« J'ai besoin d'une douche, souffla-t-il sur ma tempe au bout d'un moment. »
Il s'était laissé glissé au sol, allongé sur le dos, m'ayant étalé sur lui comme une couverture, caressant paresseusement chaque centimètre de ma peau qui était à sa portée.
Je posai mon menton sur mes mains croisées sur son torse.
« Je ne veux pas bouger, marmonnai-je. Enfin, je ne PEUX pas bouger. »
Il rit doucement, brièvement. Ses rires étaient si rares, si inattendus, que je savais que je serai éternellement béate à chaque fois que je les entendrai.
Je le dévisageai avidement tandis que la joie et l'amusement transformait son visage.
Il me caressa doucement la joue.
« Et pourtant, le monde ne s'arrête pas de tourner juste parce que l'on a décidé de baiser, commenta-t-il.
- Je pourrais arrêter le temps, contredis-je brutalement. Quelques heures, pas plus. Histoire d'avoir une pause. »
Il cligna des yeux, surpris. C'était la première fois que je le surprenais. Je souris, amusée.
« Tu peux faire ça ? »
Je hochai la tête.
« Depuis une dizaine d'année, ajoutai-je. Ma réserve magique a atteint le niveau nécessaire à ce moment-là.
- Il en faut une quantité incroyable pour maîtriser le temps, sorcière. »
Je m'étirai contre lui, savourant le frottement de nos peaux l'une contre l'autre.
« Je sais. Avant, je ne pouvais qu'arrêter le temps sur les corps, les objets. Mais j'ai pu le faire sur une zone marqué d'un cercle de sang assez vite. Le temps s'arrête juste pour tout ce qui se trouve dans cette zone. Arrêter le temps dans le monde entier requiert beaucoup de préparation et de concentration. Je ne l'ai fait qu'une fois ou deux.
- Tu as essayé en sachant que cela aurait pu te tuer ?
- En fait, je savais que j'avais la puissance nécessaire.
- Comment ? »
Je m'assis à califourchon sur lui.
« Il y a cinq actions pour une Danéïde qui réclament cette quantité d'énergie. Arrêter le temps, arrêter un tremblement de terre – cela consiste aussi à repousser un météorite – , créer une île au milieu de l'océan, effacer la mémoire de tout un pays et... rappeler un mort à la vie. »
Il fronça les sourcils. Je m'empressai de lui apporter des précisions.
« Je ne parle pas de nécromancie, attention. Je parle de guérison. »
Il croisa les bras derrière sa nuque, de nouveau détendu.
« Raconte. »
Je posai mes mains sur ses côtes, me penchant vers lui pour nous entourer d'un rideau de boucles blanche, bleu et violette agrémentées de fils d'or et d'argent.
« Je t'ai déjà parlé de ma tante Néné. Néméia de son vrai nom. Elle ressemble physiquement à Cybèle, au point que ça en est troublant. Sauf qu'elle tient ses yeux de son père, ils sont ambrés, et ils expriment tout l'amour qu'elle porte au monde. Elle a été comme une mère de substitution pour moi. Elle a pris en main mon éducation, en douceur. Je considère ma cousine Anthéa comme ma sœur de sang, nous n'avons qu'une quarantaine d'année d'écart, ce qui est peu, pour nous, les Immortels. »
Il retira un bras de sa nuque pour venir me caresser la cuisse.
Je soupirai d'aise.
« La grossesse des jumelles a été très compliquée. Car malgré tout son bon cœur, ma tante n'est pas d'une très grande puissance. Elle est douée, mais elle s'épuise vite. Son époux est bien plus puissant qu'elle, mais elle s'en moque. Comme elle le dit si souvent, sa plus grande force, c'est nous. Oh, je te rassure, elle est plutôt faible pour une Danéïde, mais comparer à vos petits mages de ville, elle est quand même au dessus du panier. »
Je me redressai, laissant mes cheveux me couvrir les seins, me sentant m'assombrir.
« Elle est décédée en couche. La dépense fut telle que son cœur s'est arrêté. »
Je frissonnai à ce souvenir, me rappelant de que ça m'avait fait de la sentir partir.
