La porte de l’appartement d’Ella coulissa. Elle lui lança un dernier regard avant de disparaître et la porte se referma. En entrant chez lui, Evan ne sut que penser de ce dernier échange. Cette fille était vraiment difficile à cerner.
Keiji était assis au comptoir de sa cuisine américaine, un mourch à la main mais aucune trace de Charlaine.
— Elle passe un appel, lui fit Keiji devinant son interrogation. Baptiste, je pense. Elle est sûrement dans ta chambre ou ton atelier.
Evan hocha la tête en jetant sa veste encore humide sur le sol après avoir récupérer les carte du Roi-Pion. Elles étaient intactes. Aucune trace d’humidité. Il retroussa ses manches et posa sa besace sur le comptoir. Il fallait maintenant qu’il leur raconte ce qui s’était passé avec Franz Parker. Pourquoi il avait accepté sa mission dans le Cimetière. Pourquoi l’Atomium Adamantis était aussi important pour lui. Il devait leur raconter son histoire. Il n’avait plus envie de le cacher car il leur vouait une confiance aveugle à l’un comme à l’autre.
Mais, peut-être n’était-ce pas une bonne idée de les impliquer… Dans le fond, ils l’étaient déjà… Ils étaient un frère et une sœur pour lui. Princeton ne voudrait pas qu’il le fasse mais Princeton n’était pas près de rentrer alors que plus que jamais, il avait besoin de lui.
Avec le soupçon de dissidence qui pesait sur plusieurs Shedims sud-américain, le mystérieux Roi de l’Abîme qui était censé être derrière cet étrange insurrection silencieuse et la volonté de Princeton de mener toute ses missions à biens, il était clair qu’il n’était pas près de revenir à Paris-la-Nouvelle. D’autant que les Aurarques d’Amérique du Sud devaient encore se rencontrer pour convenir d’une stratégie avant de s’entretenir avec ceux du reste du monde lors du Conseil de l’Aurore dont la date avait déjà été définie. Princeton semblait convaincu qu’une guerre allait éclater si aucun accord valable n’était trouvé. Et pour être valable, plusieurs têtes allaient devoir tomber et personne ne se laissait décapiter volontiers, encore moins des ignemshirs.
Il ne lui restait donc que Keiji et Charlaine. En espérant qu’il n’était pas en train de les mettre en danger.
— Allez ! s’exclama Keiji, impatient en claquant de main. Montre-moi ce soi-disant Atomium Adamantis. Ce bijou de technologie millénaire dont tu m’as parlé avant qu’on monte dans ta vieille caisse pourrie.
— Kei…
— Il y a des choses que je ne pige pas, pourquoi Franz Parker a donné cette quête à toi en particulier ? Tu es quoi ? le héros tristounet au destin grandiose d’une histoire épique prenant lieu dans le quartier dégueulasse de la plus vieille cité du monde ?
Kei était de nouveau lui-même. La langue bien pendue et plein de sarcasme…
— Eh bien…
— On se magne, Charlemagne. La Regina n’est plus là. Tu n’as plus à avoir peur qu’elle le voie. Franchement, je ne vois pas ce qu’elle en aurait à cirer d’ailleurs. Toi et tes manières de princesse.
— Je n’ai pas des manières de princesse, rétorqua Evan en ouvrant son sac. Je ne lui fais pas confiance. Moins elle en sait mieux c’est.
— T’exagère, Lily est l’une des personnes les plus loyales que je connaisse. Elle est digne de confiance même si parfois t’as l’impression qu’elle cache des trucs. Elle est juste comme ça. Elle a toujours été comme ça. Tu l’aurais vu quand on était petit à Nouvelle-Byzance, elle avait une telle obsession pour les Bêtes Ancestrales et tous les mystères datant de l’Aube Grise et de l’Age des Immortels. Et franchement, d’homme à homme, achète-toi autre chose que ta carcasse ambulante, ton antiquité me donne de l’urticaire.
— Va te faire voir Kei…
Evan se figea, une main s’agitant dans son sac humide. Il ne trouvait pas l’Atomium Adamantis. Il était pourtant certain de l’y avoir rangé après avoir quitté le Baron. C’était la dernière fois qu’il l’avait touché.
— Je ne la trouve pas.
