Lynette se rendit soudain compte qu'elle avait perdu son mari dans la foule. Un exploit vu la taille de celui-ci. Ceci s'expliquait par l'étroitesse de la rue, ils progressaient non pas l'un près de l'autre, mais l'un derrière l'autre. Elle se retourna et remonta en évitant la foule des passants qui allaient en sens inverse.
Heureusement, la jeune fille ne mit pas longtemps avant de retrouver son époux. Positionné devant la devanture d'une librairie, il regardait à l'intérieur. Avec difficulté, elle se rapprocha et se posta à son côté. Le géant fixait un livre, avec une telle concentration qu'elle se sentit coupable à l'idée de le déranger.
-Dvan ?
Brusquement, il revint au présent, et se tourna vers sa femme.
-Désolé… Je ne m'étais pas rendu compte…
D'un sourire, elle le rassura. Avec elle, les choses étaient toujours si faciles.
-Je regardais ce livre. Je l'avais enfant… C'était un peu ridicule parce qu'aucun de nous ne savait lire. Rosa me racontait une histoire en lien avec les images. Je buvais ses paroles. Alors qu'en fait, elle ne faisait qu'inventer au fur et à mesure.
-C'était une gentille attention.
-Elle me chuchotait ça, le soir, quand notre père était trop ivre pour réagir. Ces moments où il nous fichait la paix…
Le sentant mal sa femme posa la main sur la sienne avec tendresse.
-Maintenant, je me rends compte que je ne savais même pas de quoi parler ce bouquin, déclara-t-il, plus pour se concentrer sur autre chose que pour amener une information nouvelle.
Lynette entra dans la boutique et se saisit du livre.
-Je vais l'acheter.
Dvan la retint, gêné.
-Pas besoin… Je… C'était juste…
Mais sa femme ne lui laissa pas le temps de parler.
-Comme ça, tu pourras t'exercer à lire seul.
L'idée bien qu'intelligente, lui déplut. Il adorait tellement les moments où il prenait sa femme dans ses bras, alors qu'elle lisait pour lui. Avec elle, les mots coulaient de façon fluide, et sa voix douce le bercer. Il pouvait s'endormir sans crainte.
Sa façon de lire était beaucoup plus chaotique. Il butait sur certaines lettres, faisant parfois des pauses en milieu de phrase ce qui lui laissait le temps d'en oublier le début.
-Alors petite demoiselle, on a fait son choix ?
-Madame, asséna Lynette d'un ton tranchant.
L'homme se rendit rapidement compte de sa bévue.
-Veuillez m'excuser, madame.
Il prit le livre et l'emballa dans un sac en papier, alors que la jeune fille lui tendait quelques pièces.
-Bonne soirée, madame.
-Je vous remercie et vous souhaite une bonne soirée.
Prenant son mari par la main, elle l’entraîna à sa suite. Il se laissa faire, habitué qu'il était à suivre Rosa sans poser de questions. Lynette resserra sa prise sur lui.
-J'ai trop peur de te perdre, murmura-t-elle.
-Si c'est le cas, je ne serais jamais loin.
Mais il apprécia le geste, plus qu'il ne l'aurait avoué. Savoir quelle crainte habitait son coeur, ne faisait que mettre en avant son attachement pour lui.
La rue déboucha sur une artère plus grande et la jeune fille ralentit l'allure. Dvan en profita pour lui proposer son bras. Aussitôt, elle l'accepta avec un large sourire.
S'ils avaient été seuls, nul doute qu'il l'aurait pris dans ses bras pour la serrer contre lui. Il adorait la présence de son corps contre le sien. Mais ils étaient en public et il fallait rester décent.
-Nous ne sommes pas loin.
Lynette le guida, en lui montrant différent point de repère pour qu'il puisse refaire le chemin de lui-même. Dvan détacha ses yeux d'elle pour fixer ce qu'elle lui désignait. C'était difficile de ne pas focaliser son attention sur la femme qu'il aimait, cependant celle-ci faisait des efforts pour lui faire acquérir des connaissances et il était normal de lui prêter toute son attention.
Bientôt le géant reconnu les lieux et se mit à les conduire sous l'oeil attentif de son aimée. Rapidement, ils furent devant la grille du cimetière. Comme à son habitude, celle-ci grinça lorsqu'ils entrèrent. Cela faisait parti de leur vie, à présent. Un son désagréable qui les avait bien aidés au quotidien.
