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Ignemshir, Tome 1 : L'Étincelle Mourante
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tome 1, Chapitre 22 « Amitié et Secrets » tome 1, Chapitre 22

Evan traversa le hall d’entrée de la schola, sa besace sur l’épaule et les mains dans les poches du chino bleu roi de son uniforme. Il n’y avait pratiquement plus d’élève dans l’enceinte de l’établissement depuis plusieurs heures. Il était l’un des derniers. Il avait aperçu Sun Holstein passé dans les couloirs du grand laboratoire des scientis. Elle était concentrée sur ses lunettes de réalité augmentée et elle ne l’avait probablement pas vu.

A travers les grandes baies vitrées donnant sur la grande cour pierreuse, le ciel couvert et sombre relâchait des gros flocons de neige. Alors qu’il passait devant les statues de marbre des Sept Précurseurs, Evan s’arrêta. Il leva les yeux vers les Sept Légendes. Les Glorieux Sangs d’Airain. Le visage de chacun avait été finement ciselé et peint à la peinture mouvante. Ce qui le rendait encore plus vivant. Comme s’ils se tenaient réellement là en face de lui. Près de huit cents ans après leur mort, on se souvenait encore d’eux. Son regard s’attarda sur le Roi au Sang d’Airain. Le chef des Précurseur. Le plus puissant d’entre eux. Edward Lukeni. Celui qui avait fondé son école de neshirinshi. Evan lui avait toujours trouvé un air un peu maussade. Comme si sa vie n’avait été qu’une succession d’échec et de regrets mais ce devait être son imagination. Étant donnée ses accomplissements légendaires, il était le dernier à avoir des raisons de regretter quoique ce fût de sa vie. Peut-être Evan se projetait-il tout simplement… Jusqu’à présent, Edward Lukeni était toujours considéré comme l’ignemshir le plus puissant que la Terre eût porté.

Alors qu’il s’en allait, il eut le sentiment qu’on l’épiait. Il se retourna, une main serrant la poignée de Wazushendi. Personne. Il n’y avait que lui dans le hall, et le tableau de Théophilius Mical.

— Hum… Murmura Evan en se remettant à marcher.

Ce n’était pas le portrait… Il avait déjà eu ce sentiment dans la Fourmilière deux semaines plus tôt. Cette impression qu’il y avait quelqu’un derrière son dos. Et encore une fois, il ne pouvait s’empêcher de repenser à l’endroit où les psalmodie de Dorcas l’avait transporté et à la silhouette dans les ténèbres. Et d’ailleurs, tout cela était bien trop étrange. Il était un lonshirion. Un membre de l’École Déchainé, le Lon-Shirkairon. Son sixième sens était très développé et ne se trompait jamais.

S’il n’y avait eu personne, il n’aurait jamais eu cette impression. Donc, quelqu’un l’épiait… Forcément. Mais dans le dédale de la Fourmilière, qui aurait pu le suivre à part un autre alumnus. Et pourtant, il était clair que personne n’avait pris le même escalier que lui ce jour-là. Sans qu’il sache pourquoi, il repensa à la dernière nuit de Sue, lorsqu’ils étaient partis ensemble dans les Ruines. L’impression qu’il avait eue à l’époque. C’était exactement la même. Celle d’une entité sombre et dangereuse qui avait jeté son dévolu sur lui attendant patiemment le moment opportun pour bondir et le déchirer. A l’époque la présence de sa sœur lui avait donné le courage de continuer malgré tout, désormais, la peur était une amie intime. Il s’en accommodait plus ou moins. Mais le fait était qu’il n’y avait personne… Son instinct n’était-il plus ce qu’il était ? Encore une des conséquences de la mort de son Étincelle peut-être…

Il sortit sous le ciel hivernal et remonta un chemin de pierre enneigé qui le conduisit au parking. Alors qu’il se rapprochait de sa voiture, un fourmillement désagréable se fit ressentir au niveau de sa nuque. Il avait toujours associé cette sensation à un danger imminent. Une ombre jaillit d’entre les voitures et Evan bloqua la lame qui s’abattait sur lui avec Wazushendi qui s’était alamé en un instant. Dans la pluie d’étincelle qui jaillit du frottement des deux lames, il reconnut… Keiji. Ce dernier partit dans un fou rire en se tenant les côtes, incapable de s’arrêter.

Evan dit simplement :

— Ah Kei… Tu m’as surpris.

— Je t’ai surpris ? Oh carrément que je t’ai surpris. Tu aurais dû voir ta tête, se moqua l’autre. On aurait dit que tu t’attendais à voir un Faucheur Muet dans le parking de la schola. Mec, ce lieu est l’un des mieux protégés de la cité. On est dans le Centre, tu sais ? Tu m’as l’air bien trop tendu à mon goût. Les Plumes veillent, alors pète un bon coup et ça ira...

— Tu aurais pu me blesser gravement si je n’avais pas été suffisamment rapide. Tu n’avais pas l’intention de t’arrêter.