— Tu te fiches de moi ? Tu as failli mourir pour ce truc et tu me dis que tu l’as paumé ?
Il renversa le contenu de sa besace sur le comptoir. Il y avait son R-Tatoo cassé, sa sphère d’éclairage, un recueil de poème trempé, le sac de pilules de l’herboriste et un vieux bouquin parlant de photographie aux pages humides et gonflées.
— Réfléchi, lui dit Keiji. Et réfléchis vite.
— Mais je t’assure que…
— Evan ! Je te dis de réfléchir ! Utilise ton gros cerveau et trouves où est-ce que tu l’as paumé !
L’herboriste ? Elle le lui aurait pris ? Mais pourquoi ? Il ne voyait qu’elle mais cela n’avait aucun sens. Il fallait qu’il réfléchisse. Sans en connaître exactement la raison, Evan repensa à l’oshaïnim dont lui avait parlé Keiji. Un henshirion avait-il dit ? Il fit soudainement le lien et comprit. Il se sentit stupide. Franchement abruti.
— Par la rouille et les cendres ! Pas quand, ni où, mais qui ! s’écria-t-il rageusement en sortant en trombe de l’appartement.
— Quoi ? s’exclama Keiji courant à sa suite. Comment ça qui ?
— Un henshirion vêtu d’un sweat noir, Kei ! On nous prend vraiment pour des imbéciles.
Keiji ne comprit pas tout de suite où il voulait en venir. Soudain, il fit le lien. Non, ce n’était pas possible. L'oshaïnim ? Mais comment ?
— C’est pas possible que ce soit lui, mec, fit Keiji incrédule. D’où est-ce qu’il serait sort…
Il se figea comprenant enfin tout. Non… Ce n’était pas possible…
Keiji jura. Evan sonnait déjà avec insistance. Une jeune fille, une rousse plutôt pas mal l’accueillit avec un large sourire qui s’évanouie face au visage furibond d’Evan. Elle croisa les bras devant elle comme pour se protéger. Elle semblait avoir subitement très froid. Il s’invita chez elle. Elle s’était immédiatement décalée pour le laisser entrer. Keiji sentit les émanations de l’atmosphaira d’Evan. Il était vraiment hors de lui. Il relâcha légèrement à la sienne car il sentait les poils de ses bras qui se dressaient. Evan lui demanda de but en blanc :
— Où est-elle ?
— Lily ? Balbutia-t-elle, troublée. Elle vient de partir mais elle m’a dit de te remettre ça.
Elle lui tendit à Evan un R-Tatoo à l’écran recouvert de rayure. Evan le prit en grommelant dans sa barbe, et sans rien ajouter, aussi rapide qu’une bourrasque, il disparut dans le couloir en courant.
Evan dévala les escaliers quatre à quatre et en se penchant par-dessus la rambarde, il vit Nora qui arrivait au niveau du hall, cinq étages plus bas et qui disparût de son champ de vision. Le sang d’Evan ne fit qu’un tour. Il ne la laisserait pas s’en tirer ! Il était hors de question qu’il laisse l’Atomium Adamantis à qui que ce soit !
Keiji le vit sauter prestement par-dessus la rambarde. Son visage qui disparut rapidement vers les étages inférieurs, arborait une expression qu’il ne l’avait pas vu avoir depuis près de six mois. Et il ne put s’empêcher de frissonner. Il hésita en l’apercevant par-dessus la rambarde qui chutait vers le hall en ralentissant à peine sa chute à l’aide des rambardes des étages inférieurs. Il l’imita en se disant qu’il fallait qu’il empêche un bain de sang. Il savait que la Regina était forte, pratiquement l’égale d’Alejandro mais Evan pouvait se montrer imprévisible. Même dans son état actuel.
Et cette expression, un mélange de colère et de détermination… Et ce sourire sinistre… Cela le poussait à s’en faire pour la Regina Pourpre. Même si du point de vue du reste du monde, c’était sûrement pour Evan qu’il devrait s’en faire.
D’autant que se retrouver avec la fille d’un membre si important du Noguem blessée mortellement pouvait lui valoir d’être sévèrement puni. Le châtiment qui l’attendait était pire que ce qu’il avait pu connaître jusqu’ici. Même Fort Laurent serait de la rigolade à côté. Il ne serait pas expulsé de l’Ordre car il était un Guerrier Impérial. Il serait livré aux Exécuteurs des Plume de Fer.