Une fois dans l'habitation, le géant remit une bûche dans l'âtre. Il se tourna ensuite vers sa femme pour l'embrasser tendrement.
-Tu étais magnifique, aujourd'hui.
-Je n'avais rien de différent des autres jours…
Il hocha la tête.
-Tu as raison. Chaque jour, tu es magnifique.
Elle secoua la tête.
-N'importe quoi…
-Je suis sincère.
-Je le sais. Mais je me demande bien ce que tu vois de différent, par rapport à moi.
-Tu me trouves bien, beau, toi…
Il n'avait pas tort sur ce point.
-D'accord. Nous sommes tous les deux beaux pour l'autre sans que cela ne soit vrai.
-C'est vrai, murmura Dvan. Ma femme est la plus belle.
Lynette l'entendit et ne répondit pas, se contentant de sourire.
Fier de ses paroles, le géant s'installa à la table et sortit le livre de son emballage. Il le fixa, en tentant de se remémorer la façon dont ils avaient acquis leur trouvaille. Cela restait très vague dans sa tête. Pourtant, il se souvenait de tous les moments où il se tenant serrait contre sa sœur qui lui racontait des aventures épiques avant de tourner la page sur la suite.
Il adorait ces instants où Rosa le tenait serré contre elle et l'embrassait finalement, avant de lui demandait de fermer les yeux et de dormir. En sentant sa présence, Dvan était toujours rassuré. Elle veillait sur lui, avec tendresse.
Elle était son aînée, sa sœur, sa confidente, son amie… Et à présent, elle était seule et loin de lui.
Il ferma les yeux pour réprimer les larmes qu'il avait envie de laisser s'échapper. Elle lui manquait tant. Reportant son attention sur sa femme, occupée à inscrire des chiffres dans un grand carnet, il déclara d'une voix assurée :
-Ce soir, c'est moi qui te fais la lecture.
-J'adorais ça.
Elle savait le mettre en confiance, avec sa voix douce et son amour.
***
Il pleuvait à verse et Rosa courait avec son petit frère, pour chercher un abri. Comme tous ceux en extérieur, ils se pressaient. Poussant au hasard une porte, la jeune fille fit entrer Dvan. Celui-ci, s'arrêta sur le seuil, et regarda ce qui l'entourait curieux. A nouveau, sa sœur l’entraîna sur le côté. Ils laissaient de l'eau derrière eux, gouttant de leur vêtement à chacun de leur pas, ce qui ne serait sûrement pas bien vu.
Ils étaient dans une librairie. Un endroit où ils n'avaient en aucune façon leur place.
Rosa jeta un regard, craignant qu'on ne les chasse. La pluie était glacée et elle craignait que le garçon prenne froid. La dernière chose dont elle avait besoin, c'était que celui-ci tombe malade. Heureusement, que Dvan avait une bonne constitution.
Un homme se tenait derrière le comptoir et il ne bougea pas, se contentant de la fixer sans dire un mot. La jeune fille fit quelques pas, et ses yeux la suivirent, elle avait l'impression qu'il la déshabillait du regard.
Rosa ne dit rien et reporta son attention sur Dvan. Celui-ci, c'était approché d'un livre et le contemplait sans oser le touchait. Puisqu'ils étaient coincés là pour un moment, autant faire quelque chose. Elle se pencha et sentit que l'autre ne la quittait pas des yeux. S'en était malaisant. Elle reporta son attention sur son cadet.
-Ca raconte quoi ? demanda-t-il.
La jeune fille n'osa pas lui dire qu'elle n'en avait aucune idée. Avec délicatesse, elle se saisit du livre et l'ouvrit. Aussitôt, Dvan se précipita pour voir les images. Un bateau était dessiné là, sur la première page : invitation aux voyages.
-Alors Rosa, ça dit quoi ?
La jeune fille se mordit l'intérieur de la bouche. Devait-elle lui avouer qu'elle n'en savait rien ? Mais dans ce cas, son petit frère en serait sûrement déçu.
-Viens.
Elle le mena jusqu'à un siège en rotin dans lequel il s'installa. Sans un mot, il souriait attendant la suite.
-Tu n'as pas froid ?
Il haussa les épaules.
-Retire ton manteau.
Rosa se retourna vers le vendeur. Il la regardait toujours, mais ne dit rien. Elle se prit à espérait qu'il fixerait suffisamment ses fesses pour en oublier le reste.