— Parce que je savais que tu allais parer. Arrête de chipoter, tu n’es pas encore suffisamment nul pour que j’ai besoin de me retenir contre toi.

— Visiblement… confirma-t-il avec un léger sourire en délamant Wazushendi dont la lame se vaporisa en une fumée pourpre et argentée. Qu’est-ce que tu fais encore ici, à cette heure ?

Keiji délama Hozukin, son neshir, sa lame se muant en une fumée jaune et argentée avant de le river à sa corne. Il répondit avec un sourire taquin :

— Bah, j’habite dans le coin.

— Et ?

— Eh bien, je me rendais à une soirée, tu sais la super soirée chez Rachel, celle où tu m’as dit que tu préférais te jeter du haut d’un pont plutôt que de t’y rendre ?

— Tu vas… à la soirée chez Rachel alors que vous deux…

— Oui, je ne serais jamais persona non grata chez qui que ce soit. Après tout, je suis… moi.

— D’accords.

— Donc j’étais assis, tranquillement dans ma super Morinetti, tu sais la super voiture que tout le monde rêve d’avoir.

— Abrège.

— OK, bon en passant devant l’école j’ai vu ton antiquité dans le parking... Tu sais, si tu acceptais un ou deux contrats publicitaires, genre celui pour Edwin&Jones à plusieurs millions d’écu-Arlington que j’ai vu traîner dans ta messagerie, tu pourrais t’acheter une voiture presque aussi bien que la mienne. Même deux. Un quart-finaliste de l’Arena Regis et finaliste du championnat fédéral de garoway peut se faire beaucoup d’argent. Jahandar n’hésitait pas, lui. Tu devrais suivre son exemple. Et, je ne le dirais qu’une fois, et sens-toi honoré que je le reconnaisse, les trois-pièce shirag te vont encore mieux qu’à moi. Tu n’as rien à y perdre. Tout à y gagner. Je peux passer un coup de fil tout de suite, et le directeur de la communication d’Edwin&Jones sera là dans un quart d’heure. Et à toi la richesse !

— Mmh... Je déteste ces bêtises, et tu le sais.

— Mais…

— Déjà qu’on m’y oblige lorsque c’est avec toute l’équipe, je n’ai pas envie de voir mon visage sur tous les gratte-ciels de Paris-la-Nouvelle. Et je pensais que t’avais arrêté d’espionner ma messagerie ou celle de Charlie. Si tu veux hacker, tu devrais choisir des cibles… Hum, qui en vaille la peine ?

— Hacker ? Ce n’est pas vraiment du hacking si je devine le mot de passe à chaque fois. Pas besoin d’un logiciel, mon cerveau suffit. De simples probabilités associé à une connaissance approfondie des sujets.

— En d’autres circonstances, je te trouverai vraiment flippant, Kei.

Keiji ricana avant de répondre :

— Frérot, c’est toi le plus cinglé du groupe. Parlons juste de tes tableaux... De pures horreurs quand t’as un peu le spleen parce qu’un jour, le soleil n’a pas brillé assez fort. Charlaine est encore plus bizarre parce qu’elle arrive à nous supporter bien qu’elle ne nous connaisse comme personne. D’ailleurs, à son propos...

— Écoute Kei, coupa Evan, las. Arrête de tourner autour du pot et réponds-moi, tout simplement.

— Bon OK. T’es vraiment pas drôle ces jours-ci.

— Et toi particulièrement casse-pied.

— Blablabla… rétorqua-t-il en haussant les épaule. En fait, je me suis simplement dit que j’allais venir voir ce que mon meilleur pote faisait encore au lycée deux heures après la fin des cours.

— J’avais un truc à finir, répondit l’autre d’un air égal.

— Un truc, répéta son ami avec un de ses sourires malicieux. Intéressant. Moi qui pensais te proposer de venir avec moi malgré ta répulsion pour les rassemblements de Sha’Daigan, mais je vois que tu t’es déjà remis en selle.

— De quoi tu parles ?

— J’ai vu la voiture de Sun. Elle vient de partir.

— Et ?

— Bah, j’ai entendu dire par des aspirants scientis que tu bossais souvent tard le soir sur un travail supplémentaire que t’aurais donné Sourcil d’Anguille alors que je n’ai jamais rien entendu à ce propos. On est ensemble à tous les cours. Je l’aurais su si t’avais vraiment un travail supplémentaire.

— Eh bien… Murmura Evan soudain mal à l’aise.

Il avait obtenu une autorisation temporaire en prétextant un projet à rendre au magister scientis Vasco. Cette autorisation lui permettait de disposer de tout le matériel des laboratoires des scientis selon son bon vouloir. Deux semaines que les résultats le décevaient sans qu’il n’y ait l’ombre d’une amélioration. Sur la bande sonore, il ne restait pas le plus petit reliquat exploitable. Et ce malgré le matériel de pointe à sa disposition. Tous ces efforts pour rien.

