Evan pénétra dans le grand parking de l’institut supérieur des Trois-Ordres de Paris-la-Nouvelle, la schola Kiona Paine. De pierres noires et de verre, l’édifice principal était doté de deux grandes ailes rabattues et d’un corps de logis cylindrique surmonté d’une coupole. L’accès au hall d’entrée se faisaient par des grandes marches bordées de colonnes en pierre recouvertes de peinture mouvante. Ces fresques retraçaient l’histoire ancienne de l’institution. La grande cour était quant à elle, bondée d’élèves répartis en petit groupe. Certain étaient assis sur les marches menant à l’entrée, d’autres se tenaient près de leur voiture.
Evan constata que le parking était plein. Il partait probablement de chez lui avant tout le monde mais il était le seul qui habitait au-delà du 6ème. Il arrivait donc parmi les derniers…
Soudain, une fille jaillit devant sa jeep, le forçant à piler sans s’arrêter de courir. Il maugréa dans sa barbe et vit qu’elle était poursuivie par un garçon athlétique, aux cheveux blonds bouclés qui s’arrêta lui, juste devant son parechoc. Joaquin. Lui faisant encore plus perdre de temps, Joaquin prit le temps de faire une boule avec de la neige qu’il racla consciencieusement de son capot avant de la lancer à travers la cour. Elle toucha précisément le cou de la jeune fille qui poussa un cri strident. Evan ne put s’empêcher de répondre au sourire satisfait qui fleurit sur les lèvres de son camarade. Ce dernier contourna tranquillement la voiture et toqua sur la vitre. Evan la baissa :
— Sois sauf et que les cendres te protègent, Evan, salua-t-il avec un sourire solaire
Ses yeux bleus luisaient d’une froideur indélébile.
— Toi de même, Quino.
— Alors, de nouveau prêt à brûler de toute ta force ?
— On verra bien. C’était comment Remorum ?
— Je n’y suis pas allé. J’ai été voir la famille de Yun à la place.
— Ça s'est bien passé ?
— Les Sangs d'Acier restent égaux à eux-mêmes, Evan…
— Ouais…
— Mais c’est pas grave, on a toujours fait avec, on est des survivant après tout, dit-il avec un autre de ses sourires avenants.
Une boule de neige explosa dans ses cheveux, éclaboussant Evan au passage. Avec un rictus amusé, Joaquin se retourna en se débarrassant de la neige qui fondait déjà sur sa peau brûlante. Dans un éclat de rire moqueur, Yun-Mei disparut dans le hall.
— A toute, frangin, lui lança-t-il avant de se lancer à la poursuite de la fille.
Pensif, Evan remonta la vitre et nota que la place qu’il avait vue plus tôt était toujours disponible. Alors qu’il appuya à peine sur l’accélérateur, un aérocar décapotable déboula à toute vitesse, le frôla de près, le forçant à piler à nouveau et se gara avec une douceur et une lenteur particulièrement irritante sur la place. Comme si de rien n'était.
Evan fulmina à voix basse en serrant son volant.
Quel casse-pied…
Les lignes fuselées et sportives et la couleur particulière de ce puissant modèle d’aérocar, était loin de lui être inconnu. Un grand asiatique, svelte mais athlétique, en sortit nonchalamment. Il avait les cheveux jais impeccablement coiffé, plus long sur le sommet du crâne, coupé sur les côtés. Un air satisfait et un sourire taquin persistaient sur son visage.
— Toi et ta tête d’abruti, murmura Evan avec un léger sourire.
Keiji écrasa sa main sur la vitre côté passager avant de coller son visage dessus en grimaçant. Soufflant sur la vitre, la joue collée dessus, il écrivit le nombre cent-quatre-vingt-trois dans la buée. Alors qu’il allait ouvrir la portière, Evan accéléra brusquement. En s’écartant, Keiji manqua de s’écrouler dans la neige et lâcha sa veste qu’il tenait à la main. Sans cesser de rire aux éclats, Evan se gara sur une autre place un peu plus loin, probablement la dernière encore disponible.
Souriant, il rejoignit son ami en bras de chemise, qui l’attendait, sa veste plié coincé sous le bras. Son regard perçant où flottait le même éclat froid que Joaquin le fixait avec un sourire narquois :
— Alors, ça fait combien, cette fois ? je veux t’entendre le dire, s’exclama-t-il alors qu’ils se saisissaient mutuellement l’intérieur de l’avant-bras droit, posaient fermement leur main gauche sur leur épaule, avant la remonter sur la nuque et de coller leurs deux fronts l’un contre l’autre.
