— Faisons une pause, proposa Keiji hors d’haleine en s’asseyant sur le sol, le dos contre le mur, son neshir en travers des jambes. Tu n’es pas humain, ça faisait longtemps que j’avais eu autant de mal face à quelqu’un.
— Six mois ? Lui demanda Evan, haletant, avec un sourire satisfait.
Il était en sueur. Son débardeur était complètement trempé. S’entraîner avec Keiji était toujours une expérience particulière. Dangereuse car la moindre distraction pouvait s’avérer fatale car il flairait les ouvertures comme personne en plus de tout anticiper. C’était comme se battre face à une araignée en essayant d’éviter de se prendre dans la toile qu’elle avait déjà tissée. Il était d’ailleurs le seul contre qui il lui arrivait de perdre au jeu de Go.
— C’est ça, six mois. Se battre contre Alejandro est différent. On n’a jamais vraiment le sentiment de remporter le combat même si on le gagne.
— Ouais, je reconnais que le Monarque Invincible est adversaire d’un genre particulier.
Cela faisait deux semaines depuis qu’il avait perdu son titulus auctoritatis. Se dire qu’il n’était plus l’Empereur Déchaîné était vraiment étrange… Mais il commençait à s’habituer à cette idée…
De toutes les manières, il n’avait pas le choix. Il toucha sa poitrine. Il n’y avait plus aucune cicatrice. Il ignorait qui lui avait sauvé la vie ni comment il s’était trouvé dans sa chambre. Il s’était juste réveillé le lendemain dans son lit, la poitrine couverte de bandages de guérison accélérée ensanglantés. Il s’était sentit faible et la poitrine douloureuse mais rien d’insupportable grâce aux analgésiques contenus dans les bandages. Keiji dormait allonger sur le sol et Charlaine recroquevillée dans son petit fauteuil.
Le Sang d’Asano lui avait dit qu’il avait reçu un message de sa part lui demandant de le retrouver chez lui au plus vite car il avait besoin de son aide. Charlaine avait pleuré dans ses bras lorsqu’elle s’était réveillée. Il commençait à avoir un fort sentiment de déjà-vu car il avait l’impression de passer son temps en convalescence ces derniers temps… Deux jours après l’incident, il était de nouveau sur pied même si la sensation d’avoir une épée plantée dans le torse avait persisté un temps avant de progressivement se dissiper.
Il s’était attendu à voir débarquer les Plumes de Terre mais elles n’étaient jamais venues. Il avait reçu un message du nouveau magister magnus, un certain Jorge Kor, qui s’excusait de la manière dont l’ancien directeur de Kiona Paine l’avait traité et lui annonçait qu’il réintégrait la schola, le primum agmen et sa position en son sein.
Sur les sites d’information de la Maille, il avait cherché l’annonce de la mort éventuelle d’Heredogar ou du magister Dreiven mais il n’avait rien trouvé. L’explosion avait eu lieu au-dessus des Ruines. Donc aucun civil n’avait été blessé. Evan était convaincu que Lancelot était responsable de l’explosion de l’Icare. Ce devait faire d’une manière ou d’une autre partie de son plan. Il l’avait longuement préparé… Le jeune homme avait toujours pensé que l’ancien magister magnus le détestait parce qu’il était un ma’nkel et qu’il refusait de jouer le jeu et de faire des courbettes aux Familles Anciennes, à l’exception des Harlec car, c’était la famille de son amalia à l’époque et que même lui savait faire quelques concessions. Alors qu’en réalité, c’était à cause de Princeton. Étant donné qu’il était la seule sa famille et qu’il l’avait élevé, Lancelot avait voulu le tuer pour blessé son tuteur.
Pourquoi l’avait-il haï à ce point ? Il demanderait à Princeton dès qu’il le reverrait.
