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Ignemshir, Tome 1 : L'Étincelle Mourante
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tome 1, Chapitre 53 « Le Sang d'Asano » tome 1, Chapitre 53

Keiji traversa le grand jardin japonais de la demeure familiale des Endo. Il avait reçu un appel urgent de sa mère lui indiquant que sa présence était requise immédiatement à la maison. C’était au moment même où Evan était sorti de la salle de réunion. Comme, il s’agissait de son troisième appel en moins de dix minutes, il avait immédiatement répondu. Il avait dû à contrecœur laisser Evan à son amertume et Charlaine à son anxiété et sa morosité. En arrivant sur le parking, il avait croisé Yun-Mei qui paraissaient perturbée et vu la jeep d’Evan disparaître sur la grande avenue bordée des résidences de Sha’Daigan du 1er arrondissement. Il espérait que son ami ne ferait rien de stupide mais il avait besoin d’être seul pour digérer tout ce qui venait de lui arriver. C’est pourquoi, il avait dit à Charlaine de le laisser partir.

Un large bassin d’eau limpide entourée de rocher commençait près de l’entrée où nageaient paisiblement quelques carassins tête-de-lions orange vif, des carpes koïs rouge et blanche, et quelques poissons dorés. Plusieurs nénuphars flottaient à sa surface. Un pont de pierre blanche aux balustrades en bois, peintes de rouge et de blanc, permettait de le traverser. Des kanji et des symboles soloméniques noirs stylisés étaient dessinés dessus.

Plusieurs autres petits bassins étaient disséminés dans le jardin, souvent cachés par des roseaux, des bambous vert clair et des érables aux nombreux tons d’orange, de marron et de rouge. Certain étaient dotés de pas en pierre blanche qui semblaient flotter à leur surface. Le bâton de bambou d’une auge de pierre se levait puis se rabaissait à un rythme régulier déversant de l’eau dans la cuve minérale. Il émettait un bruit creux et apaisant qui se mêlait au chantonnement de la cascade du bassin principal entouré de petits arbustes, des cryptomerias arborant plusieurs teintes de couleurs, du marron, du vert foncé, du violet sombre. Un ginko se dressait fièrement, ses branches pratiquement nues, auxquelles quelques feuilles dorées triangulaires aux coins arrondis s’accrochaient, tenaces. Des genévriers parfaitement taillés se dressaient dans une parfaite harmonie le long des chemins de pierre bordés d’herbes vertes et vigoureuses parsemés de rochers gris de taille variable surmontés d’un cône neigeux.

Une aire de combat en plein air, une circa, faite de pierres pentagonales, était aménagée plus loin, comme une île de pierre dans un océan de verdure. Son magister primigenius Daisuke Akamatsu, un des Généraux sous les ordres de son père, préférait, selon son expression, avoir « plutôt le ciel pour limite que le toit d’un locus. »

Une clochette dorée était suspendue au bout d’une étoffe rouge près de la porte en bois. La porte coulissa devant lui révélant Caleigh, sa sœur, sur le pas de la porte.

— Elles sont où ? Demanda-t-elle en regardant dans son dos.

— Qui ? Répondit-il en entrant dans le vaste vestibule.

La demeure des Endo était un mélange d’architecture japonaise et de style noguemien. De l’extérieur, elle ressemblait avec son toit au pignon incliné et recouverts de tuiles en céramique au modèle ancestral, avec le chemin qui en faisait le tour derrière les colonnes. A l’intérieur, le plafond très haut de l’entrée avec les deux escaliers en marbres incurvés menant aux étages supérieurs, et le vestibule débouchant directement sur le grand salon avec un mobilier somptueux en BoisFer évoquait plus le style post-noguémien avec sa grande baie vitrée aux contours ondulés.

— Tes futures épouses potentielles, Kei. Je pensais que tu reviendrais avec au moins l’une d’entre elle, au doigt de laquelle tu aurais enfin mit ton anneau de bois, pour tranquilliser grand-père…

— Hum, fit Keiji avec un sourire malicieux. Ce n’est pas pour demain. Elles étaient mignonnes mais pas plus intéressantes que cela.

