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Ignemshir, Tome 1 : L'Étincelle Mourante
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tome 1, Chapitre 37 « Berserker » tome 1, Chapitre 37

Evan ressentit brusquement dans son esprit la totalité des consciences qui l’entouraient. Elles étaient comme des petites flammes de couleurs différentes flottants dans une mer de cendres. Enfin plutôt différents agrégats de flammes électriques. Il supposait qu’il percevait d’une certaine façon les signaux cérébraux condensés en un point focal situé au niveau de la tête. Il ne savait pas exactement comment mais il était capable de le faire depuis peu. Et c’était toujours un spectacle magnifique, encore plus, plongé dans cette brume sous cette pluie de flocons de neige. Il avait atteint le point le plus bas de l’Ul’Cirkaem. Il le nommait le Point des Cendres à défaut de connaître sa véritable appellation vu qu’il n’existait pas sur les représentations habituelles des Ul’Cirkaem. Selon ces représentations, il n’y avait rien hors du Croissant de Feu constitué de quatre Points. Le Vide, Le Crépuscule, le Brasier et l’Immaculé. Néanmoins, il savait que c’était un Point du Cercle, vu qu’il avait accès au Mirkh’Ogadoran.

Il se concentra sur le mâle alpha. C’était une flamme plus petite que celle d’une conscience humaine mais plus grande que celles de ses congénères. Il se rendit compte qu’il s’agissait d’un loup géant qu’il avait déjà croisé, deux semaines avant le léopard des neiges. Il tenta d’établir une connexion comme la dernière fois mais il y parvint difficilement. Il n’était pas dans son état normal. Il comprit alors que lui et ses congénères n’avaient pas été dressés, ils étaient drogués et manipulés. Il ne restait pratiquement plus rien de la créature qu’il avait croisée. Il eut un pincement au cœur. Plusieurs fois au cours de ces deux dernières semaines, il l’avait aperçu qui rodait non loin des lieux où il prenait ses photos ou lorsqu’il creusait dans la neige comme un forcené à la recherche du pendentif perdu de Sue.

Il revint au Vide.

— Qu’est-ce que c’était que ça ? s’exclama Nora en le regardant comme une bête de foire.

Était-ce de la peur qu’il voyait dans ses yeux ? Pourquoi aurait-elle peur de lui ? Il remarqua qu’elle avait alamé son neshir et qu’il émanait d’elle une réelle aura de danger. Maintenant qu’il était revenu au Vide, il percevait clairement le fourmillement dans sa nuque. L’instinct du lonshirion, son sixième sens qui l’avertissait d’un danger.

Elle était le danger.

C’était étrange…

Pourquoi lui voudrait-elle du mal alors qu’il s’apprêtait à lui venir en aide. Peut-être ce qu’il venait de faire… Il faudrait qu’il fasse attention à l’avenir. Même Keiji ignorait qu’il en était capable. Il ne savait pas ce qui lui avait pris de le montrer à la Regina… Il esquissa un sourire et répondit :

— Tu ne comprendrais pas. Je me charge du mâle alpha, on attaque en iota. Une fois mort, les autres seront moins féroces ou du moins un peu désorienté. Reste bien derrière moi et couvre mes arrières.

Elle le fixa un moment sans rien dire puis sembla prendre une décision car elle se redressa légèrement alors qu’elle s’était un peu tassée sur elle-même comme une panthère sur le point d’attaquer.

— Je sais ce que signifie : attaquer en iota, répondit-elle sèchement. Je suis…

— Oui la Regina, coupa Evan d’un air égal. Bref, quand j’ouvre la voie, on file vers le bord de Seine, OK ?

Le fourmillement avait cessé. Elle paraissait moins sur ses gardes vis-à-vis de lui mais il savait que cette défiance de disparaîtrait jamais.

— JE prends la tête. TOI, tu restes derrière, ordonna-t-elle. J’ai vu tes stats, elles ne sont pas très glorieuses. Tu ne seras jamais assez rapide. Le bêta te réduira en charpie avant que tu n’aies atteint l’alpha.

Elle n’avait peut-être pas tort mais il se sentait quelqu’un capable de déplacer des montagnes. C’était étrange. Il se mit à marcher vers Crocus en disant :

— La seule chose qui est plus rapide qu’un lonshirion de mon pédigrée est un Fils de la Foudre.