C’était l’Aniun Ceresh. Cela signifiait : salutation fraternelle.
— Que je manque de te rouler sur les pieds ?
— Non que je te pique ta place, gros malin.
— Laisse-moi deviner. Cent-quatre-vingt-trois ?
— Oui, frérot ! exactement ! Triompha-t-il. C’est la cent-quatre-vingt-troisième fois que je te pique ta place ! Chaque matin, je me réveille avec ce seul objectif. Et c’est toujours aussi tordant.
— T’écraser avec mon vieux tacot, c’est ça qui serrait tordant.
— Ce qui augmenterait sûrement sa valeur, ah ah ! Avec un sang aussi noble que le mien. Tu réussirais probablement à la vendre.
— Ta modestie te tuera un jour.
— J’y compte bien.
Evan lui donna un coup d’épaule qu’il lui rendit en riant. Ils remontèrent ensemble le parking enneigé et pénétrèrent dans le grand hall circulaire. Au centre se dressaient, intimidantes, sept grandes statues de marbre sur un unique piédestal représentant les Précurseurs. Les premiers ignemshirs. Dans le marbre du piédestal étaient gravés les trois fondements du Noguem : Abnégation, Sacrifice, Honneur. Le regard d’Evan traîna pensivement sur ces trois mots. Étonnamment, ou peut-être pas, vu que cela en avait toujours été ainsi, ces mots n’avaient jamais eu aucune signification à ses yeux. Il aurait très bien pu y être écrit Barbe à papa, Papillon, Chaussure, il en aurait pensé la même chose, c'est-à-dire, rien du tout. Mais il avait toujours gardé cela pour lui parce que personne ne comprendrait qu'il pût penser ainsi. Sa sœur était morte parce que les Tueurs de Vent avaient été trop long à réagir et parce que ce même Noguem avait négligé l’entretien de la Muraille de Verre. Alors bien sûr sa sœur était une pimbêche mais elle n’était qu’une gamine ignorante… S’ils avaient fait leur boulot, elle ne serait pas morte… En tout cas, pas de cette manière, parce qu’avec Sue… Tout était possible… Tout aurait été possible…
Contre le mur, face à l’entrée, à plusieurs mètres du sol, un grand portrait de Théophilius Mical, surnommé le Coq de Fer, l’actuel Aurarque des Deux-Frances, les observaient de son visage sévère et de son regard gris.
— Hum, fit Keiji en dévisageant le portrait. J’ai toujours l’impression qu’il nous voit vraiment. Tu sais, comme si à chaque fois que j’arrive à la bourre, là-bas dans son bureau, au cœur de l’Aurarquat, il lâche un : « Ce petit arrogant à la coiffure impeccable est encore en retard… le jour où je l’attraperais… »
— Je crois qu’il a d’autres choses à faire que tenir le journal d’absence de Keiji Endo.
— Ah bon, tu crois ?
— J’en suis convaincu.
Keiji ricana avant de hausser les épaules et de dire en haussant ses sourcils plusieurs fois :
— Qui sait ? Je suis plutôt intéressant comme individu, non ?
Evan sourit. Une jolie blonde au visage poupin et aux grands yeux d’un vert pétillant de vie sortit soudain d’un petit groupe de filles et trottina jusqu’à eux avec un sourire épanoui. Elle s’exclama en se jetant dans les bras d’Evan :
— Un mois sans vous voir, les gars, c’était une véritable éternité ! Vous m’avez tellement manqué !
— Toi aussi, tu m’as manqué, Charlie, répondit Evan alors qu’il la lâchait. C’était comme une nuit sans fin dans mon ciel ordinaire.
— Par le fer et la rouille, Evan, tu le fais vraiment exprès ! s’écria-elle avant de rire alors qu’elle faisait un câlin à Keiji. Je ne suis pas ta fiancée, tu n’as pas besoin me sortir ce genre de chose.
— J’ai dit les choses, comme elle venait, rétorqua-t-il en souriant simplement. Je n’ai pas vraiment réfléchi avant.
— Et c’est moi que l’on traite de bourreau des cœurs, murmura Keiji en affectant un air blessé. Ce type, continua-t-il en désignant Evan mimant l’admiration et l’excitation d’un enfant trépignant d’impatience. C’est le machiavel de la séduction. J’espère que je serais un jour aussi doué que lui !
— Non mais toi, tu es le pire, fit Charlaine en riant. Rachel m’a dépeint un portrait de toi, on aurait dit qu’elle parlait d’un tueur en série.
