— T’es encore là ? Lança Keiji après voir ouvert la portière de sa Jeep encore garé sur la place de parking devant l’immeuble Eusofia. Je t’imaginais enfermé dans ton atelier à peindre une de tes horribles fresques dantesques.
Il s’assit à côté de lui et observa son ami qui fixait un point devant lui, d’un air lugubre.
— J’allais partir… J’en meurs d’envie mais… Je n’ai pas non plus envie d’être seul. Si je suis vraiment condamné, je préfère passer le plus de temps possible en votre compagnie. Après tout, je n’ai plus que vous. Et Princeton. Mais Princeton…
La portière arrière s’ouvrit et Charlaine s’assit. Elle posa une main sur son bras et murmurant :
— On est là pour toi, Evan.
Evan réprima les larmes qui lui montaient en hochant simplement la tête. Il n’allait pas pleurer comme mauviette. Même si cela faisait parfois du bien d’être une mauviette.
De temps en temps.
— Non issu d’un même sang mais partageant une même âme, lui dit Keiji avec un sourire encourageant.
— Car les liens qui nous lient dureront éternellement, conclut Charlaine avec en serrant plus fort son bras.
Il hocha la tête.
— Sinon, le magister Sarou aimerait t’étudier. Il dit qu’il pourrait peut-être faire quelque chose.
— Tu penses qu’il pourrait trouver une solution ? Demanda Evan en posant sa main sur celle de Charlaine.
— Je t’avoue qu’il est un peu farfelu. C’est sûrement le magister scientis le plus déjanté que je connaisse mais il est aussi l’un des meilleurs. Son unique problème c’est qu’il s’attaque toujours à des sujets, comment dire, un peu absurde ou décalé.
— Hum…
— Mais pour répondre à ta question. C’est une possibilité. Si jamais tu veux qu’il essaye dis-le-moi, je te donnerai son numéro.
— Tu ne vas pas insister pour que j’accepte ?
— Non, je vais essayer moi-même de trouver une solution, dit-elle d’une voix déterminée. Tu l’ignores peut-être mais je suis l’une des meilleures apprenties en Mécanique Arkarienne depuis plusieurs générations. Je suis pleine de ressource.
Evan sourit.
Non, il ne l’ignorait pas. Il le savait :
— Merci Charlie. Merci à vous deux.
— C’est normal, lui répondit Keiji en s’adossant au siège avec un léger sourire.
Le jeune orphelin se souvint du rendez-vous avec le poseur d’énigme. Il regarda sa montre.
— Kei, tu te souviens des deux cartes ?
— Celle de ton casier ?
— Oui. Eh bien, c’était plus que des simples cartes.
— Je t’écoute.
— Très sincèrement, on aurait dû prendre ma Morinetti.
Ils attendaient dans la jeep d’Evan garée dans le quartier du Coq du 9ème arrondissement de Paris-la-Nouvelle, près d’un trottoir en face d’un restaurant tokyoïte. Sur le trottoir d’en face se trouvait un petit bar exigu qui paraissait petit et tassé sur lui-même à cause des deux hôtels qui s’élevaient de part et d’autre du petit établissement. Il paraissait étouffé par les deux colosses de béton et de verre qui se dressaient sur sept étages. Son enseigne clignotait d’une lueur rouge foncé et annonçait : « Le Roi, le Moine et la Tour ».
— Il n’y a que deux places dans ta voiture d’égoïste, rétorqua Evan.
— Au moins ça permet de faire un tri et de lâcher les poids morts.
Charlaine assise à l’arrière, lui donna une tape sur la tête alors qu’il souriait narquoisement.
— Je ne suis pas un poids mort.
— Je parlais en général Charlie, mais si tu t’es senti visée...
— Ouais bien sûr, je me serais assise où alors ?
— Sur les cuisses d’Evan.
Evan retint un ricanement tandis que la jeune fille frappait une nouvelle fois Keiji.
