Pourquoi vous inscrire ?
Ignemshir, Tome 1 : L'Étincelle Mourante
icone Fiche icone Fils de discussion icone Lecture icone 1 commentaire 1
«
»
tome 1, Chapitre 62 « Fin de Partie » tome 1, Chapitre 62

Evan leva les yeux des menottes en BoisFer qu’on lui avait mise et regarda son interlocuteur de dos. Ce dernier regardait la cour pierreuse et vide de Fort Laurent à travers les vitres du grand bureau. Le Second Maître se tenait près de la porte, aussi impassible qu’il était possible de l’être. Le Maître du Fort, une Plume de Fer à l’air malingre et au teint cireux, était assise derrière son bureau et déplaçait les pièces holographiques de son plateau de Roi-Pion, jouant contre une intelligence artificielle qui le mettait en difficulté depuis qu’Evan était entré.

Même si ce bureau était le sien, présentement, il lui avait été emprunté par l’homme qui se tenait de dos. Il était de grande taille. Bien battit, les cheveux sombres et longs. Evan connaissait cet homme et ils avaient toujours partagé l’un envers l’autre une inimitié cordiale. Le jeune homme regarda le plateau de Roi-Pion et d’un coup d’œil vit que le Chuchoteur était sur le point de prendre le Roi-Pion après s’être débarrassé d’un Archer et d’un Spectre. Dans trois coups, le Maître du Fort aurait perdu. Il était pris au piège par les Archers et les Assassins adverses, aucune manœuvre ne pourrait lui permettre de se sortir de ce pétrin. Un peu comme lui présentement.

L’homme finit par se détourner de la cour et dit en posant sur lui ses yeux marron foncé froids et perçants :

— Désertion, Evan Kupenda. Vous êtes un déserteur. On vous livrera aux Exécuteurs afin qu’ils vous fassent sauter la tête.

A peine étaient-ils arrivés avec Charlaine au poste-frontière que les Gardes-Murailles lui avait ordonné de sortir de la voiture, les mains en évidence, loin de son neshir, avant qu’Ulrich ne l’en soulager. Aldo lui avait mis les menottes avec sa brutalité coutumière avant de le jeter au sol en le traitant de déserteur.

Evan n’avait pas vraiment été surpris. Il savait que c’était ce qui l’attendait. Une journée complète plus une matinée ? Pour un autre alumnus, on aurait sûrement attendu deux jours complets avant de l’estampiller déserteur mais étant donné ses relations avec le magister magnus, son classement actuel, la perte de son titulus la veille. Il n’avait pas attendu plus longtemps. Charlaine avait tenté de leur expliquer en larme qu’il revenait volontairement, qu’il n’était pas un déserteur mais Ulrich lui avait expliqué qu’ils ne pouvaient rien faire car un bulletin d’arrêt avait été émis. Il devait être mis aux arrêts. Les Corneilles de Fer ne tarderaient pas à venir le récupérer. Elle avait alors demandé à lui parler. Aldo avait refusé mais Ulrich l’avait convaincu.

Elle l’avait serré contre lui en lui assurant que tout irait bien. Que dès que Keiji viendrait, il trouverait quelque chose. Un moyen, une solution. Evan avait simplement hoché la tête, trop épuisé pour dire quoique ce soit. Même à cet instant, sa fatigue le remplissait d’une profonde lassitude. Sa situation était désastreuse et finir décapiter par un Exécuteur ou empaler dans une arène revenait au même. La manière de mourir importait peu. Seule la manière dont on avait vécu comptait… Et son bilan n’était pas fameux. Charlaine avait beau avoir insisté que Keiji trouverait un moyen, il savait qu’il n’y avait aucune solution. Il était peut-être un Sha’Daigan mais il n’avait aucun pouvoir. Son grand-père, le Mikado Noir n’interviendrait pas pour un fuyard et un déserteur. Il lui manifesterait le même mépris que toutes les Corneilles de Fer lui avaient manifesté. Quant à Princeton, il n’était tout simplement pas là. Il ne pourrait rien faire pour lui.

