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Les Malédictions de l'Homme aux Yeux de Jack
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volume 1, Chapitre 12 « La Fille qui avait vu l’Homme aux Yeux de Jack » volume 1, Chapitre 12

Ah mais ! que t’arrive-t-il ? Tu parais pâle et cachectique. Aurais-tu fini par attraper ce mal qu’on nous murmure, venir de Paris ou de Venise ?

Que nous t’avions point mis en garde ma petite.

Que nenni, mes bonnes mères ! Si je suis ainsi, c’est que je l’ai encore vu cette nuit, alors même que mes paupières étaient closes et mon esprit plongé dans les songes. Toutes les nuits ! Oui, toutes les nuits, je les entends. Les cris. Ces horribles et aigus petits cris qui résonnent dans les rues la nuit.

Pauvre fille ! Voici qui te déraisonne. Passé minuit, il n’y a plus personne dans les rues.

Ah mais ! enfin, ne les entends-tu point ? Regarde donc par la fenêtre, le soleil qui se couche et bientôt les étoiles pointeront et alors ils résonneront.

Mais quoi, donc ? Nous ne sommes ni sourdes ni folles.

Mais enfin, ces cris aigus ! Ces cris d’oiseaux perdus ! Ces cris d’oiseaux pendus ! Rappelez-vous la ribaude qui tapinait au croisement de la rue Saint-Luc et de l’avenue du Duc !

Bien sûr que nous savons. Hé bien quoi à son propos ?

Un matin, elle s’en est revenue pâle et hagarde. Elle hurlait à qui voulait bien l’entendre qu’elle avait vu le diable en personne.

Et alors ?

Et alors ? Alors toute la nuit, elle avait entendu les cris, les mêmes cris qui maintenant me hantent. C’était des cris suraigus, lugubres et obscurs. Elle qui était avec son amant, d’un soir ou d’un dimanche, elle courut au balcon et scruta longtemps la rue, tandis que l’autre en profitait pour prendre la poudre d’escampette. Mais il n’y avait personne, pas même un chat-huant. Pourtant…

Pourtant ?

Pourtant, elle entendait toujours les sifflements. Il lui semblait qu’il provenait du bout de la rue, là où tout est obscurité et sombre réalité. Alors elle voit son client s’enfuir, la bourse trop garnie ; elle se lance à sa poursuite. Et c’est alors qu’elle tombe sur lui.

Lui ? Qui, lui ?

Mais lui ! Ah comme il était beau, paraît-il. Même lorsque, de sa lame, fine et aiguisée, il transperça ses chairs généreuses. Ah bien sûr ! ce ne sont que des ouï-dire. Car, hélas, ce fut la dernière chose qu’elle vit de lui : son sourire, étincelant, et derrière ses verres obscurs, ses yeux de vif-argent. En fait, elle n’avait plus d’yeux que pour lui. Même lorsqu’il lui ôta la vie à petit feu, elle eut encore le sourire accroché aux lèvres.

Comment le sais-je ?

Mais parce que j’ai tout vu, j’ai tout entendu, du bout de la rue, cachée au fond d’un fût. Et depuis… Depuis, il me poursuit. De jour comme de nuit, j’entends son cri, son cri aigu d’oiseau perdu !


Texte publié par Diogene, 2 juin 2020 à 21h04
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