— Je n’ai plus huit ans, pauvre barjot.
— Physiquement ouais mais…
— Mentalement, c’est une autre histoire compléta Evan avant de se prendre une tape vengeresse sur la nuque.
— Ce n’est pas du jeu avec ta touffe, tu ne sens rien.
— Toujours être bien préparé, répondit-il.
Evan ricana et regarda sa montre avant d’ouvrir la portière. Il retira sa veste et sa cravate bleu roi et or. Il valait mieux que l’on ignore qu’il venait de Kiona Paine. Déjà que les noguemis n’étaient pas bien vu dans le coin auprès d’une partie de la population comme dans la plupart des trois arrondissements extérieurs, il n’avait pas besoin d’attirer l’attention plus que nécessaire vu qu’il ignorait dans quoi il était en train de s’embarquer. D’autant que les clients de l’établissement où il devait se rendre, appartenait probablement aux hostiles à tout ce que représentait le Noguem dans son hégémonie.
— Kei, surveille-là. Je ne veux pas que toute cette affaire tourne au vinaigre. D’autant que le quartier du Coq n’est pas très sûr pour une fille du centre de la cité. Ils sauront qu’elle n’est pas d’ici. Ça se voit à des kilomètres.
— T’inquiète pas, Evan. Je veille sur notre impertinente et turbulente petite sœur.
— Eh ! arrêtez de parler entre vous comme si j’étais une gamine ! En plus, je suis plus grande que vous deux. Et toi non plus, t’es pas d’ici, Kei, conclut-elle en s’adossant vivement au siège et croisant les bras avec une mimique boudeuse. Alors tu devrais aussi faire attention…
— Mais lui, c’est un Fils des Cendres, Charlie. Pas toi.
Le jeune orphelin, referma la portière, l’air badin alors que Charlaine le fixait avec un regard furieux. Il devina sans mal ce qu’elle lui disait en voyant ses lèvres bouger. Et ce n’était pas des paroles seyaient aux lèvres d’une demoiselle. C’est en riant, son neshir au côté, dans sa chemise blanche, les mains dans les poches, qu’il traversa la grande route plongée dans le brouillard. Des halos entouraient les lampadaires sphériques flottants qui éclairaient les trottoirs bondés.
De sa démarche tranquille, il se fraya un chemin entre les passant et rejoignit le bar.
La grande salle était sombre et la pièce enfumée. Il y flottait une odeur de vieux cigare, d’alcool et de viandes grillés. Le mélange n’était pas désagréable mais il n’aurait pas aimé que ses vêtements en fussent constamment imprégnés.
Cela en disait peut-être long sur l’identité l’homme qu’il devait retrouver. Enfin, cela aurait pu tout aussi bien être une femme mais c’était moins probable. Il s’attendait à tomber sur un vieux cinquantenaire bourru à l’air négligé menant une vie peu saine. Néanmoins, pour réussir à s’introduire dans les vestiaires des alumni, il ne fallait pas trop attirer l’attention. Donc soit le poseur d’énigme était un élève de l’école, le plus logique mais cela rendait le lieu du rendez-vous assez étrange, soit il avait demandé à quelqu’un de se faire passer pour un élève ou même directement fait appel à un élève pour glisser les cartes dans son casier.
Il traversa le bar sous les regards soupçonneux et peu amènes des habitués. Ils fixèrent tout particulièrement son neshir. Même s’ils ne les aimaient pas, jamais ils n’oseraient s’attaquer à un ignemshir. Pas à visage découvert…
Il existait des organisations composées uniquement d’eretsins, ayant pour objectif de lutter contre les privilèges des Familles Anciennes, d’autres contre celles des Grands Bourgeois, les familles d’eretsins riches et puissantes, des lignée politiques qui détenaient la grande majorité des postes clés dans l’administration des cités et de ses habitants. D’autres encore étaient contre l’autoritarisme du Noguem et certaines contre la torture et le sort réservé aux ennemis des Trois-Ordres et du Gouvernement. Parmi ces organisations, certaines étaient officielles et avaient un poids non négligeable au sein de la société à cause des soutiens dont ils disposaient au sein du peuple de la périphérie au centre, d’autres étaient dissidentes et leurs membres étaient traqués jusque dans les Ruines où parfois ils se cachaient.