— Vous êtes d’ores et déjà expulsé de Kiona Paine. Vous n’êtes donc plus membre du primum agmen. Cet après-midi vos anciens partenaires seront mis au courant. C’est déjà le cas des magistri de la schola et un communiqué sera publié sur le Kiona Paine Observer.

Evan pariait que Salman se chargerait de l’écrire. Quelle magnifique conclusion pour son article ! Une fin tragique comme on les aimait. Lancelot Dreiven le regardait en plissant ses paupières pourvues de longs cils et caressa ses mâchoires assombries par une barbe naissante. Ses traits étaient réguliers et son expression à mi-chemin entre le mépris et la défiance. Il regardait toujours les gens avec comme une sorte de froide mélancolie qui empêchait de deviner clairement ses intentions.

— Vous ne dites rien ? Jusqu’à présent vous n’avez jamais eu la langue dans votre poche lorsqu’il s’agissait d’exprimer ce que vous pensiez.

Le jeune Kupenda esquissa un sourire sans joie avant de dire, en plantant son regard intense dans celui du magister magnus.

— Ce qui sort de ma bouche n’a aucune valeur à vos yeux, magister Dreiven... Dès l’instant où je suis sorti de la Caverne aux Épées avec Wazushendi au côté… Je me souviens de la façon dont vous m’avez regardé. Vous étiez du même avis que l’un des seconds du Maître des Soupirs que Princeton a empalé à un chêne-fantôme pour me protéger.

— Je savais que cela arriverait indubitablement. Peut-être que si vous aviez bénéficié d’un meilleur encadrement, vous seriez devenu un homme d’honneur et de principe mais que voulez-vous, même le meilleur fer rouille lorsqu’il est noyé.

— Vous voulez parlez de Princeton…

Le magister magnus ne dit rien et se contenta de l’observer. Evan savait que derrière son masque, il se délectait de chaque seconde. Il analysait sa réaction, scrutait ses expressions voulant le percer à jour. Il s’était sûrement attendu à ce qu’il s’énerve et son apathie le surprenait.

— Bien, si vous n’avez rien d’autre à ajouter. Le Second Maître va vous escorter dans votre cellule en attendant l’arrivée de l’icare qui vous emmènera à la Citadelle de Fer pour l’Épreuve du Roi.

Evan se raidit mais ne dit rien.

— En effet, j’ai dit que l’on vous couperait la tête, mais je n’ai pas dit où et quand. Ils vous couperont la tête si vous échouez à l’Épreuve du Roi. Même si vous êtes visiblement un échec, vous demeurez un Guerrier Impérial et vous pouvez toujours être utile au Noguem. Que ce soit ici ou là-bas, vous servirez le Noguem jusqu’à votre mort, Kupenda. Le Grand Exécuteur a besoin d’un nouveau disciple, je vous laisse deviner ce qui est arrivé à l’ancien. Il fonde de grands espoirs sur vous…

Evan déglutit. La Citadelle de Fer. Le collegium des Plumes de Fer. Une vieille forteresse datant de l’Âge des Immortels se dressant sur une île rocheuse et inhospitalière perdu dans l’océan Atlantique non loin des Terres Anglaises. Fondamentalement, cela ne changeait rien au fait qu’il allait mourir. L’Épreuve du Roi était l’épreuve d’entrée à la Citadelle de Fer. Elle n’était pas, d’après les rumeurs, aussi difficile que les Trois Montagnes mais ce ne serait sûrement pas une partie de plaisir. Et même s’il la réussissait, les Plumes de Fer ferait de lui un zombie fanatique et zélé, dévoué corps et âme à faire respecter le Codex Shirin. Il mourrait donc loin de ce qui avait été son foyer, de ses amis, de Princeton. Seul. Encore cette solitude. En sus de cela, il avait l’impression d’être vendu. N’être rien de plus que l’esclave qu’il avait toujours été…