Ils étaient chargés de la décapitation des ignemshirs condamnés à mort. Ils avaient également pour prérogative de passer les ennemis du Noguem à la question et de conduire les condamnés de niveau D vers les sinistres prisons Nihilo. Les Exécuteurs feraient passer Evan par un châtiment si terrible qu’il regretterait de ne pas être mort dans la Fourmilière. Car la fureur du Sultan Écarlate, Smerdis Zal, en apprenant que son héritière, sa préférée parmi les dix petits-enfants ignemshirs qu’il avait, avait été mutilée par un ma’nkel, le rendrait intraitable. Il exigerait une punition que Keiji pouvait à peine imaginer. Il avait déjà rencontré un Exécuteur et même si tous les ignemshirs avaient le regard froid, dans ses yeux à lui, la mort semblait se prélasser comme un animal dans la maison de son maître…
Alors qu’elle atteignait la porte, Nora entendu un bruit derrière elle et se retourna vivement. Elle vit Evan qui se redressait. Elle ne put s’empêcher d’ouvrir des grands yeux éberlués. Il avait… sauté ?
— Rends-le-moi, ordonna-t-il avec un visage qui exprimait un calme inquiétant.
Elle vit à son regard qu’il l’empêcherait tout prix de s’en aller.
— Je ne vois pas de quoi tu parles, dit-elle en faisant un pas en arrière.
S’il elle faisait traîner un peu les choses et parvenait à sortir, elle pourrait le semer sans mal. Le fils du Mikado Noir atterrit souplement derrière lui. Il la foudroyait de son regard perçant, ses cheveux noir corbeau en bataille dressé sur son crâne puis regarda son ami avec une légère inquiétude dans le regard. Il ouvrit la bouche pour dire quelque chose mais il se ravisa.
— Si tu fais un geste de plus, tu signes ton arrêt de mort, le prévint Evan d’une voix vibrante de colère contenue.
Elle fit mine de faire un autre pas et le hall fut subitement submergé d’un atmosphaira dense et écrasant. Le Shogun au Regard d’Aigle et elle tressaillirent en même temps en portant une main à leur neshir. L’Empereur Déchainé s’apprêtait à mettre sa menace à exécution. Ses mitaines étaient déjà enfilées. Sa posture éloquente, celle du Lion du Lon-Shirkairon dissipait les doutes sur ses intentions. Elle relâcha son atmosphaira presque sans le vouloir pour combattre l’agression de la sienne qui semblable à un étau, pesait sur tout le hall. Et ces frisons désagréables qu’ils provoquaient !
Son grade n’avait jamais eu la moindre importance à ses yeux. Qu’elle fût la Regina Pourpre et qu’il fût selon le Code des Cendres censé se soumettre à elle. Peu lui importait…
Cela n’avait jamais eu aucune importance aux yeux de l’ignemshir aux yeux noirs comme la nuit et à la crinière onyx et sauvage. Après tout, il méprisait les Sha’Daigan presque autant que les Sha’Daigan méprisaient les ma’nkel. Il était le deuxième ma’nkel qu’elle rencontrait qui ne considérait pas les Sang d’Acier comme lui étant supérieur. L’autre était Jahandar, ce qui en soit n’était pas surprenant parce qu’aucun alumnus ne lui arrivait à la cheville sur les cinq continents, les fédérations lunaires et martienne, et à travers les Huit Phœnix.
