rien ne me retenait ici, jusqu’à aujourd’hui.

Je n’aurais pas pu tomber de plus haut. Par amour, pour les beaux yeux d’une femme ou la croupe d’un homme, il a massacré mon clan. Sans se poser de question, il a éventré des enfants, égorgé des vieillards, tué des innocents. Parce que nous les Nara, nous leur faisons peur. Mon père me l’a toujours dis. Que j’étais son héritage, que j’allais recevoir, lorsque j’en aurais l’âge, un pays prospère dans lequel notre clan aurait réellement sa place, une fois que tous nos secrets m’auraient été transmis.

Mais aujourd’hui, il n’est plus là pour rire avec moi, se moquer gentiment des Familles Impériales tout en sirotant une coupelle de saké chauffé amoureusement par ma mère, alors que mes petits frères couraient autour de ma grande-sœur et qu’elle riait de leurs âneries. J'ai toujours haïs ceux qui m’avaient privé de cela. Ceux qui avaient forcé une fillette de 10 ans à brûler les restes de son villages et à enterrer, à mains nues, jusqu’à s’en briser chaque ongle, les membres de son clan. Ma haine s’est muée, avec le temps, en un désir ardent de faire régner la justice. Encore plus après ma rencontre avec Senku, puis Amaya, puis Myrthe, Date-san, Tadamune-san, Naruhito-san… Tous sont devenus ma famille, ma voie à suivre dans ce brouillard qui ne m’avait que trop souvent déboussolée.

Ses excuses n’ont fait qu’attiser ma colère. L’Honneur, encore et toujours… Ils sont pathétiques, minables, méprisables, tous ces samouraïs qui ne savent pas prendre de décision par eux-même et qui se sentent forcés d’accepter le moindre ordre, quitte à tordre le cou à un nourrisson. Il m’a pris ma vie, je leur prendrai bien pire en retour. Tous crieront mon nom avant de succomber.

Je n’aurais jamais cru que ma haine revienne et qu’elle se tourne vers lui. Qu’il m’entraîne pour se repentir, qu’en réalité il ne voit qu’en moi un moyen de mieux vivre l’atrocité de son acte. Qu’il ait tué le commanditaire, qu’il se fasse poursuivre, qu’il ait perdu l’amour de sa vie ne m’effleure même pas le cœur. Car si quelqu’un colle l’oreille à ma poitrine, il n’y entendra plus le moindre battement. Mon âme n’est plus qu’un océan sombre dans lequel je me noierai si cela m’apporte de quoi tous les venger. Je n’ai plus peur, désormais, de la puissance qui coule dans mes veines. Je compte l’exploiter jusqu’à ce que je considère qu’elle m’ait entièrement servie.

Désormais, je n’ai plus qu’un vœu. Que notre courroux s'abatte sur ceux qui nous ont fait souffrir... Que le sang des innocents qu'ils ont sur les mains les brûlent jusqu'à ce que leurs âmes finissent en Enfer... Que la puissance de mon clan... de notre sang... m'aide à tous les éliminer. Que le savoir ancestrale des miens me soit accordé. Que vous penchiez sur moi votre bénédiction, pour qu'elle serve à enflammer ce pays qui se meure dans une insondable tromperie, depuis trop longtemps ignorée.