A son tour, elle s'installa près du garçon.
-C'est un bateau magique. Il apparaît juste quand un enfant a besoin de lui.
-Il va apparaître pour moi ? J'aimerais bien monter dans un bateau.
Rosa lui fit signe de se taire, et il l'écouta tout sourire.
Il était si gentil et si innocent. Son frère ne bougeait pas et elle pouvait voir des étoiles dans ses yeux à chacune des bêtises qu'elle racontait.
Brusquement, une voix les tira de leur rêverie.
-Messieurs, dames, la boutique va fermer ses portes.
-Déjà, déclara catastropher Dvan. Mais, et la fin de l'histoire ?
Rosa referma le livre.
-Je te raconterais la suite plus tard…
-Mais si tu n'as pas le livre comment tu vas faire ?
La jeune fille grimaça. Combien coûtait-il ce maudit bouquin ? Un coup d'oeil à son frère lui apprit qu'il y était vraiment attaché. Évidemment, elle s'y attendait.
Si elle lui disait « non », il ne ferait rien. Il se lèverait tristement et remettrait son manteau sans un mot.
-Tiens, Rosa.
Il lui tendit une pièce.
-Je ne l'ai pas donné. Je l'ai gardé même quand il me frappait. On peut acheter le livre ?
Sûrement pas, c'était trop peu. Seulement, elle n'avait pas le coeur à lui dire.
-Attends-moi là.
Il hocha la tête, tout sourire.
Elle ne pouvait pas le décevoir. Avec le bouquin à la main, la jeune fille s'approcha du vendeur.
-La demoiselle a fait son choix ?
-C'est à dire que j'aimerais ce livre, mais je ne suis pas sûr d'avoir assez d'argent...
-Dans ce cas, ce livre va rester là.
Rosa tourna la tête vers Dvan qui attendait toujours sagement assit. Il lui fit un petit signe. Elle ne pouvait pas lui faire ça. Pas après tout ce qu'il avait subi.
-On pourrait peut-être trouver un arrangement ? Je ferais le ménage pour vous ou ce que vous voudrez…
Il la fixa avec un large sourire, et elle déglutit difficilement sous le poids de ce regard.
-Tout ce que je voudrais ?
Elle frissonna.
-Viens avec moi. J'ai une tâche pour toi. Si tu la réalises, tu pourras emmener ce livre.
La jeune fille hésita, il lui suffisait de penser au sourire de son cadet pour prendre sa décision.
-Alors ?
Le vendeur la fixait toujours d'un air carnassier, laissant son regard glissait sur sa poitrine rebondit. Elle se détesta et détesta son corps qui avait trop rapidement pris la forme de celui d'une adulte.
-D'accord, murmura-t-elle.
Il lui fit signe de le suivre, et l'entraîna dans l'arrière-boutique.
***
Dvan attendait en silence. Il était si content de pouvoir avoir ce livre. L'histoire était belle. Il avait hâte de connaître la suite. Bien sûr, il faudrait qu'il cache sa nouvelle acquisition pour pas que son père la trouve et la détruise, mais cela en valait la peine. Pour peu, le garçon aurait eu envie de se coucher pour rêver du bateau magique.
-Qu'est-ce que t'as à me regarder comme ça, toi ?
-Heu…
Il ne savait quoi répondre au vieil homme à l'air fou qui venait de surgir à côté de lui.
-C'est quoi, ça ?
-Ca, quoi ? risqua Dvan, un peu perdu.
-Ton œil pourquoi il reste fermé ? C'est moche !
Le garçon porta la main à son visage. Il ne voyait presque plus rien, mais il n'avait aucune idée de l'état sur son visage.
-C'est parce qu'on m'a tapé… murmura-t-il.
-Tant mieux, tu n'es qu'un sale morveux.
Baissant la tête, le garçon ne répondit rien.
L'homme ne s'arrêta pas et lui mit un livre sous le nez. Une gravure y était visible, présentant une créature semblable aux humains, si l'on exceptait sa bouche démesurée, garnie de dents longues et pointues. Des griffes terminaient l’extrémité de ses doigts.
Nu et à quatre pattes, la représentation dévorait ce qui ressemblait à un enfant. Dvan fixa la chair arraché au corps, visible sur la dentition. Sans savoir pourquoi il retint son souffle.