— Dans le fond, nous sommes tous des psychopathes en puissance, fit Evan dans un haussement d’épaule.
— Ça tu l’as dit frérot, lui lança Keiji en lui donnant une tape amicale. Enfin quelqu’un qui sait relativiser. J’avais besoin de soutien avec tous les messages haineux que les copines de Rachel m’envoient.
Il regarda son R-Tatoo collé à son avant-bras droit qui venait de vibrer, il secoua la tête avec un sourire lutin et dit :
— Et encore un.
— Elle a simplement vu clairement en lui, dit encore Evan d’un air égal. C’est une bonne chose. Avant qu’il ne soit trop tard…
— Ah d’accords, je vois, marmonna Keiji en secouant la tête. Tu me refais encore ce coup-là. Je retire ce que j'ai dit, faux-frère. Je suis un chic type, moi.
— Evan, dès qu’on te laisse seul un peu longtemps, tu deviens bizarre, lui dit Charlaine en penchant légèrement la tête avec un sourire amusé.
— Je suis juste réaliste, pas bizarre. Je ne suis pas bizarre.
— Plus tu le dis, plus tu as l’air bizarre, fit remarquer Keiji en ricanant.
— Tu es plus nihiliste que réaliste, Evan, dit Charlaine. Il y a du bon dans les gens, tu sais…
— Non, il n’est pas nihiliste, corrigea Keiji. Il passe trop de temps dans sa chambre méditatoire pour un nihiliste. Il est juste pessimiste.
— Je vous assure, je suis on ne peut plus réaliste.
Charlaine prit Evan dans ses bras en marmonnant légèrement pince-sans-rire.
— Oh, la, la. Tu m’as tellement manqué. Je me demande vraiment comment tu as fait pour survivre sans moi et Kei.
— Je me le demande également, confirma Keiji, sarcastique. Heureusement que mes parents n’ont pas voulu qu’on aille à Edo le jour de la fête des Cristaux, sinon tu peux être sûr qu’il l’aurait passé seul, à prendre les Ruines en photo, avant de se pendre à son balcon après avoir maudit la lune.
— Tu exagères, Kei, murmura Evan. Comme toujours.
Son ami ricana. Charlaine gratifia Evan d’une moue un peu triste.
— Ne me regarde pas comme ça. Tu sais que la solitude ne me dérange pas.
— Justement, c’est ça que je trouve… Enfin bon.
Elle fourragea dans son sac en bandoulière, et lui tendit une bouteille de jus d’orange et une barre énergisante :
— Tiens, c’est pour toi. Je sais que ce n’était pas facile ce matin, et tu n’as probablement rien mangé.
Reconnaissant, il prit ce qu’elle lui tendait.
— Merci, Charlie, dit-il.
— Et moi ? se plaignit Keiji avant d’esquisser un sourire espiègle.
— Toi, ta mère ne te laisserait jamais sortir le ventre vide, rétorqua la jeune fille.
— Elle m’attacherait à une chaise et me donnerait la becquée si jamais j’essayais, confirma-t-il, goguenard.
La sonnerie retentit et le hall rempli d’élèves se vida rapidement. Charlaine dit en pressant affectueusement le bras d’Evan :
— On se retrouve tout à l’heure. Mange ça rapidement avant que le magister Tambwe te punisse pour avoir grignoté pendant son discours de rentrée. Tu sais comme il aime donner des discours.
Evan déchira l’emballage en acquiesçant.
— Ouais, il aurait dû faire de la politique celui-là...
Traversant le grand hall d’entrée, Evan se glissa entre les Fils et Filles des Cendres disposés en rang et immobiles. Il prit la tête de la troisième rangée en finissant le contenu de la bouteille avant de la lancer dans une poubelle à une quinzaine de mètres contre le mur arrondi du hall. La bouteille entra dans la poubelle comme une lettre à la poste et il croisa le regard de Joaquin, à la tête de la quatrième rangée, qui fit mine de l’applaudir. Evan lui rendit son sourire en feignant une révérence alors que Keiji levait son pouce en lui faisant un clin d’œil.
Les soixante-quatre élèves de dernière année de la section des aspirants noguemis, les alumni, se tenaient dans le hall sur six rangées aussi droits et rigides que des colonnes de fer. À côté de cet agrégat ordonné, quatre élèves se tenaient côte à côte, comme étant à la tête de rangée fantôme allant de la septième à la dixième. Ces rangées fantômes étaient autant de camarades qui n’étaient désormais plus à leur côté : les Trépassés. Dotés pour la plupart de carrures athlétiques, pour les garçons, et d’une svelte, mais solide constitution, pour les filles, ils partageaient tous le même regard froid. Celui d’une âme aiguisée par la souffrance et l’épreuve, un esprit épuré dans le feu de la douleur.