— Oh ! monsieur roule des mécaniques, railla-t-elle. C’était peut-être vrai à une époque mais maintenant…

— Si j’étais toi, je m’arrêterais abruti. Tu oses me tenir tête ? s’écria Crocus, menaçant. Je te l’ai déjà dit. J’ai déjà tué des Fils des Cendres. En tuer deux de plus ne me dérangeras pas.

Son énorme loup commença à tirer sur sa laisse dardant son regard acéré sur le jeune ignemshir. Evan s’arrêta après avoir parcouru la moitié de la distance les séparant et se plongea dans le cirkaem movi.

— Je suis sérieuse, ma’nkel, lui lança la jeune fille qui l’avait suivi, d’un ton excédé. Si tu fonces sur l’alpha, les autres te déchireront avant que tu…

— Tu feras moins le malin quand mon loup chiera tes restes demain matin, lui cria Crocus. Cerbère ! Attaque !

Le loup géant fondit sur eux à une vitesse phénoménale, ses pattes martelant le sol, ses griffes projetant des étincelles au contact de l’asphalte.

— Mets-toi derrière moi ! s’exclama la Regina en se mettant au Crépuscule. En iota, à mon sign…

*

Nora ressentit brusquement une onde qui vibra dans l’air se répandant comme une vaguelette à la surface de l’eau. Elle lui donna la chair de poule en même temps qu’elle éprouva un léger sentiment de bien-être. Il y avait quelque chose pur, d’absolue dans la nature de cette onde. Ce n’était pas une simple émanation d’atmosphaira. C’était une onde neshirienne. La jeune fille se rendit alors compte que la personne à qui elle donnait des ordres n’était déjà plus à ses côtés.

Elle leva les yeux et il était déjà en face de la bête qui abattit ses griffes sur lui. Était-il suicidaire ? D’ailleurs, comment avait-il pu se déplacer aussi vite ? Elle le vit alors disparaître puis apparaître au milieu d’étincelle dû au frottement entre le plat de la lame de son neshir et les griffes du monstre.

Elle n’en croyait pas ses yeux.

Son neshirinshi était féroce, avec la vélocité d’un pratiquant de l’École Déchainé d’Edward Lukeni d’une rare envergure. L’alpha avait du mal à suivre et ses crocs se refermaient à chaque fois sur du vent. Elle voyait dans ses mouvements toute la rapidité et la férocité qui caractérisait le Lon-Shirkairon. Deux bêtes sauvages s’affrontaient. En toute honnêteté, la plus dangereuse n’était pas celle à qui l’on aurait d’abords pensé. Son ballet avec le monstre des Ruines avait quelque chose d’irréel. Il évitait si agilement et gracieusement les coups de mâchoire et les griffes acérés que cela en était… beau ?

Et par ailleurs, il… s’amusait ! C’était cela, il s’amusait. Il aurait pu le tuer depuis longtemps mais il jouait avec la bête. Comme s’il voulait tester ses propres limites. Il n’était pas normal. Ses statistiques étaient-elles erronées ? Forcément… Non ce n’était pas possible. Les scientis ne se trompaient jamais quand il s’agissait de cela mais alors comment ?

Le bêta fondit sur Evan. Elle se rendit alors compte qu’elle n’assurait pas sa part de la stratégie en restant ainsi bouché-bée comme une idiote mais un autre loup l’attaqua avant qu’elle n’ait pu retenir l’autre. Nora évita sa mâchoire qui claqua dans le vide lui projetant son haleine nauséabonde et deux coups de pattes qui lui aurait arraché la tête et déchirer l’épaule. Elle répliqua avec l’Épée de Brume et lui sectionna en un coup les deux pattes avant. Au même instant, la tête roulante du bêta heurta ses pieds. Quand elle leva les yeux vers Evan, l’alpha émit un petit glapissement en même temps que sa tête et une partie de son torse ne se détachèrent du reste de son corps et s’écrasèrent sur l’asphalte au milieu d’une mare de sang.