— T’inquiète, lui fit Keiji en lui faisant un clin d’œil. Je vois où tu veux en venir. Je sais pourquoi tu fais tout ça.

— Ah… vraiment ?

— Elle a de jolis yeux et ses taches de rousseur lui confèrent un charme certain.

— De qui tu parles ?

Keiji fut pris d’un fou rire et posa une main sur l’épaule d’Evan avant de dire :

— Tu es un sacré comédien. J’aurais presque pu te croire tant tu as eu l’air sincère, sacré roublard. Tu sais, si tu voulais te rapprocher de Sun. Tu n’avais qu’à me le dire. Je me serais renseigné pour voir si tu avais tes chances.

Evan observa Keiji les sourcils levés, ses lèvres charnues formant une moue hésitante. Finalement, il esquissa un sourire forcé avant de dire :

— Tu m’as bien eu. Oui, j’aurais sûrement dû te demander.

Keiji cessa brusquement de rire et son regard perçant se planta dans ceux d’Evan.

— Tu ne sais vraiment pas mentir, Evan. En tout cas pas à moi.

— Mais je…

— Ces derniers temps, tu n’es plus vraiment toi-même. Je sais que Sun ne t’intéresse pas plus que le nombre exact de jour de pluie qu’il y a eu depuis que je suis né. Neuf-mille six-cent trente-deux si ça t’intéresse… mais le fait que tu choisisses de me mentir au lieu de continuer de démentir comme tu le fais toujours, me montre que tu as quelque chose à cacher.

— Écoute Kei, commença Evan, mal à l’aise…

— Tu ne dois pas me mentir Evan. Nous sommes plus que des frères. Nous sommes le reflet de nos lames. Alors oui, j’ai un caractère difficile, je suis super lourd presque tout le temps mais je suis ce que je suis. Tu ne vaux pas mieux que moi mais tu es ce que tu es. Malgré cela, s’il te plaît, ne me mens pas.

Evan se sentit honteux. Un ami aussi fidèle que Keiji, il n’en méritait pas. Keiji détestait le mensonge. Et ce n’était pas comme la plupart des gens. Pour lui c’était ce qu’il y avait de pire. Et pourtant, cela faisait dix ans qu’il lui mentait. Une décennie qu’il mentait au monde en prétendant qu’il était réellement Evan Jameson Kupenda. S’il lui parlait de la vidéo, il saurait. A cause de la renommée de son père. Ce dernier, en plus de ses découvertes, avait conçu des inventions qui étaient toujours plébiscité à travers le monde. On lui avait même octroyé le titre de magister-spiritus à titre posthume… peu de gens n’avait jamais entendu parler de lui. Et Keiji avec sa culture, il était évident qu’il le connaissait. Concernant Charlaine, cela était encore plus certain. Il avait déjà perdu beaucoup. Il ne voulait pas les perdre eux aussi.

— Si tu voyais ta tête, murmura son ami en lui pressant amicalement l’épaule. Si j’étais un petit sensible. Je pense que je verserais une petite larme. Mais t’en fait pas, petit frère. Je t’ai piégé. Et peu m’importe ce que tu caches. Juste, ne fait pas n’importe quoi, OK ? Si tu as besoin d’aide, n’hésite pas, je suis là pour ça. Nous sommes là pour ça.

Evan se sentit encore plus mal. La culpabilité lui écrasait la poitrine.

— Merci, Kei, parvint-il à lâcher la gorge serrée.

Il lui fit un sourire simple. Levant les yeux vers le ciel, il lui demanda après un court silence :

— Je suppose que tu ne veux toujours pas venir ?

Evan secoua la tête.

— Bon, je m’amuserai pour deux, comme d’hab’. Aller à demain petit frère.

— A demain, petit frère, répondit Evan avec un sourire doux.

Keiji fit quelques pas sous les flocons de neige puis s’arrêta et demanda en se retournant :

— Au fait, pour Charlie et Baptiste, on ne fait toujours rien ?

Evan haussa les épaules avant de dire :

— Non, Kei. Il n’y a rien à faire. Charlie est une grande fille.

— Ouais, répondit-il en regardant pensivement le sol. Bon aller, à plus, lança-t-il par-dessus son épaule en s’éloignant.

Evan se détourna, le cœur serré. Il se sentait vraiment mal. Il y avait trop de chose qui n’allait pas. Qui n’allait plus…

Alors qu’il lançait sa besace sur le siège passager, il eut à nouveau le sentiment qu’on l’épiait. Il ne se donna même pas la peine de vérifié. Il n’y avait sûrement rien. Il eut ensuite le fourmillement au niveau de la nuque. Ça par contre… Au moment où il se retourna, son neshir alamé à la main au milieu d’une fumée pourpre et argenté, il sentit une piqûre sur son cou. Son corps pesa d’un coup, des tonnes. Alors que le monde basculait autour de lui, il aperçut deux hommes vêtus de capuche grise avant de sombrer dans un trou noir.


Texte publié par N.K.B, 1er octobre 2019 à 14h39
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