En fait, plus rien n’importait au ma’nkel qui l’assassinait du regard que de récupérer l’objet pour lequel il avait failli mourir dans le froid comme un chien… Oui, elle l’avait vu… Elle avait été témoin de son agonie mais… elle n’avait rien fait… A ce moment, elle n’avait pas jugé sage de risquer de compromettre sa mission. Personne ne devait savoir qu’elle était allée dans le Cimetière de Verre et de Métal. Encore moins un alumnus car il évoluait dans le même milieu qu’elle. Au sein des Trois Ordres. Et désormais, elle ressentait cette culpabilité… Ce n’était pas la pire des choses qu’elle eût faite au cours de sa vie mais c’était la première fois qu’elle regrettait sa décision… Si jamais, il était aussi fort qu’avec les loups géants, elle ne…
Mais oui ! elle s’en souvenait ! Comment avait-elle pu ne pas y penser plus tôt. Une expérience de mort imminente. Il arrivait parfois que lorsqu’un ignemshir échappait de peu à la mort au point d’entendre le fameux Requiem de Cendres, on observât chez lui une augmentation exponentielle de l’intensité de son Kensh’en Or’i au point d’atteindre une Sublimation de Noam. Des scientis qu’elle avait rencontré lors de son séjour dans la Communauté de Russie Orientale qui lui en avait parlé mais ce phénomène était très rare et peu d’ignemshirs l’expérimentaient. La densité du sang d’airain nécessaire pour y parvenir était particulièrement élevé. Ce qui était rassurant, était que cela ne se répéterait pas une seconde fois. Sinon, cela signifierait qu’il était réellement aussi fort et que d’une manière ou d’une autre, il était actuellement l’alumnus le plus puissant des Huit Phœnix, car avec un niveau comme celui manifesté face au loup géant, même Alejandro ou n’importe lequel des Reges et des Reginae des Huit Phœnix, aurait du mal à lui tenir tête. Elle était sûre d’elle. Et puis, les statistiques ne pouvaient pas mentir. Il n’était plus aussi fort qu’auparavant. Tandis qu’elle, n’avait cessé de s’améliorer. Elle ne le craignait pas. Elle ne craignait personne.
— Écoute Evan, il y a beaucoup de choses qui te dépassent. Que tu ne comprends pas. Tu dois d’abords écouter le message que…
— J’en ai marre de t’entendre proférée des mensonges, Nora, la coupa-t-il. Rends-moi la boîte. Sinon, je te le répète, tu signes ton arrêt de mort.
— Tu n’as pas le droit de t’en prendre à moi. Je suis la Regina Pourpre, lui dit-elle.
Elle savait que Keiji n’interviendrait pas. Il respectait la hiérarchie. Elle saurait gérer le ma’nkel même si elle n’avait pas envie de se battre contre lui au risque de le tuer.
— Tu es un oshaïnim ! gronda-t-il en bondissant vers elle. Je ne me soumets pas à un nihil !
Elle alama en un battement de cil sa lame qui se solidifia à partir de la fumée pourpre et noire qui jaillit en tourbillonnant de son manche, afin de parer son premier coup de neshir. Et elle fut à peine assez rapide. La vitesse du garçon à la crinière sauvage était stupéfiante. Elle fut projetée en arrière, surprise par la puissance de ce coup. A la hauteur d’un neyoshirion, un pratiquant de l’École Écrasante d’Augustus Tornado, du premier ordre tel qu’Alejandro.
Elle amplifia son atmosphaira au Crépuscule afin de contrer celle écrasante et désagréable de son adversaire alors qu’il abattait de nouveau sa lame argenté veinée majoritairement de pourpre sur elle. Une force envahit ses membres. Elle le bloqua plus aisément.
Il savait qu’elle était un oshaïnim ? Son estomac se noua. Comment ? Son regard croisa brièvement celui de Keiji, qui observait le duel d’un air sombre. Il lui avait sûrement raconté leur escarmouche mais le Shogun n’avait pas fait le lien lorsqu’ils s’étaient revus dans le restaurant. Alors comment avait-il pu faire le rapprochement ? Son regard croisa celui de son adversaire. Il était si intense qu’elle eut l’impression qu’il pouvait voir jusque dans les profondeurs de son âme.
Se livrant au Ballet de la Flamme, leurs lames se croisèrent avec violence et au milieu d’étincelles tandis que leur corps se mouvait avec fluidité et vélocité. Dans le hall de l’immeuble, les sons amplifiés ricochaient sur les murs et le haut plafond. Nora para deux coups d’épée et manqua de perdre un bras face à Blue Panther qu’elle reconnut. Réalisé avec une perfection dans le mouvement qui confinait à l’obsession. Elle récolta à la place une entaille qui relâcha son fluide vital dont quelque gouttes pourpres tachèrent le carrelage au sol. La vélocité du lonshirion était à la hauteur de sa réputation. L’Empereur Déchaîné dans toute sa fureur ! Comment était-ce possible ? Elle riposta, contrattaqua et para avec son meilleur neshirinshi, et son Kensh’en Or’i brûlant à son maximum, sentant grandir en elle une peur qu’elle ne parvenait pas à chasser. Elle n’arrivait pas à croire qu’il parvenait réellement à anticiper et à parer pratiquement tous ses momentums. Les momentums des henshirions de son niveau étaient pratiquement impossible à anticiper à moins d’avoir un niveau supérieur au sien. Même le Shogun avait eu du mal, mais en même temps, elle s’était servie du Voile des Ombres contre lui. Désormais, il était trop tard. Elle se ferait écraser par son atmosphaira si elle osait redescendre au Vide.