Des filets de sang sur le visage, près du corps sans vie de l’alpha, elle vit Evan sourire, le regard brillant d’une étrange folie. Elle ressentit à nouveau l’onde neshirienne alors qu’un frisson remontait dans son dos. Evan s’était volatilisé. Elle vit alors un spectacle qu’elle eut du mal à saisir. Autour d’elle, les loups géants devinrent furieux. Ils n’étaient pas aussi vulnérables aux atmosphairas que les humains mais plus sensibles. Le reconnaissant comme une menace pour leur survie, ils fondirent sur Evan, se dégageant de l’emprise de leur maître, explosant leurs muselières. Ils semblaient comme pris de folie furieuse. Alors qu’elle achevait le loup à ses pieds avec la pointe de son épée, elle vit des têtes voler, des loups tombant à terre agonisant.

En l’espace de quelques secondes, ils étaient tous morts.

Evan s’immobilisa avec toujours ce sourire et ce regard délirant et se tourna vers les gangsters. Ils déchargèrent leur révolver sur lui envahissant la grande rue de détonations assourdissantes. Nora, aussi vive que l’éclair, s’était jeté à plat ventre avant de roulé sur le côté, se servant du cadavre du loup pour se protéger d’éventuelles balles. Cela en était fini de lui… Ignemshir ou pas, avec autant de balle dans le corps, il avait très peu de chance de… Elle se rendit alors compte que les balles se figeaient à quelques centimètres de sa poitrine, de ses tempes, de son dos, puis tombaient sur l’asphalte partiellement enneigé en tintant par endroit dans le silence angoissé qui suivi. Il savait même faire ça ? La Verrière Indestructible ? Sa maitrise de l’Air était stupéfiante pour un alumnus… La moitié des Sauvages s’enfuirent en courant abandonnant les cadavres de leur monstre lupin.

Crocus beugla :

— Ramenez-les tous ! ramenez tous les autres ! et on en finira une bonne fois pour toute avec ces enflures !

L’Empereur Déchaîné se tourna vers lui. Crocus écarquilla les yeux, pétrifié. Il marcha lentement vers lui. Ce dernier trébucha alors qu’il reculait. Il sortit son sabre en le levant devant lui. Nora sortit de son état de stupéfaction, se releva et courut vers Evan. Il n’était pas dans un état normal.

— Tu es un lonshirion, dit Crocus en tentant vainement de masqué sa peur même si sa voix tremblait un peu. Tu ne peux pas me faire subir le même sort, ce serait aller contre tes principes.

Evan continuait de marcher lentement vers lui, son épée au poing. Son atmosphaira irradiait de la même intensité. Il n’y avait aucun changement dans ses intentions. Comptait-il vraiment aller jusqu’au bout ? Les lonshirions ne se servaient pas de leur neshir contre des eretsins même armés car le Lon-Shirkairon était un shirkairon absolu… Encore une preuve qu’il n’était pas lui-même.

— Evan ! Lui cria-t-elle.

Soudain, elle entendit des hurlements de loup. Une dizaine de loups peut-être. Crocus esquissa un léger sourire, espérant que les loups seraient là à temps. Il fallait qu’Evan et elles décampent au plus vite.

— Ev…

Il s’était mis face à la direction d’où venaient les prédateurs. Comme s’il recherchait désespérément un affrontement. Elle aurait très bien pu s’en aller, sans se soucier de lui. Car après tout, même s’il y avait mis un zèle disproportionné, elle avait eu ce qu’elle voulait. Et il avait été très clair. Il l’avait fait pour lui-même pas pour elle. Elle soupira avant de crier :

— Hey ! poule mouillée !

Cela fonctionna car il lui jeta d’abord un regard furieux la poussant à se mettre sur ses gardes puis ses yeux s’ouvrirent en grand comme s’il venait de prendre conscience de quelque chose.

*

Cela faisait très longtemps qu’Evan ne s’était pas sentit autant en accord avec son neshir et le Cercle de l’Univers. Mais en même temps, il n’avait jamais été aussi en colère. Il avait l’impression de revivre comme jamais auparavant mais en même temps ce feu le consumait de l’intérieur. Il contempla le carnage qu’il y avait autour de lui et son épée ensanglantée. Il se souvenait de tout. De chaque mouvement, chaque momentum qu’il avait employé pour abattre chacun des six monstres mais c’était comme si ce n’était pas totalement lui. Comme si c’était pour nourrir quelque chose en lui. Ou plutôt apaiser…

— On doit y aller, abruti, lui cria Nora avant de détaler.