Les membres de la Dissidence taguaient les murs des arrondissements extérieures de message anti-Noguem, recouvraient en une nuit les murs d’affiches appelant à lutter contre le Pouvoir des Trônes et des Grands Cabinets. De nombreux tagueurs étaient appréhendés par la Police de la cité, constitué uniquement d’eretsins et sous l’autorité du Gouverneur. Les Patrouilleurs des Plumes de Terre accordaient rarement de l’attention à de tels menus fretins laissant les eretsins arrêter leurs semblables.
Evan trouva une table libre et s’y assit. Très vite, une serveuse aux cheveux décolorés et au maquillage excessif vint vers lui et lui demanda :
— Vous prendrez quoi ?
Elle mâchait un chewing-gum d’un air ennuyé. Tout cela était tellement cliché qu’Evan ne put s’empêcher de sourire, amusé. Ce sourire, la jeune fille l’interpréta autrement et elle le lui rendit avec un regard qui mit le jeune ignemshir mal à l’aise.
— Un mourch, merci, dit-il précipitamment en sortant son R-Tatoo en se raclant la gorge.
— Tout de suite.
Et elle s’en alla non sans se retourner en lui décochant un sourire aguicheur. Evan se gratta la tête, gêné. On lui servit son mourch et il le but en comptant les minutes passer. Le poseur de cartes avait déjà dix minutes de retard.
Soudain, un jeune homme entra dans le bar. A cause de la fumée, il dut attendre qu’il se rapprochât pour discerner les traits de son visage. Il semblait avoir le même âge que lui. Il paraissait autant à son aise dans ce bar qu’un agoraphobe projeté sur un trottoir bondé. Vivre reclus dans sa chambre plongée dans des jeux de réalités virtuelles jour et nuit lui correspondait probablement plus. C’était lui forcément. Celui qui lui avait donné rendez-vous. Alors, l’avait-il fait lui-même ou bien avait-il délégué ? Evan n’aurait su dire mais vu le caractère asocial qu’il lisait dans toute son attitude, sa démarche, ses gestes, son regard, il était bien possible qu’il ait délégué. Et pourtant, il était là, en personne. Dans un bar pareil… Il ne manquait pas d’audace pour un geek. Ou bien… Peut-être n’avait-il pas le choix… Derrière ses lunettes en demi-lune, le regard du jeune homme s’arrêta sur lui et un léger sourire se forma sur ses lèvres minces.
Il avait vu juste.
Sa peau assez mate et son teint olivâtre laissaient supposer des origines moyen-orientales. Ses cheveux bruns mi-longs lisses étaient décoiffés. Il portait une épaisse doudoune grise à capuche. Peut-être plus petit que lui de quelques centimètres à peine, il était d’une minceur qu’Evan aurait volontiers qualifiée d’excessive. Il marcha vers lui, d’un pas pesant et s’assit en face de lui. Ou plutôt, il se laissa tomber sur la chaise. Comme si chaque effort était difficile à ses membres frêles.
Ils s’observèrent brièvement avant que la serveuse ne vienne lui prendre sa commande. Elle gratifia à nouveau Evan d’un regard et d’un sourire, et il se sentit obligé de le lui rendre.
— Tu l’as résolu alors… dit-il un passant son doigt sur la table poussiéreuse.
Il l’observa par-dessus ses lunettes en demi-lunes de son regard bleu marqué d’une clairvoyance clinique qu’il reconnut sans mal.
— Aspirant scientis ?