Face à eux, se dressait une estrade sur laquelle se tint un homme vêtu d’une veste shirag boutonnée jusqu'au col. Noire, effet cuir, elle arborait des épaulettes écarlates et un magnifique phœnix aux plumes aux couleurs vives, le Phœnix Pourpre, dans le dos. Chatoyant à la lumière des plafonniers qui tournoyait en cercle sous la coupole, un Cercle de l’Univers couleur de bronze était brodé en relief sur la veste au niveau du cœur. C’était la marque du statut de général au sein du Noguem. La bande de soie noire qui remontait en spiral le long de son bras jusqu'à son cœur illustrait quant à elle le corps auquel il appartenait. Les Plumes Onyx.
Depuis le début de leur dernière année, le terrible général Tambwe était leur magister princeps. Il avait pour mission de parfaire l’apprentissage du neshirinshi et de les préparer à ce qui allait suivre : les différentes épreuves d’entrée aux collegiums, les universités noguemiennes.
La peau foncée, les tempes rasés, une crinière crépue marron foncé presque noire se dressant sur le haut de son crâne et une barbe abondante noir jais, le général balaya son assistance comme il le faisait toujours avant de parler. Il leur dit alors de sa voix de colosse en les fixant avec son regard sombre de bête sauvage :
— Chers alumni alpha, c’est avec plaisir que je vous revois après notre habituelle césure hivernale. La deuxième partie de votre dernière année est sur le point de débuter et déjà…
Il lança un regard éloquent aux quatre élèves qui se tenaient seuls, sans rang. L’air amusé, il attendit quelque secondes avant de continuer en esquissant un sourire impitoyable :
— Dix d’entre vous nous ont encore quitté passant le nombre de nos Trépassés à quarante-et-un. Côtoyer la mort change les hommes. Certains en ressortent plus fort. D’autres en ressortent brisés. Mais beaucoup… n’en ressortent pas du tout…
Le général éclata de rire comme s’il venait de raconter une bonne blague à son auditoire tendu qui ne pipa mot, avant de reprendre le plus sérieusement du monde :
— Mais soyez-en sûr, seule la première catégorie pourra prétendre aux plus prestigieux corps et divisions du Noguem et aux plus prestigieuses légions. Les meilleurs pourront aspirer au glorieux statut de Chevalier Cendré et aux grades les plus élevés. Mais, pour les autres, le néant et l’oubli. Voilà ce qui les attend. Telle sera leur récompense.
Evan vit plusieurs de ceux qui se trouvaient à la tête des dix rangs, échanger des regards entendus. Ils faisaient partie des dix meilleurs alumni de la schola, la crème de la crème, le primum agmen. Et ce fût d’un regard maussade qu’Evan regarda le premier rang en se souvenant de celui qui occupait sa tête encore quelques mois plus tôt.
— Tu méritais bien plus que le néant et l’oubli… Jahan, murmura-t-il avec amertume.
Les membres du primum agmen visaient le statut de Chevaliers Cendrés. Il était réservé à ceux qui parvenaient à entrer dans l’un des collegiums de la Ligue d’Airain. Pour les autres, ils seraient pour toujours des Écuyers Lignites. Condamné jusqu’à leur mort à des poste subalternes… Comme les Gardes-Murailles qu’il croisait tous les matins… Imaginer passer des décennies à garder la Muraille de Verre donnait à Evan des envies de suicides…
Car il n’y avait pas d’échappatoire. Il ne pourrait jamais se lever un matin, et prendre la décision d’ouvrir… une boulangerie ou une galerie d’art pour en faire son gagne-pain s’il en avait marre du Noguem… parce qu’il était la propriété du Noguem. Les Compatibles qui possédaient le précieux sang d’airain ne s’appartenaient plus… ils étaient obligé de s’engager dans le parcours d’aspirants noguemis et étaient d’office convoqués à la Cérémonie de l’Association à la Caverne aux Épées à leur huit ans. Et dès cette instant, ils serviraient le Noguem jusqu’à leur mort car ils étaient trop rares pour avoir le luxe de choisir… Tout commençait par le Noguem et finirait par ce dernier. Jusqu’à présent, il n’avait toujours pas compris pourquoi Sue avait autant voulu devenir une noguemi… Peut-être par ignorance de ce que cela impliquait… car à ses yeux cela n’était qu’une malédiction dont il se serait bien passé. S’il avait eu la possibilité de donner son sang d’airain à quelqu'un d'autre, il l’aurait fait…
« Si une tâche ne peut être faite que par toi-seul alors, ton devoir aura toujours été de l’accomplir. »
C’était ce que Princeton lui disait toujours et Evan détestait cette maxime mais Princeton avait le cœur d’un véritable noguemi. La Voie de la Flamme Immaculée était profondément ancrée en lui. Il avait le grade de Haut Centurion. Il se trouvait actuellement en mission en Amérique du Sud. Cette partie du continent américain sous la juridiction du Noguem Sud-Américain était appelé du nom de son emblème : le Phœnix Incandescent.