« J'ai paniqué, avouai-je. J'étais là, lui tenant la main. J'ai senti les liens avec le clan se briser un à un, le lien avec son âme-soeur s'étirer. Ma magie s'est ruée sur ce lien indestructible, j'ai fait repartir son cœur en le fusionnant avec le mien et mon esprit à poursuivi son âme et son esprit dans le monde des Morts. »
Ce que j'y avais vu m'avait changé à jamais.
« J'ai négocié avec le gardien des Morts, murmurai-je. J'étais prête à me battre contre lui qui est l'un des seuls véritables Immortels dont nous avons connaissance. Il m'a alors proposé un deal : si je la retrouvais dans la multitude d'âme qui peuplait son royaume, alors je pouvais repartir avec elle. Sinon, je mourrais. »
Raphael se crispa sous moi. J'eus un petit sourire.
« J'ai accepté, la douleur me faisant perdre la raison. Il était persuadé que je mourrais dans les deux cas, rattacher une âme à un corps était l'apanage de la Déesse, et j'étais loin d'être Elle. Sauf que le corps de Néné vivait toujours grâce à mon propre corps. Son âme fut attiré par moi. J'ai reconstitué son esprit autour de cette lueur de vie. »
Je dessinai une rune sur le torse de Raphael.
« C'est la rune qui m'est apparut. J'ai compris que j'étais une Instinctive à ce moment-là. J'ai pris ma tante éthéré par la main et je suis repassée devant le Gardien, qui était, disons-le, plutôt surpris. Même s'il m'a lancé un « à tout à l'heure. ». J'ai ramené l'âme de ma tante dans son corps. C'est là que ça s'est compliqué. Les deux se refusaient. Il y avait trop de moi en elle. Mais si je me retirais, le cœur s'arrêterait à nouveau. J'ai alors nourri son corps d'énergie, de l'énergie nécessaire à créer la vie. L'équivalent de neuf mois d'énergie accumulée pour faire grandir un enfant dans un corps. L'âme a retrouvé sa place. Mon cœur s'est affaibli. Je me suis évanouie. Mais je me suis réveillée quelques jours plus tard. »
Raphael se redressa sur un bras, m'embrassa chastement, avant de me fusiller du regard pour la forme.
« Et le Gardien ? Demanda-t-il.
- Je suis repassée quelques fois dans son royaume pour m'assurer de la mort de certaines de mes cibles. Il désespère de mon impertinence mais je crois qu'il a fait le deuil de mon arrivée prématurée dans sa Cour. »
Il était tendu, légèrement contrarié même. Je lui souris.
« Hé! Je n'ai peut-être que quelques décennies au compteur, mais j'ai utilisé chaque minute de ma vie pour la rendre intéressante, m'amusai-je.
- Tu as accompli un miracle, Ashleen, articula-t-il. Tu n'as pas seulement piqué une âme à la barbe du Gardien des Morts, tu l'as rattaché à un corps sensément mort. Et cette femme vit aujourd'hui comme si rien n'était. Tu peux arrêter le temps. Tu peux ensorceler toute une pièce pleine d'Immortels entraînés. Tu peux éliminer des sorcières vieilles de deux millénaires et rendre une ville dépourvu de magie pour la chasser définitivement du monde. Et cela ne te perturbe pas ? Toute cette puissance, ça ne te fait pas peur ? »
Il essayait de me comprendre. C'était... encourageant. Je haussai les épaules en grimaçant.
« Pourquoi aurais-je peur ? Les Danéïdes sont anciennes, très anciennes. Nous étions là avant les humains, nous avons chevauché aux côtés de la Déesse, quand elle était encore présente sur notre plan physique. Des danéïdes comme moi, il y en a eu et il y en a encore quelques unes, avec des dons naturels plus terribles que l'empathie.
Pourquoi la Déesse vous a-t-elle confié tant de pouvoir ? »
Je le dévisageai. S'il n'avait pas été mon âme-soeur, je n'aurais pas pu prononcer les mots suivants. Ce secret était bien trop terrible, bien trop lourd pour qu'une personne extérieure au clan ne le détienne.