La bande de Sha’Daigan soumise au trio infernal affichait désormais clairement leur antipathie à son égard, alors que lors de ces deux dernières années, ils l’avaient toléré et même manifesté un semblant de sympathie malgré son indifférence vis-à-vis de leur statut. Maintenant qu’ils étaient convaincus que sa chute était inexorable et qu’une nouvelle ère venait de commencer, ils avaient laissé tomber leur faux-semblant et avait exprimé ce qu’ils pensaient de lui au plus profond de leur cœur. Des railleries de mauvais goût sur ses origines de ma’nkel, sa réaction à la fin de l’Assemblée des Champions et sa fuite, n’avaient pas cessé de fuser les deux premiers jours. Pourtant, un regard de sa part suffisait toujours à clouer le bec d’un certain nombre. Ils n’étaient que des poltrons qui ne pouvaient rouler des mécaniques qu’avec le soutien et la proximité d’un groupe. Seul, ils avaient le regard fuyant. Ces abrutis n’avaient aucun honneur, aucune fierté… Désormais, Evan avait une solution contre l’amenuisement de son Étincelle. Les pilules de la Vierge fonctionnaient. Il leur avait donc montré de quel bois il se chauffait. Comme Alejandro aimait le dire : proelis r’ael o’l kazar. « Les arènes règlent tous les conflits ». Chacun de ceux qui dans leur folie avaient cru pouvoir lui prendre facilement sa place de quintus, avait découvert la douloureuse réalité : il était bel et bien de retour. Tous ses adversaires avaient fini en soin intensif et à son grand déplaisir, il en avait ajouté deux au groupe des Trépassés, rajoutant deux noms supplémentaires à sa Liste Grise. Les funérailles sur le Quai avaient été aussi pénibles qu’à chaque fois. Ces familles en deuil, ces mères au visage défait. Ces abrutis s’étaient frottés à lui et l’écart de puissance était trop élevé. Parfois enclenché un momentum était comme appuyé sur la gâchette d’un révolver. On ne pouvait plus retenir la balle, une fois qu’elle était partie. Tout cela faisait partie de ce satané Tri. Les abrutis n’y survivaient pas. Après une semaine, il avait finalement récupéré sa place de tertius à Jin qui avait bravement combattu mais il n’avait rien pu faire face à son Kensh’en Or’i à l’intensité retrouvée. Le magister Tambwe était ravi de ses résultats, persuadés que la perte de son titulus et sa brève expulsion l’avaient poussé à se bouger de nouveau le derrière.
La porte du locus s’ouvrit et Charlaine entra en tenant un plateau avec deux sandwichs épais débordant de tranches de saucisse, de bacons, du fromage rouge fondu et un peu plus de crudité que nécessaire, estima Evan. Leurs odeurs alléchantes le firent saliver mais il s’avisa des yeux plissés que Charlaine fixait sur lui et de sa moue contrariée :
— Si tu n’aimes pas ce que tu vois, je donne les deux à Kei, Evan.
— Hum… fit-il tandis que son ventre émettait des borborygmes gênants. Ce sandwich est absolument parfait. Sincèrement.
Keiji se leva souplement et vint prendre un sandwich en le gratifiant d’un sourire moqueur avant de se rasseoir. Evan ne savait pas pourquoi mais ces derniers temps, la jeune fille avait la moutarde qui lui montait rapidement au nez dès qu’il disait quelque chose qui la contredisait ou même semblait aller dans ce sens.
Par ailleurs, il savait qu’elle avait le sommeil agité, vu qu’elle s’était « un peu » installée chez lui pour le garder en observation et étudier les effets des pilules. Même si Evan soupçonnait que le savoir pas loin la rassurait. L’Ojin, les Loups, toute ces expériences traumatisantes l’avaient chamboulées. Car après tout, c’était la première fois de sa vie qu’elle était la cible d’entités meurtrières. Cela ajoutait sûrement à sa mauvaise humeur, sans oublier qu’elle souffrait encore de sa rupture avec Baptiste mais il n’avait pas abordé le sujet.
Les souvenirs qu’Evan gardait de ces deux jours hors de la cité étaient toujours flous. Un peu comme le négatif d’une photo. Les couleurs exactes manquant à l’appel.
