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Ignemshir, Tome 1 : L'Étincelle Mourante
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tome 1, Chapitre 13 « L'art martial ancien » tome 1, Chapitre 13

— Vous vivez ! gronda le Général Tambwe dont la voix rebondit sur les murs arrondis de l’immense locus.

— Avec Abnégation, répondirent en cœur la centaine d’alumni qui se tenaient droit et immobile face à lui.

— Combattez !

— Jusqu’au Sacrifice !

— Mourrez !

— Dans l’Honneur.

— Car les trois fondements de votre existence sont ?

— L’Abnégation, le Sacrifice et l’Honneur ! hurlèrent-ils d’une seule voix.

— Et quelle est votre raison de vivre ?

— Préserver la sécurité et la paix des hommes, anéantir le désespoir et la peur.

— Bien, fit-il calmement avant de dire un peu plus fort. Vanda !

— Bo Vanda, dirent en cœur les alumni en s’asseyant d’un même mouvement sur le sol, les jambes croisées dans la position du lotus, le regard rivé sur leur magister princeps.

L’ensemble des apprentis avaient troqué la veste et le chino de leur uniforme pour un ensemble moins recherché : Une veste shirag rouge foncé plus simple ; Elle était brodée en fil sombre et pourpre du Cercle de l’Univers au niveau du cœur ; Un sarouel également rouge foncé resserré juste en dessous du genou et des bottes souples. Et bien entendu, ils étaient tous armés de leur neshir.

Positionné par ordre croissant, à la tête de chaque rang, les membres du primum agmen arboraient au niveau du bras droit un brassard noir avec leur position brodée dessus.

Evan vit Keiji caressé distraitement le deux doré qu’il y avait sur le sien. À droite de son meilleur ami, devant la première des dix rangées, Alejandro, grand, massif, les cheveux bruns bouclés et les yeux turquoise, se tenait immobile comme une statue, une expression grave sur le visage. Il se dégageait de lui une telle présence qu’elle intimidait la plupart des gens. Il avait l’air dangereux et il l’était… Evan sourit avec amertume. Il était parvenu à devenir la quintessence de ce que le Noguem attendait d’un alumnus. Discipliné, mesuré en dehors d’une arène et sans pitié à l’intérieur. Sur les quarante-et-un alumni qui étaient mort depuis que leur formation à la schola avait débuté trois années et demi plus tôt, près du quart avait perdu la vie à la suite d’un duel face à lui.

Alejandro Julio Cruz, portait le titre de Rex Pourpre. Il avait remporté le tournois de l’Arena Regis du Phœnix Pourpre qui avait eu lieu en octobre dernier, face à Keiji, qui avait mis un moment à digérer sa défaite. Evan avait perdu en quart de finale face à Faust Drakkar, un alumnus d’une autre schola.

L’Arena Regis était l’un des trois tournois de la Flamme Immaculée. Il était organisé au sein de chaque Phœnix pour déterminer le meilleur alumnus de dernière année.. En le remportant, Alejandro avait reçu pour une année le très prestigieux titre de Rex Pourpre, l’une des trois plus hautes distinctions qu’un aspirant noguemi pouvait obtenir. Les vainqueurs de ces tournois étaient invités aux plus grands évènements du Noguem et jouissaient de tous les honneurs, du profond respect et de l’admiration de leurs pairs ainsi que de nombreux privilèges au cours de leur année de règne. Les distinctions de ce niveau ouvraient de nombreuses possibilités pour leur carrière future dans le Noguem tel que l’assurance d’avoir au moins pour Mentor, à leur entrée à l’illustre collegium Nosce, l’un des Seigneurs de leur Fédération. Beaucoup spéculaient sur sa possible prochaine victoire au Raaek'a Daedalis, la Dernière Montagne, le dernier écrémage avant les recrutements pour les meilleurs collegiums parmi les meilleurs aspirants noguemis des Huit Phœnix, les huit entités politiques constituant le Noguem.