Il regarda son poing serrant son neshir. Il tremblait légèrement. À cet instant, il ne désirait rien d’autre que se baigner dans la violence et l’adrénaline d’une bataille. De se battre encore et encore jusqu’à ce qu’il n’y eût plus d’adversaire à affronter… Pour relâcher toute la fureur qui brûlait en son sein. Il n’aurait même pas su dire pourquoi il était en colère, ni même contre qui ? Les Sangs d’Acier qui le méprisaient ? l’assassin qui l’avaient privé ses parents ? Princeton qui n’était jamais là ? le Noguem qui l’avait réduit en esclavage ? Sue qui l’avait abandonné ? Franz qui l’avait piégé ? Il avait l’impression que tous les moments de colère de son existence, toute la rancune qui dans son cœur habitait avait fusionné en une seule et unique entité bien trop forte face à sa raison. Comme s’il était sur le point de basculé dans une sorte d’ivresse avec la perte de contrôle et l’euphorie étrangement libératrice qui l’accompagnait. Comme s’il voulait juste réduire les Trois-Mondes en cendre avec la crainte que même cela ne suffît à satisfaire cet étrange appétit.

— Un homme sans maîtrise de soi est comme une cité sans muraille. Un homme sans maîtrise de soi est comme une cité sans muraille… répéta-t-il à voix basse.

Il parvint un peu mieux à maîtriser ce besoin viscéral et son poing cessa de trembler…

Quelque chose clochait en lui… Définitivement… Il constata que Crocus avait battu en retraite et les loups n’étaient plus très loin.

Il fallait qu’il s’en aille au plus vite.

*

Nora atteignit le bout de la ruelle et entendit le hurlement des loups suivis de grognements et du bruit de leurs pattes géantes battant le sol. Ils les avaient lancés à leur poursuite. Et Evan ? Que lui était-il arrivé ? Elle regarda par-dessus son épaule et vit ce dernier s’arrêter juste à côté d’elle après deux dernières légères foulées, la respiration aussi calme que s’il avait marché. Il était sacrément rapide… Heureusement pour lui car elle ne serait pas repartie pour le secourir. Il avait choisi la position de tête. C’était ainsi que cela se passait. Ils sautèrent par-dessus une rambarde métallique qui longeait une ancienne route inutilisée qu’ils traversèrent en courant. Les loups géants seraient là d’un moment à l’autre. Ils sautèrent encore par-dessus une autre rambarde et dans une obscurité quasiment complète, ils descendirent en courant une pente recouverte de neige et de mauvaises herbes qui menait directement aux eaux sombres de la Seine qui coulaient lentement.

— Dès le départ, ton plan, c’était de nous faire nager ? Demanda la jeune fille à peine essoufflée avec une légère grimace.

— Oui, répondit calmement Evan. Tu ne sais pas nager ?

— Je sais nager, abruti, rétorqua-t-elle avec agressivité. Les loups aussi, et probablement mieux que nous.

— Leur maître ne se risquerait pas à les envoyer dans la Seine car ils nous seraient aisé de les tués à leur sortie de l’eau. Alors nageons vite si on ne veut pas leur servir de repas.

— Il fait moins dix, tu sais.

Evan leva les yeux au ciel avant de plonger dans l’eau sans hésitation. Il lui lança en s’éloignant :

— Tu sais bien que tu ne mourras pas d’hypothermie à moins que tu y passe toute une semaine et que tu t’y ouvres les veines ! Tu es une Fille des Cendres ou quoi ?

La jeune fille soupira avant de se jeter à son tour dans l’eau glacial.

*

Le froid lui mordait la peau consciencieusement mais Evan le supportait sans grande difficulté car il avait brusquement cessé de trembler et sa température corporelle s’était mise à monter rapidement. L’herboriste avait forcément dû le transfuser sinon, il n’aurait pas été capable de se réchauffer. Il atteignit rapidement l’autre rive et se hissa sur la berge en béton, les bras très légèrement engourdis par le froid. Il tendit une main à Nora pour l’aider à monter mais elle l’ignora, le visage contrarié et se hissa à son tour hors de l’eau.

Bon comme quoi même s’il l’avait aidé... Après tout, il ne l’avait pas vraiment fait pour elle donc, peu lui importait. Evan regarda de l’autre côté de la rive et vit les loups qui se tenaient au niveau de la berge. Ils grognaient en faisant des allers-retours le long du fleuve. Les gangsters arrivèrent à leur tour et leur crièrent des insanités. Crocus en particulier. Le prochain pont était au niveau du 9ème arrondissement et il était clair qu’ils se feraient écrouer par les Patrouilleurs s’ils osaient entrer dans le Moulin avec leurs monstres de compagnie.