Charlaine lui avait dit qu’il avait prononcé plusieurs phrases énigmatiques. Et même cela restait vague car il n’aurait pu dire exactement ce qu’il avait dit mais il se souvenait bien de ce qu’il avait ressenti. Comme si momentanément on lui avait mis dans la tête les pensées, les émotions et les souvenirs d’autres personnes. L’aspirante scientis lui avait dit qu’il avait parlé des Seigneurs du Chaos, ce qui n’était pas pour le rassurer. Également d’un Pourfendeur du Ciel et du Roi tombé du Ciel. Edward Lukeni et sa Lune, Orion Eldar. Mais il n’avait aucun lien avec Edward Lukeni ? à part le fait qu’il était également originaire de la même fédération, l’Union Kongo. Selon les dires de Charlaine, même sa diction avait momentanément changé.
Etait-ce un accès de folie ? Peut-être, peut-être pas. Depuis, cela ne s’était plus reproduit. Il espérait que les choses demeureraient ainsi.
En réalité, Evan la soupçonnait de lui en vouloir surtout parce qu’il l’avait traîné sur son épaule sur plusieurs centaines de mètres, comme un vulgaire sac de riz. Quand cela lui prenait, Charlaine pouvait faire de la vie de n’importe qui un véritable enfer, et assez longtemps. Et pour des broutilles et des détails insignifiants en plus…
— Je peux ? demanda-t-il en essayant de ne pas trop montrer qu’il en mourrait d’envie.
Il savait que la jeune fille si jamais, il ne faisait pas montre d’un peu d’humilité, s’en irait avec ou pire, le donnerait à Keiji qui le mangerait sans vergogne devant lui. Et pourtant il était chez lui, mais depuis qu’il avait fugué, elle craignait qu’il disparaisse de nouveau. Alors qu’il lui avait assuré que cela ne se reproduirait plus. Sans savoir pourquoi, il en était convaincu.
— J’ai vu la façon dont tu les as dénigrés.
— Je ne les ai pas dénigrés, Charlie. Je t’assure.
Elle fronça les sourcils en plissant des paupières suspicieuses sur ses prunelles présentement bleues. Décidément, elle n’était pas de très bonne humeur. Evan tenta d’avoir l’air le plus neutre possible et son estomac le trahit à nouveau. Charlaine eut un sourire doux et moqueur qui adoucit son joli visage et ses saphirs clairs furent envahis d’émeraude et de chaleur. Elle lui tendit le plateau et Evan se servit en la remerciant. Ce qu’il ne fallait pas faire pour un sandwich… Il soupira. Charlaine ressortit, un sourire lutin flottant sur les lèvres en leur demandant s’ils en voulaient encore. La réponse fut positive.
— Tu as vraiment fait fort pour qu’elle t’en tienne rigueur pendant deux semaines. J’ai jamais réussi à faire ça, ricana Keiji. Et pourtant je lui ai tiré les cheveux jusqu’à ce qu’elle en pleure quand nous étions plus petit.
— Je m’en souviens, répondit Evan en souriant.
Il haussa des épaules indignées.
— Mais je ne mérite pas tout ça. Il s’est passé tellement de chose ces derniers jours que je ne sais même pas pourquoi elle m’en veut. Peut-être pour tout à la fois.
— Je pense qu’elle est comme ça parce que tu l’inquiètes. Tu sais comme les scientis détestent ne pas comprendre les choses. Je pense qu’elle ne comprend toujours pas ce qui t’es arrivé. Personne ne l’a compris jusqu’ici, même pas toi. Et ce n’est pas rassurant du tout. Tu m’inquiète aussi, tu sais ?
— Je te le dis encore une fois. Il n’y a pas de raison s’inquiéter. Ça ne se reproduira plus. Je ne la mettrai de nouveau en danger pour rien au monde.
Evan vit que Keiji, assis sur les tatamis, le dos contre le mur, le regardait étrangement par-dessus son sandwich moitié terminé. Comme s’il essayait de peser la véracité de ses propos.