Sa sœur secoua la tête avec un sourire, le même que le sien, hérité de leur mère. A part ce sourire irrésistible, il ne se ressemblait pas beaucoup. Elle avait plus pris de leur père. Charmante plus que belle, sa peau ivoire, son corps menu, sa grâce de danseuse, ses longs cheveux noirs et ses yeux bridés sombres, doux et magnétiques en faisait une fille très attrayante.

Ils traversèrent le vestibule en marchant côte à côte.

— Que se passe-t-il ? Pourquoi mère parlait avec une telle urgence ?

Leur pas résonnait contre les grands murs recouverts de portraits en peinture mouvante de leurs aïeux illustres à commencer par Aki Asano en personne.

— Aucune idée, personne n’a rien voulu me dire, répondit-elle en haussant les épaules.

Ils pénétrèrent dans le vaste salon. Son grand-père, Asagoro Endo, un colosse, aussi grand que lui mais plus large d’épaule, fixait de son visage de pierre le beau jardin familial. Ses cheveux longs et totalement noir comme du jais, attachés en queue de cheval, tombaient dans son dos sur son élégante veste shirag noire à épaulette brodée de fil d’or aux manches bordées de soie pourpre et pourvu d’une bande de soie noire qui s’enroulait autour de sa manche gauche jusqu’au niveau du cœur où se trouvait l’Ul’Cirkaem doré des Imperators. Il portait un beau sarouel noir brodé de trois fils d’argents descendant le long de chaque jambe et d’une belle paire de Chesterfield marron. Son neshir Impérial pendait fièrement, fixé à sa corne noire gravée du blason des Asano. C’était un octogénaire qui paraissait avoir trente ans de moins à cause de l’Ark qui pulsait dans son corps via les artères de lumière, à l’instar de tous les ignemshirs.

Sa mère était assise sur un des canapés capitonnés en cuir blanc, les deux mains sur les genoux et leva vers elle son beau visage pâle arborant des traits épargnés par le passage du temps, trait dont il avait hérité. Ses yeux bridés pénétrant et plein d’assurance le sondèrent comme d’habitude. La Fille des Cendres portait une élégante robe bustier couleur crème signée de son créateur préféré et qui lui allait à ravir et de coquets talons gris griffés. Ses cheveux étaient ramenés en un chignon sévère qui accentuait la dureté que couvait son visage de femme de milieu de vingtaine alors qu’elle avait pratiquement la quarantaine.

Personne n’aurait aimé s’attirer le courroux d’Aileen Endo. Elle était comme de l’acier trempé, on ne pouvait la faire plier. Même son grand-père était doux en comparaison. Son père était également là. Il faisait sa taille et il était pratiquement aussi athlétique que lui. Il avait une certaine grâce dans les mouvements et une vivacité qui se rapprochait beaucoup de celle que possédaient les ignemshirs même s’il était un magister scientis. Il avait été un excellent joueur de garoway lorsqu’il était à Nosce. Son père était celui qui lui avait appris à jouer au garoway, qui avait fait naître en lui l’amour de ce jeu.

Maintenant qu’il y pensait, il était assez étrange que son père et celui d’Evan ait été de très proches amis lorsqu’ils étaient jeunes, comme l’avait rappelé le vieux Sarou Ngen lorsque Keiji était parti voir le magister scientis Zal, le père de Nora, dans l’espoir de trouver une solution pour Evan. Quelles étaient les probabilités pour que cela se produise ? Elles n’étaient pas particulièrement basses. Il faudrait qu’il lui pose des questions au sujet de Kani un de ces jours. Et d’ailleurs, le magister scientis Ngen avait vu juste à propos d’Evan.

Son père, Akihito Endo avait le menton plutôt carré, les traits austères mais des yeux sombres et doux dont avaient hérités Caleigh. Il avait les cheveux toujours en bataille ce qui agaçait souvent sa femme mais lorsqu’il souriait, son visage se métamorphosait, une étincelle malicieuse brillant dans son regard profond et même Aileen quel qu’ait été la chose qu’elle lui reprochait, finissait toujours par s’adoucir.