-C'est une goule ! Elles se régalent de corps humain, et pullulent dans les cimetières. Quand tu seras mort, elle te dévora, et bientôt, il ne restera rien de toi.
Il s'interrompit quelques secondes fier de son effet.
-Regarde le visage de ton destructeur !
Il ricana, heureux de lui.
Une main lui arracha le livre.
-Ca suffit ! Vous n'avez rien d'autres à faire !
Heureux de retrouver sa sœur, Dvan sauta du fauteuil et se réfugia derrière elle.
Alors que le type allait ouvrir la bouche pour parler, Rosa lui balança le bouquin à la figure.
-On y va, Dvan !
Le garçon prit sa main et la suivit rassuré. Elle l’entraîna à travers les rues d'un pas soutenu. Au moins, il pleuvait plus. Dans sa poche, elle gardait son poing serré sur l'argent que l'homme lui avait donné. Jusqu'au bout, il s'était moqué d'elle. La façon dont il lui avait donné la monnaie, la caresse sur sa joue, son sourire moqueur, ses mots… Tout la dégoûtait. Elle avait encore le goût de cet homme en bouche. La pièce lui rentrait dans la chair, mais elle ne desserrait toujours pas ses phalanges. Si elle s'était écoutée, Rosa l'aurait jeté au loin. Mais gâcher ainsi de l'argent n'était pas responsable.
-J'ai ton livre, murmura-t-elle soucieux, en lui tendant.
Aussitôt, il s'en saisit et le serra contre son coeur.
-C'est formidable. Ca me fait vraiment plaisir, tu sais. On pourra le regarder tous les soirs comme ça. Tu me liras la fin de l'histoire ? Ca va être formidable. On pourra la lire et la relire. Je pourrais voir les images aussi…
Elle se mordit les lèvres. Pourquoi avait-elle tellement envie de pleurer ? C'était elle qui l'avait voulu. Il lui aurait suffit de dire « non » et d'abandonner ce maudit bouquin où il était.
-On lit l'histoire ce soir, hein, Rosa ?
Et lui, qui ne voulait pas se taire. C'était insupportable.
La jeune fille voulait hurler, tout son corps en avait envie, mais cela lui était interdit.
-On est heureux. Pour une fois, ils nous arrivent une belle chose…
-Mais tu ne veux pas te taire, pour une fois ! s'écria soudain sa sœur.
Décontenancé, Dvan resta la bouche ouverte sans qu'aucun mot ne sorte.
-Pardon, grande sœur.
Il baissa la tête.
Aussitôt, après que ces mots furent sortis de sa bouche, Rosa s'en voulut. Elle ne pouvait pas lui faire ça. Pas à lui. Il n'avait rien fait de mal. Tout ce qu'il voulait, c'était pouvoir avoir un cadeau, au lieu que l'argent parte en bouteille pour son père. En quoi était-ce sa faute si les hommes étaient des porcs ?
La jeune fille le prit tendrement dans ses bras.
-Pardon Dvan. Excuse-moi, je suis une mauvaise sœur. Jamais, je n'aurais dû crier après toi. C'est à cause de cet homme !
-Celui avec sa goule ? J'ai pas eu peur Rosa, enfin presque pas…
Elle hocha la tête. Elle ne pouvait pas lui dire la vérité. Il ne comprendrait pas de toute façon. Et puis ce n'était pas la première fois qu'elle faisait ce genre de choses. Alors une fois de plus ou de moins… Ca finissait par devenir une habitude.
-Tu as faim ?
Il acquiesça avec de grands yeux.
-Mais on n'a pas de sous…
-Ne t'en fais pas pour ça. Ta grande sœur s'occupe de tout.
Elle lui fit un clin d'oeil engageant. Au moins, l'argent servirait à quelque chose. Ce serait pour Dvan.
Avec beaucoup de tendresse, elle lui caressa le visage. A chaque fois, qu'elle voyait l'état de son œil son coeur se serrait. C'était sa faute. Il lui avait bien dit que si elle n'était pas gentille son frère payerait pour elle. Si seulement elle y avait cru. Mais non… Rosa avait bêtement pensé que ce n'était que des menaces en l'air. Ils avaient l'habitude des coups et jamais elle n'aurait cru qu'il frapperait aussi sauvagement Dvan. Depuis sa paupière restait abaissée presque en permanence, ternissant son joli visage.