— Attends, tu ne penses quand même pas que je mettrais volontairement sa vie en péril ! hein ? Rassure-moi.
— Ce n’est pas comme si tu avais réellement ce pouvoir, Evan. Tu dis que tu étais contrôlé. Et si jamais le Chuchoteur te contrôlait à nouveau. Elle se mettrait à nouveau en danger pour toi. Et ça, je….
— Tu ?
— Je ne peux pas le permettre, Evan.
— Fais-moi confiance quand je te dis que cela ne se produira plus. Je ne me ferais pas avoir à nouveau. J’en suis certain.
— Ah ouais ? Tu en es certain ?
— Si tu as quelque chose à dire, dis-le qu’on en finisse.
— Tu es devenu négligent… Trop négligent.
— Je sais… répondit-il sachant pertinemment à quoi il faisait référence.
— Alors ne me parles pas de ne pas mettre en danger, s’il te plaît ? Alors que tu as laissé le Baron en vie. Ce gars t’a pratiquement tué dans le Cimetière de Verre et de Métal, toi, un Guerrier Impérial. En te montrant si faible, tu l’as mise en danger. Elle et toutes les personnes qui te sont chers. Je ne serai pas tranquille tant que je ne l’aurai pas livré aux Exécuteurs ou le cas échéant quand il sera tombé par ma lame. Alors s’il te plaît ne me parle pas de certitude quand tu as réussi à la mettre en danger à l’intérieur même de la cité.
— On en a déjà parlé. Je te rappelle que j’étais en train de me vider de mon sang, que je m’étais fait rouer de cou et que j’étais déjà bien affaibli.
Keiji secoua la tête comme s’il lui racontait des bobards en se levant d’un bond.
— Pas plus que dans la Fourmilière, Evan, fit-il d’une voix glaciale en se rapprochant de lui, son front pratiquement contre le sien, son regard perçant semblait le traverser de part en part. Si cela s’était produit il y a sept mois, tu l’aurais décapité au lieu de te défiler même s’il ne te serait resté qu’un bras et une jambe. Tu as laissé filer ce type qui a combattu contre un Fils de la Foudre et qui visiblement s’en ait sorti. La plupart de ceux qui subisse de plein fouet le foudroiement d’un fulgator et qui s’en sortent, sont instables mentalement. Et ce fou circule librement au sein de la cité.
Il avait haussé le ton, la voix vibrante d’indignation et de rage avant de se détourner lentement.
— Je trouve ça incroyable qu’il n’ait pas déjà fait du mal à Tessa ou à Charlaine parce qu’il suffit de se renseigner un peu sur l’Observer ou sur Keep pour en savoir suffisamment long sur toi et t’attaquer où ça fera mal.
Evan observa son ami plus indécis qu’énervé par cette tendance qu’il avait ces derniers temps à rabâcher ces états de fait. Il le savait déjà. Il savait qu’il avait fait une erreur. Mais le Baron n’avait rien fait en un mois. C’était peut-être le signe qu’il n’y avait rien à craindre car après tout, Tessa était pratiquement l’amalia de Lucas et seul un inconscient s’attaquerait à une Harlec ou à l’amalia d’un Harrow. Quant à Charlaine, et bien, elle était tout le temps avec Keiji ou lui, donc il n’y avait aucun risque. Les seuls moments où elle était seule, c’était les fois où Ella et lui sortaient dans le Moulin, deux fois à peine, ou lorsqu’elle l’invitait chez elle pour qu’ils discutent de peinture. Charlaine ne se joignait jamais à eux, préférant travailler sur le mystère de son Kar’Cirkaem mais elle semblait toujours contente de savoir qu’il passait du temps avec la rouquine. Evan supposait que sa meilleure amie se disait qu’il s’agissait plus que d’une simple amitié mais il n’en était rien.