Ce dont elle avait été témoin plus tôt, était donc son niveau réel ? Il était légèrement moins rapide sûrement parce qu’il n’y avait plus de Sublimation ? Mais alors que dire de ses statistiques ? Le scientis s’étaient-ils trompés ? Ce serait une première. Non, c’était lui qui était particulier.
Elle réussit à le blesser à deux reprises. Deux belles entailles, une au niveau de son torse, un autre le long de son bras droit mais, il sembla ne même pas s’en être rendu compte alors que sa chemise blanche s’imbibait de sang. La baie vitrée de l’entrée explosa quand elle passa à travers, forcée de se jeter dedans pour échapper à son dard destructeur. Elle roula sur le sol au milieu des éclats de verre et se redressa en grimaçant, du verre enfoncé dans la paume de sa main libre, en sang.
Elle ne l’avait pas vu venir cette fois-ci. A croire que sa vitesse croissait. Elle avait manqué de se faire transpercer. Il fallait qu’elle file. Il n’était pas normal. Non, pas du tout. Lui arrivait-il de se battre sans une telle fureur ? Son titulus lui convenait tellement ! Dans ses yeux, elle vit qu’il ne la regardait même pas comme un duelliste, un adversaire de valeur mais comme une proie sans défense qu’il s’apprêtait à réduire en charpie. Elle était la Regina Pourpre bon sang ! L’alumna la plus puissante du contient ! A croire que cela ne signifiait rien en réalité.
Evan était comme face aux loups géants mais malgré tout différent. Il savait ce qu’il voulait. Ce n’était pas une fureur aveugle et primitive. Et cette frayeur incontrôlée qui se nichait et s’ancrait toujours plus profondément en elle à mesure que les seconde s’égrainait… Jamais elle n’avait ressenti cela. À part face à son mentor...
Même face à Alejandro contre qui elle avait déjà combattu à de nombreuses reprises lors de championnat de neshirinshi et d’entraînements privés, elle n’avait jamais ressenti une pareille crainte. Juste ce sentiment de ne jamais réellement gagné même si elle l’emportait. Elle perçut un ralentissement dans son Rythme de Chatoiement, la pulsation des vagues d’énergie invisibles qui irradiaient de l’atmosphaira de l’Empereur. Cela annonçait qu’un ignemshir s’apprêtait à réaliser un momentum particulièrement destructeur. En un mouvement, il se tassa sur lui-même, et positionna la lame de son neshir à l’horizontal, de revers en la tenait d’une main. Un momentum qu’elle ne reconnut pas, mais qui avait définitivement l’air plus dangereux que tous les précédents.
Mortel.
Jaillissant du hall comme un lion enragé, le lonshirion bondit en rugissant. Son Kar’Cirkaem, cantonné au Crépuscule semblait sur le point de s’élever au-delà. De briser la Barrière d’On’el Ke’Issin, cette barrière qui semblait aussi aisé de traverser que de tenter de prendre son envol avec cent kilos attachés à chaque cheville. Et il disparût. Subitement. Le Guerrier Impérial, majestueux avec sa crinière faite des fils qui composait le voile de la nuit, s’évapora devant elle.
Une flèche glacée traversa la poitrine de la Regina Pourpre. Une peur panique lui compressa le cœur. Ce n’était pas un jeu d’optique comme pouvait le faire les henshirions ou certains kinshirions. C’était de la vitesse. De la vitesse dans son essence la plus pure.
Elle était fichue.