Un Phoenix couvrait la surface d’un continent à l’exception de l’Amérique divisé entre le nord et le sud. Et depuis trois cents ans, la Lune et Mars étaient colonisés. Les colonies avaient prospéré et s’étaient agrandies avec le temps. La Lune était le septième Phœnix, le Cendré, regroupant trois fédération, comptant au total une trentaine de cités sous des Landerneaux Coronariens. Il s’agissait de dômes d’énergies géants créant une atmosphère et une gravité artificielle alimentés par des proto-Cœurs, une version antérieure des Cœurs actuels. Les colonies était répartis principalement dans la région de l’Oceanus Procellarum. La Princesse du Soir, l’un des Princes du Temps, Océane Kansi, dirigeait la Lune.

Mars était le huitième, baptisé le Fauve. Au début de la colonisation, les meilleurs Tueurs de Vent et Chasseurs de Brise du Noguem avaient été envoyé pour protéger les colonies des intempéries martiennes. Depuis lors, Mars était demeuré le bastion des plus puissants Tueurs de Vent des Huit Phœnix. On racontait qu’un Ashayshin s’étaient également produit sur la planète rouge en même temps que sur la Terre mais dans des proportions mineures. Ainsi, on observait des Nieras et des Karans même sur Mars, et ils étaient deux fois plus puissants. Donc en plus de devoir gérer les Karans et les Nieras, les tempêtes de poussière atteignaient des proportions dantesques. Elles pouvaient occulter le soleil pendant plusieurs jours et compromettre les cultures allant jusqu’à rendre les panneaux solaires inopérants. Cela était demeuré un problème jusqu’à la conception du dernier modèle de Cœurs capable d’alimenté des cités de plusieurs centaines de milliers d’âme en plus de générer des Landerneaux Coronariens. Plusieurs grandes villes étaient sorties de terre. Les fédérations de cités martiennes fortes de plusieurs dizaines milliers d’âme chacune, possédaient également leurs Aurarques et leurs Imperators. Les colonies étaient installées dans les régions polaires à proximité des calottes glaciaires et dans le Valles Marineris, le Grand Canyon martien. La majorité de l’approvisionnement martien passait par Déimos et la Lune. Le Prince de la Nuit, Lau Hoggar, troisième et dernier des Prince du Temps, en était le dirigeant.

Ainsi chaque année, les meilleurs éléments de Mars et de la Lune traversaient l’espace pour se joindre aux participants terriens et avoir part au Raaek'a Daedalis. Et de nombreux alumni y perdaient la vie. Ils étaient la crème de la crème et malgré cela, les organisateurs étaient sans pitié. Ils n’avaient pas de scrupule à gaspiller tout ce rare potentiel car plus un ignemshir était poussé dans ses retranchements, plus son neshir évoluait pour répondre à sa soif de survie. On ne créait pas des Immortels en cajolant des disciples. Tel était le but du Tri. Créer des Immortels. Des guerriers ayant élevé la maîtrise du neshirinshi à son pinacle. Selon le Noguem, ces guerriers d’excellence étaient le seul véritable espoir que l’on avait de vaincre la fameuse Tempête de Ténèbres.

Ces trois dernières années, il avait assisté au Raaek'a Daedalis. Il avait été partiellement témoins des épreuves car un certain nombre était secrète donc non diffusé dans les salles d’observation. Il n’avait donc pas pu tout voir mais par contre, il avait pu tout entendre. Il se souvenait encore des cris de douleur et de terreur dans les couloirs du Labyrinthe Pourpre des souterrains du collegium Nosce. Pourtant, ceux qui avaient poussé ces cris avaient déjà traversé tant de terribles épreuves avant d’en arriver là. C’était dire ce qui les attendait là-dedans. Le frère de Tessa, Samuel, y participait lorsqu’il y avait assisté pour la première fois. Il avait fini cinquième, ce qui était un résultat exceptionnel. Cinquième sur tous les alumni des Trois-Mondes. Les recruteurs des collegiums et les magisters qui y avaient assisté, n’avaient pour la plupart exprimé aucune émotion. Seuls les membres des Trois-Ordres avaient d’ailleurs ce privilège. Néanmoins, les eretsins hauts placés, hommes et femmes de pouvoir, parvenaient à obtenir des dérogations comme la plupart des membres des Familles Anciennes.

Le regard de fauve du maitre de neshirinshi luit soudainement d’une affection inhabituelle qui bien que fugace n’échappa à aucun des alumni présents. Evan assis à la tête de la troisième rangé, à gauche de Keiji, échangea un regard avec celui-ci.