Ella…
Non, elle ne risquait rien. Il ne l’avait invité qu’une fois pour respecter sa promesse, Chez Georges, le Tueur et elle lui avait proposé de l’accompagner à une fête qu’une fois également. Il avait accepté de mauvaise grâce car il pouvait comprendre qu’elle ne soit pas à l’aise à l’idée de déambuler seule tard dans un quartier du Moulin C’était d’ailleurs la raison pour laquelle elle le lui avait demandé. Il s’était ennuyé ferme, n’étant pas particulièrement friand de la musique discordante uniquement bonne à être utiliser comme instrument de torture, qui faisait fureur en ce moment. La jeune fille avait tenté de l’entraîner sur la piste de danse du grand sous-sol où se déroulait la fête, remplit de lumières psychédéliques, empestant l’alcool et les dernières drogues à la mode, afin qu’il danse avec elle mais elle avait abandonné un peu déçu car il n’avait pas cédé n’étant pas d’humeur à s’y adonner. Il avait patiemment attendu jusqu’à quatre heures du matin qu’elle fût épuisée à force de se déhancher avec ses amis dans sa robe bustier flamboyante comme sa crinière, et qu’Evan avait trouvé un peu trop suggestive à son goût, puis il l’avait ramenée. Elle avait été particulièrement silencieuse sur le chemin du retour alors qu’elle parlait toujours beaucoup. Evan n’avait pas cherché à faire la conversation trop préoccupée par ce qui lui était arrivé dernièrement. Sans parler du fait que la vidéo de son père était réellement inexploitable. Il ne pouvait rien en tirer, que la Regina lui avait volé l’Atomium Adamantis et qu’il n’avait toujours aucun moyen de le récupérer. Finalement, elle l’avait chaleureusement remercié de lui avoir accordé de son temps avant de l’embrasser sur la joue et de disparaître dans son appartement. D’ailleurs, elle lui avait promis de l’emmener dans un restaurant aussi bien que celui de Georges qu’elle était convaincue qu’il adorerait.
— On le trouvera bien à un moment donné, mais c’est bien possible qu’il ait abandonné l’idée de se venger…
Très étonnamment, Evan revit à cet instant, très clairement, l’ignoble visage du Baron, sa peau marquée et abîmée. Et il constata qu’il ne croyait même pas à ce qu’il disait…
— Ouais… Tu crois que nous vivons dans le pays de Gasul ? Tu as vu des licornes ? des fleurs-papillons ou des lapins volants ? Nous ne sommes pas dans le conte de Jushen, à moins que tu ne caches l’Urne d’Ishar quelque part et que tu as déjà demandé à un olen de réaliser ce vœu.
— Le conte de Jushen ne finit pas très bien…
— On s’en fout ! Tu as compris ce que je voulais dire. Depuis qu’on se connaît, je t’ai toujours dit qu’il fallait que tu sois prudent, qu’il fallait que tu te tisses des relations au sein des Sangs d’Acier. Je te l’avais dit que les Sha’Daigan à moins que tu ne fasses quelques concessions, et leur montre une certaine déférence, ferait tout pour t’écraser et te réduire en poussière, ce qu’ont fait le trio infernal d’ailleurs, envers tout le monde même leur semblable. Je te l’avais dit.
— Et je t’ai relativement bien écouté.
— C’est vrai, tu as fait des efforts et même réalisé un coup de maître en réussissant à faire de Tessa ton amalia, même si je t’avais déconseillé parce que j’avais peur que Lucas et ses sbires ne te tombent dessus d’une manière ou d’une autre. Ce qui n’est pas arrivé fort heureusement parce que tu étais maintenant lié à la famille Harlec. Et même lorsque tu as eu la bêtise de briser ta promesse, tu avais encore ton titulus. C’était ta protection nom d’un chien !
Keiji lui saisit violemment son débardeur des deux mains et s’écriant :
— Et maintenant tu es plus vulnérable que jamais ! Et j’ai l’impression que tu ne t’en rends même pas compte ! On dirait vraiment que cela t’est égal. Que tout t’est égal...
— Lâche-moi Kei.