Soudain, alors qu’il arrivait dans le dos de la jeune fille, s’apprêtant à lui saisir le bras, convaincu que le dénouement du duel allait être apporté par son momentum de l’aïsma interdit, Typhéus, la Lame du Vent, quelque chose en lui se brisa. En même temps une violente douleur explosa dans sa poitrine et se répandit comme de la lave dans ses membres et il perdu le contrôle de son corps. Poussé par sa vitesse, il se sentit projeté dans la neige comme un pantin désarticulé et fit plusieurs roulé-boulé avant de s’arrêter sur le dos, le visage tordu par la douleur, le souffle coupé.
Que lui arrivait-il ?
Il sentit des frissons dans son dos en même temps qu’une raideur douloureuse dans son abdomen et dans ses bras, tandis qu’un feu lui dévorait le cœur. Il se recroquevilla sur le côté en poussant un hurlement de supplicié. Une crise. Il avait une autre crise… La pire qu’il avait jusqu’alors expérimenté. Quand il leva les yeux, à travers le brouillard de son calvaire, ce qu’il vit le tétanisa : la Regina Pourpre en mouvement, se tenait déjà au-dessus de lui, ses yeux embrasés d’un feu meurtrier, le bras levé et la pointe de son neshir qui se dirigeait droit vers son cœur. Son corps tourmenté était lourd comme du plomb. Il ne put que voir la lame se rapprocher de sa poitrine, comme si tout se passait au ralentit. Lui laissant formuler dans un coin de son esprit une simple phrase :
Cette fois-ci, tu ne renaîtrais pas de tes cendres…
Mais une lame argent veinée de jaune jaillit de nulle part et para brutalement la lame pourpre et vengeresse dans un tintement sonore, au milieu d’une gerbe d’étincelle. La Regina fut projetée violemment dans la neige par le coup d’épaule de Keiji qui était brutalement apparut en l’air, sautant par-dessus son corps et il atterrît dans la neige la déformant sous la semelle de ses Chesterfield marron.
Nora se releva rapidement, à moitié sonné et la bouche déformé par la souffrance, une main sur son épaule douloureuse qui saignait depuis plusieurs minutes. Keiji, le regard brillant de la froideur et de l’intimidation d’un Fils des Cendres dans sa nature la plus profonde prit la posture du Loup du To-Shirkairon, l’École Implacable d’Aki Asano, et le Shogun au Regard d’Aigle s’élança avec la ferme décision de mettre fin à ce combat en un coup. Ce dont il était parfaitement capable. Il ne laisserait personne faire du mal à son A’shua Meno. Jamais. Même si cette personne se révélait être la Regina Pourpre, Nora Zal, la Reine des Cendres, qui était en réalité un oshaïnim.
Et Keiji haïssait les oshaïnims du plus profond de son être.
Au même instant, comprenant la situation, Nora jeta précipitamment une sphère-miroir dans la neige. Il fallait qu’elle disparaisse. Elle était déjà blessée et elle avait eu tort de ne pas prendre Evan au sérieux dès le départ. Il avait ainsi réussi à imposer son rythme. Et vu la puissance qu’il relâché, elle avait à peine réussi à l’inverser. Un autre adversaire qu’elle, aurait été réduit à rien après les deux premières estocades. La sphère explosa dans un bruit étouffé et un nuage de fumée s’interposa subitement entre elle et le descendant d’Aki Asano qui n’était plus qu’à trois pas. Deux… Elle eut le temps d’apercevoir son précédent adversaire toujours allongé dans la neige qui sembla frigorifié.
Son estomac se dénoua lorsqu’elle fut cachée par l’ombre de la grande fumée-miroir. La rumeur selon laquelle il ne restait plus que l’ombre du très redouté Empereur Déchainé que certain avait considéré pendant un moment comme pouvant devenir en l’espace d’une vingtaine d’années, un des Shedims des Deux-Frances, était visiblement erronée. Ou du moins, pas encore véridique mais au vu du mystérieux phénomène qui l’avait terrassé, ça ne devrait pas tarder.