— Bien vu, répondit l’autre. Le regard hein ? Les fenêtres de l’âme racontent certains. Un organe, certes complexe, mais juste sensible aux milliards de signaux neuronaux qui parcours notre lobe temporal, notre cervelet et les autres portions de notre cerveau d’homo sapiens. J’ai toujours trouvé la littérature inepte. Imagination plutôt que fait concret. Je ne comprends pas l’attrait des gens pour ce qui n’est pas, ou plutôt pour une vision altérée de ce qui est.
— OK… si tu veux. Je ne vois pas trop pourquoi tu parles de ça… j’aimerai plutôt savoir pourquoi…
— Qu’en penses-tu ? lui demanda-t-il de but-en-blanc, comme s’il n’avait pas entendu ce qu’il venait de lui dire.
— Moi ? Hum… tu es plus intelligent que moi. C’est certain même, mais aussi intelligent que l’on puisse être, je pense qu’on ne peut être absolument objectif. Le fameux cerveau d’homo sapiens que tu as ne fonctionne que par une vision subjective de ce qui l’entoure. Ta vision du monde est subjective. Le monde que tu vois et l’ensemble de ce que tu perçois, tout cela n’est que littérature. Alors l’attrait des hommes pour la littérature me paraît tout à fait justifié.
— Hum… C’est un point de vue… particulier. Donc il n’y a aucune vérité selon toi ?
— Si, il y a une vérité mais… je crains que nous soyons trop simples pour la saisir. Ou trop arrogant pour la percevoir.
Son interlocuteur sourit.
— Intéressant… Une vérité inaccessible bien qu’à portée de main… murmura-t-il tandis qu’un vif intérêt s’éveilla dans son regard. Combien de temps ?
— Cinq minutes.
Il sourit.
— Vraiment ?
— Après être rentré chez moi et m’être vraiment mis dessus, oui.
— Je vois, fit-il en s’adossant à sa chaise. Après tout, il fallait au moins cela… Si tu n’avais pas été capable de le résoudre, cet entretien n’aurait eu aucun sens.
La serveuse apporta au garçon sa bouteille de mourch et ce dernier sourit en disant :
— Je suis vraiment content que tu y sois parvenu, Evan Kupenda. Voici une autre devinette pour toi. Si tu y parviens, alors les choses deviendront intéressantes. Pourquoi ai-je arrangé cet entretien ? Pourquoi me suis-je donné la peine de venir ? Et pourquoi toi ?
— Je crois que ce sont des questions que je suis censé te poser et non le contraire, non ?
Franz sourit.
— Tu crois ? Et si je te disais que je t’ai déjà donné toutes les réponses ?
Evan fixa le jeune scientis avec perplexité.
A quoi jouait-il ? Pourquoi lui parlait-il encore en devinettes ? Parce qu’il voulait encore le tester ? mais pour quoi faire ?
Ou bien ne pouvait-il pas en dire plus.
Peut-être était-il nécessaire qu’il le découvre par lui-même. Et même là, cela n’avait pas plus de sens… Et qu’entendait-il par plus intéressantes ? enfin, il valait peut-être mieux jouer le jeu… Après tout, il était déjà là.
Alors… Il lui avait envoyé deux cartes. Une clé et un ciel. Première signification. La solution se trouvait dans le ciel. Le soleil qui aurait dû y être n’y était pas. Quelque chose qui n’était pas à sa place, donc. Il venait lui parler d’une chose qui aurait dû être là mais qui ne l’était pas. Le soleil, La source de la vie. La source de lumière. S’agissait-il d’une source d’énergie ?