-Si je t'achète un feuilleté au jambon et fromage, est-ce que ça t'ira ?
Le garçon hocha vigoureusement la tête. Comment pouvait-il sourire après le mal qu'on lui avait fait ?
-Et toi ?
-Je n'ai pas faim.
-Je te donnerais un morceau du mien.
-Garde-le pour toi. Comme ça, tu deviendras grand et fort.
-Oui. Très grand et très fort ! Comme ça, il ne pourra plus jamais nous faire de mal !
Rosa lui sourit.
-Je suis sûr que tu y arriveras.
S'arrêtant devant une boulangerie, elle entra et en ressortit avec l'encas qu'elle lui avait promis. Dvan se mit à saliver en la voyant arriver. Il avait très faim, mais n'osait pas le dire. Il ne voulait pas embêter sa sœur avec ça. La pauvre n'avait pas d'argent, alors souvent elle ne pouvait pas faire grand-chose pour lui.
-Montre-moi tes mains !
Dvan lui tendit. Elles étaient pleines de poussières.
-Elles sont sales ! On va aller au parc et tu les laveras dans la fontaine. Ensuite, tu mangeras ton repas.
Un peu déçu, il hocha tout de même la tête. Il obéissait toujours à Rosa. Si elle disait quelque chose, c'était que c'était la chose à faire. Ce fut pour cette raison qu'il la suivit sans un mot jusqu'au parc. Il adorait y venir avec elle.
Une fois à l'intérieur, il se retint pour ne pas courir partout. Il avait déjà failli avoir des problèmes et avait promis à son aîné de rester à son côté. Ils s'avancèrent vers le point d'eau, et Dvan pu y tremper les mains. L'eau était froide et lui picota les doigts.
Après avoir frotté pour faire disparaître toute présence de saleté, du moins, celle visible. Il montra le résultat à sa sœur, qui acquiesça, avant de lui tendre son repas. S'asseyant sur le banc, son livre à ses côtés, le garçon mordit dans le feuilleté.
Sa sœur en profita pour faire une coupe avec ses paumes et porter l'eau à sa bouche. Au départ, elle avait dans l'idée de se rincer la bouche et de tout recracher, mais face au regard de Dvan, elle hésita, et finit par avaler le liquide.
Elle se sentait mal. Très mal. En y regardant, elle s’aperçut que ses mains tremblaient. Pourquoi avait-elle fait ça ? Pire que tout, pourquoi était-elle si détachée en le faisant ? A croire qu'elle n'avait pris conscience de ce qu'elle avait fait qu'une fois qu'elle avait terminée…
Une voix interrompit ses réflexions.
-Rosa ?
Elle se tourna vers son frère.
-Je t'aime très fort. Tu es la meilleure grande sœur du monde.
Les larmes lui montèrent aux yeux, et elle le serra dans ses bras.
-Tu es heureux ?
-Oui. J'ai mon livre, grâce à toi.
Au moins, elle avait fait le bonheur de son cadet. Qu'importe la manière de procéder, tant qu'elle réussissait à dessiner un sourire sur son visage.
Tendrement, Rosa passa la main sur la joue de son frère pour en faire tomber les morceaux de pâtes qui s'y étaient accroché.
-Petit cochon.
Il rit. Il aimait bien quand sa sœur s'occupait de lui.
Gentiment, elle posa un baiser sur sa joue.
Sa sœur était la seule à ne pas le regarder bizarrement. Depuis que son œil ne fonctionnait plus, les gens se montraient plus méchants avec lui.
-Est-ce que je suis laid ?
-Bien sûr que non. Dvan qu'est-ce que c'est que cette idée ?
-C'est à cause de mon œil…
A nouveau, elle le prit tendrement dans ses bras, et il sourit, jusqu'au moment, où il se rendit compte qu'elle pleurait. Une larme dévala sa joue pour s'écraser sur la main du garçon.
-Rosa, tu pleures ?
-Je suis désolée. C'est de ma faute ce qui est arrivait…
-Non. Il est méchant de toute façon. Je voudrais qu'il meurt, comme ça, il ne nous fera plus jamais de mal.
-Je sais, mon chéri.
-Quand je serais grand et fort, je le tuerais !
La jeune femme attira son frère contre elle et le berça tendrement.
-Non, Dvan. C'est trop dangereux.
-Mais pour toi…
-Même pour moi. Je ne veux pas que tu ailles en prison !