Son père retira ses lunettes en le voyant entrer et lui fit un grand sourire, le regard complice. Il avait toujours été particulièrement proche de son père. Lui aussi paraissait plus jeune que son âge, le fait qu’il était marié à une ignemshir y était pour quelque chose. Il était un homme très actif et particulièrement sportif, il arrivait qu’il l’accompagne courir lorsqu’il se réveillait à quatre heures du matin pour se préparer avant de faire son Kensh’en Or’i. Aussi longtemps qu’il se souvenait, son père l’avait toujours laissé traîner dans ses pattes pendant qu’il travaillait dans son laboratoire qu’il avait fait installer dans la résidence. Il avait été le premier à remarquer son incroyable capacité de calcul mental et n’avait pas hésité à mettre à profit ce don lorsqu’il concevait ses modèles d’Icares, d’Ouranos et autres aéronefs. Au lieu de réaliser l’opération sur son ordinateur, il la lui disait après lui avoir expliqué les règles et les lois physiques qu’il appliquait, et Keiji lui donnait la réponse avec autant d’aisance que s’il lui avait demandé de lui passer le sel.

Son grand-père se tourna vers lui, il avait le même regard pénétrant que sa fille et donc que lui. Son visage habituellement inexpressif était marqué d’une certaine gravité.

— Si c’est par rapport aux filles vous ne pouvez quand même espérer que j’ai déjà fait mon choix, quand même ?

— Parce que tu comptais réellement faire un choix ? Lui demanda sa mère d’un ton dédaigneux en le regardant d’une manière peu amène.

Keiji sourit, un peu à la manière de son père et les sourcils de sa mère parurent imperceptiblement moins froncé mais il choisit de ne pas jouer au plus malin et garda le silence. Parce que ce n’était visiblement pas la raison de cette sommation. Son grand-père n’aurait pas eu un air aussi grave. Pour peu que l’expression qu’il lisait sur le visage de pierre du Mikado Noir fût bien celle-là.

— Sha’Sofu est sur le point de nous quitter et son esprit rejoindra d’un instant à l’autre le Vénérable et l’Immortel. Nous devons sans tarder le rejoindre. Il a insisté pour te parler, Sha’Moki. Comme son Dernier Témoin.

Sha’Sofu était le Patriarche du Sang d’Asano et accessoirement le Gardien du Sang jusqu’à ce qu’il choisisse son successeur. Il désignait la branche à laquelle il choisissait de donner la prédominance parmi toutes celles qui existaient et qui avaient conservé leur légitimité. Tout le monde savait que ce serait la branche Asagoro car il avait toujours été le plus influent parmi ses cousins fils des frères de son père, le Sha’Sofu. Et le fait qu’il requiert la présence de son arrière-petit-fils confirmait le fait que les Endo issus d’Asagoro gardaient bien la prédominance. Et donc son grand-père, sa mère et lui n’aurait pas à apporter de modification à leur blason. Ils le conserveraient identiques à celui d’Aki Asano.

C’était un grand et inestimable honneur que d’être en un sens choisi. Il avait des cousins dans le Phœnix Marmoréen et Originel. Ils avaient tous des amalias et semblait donc plus indiqués pour hériter de cette prédominance car prêt à assurer la pérennité du Sang d’Asano. Enfin c’était une possibilité, mais Asagoro était puissant et influent, et Keiji avec son classement au sein du primum agmen et son titulus auctoritatis avaient affirmé la force de sa branche. Car aucun de ses cousins n’étaient des Auctoriteons. C’était aussi l’une des craintes que nourrissait sa mère par rapport à sa situation sentimentale. Elle savait que Sha’Sofu devrait bientôt faire son choix car il était sur le point d’arriver au terme de son existence. Peut-être cela présageait aussi un assouplissement en ce qui concernait les rendez-vous arrangés... Non, il pouvait toujours rêver. Il y avait les Olympeons et le Raaek'a Daedalis, deux opportunités en or d’être rayé de la surface de la Terre par le Tri...

Keiji soupira. Sha’Sofu était sur le départ... Il l’aimait tellement mais cela faisait un moment que l’on s’y attendait. Sa santé avait beaucoup décliné au cours de ses dernières années...

— Je vois, fit Keiji en fixant le sol d’un air maussade.

— Bien, maintenant que tout le monde est là, Père, partons sans tarder, fit Aileen à Asagoro en se levant et sortant du salon de sa démarche élégante.