Les deux ignemshirs remontèrent silencieusement une pente noyée dans la poudreuse compacte fendant un rideau de hautes herbes, leurs Chesterfield gorgés d’eau glacée. Ils arrivèrent sur une longue route qui longeait de grands entrepôts. Evan repensa à l’état second dans lequel il s’était plongé face aux loups. Cela était réconfortant dans le sens où, quelque part, il était encore capable de pratiquer un Kensh’en Or’i d’une excellente qualité et de produire une Étincelle d’une rare intensité. Mais c’était aussi inquiétant parce qu’il ne savait pas ce qui lui était arrivé. Était-ce à cause de ce que la Vierge lui avait fait ? Était-ce permanent ou simplement temporaire ?

Plongé dans ses pensées, il vida l’eau de sa besace puis enleva sa veste trempée et tenta tant bien que mal de l’essorer mais sans rencontrer le succès attendu. La Regina qui n’avait qu’un sweat noir sur elle n’eut pas autant de difficulté.

— Qu’est-ce que tu faisais là-bas ? Demanda Evan en vérifiant que la gelé que lui avait mis l’herboriste était toujours en place.

— Je pourrais te retourner la question, retourne-toi, lui ordonna-t-elle alors qu’elle s’apprêtait en enlever son tee-shirt noir à manche longue.

Evan s’exécuta en laissant tomber sa veste sur l’asphalte recouvert de neige. Il s’essora comme il put sa crinière crépue qui comme une éponge étaient pleins de l’eau du fleuve. Il se promit de se faire un shampoing en rentrant. Une brise glaciale souffla mais elle lui parût tiède.

Il déboutonna sa chemise avant de l’essorer à son tour.

— C’est bon, fit-elle alors qu’il remettait sa chemise humide et glacée sur sa peau brûlante en se disant qu’il faisait bon d’être un ignemshir.

Il était rassurant de constater que les mouvements violents et rapides des momentums utilisés contre les loups géants n’avaient pas rouvert sa blessure. La cicatrisation semblait d’ailleurs très bien avancée. Les choses semblaient s’améliorer. La journée finirait peut-être bien…

Il finit de boutonner et mit sa veste en se retournant. Il s’accroupit ensuite et défit ses lacets avant de vider l’eau de ses chaussures. Il lui demanda alors :

— Tu peux me prêter ton R-Tatoo ?

La jeune fille faisait de même avec ses Chesterfield. Elle avait chaussé une botte sur deux, l’autre trainant sur le sol. Elle se redressa et sortit de la poche de son jean étroit son R-Tatoo. Elle appuya plusieurs fois dessus en faisant une mimique hésitante puis leva vers lui ses yeux ambrés en amande, partiellement cachés par des mèches mouillées qui lui collaient au front, et dit dépitée :

— Désolé, il fonctionne plus.

— Ils sont waterproof, fit remarquer Evan en ramassant sa cravate et la fourrant dans l’une des poches de sa veste shirag. Comment ça se fait ?

— Je n’en sais rien, rétorqua-t-elle sèchement. Je ne suis pas fabricante de R-Tatoo.

Evan plissa des lèvres, blasé par son attitude et ne répondit pas. Il s’accroupit à nouveau pour finir de lasser sa deuxième botte. Quand il se redressa, il constata qu’elle avait chaussé et lassé ses deux bottes et le fixait avec défiance et contrariété, comme si elle essayait de trouver la solution d’un problème compliqué qui lui tapait sur le système depuis un bon moment. Il soutint le regard de la jeune fille quelques secondes puis au moment où elle allait dire quelque chose, il se fit la réflexion qu’il était temps d’y aller. Il s’éloigna vers la route en lui lançant :

— Va’al.

Cela signifiait adieu en solominon. Evan fronça légèrement les sourcils, perplexe, se demandant pourquoi il s’était exprimé dans cette langue… Alors qu’il marchait depuis un peu moins d’une minute remontant les docks et les hangars, la jeune ignemshir le rattrapa en trottinant et se mit à marcher à ses côtés silencieusement. Evan soupira intérieurement. Si seulement elle pouvait prendre la tangente. Maintenant qu’il l’avait aidé, il entendait rentrer directement chez lui. Plus de détour inutile. Il fallait arrêter les frais.