— Bien entendu, vous n’êtes pas sans ignorez que l’épreuve que vous traversez actuellement, la Première Montagne, sera remportée par les dix premiers de cette schola. Par ceux qui à la fin, seront du nombre du primum agmen. La Deuxième Montagne, les Olympeons, est pour bientôt. Seuls les vingt premiers d’entre vous pourront y participer. Alors je vous le dis, à vous, les Dix, membre du primum agmen, ne vous relâchez pas ! Et à vous autres, luttez ! hisser vous à leur niveau, arrachez-leur leurs places, prenez-leur leur titres si vous la méritez. Et à tous, combattez jusqu’au sang pour la victoire, pour votre honneur afin que pour toujours, vous soyez reconnu ! Et que jamais votre souvenir ne soit englouti par l’insatiable néant et le terrible oubli. Car, vous êtes les piliers de notre civilisation, les garants de la stabilité des Trois-Monde. Oui, vous êtes plus que des hommes, vous êtes des ignemshirs !
Il se tut, puis balaya l’assistance de ses prunelles sombres et intimidante avant de rugir à plein poumon au point d’en faire trembler les murs :
— Nous sommes les héritiers de la terre, du feu et de l’acier !
— De nos cendres, nous surgirons, toujours ! grondèrent en cœur les alumni en réalisant les trois signes anciens comme un seul homme.
— Et n’oubliez pas, tout ce que nous faisons est pour le salut de l'Humanité ! ce vers quoi nous vous élevons, c’est l’Immaculé !
Levant son bras, il désigna la coupole de l’index.
— Et ce à quoi nous nous préparons est écrit là-haut ! afin que jamais nous n’oubliions que notre ennemi n’est toujours pas arrivé. La Grande Tempête de Ténèbres, l’Ennemie de l’Humanité, Muishan’alm’er, ne s’est pas encore levée, mais nous devons nous tenir prêts à l’accueillir ! Prêt à défaire ce monstre climatique qui sera semblable à aucun autre, et prêt à préserver et à protéger nos terres, nos maisons et nos cités car elles nous appartiennent !
— Puissiez-vous renaître de vos cendres, magister ! hurlèrent en cœur les alumni dans l'atmosphère électrisée.
— Puissiez-vous brûler de toutes vos forces, alumni, gronda-t-il avec gravité.
Tous les alumni se frappaient la poitrine à un rythme régulier, le poing serré autour de leur neshir. Une rumeur sourde envahi le hall, comme si ce dernier s’était mué en une créature vivante aux battements de cœur assourdissant. Evan leva les yeux vers la coupole qu’avait désignée le magister Tambwe. Dans une écriture de style ancien, se déroulaient le long de sa base les mots de la prophétie suprême. Celle qui annonçait le Second Cataclysme. Celle reçut par le voyant Keziah Amlak de l’Arche des Territoires d’Éthiopie à une époque où le Noguem n'existaient pas encore. La rumeur s’interrompit instantanément lorsque le magister marqua la fin de la cérémonie de rentrée d’un claquement de paumes sonore.
Evan sentit alors monter dans son dos un frisson glacé, tandis qu’il la lisait, une énième fois, que les rangs se défaisaient, chacun retournant à sa classe et qu’il demeurait le seul alumnus immobile au milieu du grand hall :
De l’australe, se lèvera un vent qui éteindra le brasier ardent.
Il s’unira à la nuit et abattra l’Hydre perpétuelle.
Il charriera une tempête de ténèbres, un flot de poussières noires,
Qui plongera le Cercle des Mondes dans des ténèbres éternelles.
Dans une pluie infinie de cendres, les mondes seront ensevelis,
Marquant ainsi la fin de ce que l’on pensait éternel.
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