L’Ojin, le Chuchoteur, il supposait, avait raison. Il n’aurait pas dû revenir. Il s’était dit que même s’il se faisait arrêter, au moins Charlaine serait là, Keiji le soutiendrait, mais désormais, même cela il ne l’avait plus. Les aspirants Plumes de Fer renonçaient à leur famille pour épouser et servir le Code des Cendres. Ne faire qu’un avec le Fer. Il n’y aurait pas de visite. Juste une cellule sombre et fétide où il n’aurait pour unique réconfort que les rayons lunaires filtrant à travers les barreaux de fenêtres étroites. Il ne parvint pas à cacher son trouble et il vit dans le regard de Lancelot une joie mauvaise. Il avait réussi à lui faire mal. C’était exactement ce qu’il recherchait.

Le Seconde Maitre du fort le poussa. Evan obéit et s’éloigna vers la sortie. Alors qu’il allait s’engager dans le couloir, Lancelot lui dit :

— Vous auriez pu devenir un homme puissant mais que voulez-vous, Princeton est ainsi. Depuis son plus jeune âge. Il a toujours détruit tout ce qu’il touchait. Vous n’êtes que la victime, Evan. Ne le voyez-vous pas ? Car où est votre tuteur ? Celui qui a été pour vous comme un père. Où est-il alors qu’il devrait être à vos côtés ? Voyez-vous, il ne vous a jamais appris l’essentiel. Le plus important pour un alumnus. La règle de base : Ko’h ten Jashen’h. Evan. « Soumets-toi ou meurs ». Tout simplement.

— Le Tri continue, murmura Evan à mi-voix, le visage impassible, le regard sombre.

— Oui, Il est inéluctable et primordial. Sinon, nous sommes perdus. Et c’est mon devoir en tant que magister magnus de veiller à cela. Adieu, Empereur déchu.

Un beau jour, Phobos explosa. L’une des lunes de Mars fut réduite en un nuage de poussière qui désormais formait un anneau autour l’astre écarlate. Transformation, mutation, destruction. Quel phénomène avait bien pu provoquer sa destruction ? Pourquoi pensait-il à cela maintenant ? Faisait-il inconsciemment une analogie entre son sort et celui de ce satellite ? Pourquoi sa destruction ? Pourquoi lui ? Son Kar’Cirkaem… Son père lui avait déjà dit que toute chose arrivait pour une raison. Il y avait les conséquences de nos actions et la main souveraine de l’Existant. Néanmoins, ce qui déterminait la direction de son existence étaient principalement nos agissements. Ils l’avaient mis dans la même cellule que la dernière fois. La grande tâche brune sur le sol en béton nu était son sang. Les souvenir du châtiment lui revinrent comme un éclair dans la nuit et la chair de poule se propagea sur sa peau comme le grondement d’un tonnerre dans le ciel.

Evan entendit des bruits de pas dans le couloir sombre et glacé où une odeur de moisi flottait. Il redressa lentement la tête alors que les pas s’arrêtaient devant la grille de sa cellule. Charlaine, les yeux gonflés par les larmes. Ses yeux brillaient d’un triste bleu profond.

— Ça va ?

— Non pas vraiment.

— Je suis désolé…

— Je le savais, Charlaine. Je suis venu de mon plein gré, tu ne m’as pas forcé.

— Si je n’étais pas venu, tu…

Elle étouffa un sanglot, une main sur la bouche et se laissa glisser le long des barreaux jusqu’à s’asseoir les jambes repliées sous elle, une main serrant les barreaux si fort qu’elle tremblait. Evan se leva et vint s’asseoir, contre la grille. Il posa sa main sur la sienne et elle cessa de trembler.

— Je ne veux pas que tu partes, sanglota-t-elle. Je suis responsable de ce qui t’arrive, Evan.