Qu’est-ce que l’herboriste avait mis dans son thé ainsi que dans sa gelée pour qu’il récupère aussi vite. À qui appartenait le sang qu’elle lui avait transfusé. Sue étant morte, qui avait bien pu ? Depuis qu’il avait quitté son magasin, il avait l’impression d’avoir remonté le temps, et d’être de nouveau celui qu’il avait toujours été. Avant que tout ne s’effondre.

Le temps… Il repensa à son étrange vision et sa bonne humeur s’envola. Si ce qu’il avait vu était vrai, était-il donc condamné à perdre le lien fraternel qu’il partageait avec Keiji ? Il n’y avait rien de surprenant à ce qu’il fût constamment submergé par la tristesse… Néanmoins, la Vierge lui avait dit que les choses pourraient se passer différemment… Il devrait peut-être oublier ce qu’il avait vu et entendu. C’était sûrement mieux.

— Merci, dit-elle soudainement sans cesser de regarder devant elle.

Il se serait attendu à tout entendre sauf à des remerciements. Il ne répondit rien.

— Tu souriais, fit-elle après un autre moment de silence.

— Pardon ?

— Tu souriais tout à l’heure quand tu combattais l’alpha.

Evan haussa les épaules sans rien dire. Elle l’observa avant de dire :

— Tu es vraiment intriguant.

— Vraiment ? répondit Evan, impassible.

— Oui, parce que tu es fait d’un bois que je ne connais pas.

Evan ne dit rien.

— Je suis doué pour cerner la personnalité des gens. Et c’est la première fois que je croise un alumnus comme toi. Au-delà de tes convictions inhabituelles, tu fais des choses qui ne sont pas normalement possible.

— Je ne vois pas de quoi tu parles, répondit Evan.

— Si, tu vois de quoi je parle, mais ce n’est pas grave. Il vaut mieux ne pas en parler. Pour le moment.

Pour le moment ? Evan n’aimait pas cela. Il savait ce qu’elle était en train de faire. Elle essayait d’établir un rapport dominé-dominant en lui donnant des raisons de cacher ce qu’il savait faire tout en soulignant qu’elle pourrait s’en servir n’importe quand contre lui. En résumé, il était censé lui être redevable de son silence.

— Parce que si cela se sait, tu finiras certainement chez les Exécuteurs.

— Je ne vois pas de quoi tu parles.

— Tu es vraiment intelligent, fit-elle avec un sourire espiègle mais Evan remarqua que sa main entourait toujours la poignée de son neshir.

Si elle le craignait à cause de ce qu’il avait fait avec son Kar’Cirkaem, elle le cachait fort bien.

— Cela te sauvera probablement la vie, rajouta-t-elle.

Evan ne comprenait pas pourquoi elle trouvait cela effrayant de sortir de l’On’el Kagar. Bien qu’il n’ait jamais entendu parler de quelqu’un qui en fût capable, il mettait cela sur le compte de l’entraînement soutenu que lui avait imposé Princeton. Malgré tout, on leur avait toujours répété qu’on ne pouvait se soustraire à l’emprise de l’On’el Kagar. C’était pour cela que quelque part, il savait que ce n’était pas normal et qu’il ne l’avait jamais dit à personne mais en même temps, rien n’était normal chez lui…

— Et au début, tu avais ce sourire qui était, comment dire, primitif.

— Hmmh…

— Comme si tu n’aimais rien de plus au monde que te battre avec un animal sauvage. Je ne connais pas beaucoup de personnes qui ont ce genre d’expression lorsqu’ils se lancent dans un combat de cet acabit. Nous sommes habitués à combattre, nous les ignemshirs. À aimer combattre. Mais ce sourire, c’était quelque chose de plus profond. Et par la suite, tu es devenu de plus en plus violent. Tu ne t’amusais plus. On aurait dit que tu ne cherchais qu’à faire couler du sang. Affronter un adversaire dangereux et le détruire. Comme si cela était pour toi un besoin primaire comme dormir ou respirer… Et quand je repense à la fois où je t’ai vu dans ton appartement, j’ai vraiment l’impression que tu étais une autre personne. Lequel est Evan Kupenda ?


Texte publié par N.K.B, 19 octobre 2019 à 12h32
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