Le garçon parut réfléchir.
-Très bien. Et si je le pousse dans un fossé quand il est saoul et qu'on l'oublie là…
-On verra.
Elle continua à le bercer. L'amour qu'elle lui portait était si grand. Sans hésiter, elle aurait tout fait pour lui. Alors elle continuerait et qu'importe les sacrifices que cela lui demanderait. Dvan le méritait bien.
***
Installé sur le matelas, le dos collé à la tête de lit, Dvan tenait sa femme dans ses bras. Sa voix résonnait dans la pièce, parfois hésitante alors qu'il lui faisait la lecture du livre. Sans un mot, Lynette l'écoutait blottit contre son torse.
-Alors l'enfant s'éveil… s'éveilla. Tout ceci était… n'était qu'un rêve. Un beau rêve…
Il tourna la page et chercha la suite du texte. Il n'y en avait pas.
-C'est nul, se plaignit-il.
L'histoire du livre n'avait rien à voir avec celle de sa sœur.
-Ca ne te plaît pas ? demanda Lynette.
Il se sentit un peu mal d'avoir parlé à voix haute.
-Non, mais… En fait, je préférais l'histoire de Rosa…
Elle lui sourit.
-Est-ce que tu t'en souviens encore ?
Il réfléchit rapidement.
-Un peu…
-Si tu veux, demain, tu pourras me la raconter.
-Tu voudrais l'entendre ? Même si c'est pas la vrai histoire ?
-Oui, bien sûr.
Elle prit tendrement sa main dans la sienne.
-C'est important pour toi alors c'est important pour moi.
Il lui sourit. Quelle chance, il avait d'avoir une femme aussi, douce et gentille avec lui.
-Si tu veux, je pourrais même noter ce que tu me diras pour que tu puisses relire l'histoire de ta sœur si l'envie t'en prend.
-Vraiment ? Mais ça va te prendre du temps...
-Ca tombe bien, j'en ai de disponible. Surtout depuis qu'un homme très fort m'aide dans mon travail. Je ne sais pas pourquoi avec lui, tout va beaucoup plus vite.
Dvan s’empourpra.
-C'est de moi que tu parles ?
-Il est très musclé, et d'une grande gentillesse. En plus, je vais t'avouer un secret, je suis amoureuse de lui.
-Bha, c'est moi.
Elle sourit. Voir l'expression soucieuse de Dvan, lui rappelait combien elle l'aimait.
-Dvan ?
-Oui ?
-Penche-toi s'il te plaît.
Il se baissa.
-Comme ça ?
-Parfait, déclara-t-elle avant de déposer un baiser sur ses lèvres.
Aussitôt, il l'enlaça délicatement.
-Merci, mon ange.
-De quoi ?
-De tout ce que tu fais pour moi.
Elle haussa les épaules.
-Nous pourrons nous y mettre demain, si tu le souhaites.
Il hocha la tête.
-Ca te laisse le temps de te remémorer le tout.
Lynette se saisit du livre et se leva pour le poser sur sa coiffeuse.
-Il est temps de dormir.
Dvan sourit et se tourna vers elle, avant de se rendre compte qu'elle voulait sûrement un peu d'intimité pour passer sa chemise de nuit. Et dire qu'il la fixait comme un idiot.
-Pardon…
Il se leva en vitesse, alors que Lynette entreprenait de dénouer ses nattes pour coiffer sa longue chevelure.
-Dis-moi quand tu auras terminé…
-Oui. Je t'appellerais.
Dvan récupéra le livre et le posa sur la table, dans la pièce d'à côté. Le géant s'assit et en silence, tourna les pages. A chacune d'entre elle, il croyait entendre la voix de Rosa lui chuchoter à l'oreille, l'histoire qu'elle imaginait pour lui.
Elle lui manquait. Chaque jour, sa sœur lui manquait, et il espérait qu'elle n'était pas trop triste.
-Dvan ?
-J'arrive, mon ange.
Il referma le livre et se leva. Il était temps pour lui de rejoindre sa femme. Le géant avait très envie de la prendre dans ses bras, et de s'endormir à ses côtés.
Il passa la porte de la chambre. Demain, il prendrait quelques minutes pour lui raconter toute l'histoire que Rosa avait crée pour lui. En espérant que cela lui plaise, mais il n'y avait pas de raison que ce ne soit pas le cas.
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