— Si tu n’étais venu, je serais sûrement parti on ne sait où avec le Chuchoteur…

Dans son regard triste, une lueur de surprise scintilla.

— Le Chuchoteur ? Murmura-t-elle d’une voix un peu rauque en reniflant. C’est comme cela que tu l’appelles ?

— Oui.

— Comme dans le Roi-Pion…

— Exactement…

Il eut un silence et elle serra ses doigts fins autour de sa main large en murmurant :

— Tu sais que je t’aime, Evan.

Il sourit en pressant doucement sa petite main.

— Je sais, Charlie. Et moi aussi je t’aime. Probablement depuis le premier jour que je t’ai aperçu devant la demeure du Maître des Soupirs…

— Je m’en souviens, tu m’avais souri et tu avais même commencé à venir vers moi ?

— Oui, et je ne sais pas trop pourquoi. Ou peut-être si, tu me regardais avec beaucoup d’attention. Et attiré ton attention m’a plu je crois bien. Et je me suis dit que ce serait bien, si je pouvais devenir ton ami.

— J’avais ressenti la même chose.

— Un seul regard de ta part, et je ne me sentais plus seul.

Evan sourit en se revoyant dix ans plus tôt.

Il était debout près de Princeton, silencieux et tendu, observant les élèves autour de lui avec un regard qui se voulait brave. La cours du Manoir du Maître des Soupirs bourdonnait des petites voix aigües d’une centaine de futur Fils des Cendres. Ces enfants Compatibles n’étaient pour l’instant que de simples hommes mais d’ici la fin de la journée, ils seraient tous devenus plus que cela.

Âgé d’à peine huit ans, les Compatibles étaient, soit sûr d’eux et excités à l’idée d’avoir enfin leur neshir, soit inquiets à la pensée qu’ils allaient peut-être recevoir un neshir de basse Compatibilité, un neshir Plébéien. Ceux qui s’en souciaient surtout étaient les Sha’Daigan et les Sha’Genji. Les Ma’nkel présents attendaient juste patiemment avec fébrilité parfois mais sans pression. Quant à lui, même si extérieurement, il ne montrait pas son agitation, il ne cessait de se répéter : « je dois vivre, je dois vivre. Pour Sue. Je dois vivre. ».

La perte de sa jumelle était une blessure encore fraîche et sanguinolente. Il n’avait pas eu de nuits paisibles depuis plusieurs mois. Il s’était renfermé sur lui-même et il s’énervait pour un rien contre Princeton, cassant parfois de la vaisselle en allant même jusqu’à jeter son assiette parterre lors du dîner mais ce dernier ne réagissait pas se contentant d’un regard soucieux. Parfois il lui arrivait de regretter qu’il lui ait sauvé la vie, son absence était insupportable. Une telle solitude. Il n’entendait plus son rire, sa voix, et elle n’était plus là pour l’embêter à toute heure de la journée. De sa présence solaire il ne restait plus qu’un vide sombre et silencieux.

Celui qu’il supportait encore moins était le psychologue salomen chez qui Princeton le déposait toutes les semaines. Mais depuis deux jours, il allait un peu mieux. Deux jours plutôt, il était rentré de son rendez-vous en bus, il avait trouvé sur la véranda un chevalet et tout un matériel de peinture. Une toile vierge était posée et les Ruines s’étendaient à l’horizon sous un ciel en feu. Il avait voulu aller chercher son appareil photo mais au dernier moment, il s’était ravisé. La scène débordait d’une douce énergie mélancolique qui était au diapason avec son état émotionnel. Sans s’en rendre compte, il s’était retrouvé à peindre ce qu’il voyait. Le travail que requérait la peinture, cette concentration, cette recherche de la couleur parfaite, cette nécessité de retranscrire ce que l’on voyait morceau par morceau, un coup de peinture après l’autre, relâchait progressivement le poids qu’il ressentait dans sa poitrine. Il pouvait même modeler la réalité pour qu’elle ressemble à sa vision personnelle. Un exutoire parfait. Il l’avait pratiquement terminé. Il y avait passé deux jours complets. Princeton ne l’avait pas dérangé. Il avait juste senti sa présence dans son dos à plusieurs reprises, se contentant de l’observer et de laisser sur la table du balcon, son repas.