Il fusillait Evan de son regard furieux alors que ce dernier le fixait de ses yeux intenses, avec une moue contrariée. Keiji secoua la tête dépitée presque écœuré.
— Je n’ai jamais vu un tel processus d’autodestruction. Même si tu sembles te reprendre maintenant, il faut que tu comprennes quelle est ta situation mais, j’ai vraiment l’impression que tu ne saisis rien. Il faut vraiment que tu te reprennes, Evan
Evan lui lança un regard inquiet.
— Tu n’as pas beaucoup dormi ces temps-ci, n’est-ce pas ? demanda son ami avec une pointe d’inquiétude dans la voix. C’était quand la dernière fois ?
Le jeune Sha’Daigan passa une main lasse sur son front moite puis dans ses cheveux avant de murmurer :
— Une semaine peut-être…
— Tu as vraiment besoin de dormir, même pour nous le sommeil est vital, même s’il n’a pas besoin d’être long. Peut-être même plus que pour les eretsins. La dernière fois que tu as perdu le sommeil comme cela, c’était après la mort de Jahan.
— Ça n’a rien à voir… Je vais bien.
Keiji prit conscience qu’il grinçait des dents puis secoua la tête et se laissa tomber contre le mur, songeur.
Evan engloutit ce qu’il lui restait de sandwich, fit passer le tout avec de l’eau puis lui demanda :
— Sincèrement, tu es vraiment bizarre depuis que tu es revenu des funérailles de Sha’Sofu.
— Si tu te reprenais pour de bon, je me sentirais beaucoup mieux, rétorqua-t-il sèchement.
Evan abdiqua. Cela ne servait à rien d’insister. Charlaine revint avec les sandwichs et cette fois Evan évita de les juger même en pensée sentant le regard brûlant de la jeune fille qui scrutait avec attention son visage. Tessa lui avait souvent fait ce genre de coup. C’était à croire que toutes les filles savaient lire dans les pensées. Ce qui était une idée assez inquiétante.... Après qu’elle ait donné son dû à Keiji, Evan la suivit hors du locus en mordant dans le sien, estimant que son ami avait sûrement envie d’un petit moment de solitude.
Peut-être souffrait-il encore de la mort du Sha’Sofu mais le jeune ma’nkel soupçonnait néanmoins qu’il y avait sûrement autre chose. Comme s’il avait peur de quelque chose. Ayant déjà rencontré Kenji Endo, le Loup Immortel, Evan avait trouvé le Sha’Sofu très chaleureux et particulièrement drôle. Malgré son vieil âge, son statut et son palmarès impressionnant, il s’était avéré vraiment ouvert et bien disposé à son égard malgré le fait qu’il ne soit qu’un ma’nkel, ce qui n’était pas très courant. Le vieux l’avait par moment fait penser à Keiji. La lueur taquine qui brillait dans leur regard lorsqu’il s’apprêtait à dire une plaisanterie ou l’œil d’aigle et l’aura qui se dégageait de leur personne.
Le salon était rangé, contrairement à ce qu’il en avait été pendant les deux premières semaines après la césure hivernale. Et ces deux dernières semaines, il avait passé ses soirées à tenter de décoder les fichiers de son père ou à essayer de deviner les mots manquants de la vidéo où son père lui disait d’aller voir Heredogar. Deviner, c’était la seule alternative qu’il lui restait tant qu’il n’aurait pas l’Atomium Adamantis. Et en plus de cela, il ne savait pas si le 3ème Imperator, qui par ailleurs était étonnamment sain et sauf aux dernières nouvelles, accepterait d’écouter sa doléance même s’il parvenait à tout décrypter.
Pourquoi se retrouvait-il toujours dans des situations impossibles ?