Peut-être du côté de l’Histoire. Après tout, il avait tout son palais mémoriel pour lui venir en aide… Soleil… soleil… La Guerre des Deux Soleils ? Une guerre terrible qui s’était déroulée à la fin de l’Âge Sombre et qui avait connu une fin funeste… Elle avait été provoquée par la folie vengeresse et la volonté impérialiste du Soleil Ardent, Don Sol Veloso, Aurarque de l’Union de Janeiro. L’Union de Janeiro… l’icare de ses parents s’y était crashé dans le désert à proximité de Dos Rios. D’ailleurs quelques jours plutôt, Princeton l’avait contacté par holoCom pour prendre de ses nouvelles et lui donner des siennes. Il lui avait expliqué brièvement sa situation car ses hommes et lui étaient retenus dans l’Union de Janeiro à cause d’un soupçon de dissidence à l’égard certains Shedims. A cause de lois et principes liés au Code des Cendres, il était de son devoir de rester jusqu’à ce que certaines choses fussent éclaircies. Ce qui voulait dire qu’il n’était pas près de revenir…
Ses parents auraient dû être là mais ils ne l’étaient pas, Princeton également. Et ce parce que ce territoire les avait retenus d’une façon ou d’une autre. L’Union de Janeiro… Était-il même possible que ce fut cela… Cela n’avait aucun sens. Cet aspirant scientis ne le connaissait pas. Pas plus que l’identité de ses parents. Quant aux circonstances de leur mort, elles étaient connues de tous et il était de notoriété commune que Princeton était son tuteur… Et Princeton avait été élevé par ses parents…
Peut-être cela expliquait pourquoi lui, mais en même temps cela amenait d’autres questions sans réponses évidentes. Il ne savait pas trop… C’était trop floue. Ce qui aurait dû être là mais qui ne l’était pas… Il ne pouvait comprendre cela qu’à l’aune de sa propre histoire. Des expériences qu’il avait vécues…
Dos Rios… La cité de Dos Rios… Deux rivières… Dans le Mirkh’anduri, parmi tous les écrits rassemblant les prophéties et paroles de sagesse héritées des Sentinelles, le Livre du Temps faisait figure d’exception. Seul cet ouvrage contenait une description précise du Ciel de Lumière où résidait l’Existant. Dans les premiers versets de l’ouvrage, la Sentinelle Ursha Maldereïn mentionnait deux fleuves qui coulaient du trône ardent de l’Existant, Raman qui signifiait ordre et Shuel, lumière… deux rivières… Dos Rios…
Non, ce ne pouvait pas être cela. Ou bien une partie du sens global.
Le chiffre deux était redondant. Il représentait à la fois l’altérité et la stabilité, la guerre ou une alliance permettant de maintenir l’équilibre mais il n’y avait qu’un seul soleil dans le ciel, pas deux. Donc, il optait pour l’altérité, l’opposition, la guerre… Un soleil absent. En solominon le soleil absent était une autre façon de parler de la mort mais pas de celle qui donnait suite à une renaissance mais à une mort stérile. La destruction engendrée par l’amertume, un poison ou les ténèbres…
— Je ne comprends pas, finit-il par dire, confus.
— Tu l’as dit toi-même, ce monde n’est que littérature Evan. Réfléchi. D’ailleurs, cette phrase, elle est de toi ? J’ai comme l’impression de l’avoir déjà entendu quelque part…
Elle était de son père. Il avait déjà entendu son père la prononcer, mais il ne savait plus à quelle occasion. Le projet Odiani sur lequel… Odiani… la perle qui luit comme un soleil…
Evan se figea et fixa Franz en essayant de comprendre ce qui se passait.