— Ignemshir, commença le magister princeps. Ce terme est celui qui désigne les Fils des Cendres en solominon. Les élus, continua-t-il en regardant tour à tour les visages graves des jeunes ignemshirs qui lui faisaient face. Élus par l’Existant qui a créé Mirkh’enshia, la myriade des Mondes Oubliés.

Il se tut brièvement comme réfléchissant à ce qu’il allait dire.

— Comme vous le savez, reprit-il. Devenir un Fils des Cendres est le privilège de quelques-uns. C’est la Matrice Immortelle qui vous désigne. C’est elle qui établit votre compatibilité. Et sur la population des Trois-Mondes, sur ces milliards d’individus, les Compatibles forment un groupe très restreint. Et vous en faites partie. Pour parvenir jusqu’ici, vous avez dû suer sang et eau au cours de vos neuf années d’apprentissage aux pieds de vos magisters primigenii respectifs. Vous avez réussi à passer les deux Paliers du Chandelier, à maîtriser trois des six aïsmas de vos shirkairons et à entrer à Kiona Paine, la meilleure schola des Trois-Mondes. Là encore peu de personnes en ont été capables, mais vous, vous y êtes parvenu. Néanmoins, vous n’en êtes encore qu’au début du chemin. De nombreux prétendants ont déjà été éliminés avant d’en arriver où vous êtes, et nombreux le seront encore avant d’obtenir l’orkin. Avant même la Dernière Montagne, car le Tri continue. Il est inéluctable et primordial. Et ce pour le bien de l’humanité.

Il les observa encore avec presque de la tendresse et continua :

— On dit souvent des magisters princeps que ce sont des grands maîtres sans véritables disciples. Cela est sans doute vrai, mais nous sommes une des marches de l’escalier qui vous conduira à l’excellence. Honorez vos magisters primigenii, car votre gloire est leur honneur, votre chute, leur déshonneur. Et il n’y rien de plus dangereux pour vous, alumni que de déshonorer votre magister primigenius car en le faisant, vous briser le lien de Lô. Cette confiance mutuelle qui vous permet de murir et de grandir en exploitant plus facilement votre Tô, votre propre potentiel. N’oubliez jamais, votre objectif n’est pas votre survie. Entre ces murs, dans la Fourmilière ou lors des missions dans les Ruines, vous ne luttez pas pour survivre. Non. C’est pour vous sacrifier. Pour vous préparer à la Tempête de Ténèbres. C’est pour atteindre le sommet du Cercle que vous lutter, c’est à cette unique fin que doit servir votre énergie, chaque souffle, et chacun de vos efforts.

Le magister princeps Marcellus Tambwe, d’un signe de la main, ordonna aux alumni de se se lever. Ils s’exécutèrent comme un seul homme. Enchainant avec son bras droit les signes des maîtres, le magister rugit :

— Nous sommes les héritiers de la terre, du feu, de l’acier !

Sa main gantée d’une mitaine noire glissa à plat dans l’air de gauche à droite, comme sur une surface lisse : le signe de la terre. Il serra ensuite le poing : le signe de la force et du feu. Puis il frappa sa poitrine du poing puis l’ouvrit, ses doigts serrés et tendus, le bras en travers du torse : le signe de l’acier. Seuls les maîtres de neshirinshi pouvaient prononcer cette devise légitimement en faisant les trois signes.

— De nos cendres, nous surgirons, toujours ! clamèrent en cœur les alumni.

Comme un seul homme, ils joignirent leurs mains et entrelacèrent leurs doigts d’un geste vif. Le néant. Puis ils écartèrent légèrement leurs paumes, mirent les extrémités de leurs cinq doigts les uns contre les autres. C’était la renaissance. Ensuite, ils fermèrent les poings et collèrent leurs deux poignets l’un au-dessus l’autre.

L’éternité.

Et ils conclurent par une révérence solennelle.