« La Déesse n'a rien à voir avec nos pouvoirs, Raphael... Comme elle n'est pas l'auteure des dons des Destructeurs, des Dragons et des autres clans Ancien clairement autre. Elle fut vivante par notre propre existence, nous a fourni une terre où vivre, a créé les mortels, les animaux, les arbres. Elle est d'une puissance indéfinissable, elle possède tous les dons, elle est une véritable immortelle, une entité qui s'est pris d'affection pour les esprits que nous sommes. »
Je lui caressai le visage.
« Elle est faite de magie pure, si différente, si sauvage, si brute, que personne n'a pu la nommer autrement que Déesse. »
Il fronça les sourcils, ne semblant pas totalement comprendre ce que je voulais dire. Je soupirai.
« Comme le Gardien des Morts, tentai-je. Il n'était qu'une petite entité aux débuts. La Déesse l'a aidé à se matérialiser et à façonner son plan d'intervention.
- Tu es entrain de dire que la Déesse n'est au final qu'une créature de magie, sans rien de divin ?
- Ah non ! Elle est un être Divin. Elle ne peut pas mourir, elle n'a pas d'âme.
- Mais d'où viennent les âmes, selon tes croyances ? Qui nous a créé ? »
Je passai ma main sur son corps, ne me lassant pas de le toucher.
« J'aime bien la théorie humaine sur le Big Bang, répondis-je, amusée.
- Tu n'as pas la réponse.
- Personne ne l'a, Raphael. »
Il me tint contre lui, pensif.
« Alors pourquoi la vénères-tu si tu ne crains pas son courroux ? Finit-il par demander.
- Ai-je besoin de craindre la Déesse pour admirer son travail et aimer sa Création ? Elle n'est peut-être pas l'auteure de nos pouvoirs et de notre existence, mais elle nous a guidé alors que nous n'étions que des créatures à peine humanoïde, aux pensées et envies si primitives que la Terre n'était que dévastation, complètement invivable. Elle nous a permis de donner la vie, de savoir ce qu'était l'amour, elle nous a donné un but. Les clans Anciens ne la vénèrent pas comme les autres parce qu'elle n'a pas eu les mêmes attentions vis-à-vis de nous. »
Je me levai, un peu trop tentée par l'attrait de sa peau.
Il me dévora littéralement du regard avant de se lever à son tour. Je ne pus me retenir de caresser ses abdominaux durs, complètement sous l'emprise de ce corps parfait à mes yeux.
Il gronda doucement. Mais je repris la parole avant que mon geste ne déclenche une nouvelle fureur sensuelle.
« Tu es plus puissant que tu ne le croies, Raphael. Tu sembles perturbé par ce que je sais faire, mais tu es un Dévoreur de Nuit. La seule différence entre toi et moi, c'est que tu es une créature qui ne peut exploiter son plein potentiel qu'en reniant toute conscience, toute retenue.
- Et ta capacité à être une Dame de Rage ?
- Oh, ça... Disons que le pouvoir est grisant. »
Je reculai, un sourire séducteur aux lèvres.
« On va la prendre, cette douche, au fait ? »
Il plissa les yeux.
« Tu ne veux pas en parler.
- Je t'amènerais dans mon clan bientôt, annonçai-je. Tu en sauras plus à ce moment-là. Mais je viens de penser que j'ai laisser mon portable chez moi et que je n'ai pas attendu la réponse d'Ayden avant de courir te sauter dessus. (Je fis la grimace.) A mon avis, il a dû déjà appeler une dizaine de fois. Il ne supporte pas quand je ne suis pas joignable. »
Raphael haussa un sourcil arrogant.
« Tu ne lui appartiens pas. »
Mon corps vibra sous la possession présente dans sa voix. Mais je l'ignorai.
« Le premier sous la douche donne un gage au dernier ! »
Il écarquilla les yeux en me voyant filer à toute vitesse, riant joyeusement.
LeConteur.fr | Qui sommes-nous ? | Nous contacter | Statistiques |
Découvrir Romans & nouvelles Fanfictions & oneshot Poèmes |
Foire aux questions Présentation & Mentions légales Conditions Générales d'Utilisation Partenaires |
Nous contacter Espace professionnels Un bug à signaler ? |
2778 histoires publiées 1267 membres inscrits Notre membre le plus récent est JeanAlbert |