Les choses lui avaient échappé. Complètement. Se retrouver à combattre deux des Quatre Souverains. Quelle stupidité… Le regard de Keiji… Cela lui serra la poitrine. Elle le connaissait depuis qu’elle savait marcher et elle savait que c’était terminé. Leur amitié. Le Shogun détestait le mensonge et il ne pardonnait pas la trahison, comme la plupart des ignemshirs. En tant que membre de l’une des Sept Grande Familles, il était étranger à la miséricorde car le pardon n’effaçait pas la honte. Maintenant qu’il savait qu’elle était un oshaïnim, il n’y avait aucune chance que les choses redeviennent comme auparavant. Il l’aurait tué sans hésiter, malgré les répercussions qu’un tel acte engendrerait. Il était tellement fidèle. Fidèle au Noguem plus qu’à la Voie de la Flamme Immaculée. Ce qui n’était pas exactement la même chose mais que beaucoup confondaient. Nora rassembla sa volonté. Elle savait que cela arriverait un jour ou l’autre. Elle était prête à payer ce prix. Pour obtenir ce qu’elle recherchait depuis si longtemps.
Nora s’en fût en courant en se mettant au Vide, se servant du Voile de l’Ombre pour qu’on ne puisse la repérer. Tandis qu’elle marchait rapidement en direction du 9ème arrondissement, l’épaule endolorie, en essayant de bandé ses blessures avec l’intention de rejoindre la gare de Paris-la-Nouvelle dans le 3ème, elle n’arrivait pas à se sortir de la tête ce moment fatidique. Celui où elle s’était trouvée au-dessus d’Evan, sur le point d’effacer son existence de la surface de la terre. Elle n’avait été mue que par un désir primaire de conservation. Comme si tant qu’il resterait vivant, elle ne pourrait plus jamais dormir sur ses deux oreilles.
Elle esquissa un sourire maussade et ne put s’empêcher d’être reconnaissante envers le Shogun car... il l’avait arrêté.
Keiji pila net, la neige se déformant en silence sous ses bottes. Son épaule était légèrement endolorie à cause du coup d’épaule. Sa blessure s’était sûrement légèrement rouverte. Celle que l'oshaïnim lui avait faite. Celle que Nora lui avait faite…
L’écran de fumée qui semblait avoir une existence propre, agissait comme un miroir et Evan qui venait de vomir et qui tremblait frigorifié, comprit même à travers le voile de douleur qui lui engourdissait l’esprit qu’il s’agissait d’une fumée constituée de particule de ver-miroir. Alors qu’il se sentait vaciller vers le gouffre d’un sommeil qui semblait éternel, il aperçut son image, un homme fébrile qui tremblotait pitoyablement dans la neige avec une expression d’agonie sur le visage.
Il détesta cette image.
Il lutta contre le gouffre.
Il refusait d’accepter l’évidence.
Keiji écrasa l’émetteur et l’effet miroir s’estompa.
S’il s’était jeté dedans, il se serrait retrouver piégé car le nuage se serrait refermer sur lui et elle l’aurait tué sans la moindre difficulté.
Il la traversa avec précaution, son neshir levé et disparu.
Oui ! Keiji allait la lui ramené. Il allait la rattraper et récupérer l’Atomium Adamantis.
Il en était capable.
— Kei ! grogna Evan en grimaçant. Dis… dis-moi que tu l’as.
Une brise glaciale souffla et le fit claquer des dents. Elle emporta l’épais nuage de fumée désormais inerte. A son grand désarroi, Evan dû se rendre à l’évidence. Keiji se tenait seul dans la cour d’entrée de son immeuble, son neshir baissé. La Regina Pourpre s’était envolée. Une vie entière de questionnement. C’était ce à quoi l’Atomium Adamantis aurait pu répondre.
Et elle le lui avait pris.
— Je suis désolé Evan, fit sombrement Keiji. Elle a filé…
Pourquoi ? Pourquoi lui faire ça à lui ?
Fichu oshaïnim…
Le monde se fractionna brutalement comme un miroir sous un poing rageur et le gouffre d’obscurité l’engloutit occultant toute lumière ne laissant que les ténèbres.
Et le néant.
Un néant d’amertume.
LeConteur.fr | Qui sommes-nous ? | Nous contacter | Statistiques |
Découvrir Romans & nouvelles Fanfictions & oneshot Poèmes |
Foire aux questions Présentation & Mentions légales Conditions Générales d'Utilisation Partenaires |
Nous contacter Espace professionnels Un bug à signaler ? |
2836 histoires publiées 1285 membres inscrits Notre membre le plus récent est Fred37 |