Avez-vous entendu mes amis, la rumeur qui, en cette nuit naquit ? Oh, oui ! L’on raconte de partout qu’un grand bal sera donné, quelque part dans les bas-fonds de la cité, entre Soho et Whitechappel. Paraîtrait même que le grand M serait de la partie ! Idiot ! Sot ! Sombres pousse-cul ! Depuis quand organiserait-il un tel événement ? Il n’a pour lui que les surins et les margoulins, les garçons de mauvaise vie et les filles de joie, les tire-laine et les coupe-jarrets. Non ! Non ! Les choses seront bien plus grandioses. Grandioses ! Bien plus encore qu’avec le grand M ? Oh, mais, puisque je vous le dis. N’entendez-vous point les murmures qui sinuent à chaque coin de rue et qui se glisse vers ces belles demeures riches et cossues qui longe la Tamise et le Palais ? Regardez donc les mines de ses trousseurs de jupons ! Ne trouvez-vous point qu’ils ont plus d’allure, un port plus altier encore que les bourgeois des quartiers ? Et ces dames, si exquises sous leurs châles, n’ont-elles pas ce petit quelque chose qui leur manque à tous ? Une mouche ? Un grain habilement placé ? Oh ! Maintenant que tu nous le dis ! Voici un gibier de choix, pour nous, nous autres gens de potence ! Voici que bientôt la nuit s’en viendra et nous régalera. Mes amis, mes amis ! Venez et réunissez ! Ce soir, nous allons tous danser, vous allez tous danser. Oh ! Mais quel est donc cet effroi qui ainsi donc te saisit, mon ami ? Aurais-tu quelque chose qu’il ne fallait pas ? Est-ce donc la lune, si belle et si généreuse, avec son croissant à peine entamé ? Ou bien encore, cette ombre qui sinue d’avenue en rue, de rue en ruelle, de ruelle en passage ? Craindrais-tu de rencontrer le Diable ? Pense donc plutôt à toutes ses bourses pleines d’écots qui n’attendront que vos canailles et attendries mains. N’est-ce point là ton désir, charmant petit. Toi qui d’un surin en a fait trépasser plus d’un ! Te voici étreint d’une main que l’on dirait glacée ! Qu’arrive-t-il donc à ta mine si contrite ? Non ! Non ! N’ajoute rien et regarde-moi bien. Ne te détourne point, tu te ferais du mal à la fin, petit aigrefin. Bien qu’il y a aura bal ce soir et tout le gratin y sera. Et toi tu seras le clou de mon spectacle, pantin lamentable se balançant de droite et de gauche, de gauche et de droite, tes yeux pendus dans le vide. Oh ! Mais qu’ai-je donc commis ? Tu m’en vois fort marri. Ma lame a glissé d’entre mes mains et s’est plantée. Hasard cauteleux ! Quel malheureux fais-tu ! Articule, sot ! Je ne t’entends point, je ne perçois que ce souffle ingrat qui sort de ta turne. Cela ne fait rien, car tu feras un merveilleux pantin !
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