Evan désirait un neshir Impérial de toutes ses forces car cela signifierait qu’il avait suffisamment de potentiel pour espérer sortir vivant de l’enfer dans lequel il s’apprêtait à plonger. Contre sa volonté. Les années à l’Institut n’étaient pas ce qui l’inquiétait. C’était la schola qui lui donnait des sueurs froides. Cependant, un neshir Impérial n’était qu’un rêve inaccessible pour lui. Il avait déjà compris que seuls les rejetons des Familles Anciennes en obtenaient parce qu’ils appartenaient aux familles qui justement regroupaient les sangs d’airain les plus denses, hérités de leur ancêtre. Des Sangs d’Airain, les pionniers et premiers ignemshirs apparût durant l’Aube Grise et des Améthystes, les glorieux et puissants ignemshirs ayant marqués leur époque lors de l’Âge Sombre, quatre-cents-ans plus tôt.

L’ensemble de la population mondiale avaient été testé depuis le lancement du Projet « NOUVEAU GUERRIER du MILLENNAIRE » mille ans plus tôt, et il n’y avait que très rarement des ma’nkels dotés d’une haute compatibilité observée depuis. Il savait qu’il pouvait espérer au mieux un neshir royal mais ce n’était pas gagné du tout.

Soudain, il eut l’impression d’être observé. Il leva les yeux vers Princeton, ce dernier lui lança un regard interrogateur avant de lui sourire en lui caressant affectueusement la tête.

— Ne t’inquiète pas petite panthère. Tout va bien se passer.

Il hocha la tête sans parvenir à sourire et son regard tomba sur une petite fille qui parlait à trois garçons un peu plus grands de taille qu’elle, deux asiatiques dont un aux cheveux en bataille et au regard perçant, et l’autre à la coupe au bol et à l’air maussade et à un caucasien aux cheveux bouclés, le teint un peu mat et les yeux d’un surprenant turquoise. Il ne comprit d’abords pas pourquoi elle avait attiré son regard quand il se rendit compte que de temps à autre, elle jetait un regard en sa direction. Il regarda autour de lui, se demandant si c’était quelqu’un d’autre, mais finalement, il croisa son regard et vit que c’était bien lui qu’elle regardait. Elle lui sourit même. Et quelque chose qu’il ne pût expliquer se passa en lui et il eut le sentiment pour la première fois depuis très longtemps qu’il n’était plus tout seul. Et il lui rendit son sourire et vit que son regard qui était bleu-vert devint d’un vert éclatant. C’était la première fois qu’il voyait une pathochrome. Il voulut aller la voir pour discuter avec elle bien que cela ne lui arrivait jamais d’habitude mais la main de Princeton se referma sur son épaule et il lui dit :

— Tu vas où comme ça toi ? Le Maître des Soupirs va bientôt sortir.

— Pourquoi est-ce que tu es venu, Prince ? Tous les autres, ils sont venus sans leur parent.

— C’est parce que tu me manquais trop petit gars. Tu sais bien que je ne peux pas vivre quelques minutes sans t’avoir dans mon champ de vision. J’aurai trop peur qu’il t’arrive quelque chose.

— C’est faux, Prince. Tu as l’habitude de partir plusieurs jours.

— C’était une blague. Disons que j’ai mes raisons. Tu es spécial, Evan. Alors je pense que je dois être là. Au moins pour la Caverne aux Épées.

— Je vois...