Le pendentif de Sue avait été détruit par la Niera et il était la clé… Ces souvenirs assombrir son humeur mais il s’ébroua. Il fallait qu’il persévère. Qu’il se reprenne pour de bon comme lui avait demandé Keiji. Et qu’il fasse ce qu’il pouvait pour respecter la promesse faites à Sue mais pour cela, il fallait trouver l’origine du mal qui détruisait son Kar’Cirkaem parce que même si les pilules lui permettaient de se plonger longuement dans le cirkaem movi sans avoir systématiquement une crise, cela ne faisait qu’atténuer un symptôme mais le mal demeurait, impitoyable. Il n’avait eu que deux crises en deux semaines, à chaque fois à la fin d’un entraînement dans la Fourmilière, deux à trois minutes après qu’il ait cessé de maîtriser l’Air. Les crises étaient également moins violentes. Il ne vomissait plus.
Charlaine avait décidé de prendre soin de lui comme s’il avait brusquement régressé à l’état d’un bébé vagissant dans les bras de sa mère. Ce qui était un peu embarrassant mais dans le fond dès qu’elle le pouvait, elle avait toujours pris à cœur de ranger son penthouse et de lui faire à manger depuis qu’ils étaient petits lors des absences de Princeton.
« Non issu d’un même sang mais partageant une même âme »
Elle travaillait en même temps sur le contenu des pilules, essayant de découvrir les effets exacts des molécules qu’elles contenaient sur son organisme. Il semblait que la totalité des plantes utilisées venaient d’une flore qui n’existait qu’à la lisière de la Forêt des Esprits. Elle essayait de les synthétiser afin qu’Evan puisse toujours en disposer car son stock n’était pas infini et que rien ne disait que l’herboriste voudrait toujours lui en donner. Selon elle, même si aux premiers abords comme elle l’avait cru, l’ensemble des plantes étaient nocives, en réalité la nocivité des unes était neutralisée par les autres. Les proportions devaient être calculées au milligramme près pour que cela fonctionne. Malgré cela, même en étudiant son métabolisme, elle n’avait toujours pas pu déterminer sur quoi est-ce que le mélange agissait. Elle pariait sur les Ikins, les points d’équilibre. Peut-être un rééquilibrage du Kar, la quantité d’Ark stocké dans son système artériel arkarien, autour de la constante Mulowa, mais c’était une constante à quarante décimales…
L’une de ses certitudes était que ce n’était pas un produit dopant. Donc la force qui pulsait dans ses veines, la puissance qui vibrait dans son être, venait de lui. Les pilules le débarrassaient de ce qui l’affaiblissait. Elle lui faisait passer des tests dans un prisme crépusculaire après chaque séance de neshirinshi en l’entraînant dans une salle similaire à celle où l’avait emmené Tessa à la suite d’une de ses attaques.
Evan se rappela le baiser qu’elle lui avait donné et chassa cette image et tout ce qui allait avec. Cela ne ferait que le faire souffrir inutilement et il n’en avait pas besoin actuellement ayant déjà bien d’autres problèmes à régler. Tessa s’était montrée distante. Elle n’avait pas cherché à lui parler ou à s’enquérir de son état. Elle gardait ses distances, comme il le lui avait demandé… Et cela ne lui faisait pas plaisir mais on ne pouvait pas tout avoir. Et même s’il avait récupéré sa place de tertius et qu’il avait trouvé une solution à son mal, bien que provisoirement, il n’avait pas reconsidéré sa position vis-à-vis de la jeune Harlec. Les choses étaient mieux telles qu’elles étaient. Car de toutes les manières, il n’était pas guéri. Ce qui le tuait à petit feu, quoi que ce fût, était toujours là, en lui, même si en tant que Fils des Cendres, il n’aurait pas dû connaître la maladie. Cela n’avait aucun sens et fascinait Charlaine autant que cela l’attristait.
Ce qui était un spectacle assez déroutant à voir.
LeConteur.fr | Qui sommes-nous ? | Nous contacter | Statistiques |
Découvrir Romans & nouvelles Fanfictions & oneshot Poèmes |
Foire aux questions Présentation & Mentions légales Conditions Générales d'Utilisation Partenaires |
Nous contacter Espace professionnels Un bug à signaler ? |
2836 histoires publiées 1285 membres inscrits Notre membre le plus récent est Fred37 |