Son père adorait les Royaumes Oubliés d’Ishar, tout comme les contes des Contrées Incolores. Il voyait l’Histoire et les évènements majeurs qui la composaient comme les chapitres d’une histoire qui avait déjà été raconté. Comme si tout avait déjà été écrit dans les contes et légendes. Il affirmait que tout n’était qu’un recommencement permanent. Qu’en regardant dans le passé, parfois, on pouvait voir l’avenir…
Et il y avait ce poème que son père aimait et qui abordait justement de ce sujet. Il était de la célèbre autodidacte Kiona Paine. Comment commençait-il encore ? il le retrouva dans son palais mémoriel. Dans le grand salon du manoir de Bristol, au-dessus de l’âtre de la cheminée…
Être fait de chair, être de réalité qui retourne à la poussière
Dont la réalité éphémère se dissipe et devient une histoire,
Des contes, des fables qui au fils des siècles renaissent en légendes…
— Légendes et mythes qui au fil des vies redonnent naissance aux mêmes réalités… Murmura Evan.
— Excuse-moi ? demanda l’aspirant scientis en se penchant légèrement.
— Il est question de quelque chose…
La perle…
— Un artéfact perdu ? un artéfact ancien, très ancien ? Plus que cela. Légendaire. Et sa découverte risque de mettre en péril la stabilité des Trois-Mondes. Il n’y aura plus ni ordre ni lumière car le soleil sera… Absent.
Ce qu’il venait de dire n’avait aucun sens.
— Et que fais-je ici ? Pourquoi sommes-nous ici ?
— La clé, hum, la solution… pour éviter ce chaos ? Tu es venu… me la donner ?
Et franchement, pourquoi lui ? il n’avait rien d’exceptionnel. Sans parler du fait qu’il était mourant. Mais il ne voyait pas d’autre sens à ces cartes. Ne venait-il pas de se faire manipuler justement pour en arriver à ces conclusions ? Lui avait-il parlé volontairement de littérature pour le pousser à se remémorer tout cela ? Comment aurait-il pu en savoir autant sur son père ? Peut-être était-ce à cause de ses parents qu’il l’avait choisi lui, Princeton étant absent… mais ses parents n’étaient jamais venu à Paris-la-Nouvelle… Comment pouvait-il savoir qu’il avait été en contact avec eux. Les voyages à Bristol se faisaient toujours dans la plus absolue discrétion.
Peut-être bien que le projet Odiani avait pour principale objectif la découverte de cette artéfact ancien et visiblement dangereux ou empêcher sa découverte. La fameuse perle dont l’importance semblait équivaloir à celle du soleil. La cause de leur assassinat était probablement celle-là. Donc ce scientis avait forcément connu ses parents… mais il avait son âge… Il aurait fallu qu’il les eut rencontrés à dix, douze ans… C’était du grand n’importe quoi…
— Excellent, dit l’aspirant scientis à la surprise d’Evan, en frappant des mains avec entrain après un court silence. Je suis… impressionné Evan.
— Qui es-tu ? Demanda brusquement Evan. Comment sais-tu qui je…
Il posa son index sur ses lèvres, lui signifiant de se taire. Il regarda autour de lui et dit simplement :
— Franz Parker. Et je ne vois pas de quoi tu parles. Je n’ai rien dit après tout.
— Qui ?
— Je t’ai déjà tout donné, Evan.
Le bar… bien sûr. Le choix du lieu était incongru mais significatif. Le Roi, le Moine et la Tour. Il s’agissait de pièces du Roi-Pion qui était aussi un jeu de plateau. Donc trois personnes étaient à l’œuvre et recherchaient la perle ? Les cartes aussi étaient du jeu de carte du Roi-Pion. Le Roi-Pion… Ce titre était par définition un paradoxe. Un état qui ne devrait pas exister… Evan se figea en se rendant compte qu’il venait de penser à lui-même. A sa situation. L’état de son Cercle Intérieur. Un jeune ignemshir avec le Cercle Intérieur bicentenaire d’un vétéran rompu à des centaines de batailles…
— Trois si je comprends bien mais que dois-je faire ? Comment ? Pourquoi moi ? je ne suis qu’un…
— Sais-tu ce qu’est un okemui ?