Evan s’empressa de regarder en direction de la petite blonde et il tomba sur le petit asiatique qui le fusillait du regard. Il se demanda si c’était bien lui qui était l’objet de toute cette haine, et en regardant autour de lui, il en vint à la conclusion que c’était le cas. L’asiatique au regard perçant passa son index sur son cou d’un geste menaçant et celui à la coupe au bol l’imita en essayant d’avoir l’air convainquant. Evan se demanda si c’était à cause de la fille. Ce fût à ce moment que le tant attendu Maître des Soupirs sortit accompagné de ses deux seconds et que la marche vers la Caverne aux Épées débuta.

Elle pouffa de rire avant de dire :

— Keiji, il t’avait dans le nez depuis ce moment.

— Ne m’en parle pas. Il m’a menacé, l’abruti. Après, on s’est même battu à l’Institut des Trois Ordres. Cet abruti voulait savoir si j’étais digne d’entrée dans son groupe d’amis.

— Il t’a bien rétamé.

— Franchement. Il estimait que je n’étais pas digne de toi non plus. Il t’a toujours beaucoup aimé.

— C’est vrai, toujours.

— Ce n’est que plus tard qu’il a enfin perçu en moi de la valeur mais qu’est-ce qu’il était insupportable à l’époque. Tous les petits Sha’Daigan lui obéissaient au doigt et à l’œil.

— Ouais… Tu l’as changé tu sais, après que vous soyez devenu amis. Il a beaucoup changé.

Evan réfléchit un moment puis dit avec détermination :

— Je ne peux pas abandonner.

Charlaine se retourna brusquement vers lui, les yeux grands ouverts avant de dire :

— Tu n’as pas le droit d’abandonner. Même si c’est la Citadelle de Fer. Tu es capable de surmonter cette épreuve, Evan. Tu as ça en toi.

— Mais… même si j’y parviens, ils vont me laver le cerveau. A quoi bon survivre, si je ne suis plus moi-même.

— Parce que je ne supporterai pas que tu meures. Tu dois vivre, Evan.

Les dernières paroles de Sue… Non, Sue, Charlaine, elles avaient raison toutes les deux. Il devait vivre. Survivre à l’Épreuve du Roi. Et lutter pour rester lui-même. Ce serait sûrement très difficile parce que les méthodes employées par les Plumes de Fer pour transformer un ignemshir lambda en serviteur obéissant du Prince de l’Aube et du Codex Shirin étaient de premier ordre. Ils continuaient de mener des recherches et amélioraient année après année leur méthode. Une manipulation mentale très avancée et très réfléchie. Car manipuler l’esprit d’un ignemshir n’était pas des plus aisés, car ces derniers avaient une très grande force mentale. Il devrait se battre comme il s’était toujours battu pour se souvenir de qui il était. Ce n’était qu’une autre identité qu’on allait tenter de lui imposer. De la même façon qu’il ne considérait toujours pas les prénoms et nom de Jameson et Kupenda comme étant les siens, même après dix-huit ans passé à les porter, il ne se laisserait pas imposer une autre identité par-dessus celle-là. Le combat restait le même.

— Si le Grand Exécuteur te désire comme disciple cela signifie que si tu tiens le coup, à un moment ou à un autre tu deviendras le Grand Exécuteur à ton tour, Evan. La troisième plus puissante autorité au sein du Noguem.

Evan eut un sourire sans joie.

— Et je devrais m’en réjouir ?

— Quand il ne reste plus rien, il faut savoir faire avec ce que l’on a, Evan.


Texte publié par N.K.B, 30 novembre 2019 à 11h03
© tous droits réservés.
«
»
tome 1, Chapitre 62 « Fin de Partie » tome 1, Chapitre 62
LeConteur.fr Qui sommes-nous ? Nous contacter Statistiques
Découvrir
Romans & nouvelles
Fanfictions & oneshot
Poèmes
Foire aux questions
Présentation & Mentions légales
Conditions Générales d'Utilisation
Partenaires
Nous contacter
Espace professionnels
Un bug à signaler ?
2836 histoires publiées
1285 membres inscrits
Notre membre le plus récent est Fred37
LeConteur.fr 2013-2024 © Tous droits réservés