Le magister Tambwe parcourut les rangs de son regard écrasant. Il n’était plus que glace et intimidation. Il marcha jusqu’à Lucas, au premier rang de la sixième rangée. Ce dernier se tenait immobile, son regard gris fixé droit devant lui, arborant une fossette à son menton pourvu d’une barbe éparse. Le magister passa entre les rangs, la posture de Lucas, raide et crispé, se détendit légèrement. Ce dernier échangea brièvement un regard avec Baptiste qui se tenait devant la huitième rangée. Il était blond, plus petit que lui et plus costaud aussi, les sourcils épais et l’air supérieur. Il lui fit un bref signe de la tête avant de regarder à nouveau devant lui. Ces deux-là insupportaient Evan. Des héritiers de Familles Anciennes. Des Sangs d’Acier. Les Sangs d’Acier constituait une majorité écrasante parmi les Dix. Il n’y avait que lui, Joaquin Suarez, l’actuel quartus, et Jin Yung, le quintus, qui n’en étaient pas.

Le sol du grand locus était couvert de tatamis. Chaque parcelle de mur était recouverte de ver-miroir qui déformait les reflets. Il suffisait de toucher sa surface pour que le ver-miroir devienne transparent. Le plafond était en verre et possédait un cercle de pierre gris clair. Dans le cercle de pierre était gravé les Points du Cercle de l’Univers. La lumière grise et terne du ciel couvert se déversait dans la pièce. La température était identique à celle du dehors. A chaque expiration, des volutes de condensation s’échappaient et disparaissaient dans l’air

Pendant une heure environ, ils durent s’exercer au Passif, la maîtrise de l’Air, dans la position du lotus. Le magister Tambwe passait au milieu des élèves s’assurant qu’ils respectaient les instructions qu’il leurs avait données au préalable. Il tenait son long bâton de bambou avec lequel il n’hésitait pas à frapper ceux qui n’était pas assez assidu à l’exercice.

— Jordan, c’est quoi cette concentration ?

Evan entendit le bâton fendre l’air. Jordan n’émit pas le moindre bruit. Seul les faibles ou les lâches exprimait la douleur ressentit…

— Joaquin, tu penses que ton Cercle Intérieur est une foutue boussole ?

Le bambou claqua de nouveau.

— Pierre, tu te prends pour une fichue boîte à musique ?

Le bambou claqua deux fois.

— Non mais qu’avez-vous fait pendant la césure hivernale à part glander comme des limaces ? Picoler comme la bande barbare que vous êtes sans vous astreindre à la pratique régulière du cirkaem movi. Vous avez beau connaître vos shirkairons, vous ne deviendrez jamais des maîtres, vous ne vous élèverez jamais jusqu’au sommet du Cercle de l’Univers !

Trois coups suivirent. Puis une dizaine. Le magister se déplaçait dans le locus distribuant allègrement les coups. Il était très généreux comme toujours. Evan entendit un gémissement.

— Et toi ! C’était quoi ça ? Qui t’a permis de geindre ? Tu te prends pour quoi ? Un eretsin ? Un fichu Non-Compatible ?

D’autres coups plurent.

— Vous êtes plus que des hommes ? ah, oui ? Pourquoi est-ce que j’ai l’impression d’être entouré par des chèvres ? Quelqu’un a une explication ?

L’instruction était de se maintenir au Crépuscule pendant cinq minutes, puis de redescendre au Vide, puis de remonter et ainsi de suite, tout en conservant un rythme de chatoiement précis. Ce rythme était une fréquence produite par les neshirs que certains assimilaient aux battements de cœur de ces derniers.

— Aristide à la falaise, Conan disparaît, une pareille caricature est une honte pour ton magister primigenius. Herbert, tu me donnes envie de vomir. Yuri, tu te prends pour un manège ?

L’exercice était éprouvant et ceux qui flanchaient se retrouvait à faire le Felk ess Ha’ul jusqu’à la fin.

Evan entendit les pas légers du magister qui s’arrêtèrent juste derrière lui. Il ne dit rien pendant un moment. Il sentit simplement sa présence écrasante dans son dos. Il se crispa. Le Général dit alors en s’éloignant :

— Tu es stupide Evan, mais ton cirkaem movi est toujours aussi parfait. Malheureusement pour toi, du Combustible plus de l’Air, reste du Combustible plus de l’Air, sans Étincelle, il n’y aura jamais de flamme… Ce n’est pas avec ça que tu resteras en vie.

Evan déglutit. Sans surprise, lorsque l’exercice prit fin, il découvrit en ouvrant les yeux une quarantaine d’ignemshirs en équilibre sur une main dont certain du primum agmen.

— Na Sima, fit Marcellus Tambwe à ses disciples.


Texte publié par N.K.B, 23 septembre 2019 à 11h23
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