Evan ne répondit pas, attendant la suite :
— Il s’agit en solominon d’une variable aléatoire dont la valeur a parfois un poids critique dans la détermination de l’état final d’un processus. Elle peut à elle seule permettre la réussite ou l’échec du processus mais elle peut aussi n’avoir aucun effet. En Physique des Aurores et des Ombres, les okemui sont ce que les scientis détestent par-dessus tout.
— Et donc ?
— Dans les jeux du Roi-Pion, le Roi-Pion peut en fonction des configurations avec les autres pièces devenir la pièce la plus puissante du jeu bien qu’à l’origine, il ne constitue pas une menace dans la plupart des configurations. Il n’y a que quatre configurations qui donne au Roi-Pion la toute-puissance.
— Et donc quoi ? Tu considères le monde comme…
— Oui… Un immense jeu de plateau, qui permet de tromper mon ennui et toi…
— Et moi dans tout ça, je suis…
— Le Roi-Pion. Un okemui. J’essaie de mettre en place l’une de ces configurations parce que je trouve cela distrayant.
— Mais, ça ne répond pas vraiment à ma question. Je veux dire comment peux-tu être si sûr que je peux être un okemui ? Pourquoi moi ? et qui sont ces trois…
— Ce sont des questions auxquelles je ne peux répondre maintenant mais ne t’en fait pas, tu trouveras. Je ne m’inquiète pas pour cela.
Il posa une carte sur la table. Du Roi-Pion bien évidemment. La Vallée des Pleurs. Evan regarda la carte puis Franz Parker et dit en comprenant.
— Je vois.
L’aspirant scientis se leva mais Evan ne l’imita pas. Il fixa la carte quelques instants avant de dire :
— Comment savoir si je peux te faire confiance ?
— Tu es un lonshirion, n’est-ce pas ? Que te dit ton sixième sens ?
Son sixième sens ne lui disait rien de particulier mais quelque chose chez Franz Parker le mettait mal à l’aise. Il se dégageait de sa personne une impression étrange mais ce n’était pas forcément négative.
— Rien de particulier. Je suppose que nous ne nous reverrons plus.
— Qui sait… Ce monde… est plus petit qu’on ne le croit et les destinés des uns et des autres plus étroitement liées qu’on ne le soupçonne. Tu as vraiment un esprit… remarquable. Que la Terre soit sans péril, Evan Kupenda.
— Que les cendres de l’Immortel te protègent, Franz Parker.
Son interlocuteur, hocha la tête, le visage impassible mais son regard n’eut plus pendant quelques secondes la froideur clinique des scientis mais exprima un mélange d’espoir et d’inquiétude. Il se détourna alors et s’éloigna en direction des toilettes. Evan passa son R-Tatoo sur la borne fixée à la table et le compteur passa à zéro. Il soupira. Cet discussion était la plus bizarre qu’il eût eu avec un être humain… complètement ubuesque… Il était venu à la recherche de réponses mais il repartait avec plus de questions. Malgré cela, il avait quand même eu quelques réponses et cela n’avait pas de prix…
Il était certain que Franz Parker ne ressortirait jamais de ces toilettes… Il était sûrement déjà loin. Il prit la carte, observa l’image qui semblait comme toujours avoir été peinte à la main. Une vallée de pierre grise plongée dans la brume. Il savait ce que cela signifiait. La vallée des pleurs était un lieu de mort et de péril où sévissait le Chuchoteur. Il repensa à l’exorde de Dorcas. Ils se passaient des choses de plus en plus inexplicables et cela lui plaisait de moins en moins. Il activa le scan à lumière infrarouge. Une latitude et une longitude suivit d’une heure étaient inscrit sur la carte. Il ignorait ce qui l’attendait mais il soupçonnait que malgré lui, il était déjà embarqué dans cette affaire depuis bien longtemps. Il lui restait quinze minutes pour se rendre au lieu du second rendez-vous et il n’eut pas besoin de rentrer les coordonnées pour savoir que cela le mènerait dans le Cimetière de Verre et de Métal.
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