Asagoro hocha la tête et son père se mit également debout, vint vers ses deux enfants et les entoura de ses bras affectueux en leur embrassant tour à tour le front avant de les entraîner avec lui à la suite de leur mère.

La famille Endo descendit dans le sous-sol de la demeure qui abritait deux aéronefs. Celui qu’utilisait régulièrement les parents de Keiji et celui de son grand-père. L’icare civile aux lignes galbées au niveau de son poste de pilotage, plus épurées sur son fuselage, aux ailes aérodynamiques et qui rutilait d’un beau gris sombre, était celui de ses parents. L’icare militaire personnel d’Asagoro était d’un noir profond. Il avait une forme plus effilée et aplatie. Son fuselage était constitué de lignes gracieuses et ses ailes dotées de puissants réacteurs. Il se dressait fièrement sur trois paires de large patin, une en avant et deux en arrière comme un aigle fondant sur sa proie.

Seul les noguemis d’un certain grade étaient autorisé à en posséder. C’était l’entreprise de son père, Uchu, qui produisait cinquante pourcents des aéronefs des Noguem Marmoréen et Pourpre. Le modèle qu’utilisait l’Imperator Endo faisait partie des plus complets et des plus rapides que l’entreprise de son gendre avait construite. Ce dernier avait même fait modifier le modèle afin de le rendre plus puissant, ainsi disait-il, « Même un Fils de la Foudre aura du mal à te toucher ».

— Nous prendrons mon icare, fit son grand-père se dirigeant déjà vers ce dernier.

Des domestiques en livrée accoururent avec des valises flottantes que sa mère avait sûrement fait préparer dès qu’elle avait reçu la nouvelle. Une ouverture apparue dans le fuselage en même temps qu’une rampe d’accès. En moins de temps qu’il n’en fallait, toutes les valises furent à bord, rangées dans les compartiments prévus à cet effet.

L’Icarius Fulgur 888 pouvait transporter deux décuries. Dans le grand poste de pilotage, un unique siège se trouvait au centre. Keiji savait qu’il y avait deux rangés circulaires de dix sièges qui pouvait jaillir du plancher ainsi que deux de chaque côté. Des rangées de trois sièges en général réservés aux Épées de Savoir, les scientis qui complétait la décurie apportant leur connaissance lors de missions et aux Médis, les salomens versés dans la médecine essentielle à la survie de la décurie en cas d’affrontements violent. Ces derniers étaient également chargés de tenir le journal de bord du vaisseau en y transcrivant tout ce qui se déroulait au cours des missions. Dans le fuselage, deux rangées de huit sièges s’alignaient, séparés par un couloir assez large. Il y avait également à l’arrière, quatre cabines munies de suffisamment de couchettes superposées pour un équipage complet. Trois sièges jaillirent lorsque Keiji et sa sœur, accompagnée par son père et son grand-père, entrèrent. Un cylindre surmonté d’un hémisphère noir sortit également du plancher à quatre pas du siège central. Ils prirent place à l’exception de l’Imperator qui décrocha son neshir et l’alama. Un tourbillon de fumée argentée et jaune apparut et se solidifia en une lame argentée veinée de jaune. Il enfonça la lame dans l’hémisphère noir et le cylindre opaque s’illumina. Keiji observa son grand-père qui s’était assis. Il savait qu’il était en train de converser avec son neshir. Un hologramme de la Terre apparut devant eux. Il y vit une ligne rouge clignotante indiquant le trajet pour la cité de Nagoya. Il annonçait une durée de vol de trois heures.

Aileen Endo monta à son tour. Un siège sortit du sol juste à côté de Keiji. Elle prit place et les ceintures de sécurité l’attachèrent automatiquement.

— Deux heures, murmura son grand-père d’une voix pensive. Nous devons y être dans moins de deux heures.

Les réacteurs s’allumèrent dans un bourdonnement imperceptible et le toit du hangar souterrain s’ouvrit lentement. Keiji sut que même s’il était écrit trois heures, il n’en mettrait que deux. Kaizen, le neshir de son grand-père ferait tout pour obéir à son ordre.


Texte publié par N.K.B, 8 novembre 2019 à 12h01
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