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tome 1, Chapitre 4 « 4 » tome 1, Chapitre 4

Alaia tenta de remuer sur son matelas et de chasser la couverture qui la couvrait. Hélas, elle réussit seulement à bouger d’une poignée de millimètres.

Un juron lui échappa ; son état ne s’arrangeait pas, loin de là. Oh ! Elle regrettait tant à présent de ne pas s’être rendue chez un médecin, d’avoir fait sa forte tête… Après des années à lutter pour ne pas finir exsangue à cause d’un vampire, elle s’apprêtait à être emportée par la maladie.

La situation était si ridicule !

Elle la détestait et pestait contre les éléments qui l’y avaient mené. Même Bet.

Bien qu’elle ne soit pas en mesure d’en fournir la moindre preuve, Alaia était persuadée que celle-ci n’était pas étrangère à son mal. Son comportement était trop alarmant… Et tout n’avait-il pas commencé lorsqu’elle était entrée dans sa vie ?

Une grimace déforma ses traits. Elle maudissait les Dents-Longues qui ne respectaient pas la loi. Elle maudissait Rolzen et sa « convocation de la dernière chance ». Elle maudissait son incapacité à abandonner une mendiante à son sort.

Une semaine plus tôt, de telles réflexions auraient avivé sa culpabilité, mais elle ne ressentait désormais plus que du chagrin et de la colère… Depuis qu’elle n’était plus apte à se lever, Bet s’était à nouveau métamorphosée : sombre, taciturne, elle ne lui adressait plus la parole et l’observait avec une expression singulière, comme si elle se réjouissait de son futur décès tout en paraissant agacée par celui-ci.

Alaia frémit. Lorsque Bet la scrutait ainsi, elle se ne jugeait pas plus importante qu’un vieux jouet et aurait juré que de la gamine timide et guillerette qu’elle avait accueillie chez elle était un mythe.

Dire qu’en plus, elle ne cessait pas d’entrer dans sa chambre… Que le soleil soit levé ou non, Bet lui rendait de nombreuses visites. Chaque fois, aussi muette qu’une funèbre infirmière, elle prenait son pouls, vérifiait qu’elle gardait le lit.

Alaia avait honte de l’avouer, mais l’enfant l’effrayait. Elle ne lui avait peut-être pas transmis de maladie, cependant, elle était responsable de sa déchéance ; la conviction ne la lâchait pas.

Bet agissait-elle volontairement ? Avait-elle conscience de ce qu’elle provoquait ? Sa dernière maman avait-elle vécu une expérience similaire et était-ce pour ça que son amie et elle s’étaient montrées désagréables ? Tant de questions, si peu de réponses…

Le grincement de la porte interrompit ses cogitations. Alaia lorgna dans sa direction, aperçut Bet qui avançait vers elle. Son expression était si froide que son rythme cardiaque s’accéléra.

— Tu as peur ?

Elle ne répliqua pas et se contenta de patienter. Deux doigts se posèrent sur son cou et y traquèrent des pulsations.

— Ne t’inquiète pas. D’ici un instant, tu ne seras plus jamais apeurée.

Les yeux d’Alaia s’écarquillèrent.

Bet s’assit à ses côtés et ancra ses pupilles dans les siennes.

— Tu as tenu moins de temps que la moyenne, je suis déçue.

— Que… ? s’étrangla-t-elle.

— Non, ne t’épuise pas en vaines paroles. Je vais tout t’expliquer, je te le promets.

Son angoisse grimpa crescendo. Le ton employé était glacial.

— Je suppose que, maintenant, tu te doutes que m’inviter chez toi était une idée désastreuse ? Que tu soupçonnes que je suis coupable de ce qu’il t’arrive ?

Avec douleur, Alaia acquiesça.

— Ne te reproche pas ta naïveté, d’accord ? Tu étais foutue dès le départ : je t’avais ciblée. Une femme isolée, un brin d’indépendance en elle, le cœur empreint d’une certaine bonté malgré le monde dans lequel elle vit. Tu étais le choix idéal.

— Pour quoi ?

Bet se pencha vers elle et lui dévoila un sourire carnassier. Un sourire durant lequel ses quatre canines s’allongèrent…

Alaia hoqueta. Elle essaya ensuite de se redresser, de s’enfuir, mais la Dents-Longues plaça une main placide sur son sternum.

— Ne sois pas stupide. Tu es trop faible. Je ne me serais pas révélée à toi, sinon.

Panique et colère se mélangèrent en elle. Sa respiration s’accéléra. Oh ! Comment avait-elle pu être bernée par un monstre, ne rien deviner plus tôt ? Et pourquoi un tel numéro ?

— Calme-toi, chuchota Bet. Tu souffres bêtement.

Le conseil ne l’aida pas à s’apaiser, loin de là.

— Tu détestes la génération des « jeunes » vampires, le conflit qu’ils ont débuté avec les tiens et les conséquences qu’il a apportées. N’est-ce pas, Alaia ? Eh bien, apprends que je partage ta rancœur.

Bet instaura une petite pause dans son discours, où elle la dévisagea avec convoitise.

— Je suis ancienne. Tu n’imagines même pas à quel point je le suis ! Je suis morte et ai ressuscité sous le baiser de mon maître à une époque où créer un enfant n’était pas interdit. Impressionnant, non ?

Alaia ne répondit pas. Elle en était incapable.

— Je menais une vie si simple, si facile… Vu que les tiens n’étaient pas informés de l’existence des miens, il me suffisait d’être discrète et je mangeais à ma faim. Aucune loi ne s’appliquait à ma personne.

» Depuis que des abrutis vous ont déclaré la guerre et ont failli nous priver de notre unique source de nourriture, depuis que la paix et ses mesures ont été instaurées, garder mon train de vie m’est devenu impossible… Ma pâleur, le moindre signe de richesse ou d’une rapidité un peu trop excessive m’attire la suspicion de ta race. J’ai été contrainte d’abandonner tout ce que j’avais construit. Tout !

Alaia déglutit ; une étincelle de haine pure animait le regard de Bet.

— J’ai dû m’adapter et trouver une autre façon de me sustenter – il était hors de question que je m’abaisse à suivre le ridicule protocole en place. C’est là que tu entres en jeu.

Ses pupilles se dilatèrent. Elle nageait en plein cauchemar !

— Avoir un garde-manger à portée de main est une chose assez plaisante. Il m’a fallu du temps pour perfectionner ma technique, toutefois, j’ai vite compris que viser les femmes seules était le plus efficace. Vous êtes pareilles : vous m’invitez à entrer et ne me laissez pas repartir dans la rue… On ne rejette pas une pauvre et adorable orpheline, n’est-ce pas ?

» Le plus drôle, c’est que quand vous réalisez que je ne suis pas celle que je prétends être, vous êtes déjà foutues. J’ai passé trop de nuits à boire votre sang.

Une première larme roula sur la joue d’Alaia. Elle refusait que son existence s’achève ainsi. Tant d’années à se battre pour sa survie…

— Tu t’es rapidement vidée. J’avais espéré profiter de ton appartement plus longtemps, il me plaît assez. Enfin, il y a une fin à tout.

Les canines en évidence, Bet s’avança vers son cou. Elle tourna aussitôt la tête, mais en vain : elle n’avait pas la force de lui échapper.

Les lèvres de la vampire remontèrent jusqu’à son oreille.

— Maintenant, ce sera toi, ma dernière maman.


Texte publié par Rose P. Katell, 10 décembre 2019 à 11h02
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