— Tu ne devrais pas être là. Ta place n’est pas ici.
Recroquevillée dans un coin de la pièce, la chose n’avait pas bougé, pas plus qu’elle ne semblait vouloir prêté la moindre attention à la créature qui la surplombait. De la taille de deux hommes, plus large encore, elle portait sur la forme des yeux étincelants. Au fond se lisaient des sentiments dont le tourment semblait ne connaître aucune fin.
— Ah !
Il y avait de la déception, de la résignation dans ce cri inachevé et désespéré ; le cri d’un fauve qui aurait perdu ses griffes. Geignard, il refoulait néanmoins les larmes qui lui montaient au visage.
— Je… je devais…
Sa voix se mourrait. En face de lui, la créature n’avait pas bougé et portait toujours sur lui ce regard si étrange, si lointain.
— … tu ?
Les mots lui parvenaient, mais semblables à un écho, cependant qu’i lui semblait qu’elle perdit de sa substance. Était-ce sa vision qui se troublait ou bien devenait-elle floue, tandis qu’elle se fondait dans le noir ?
— Non, murmura la chose qui se tenait toujours debout.
Mais était-ce lui, ou bien un autre ? Il sentit qu’on le soulevait et qu’on l’emportait. Un instant, il aperçut sa main ; elle était blanche et lisse, pareille à de la porcelaine ; il laissa alors libre cours à son chagrin. Impuissant, il se sentait régressé comme s’il retournait à l’écume nocturne qui l’avait vu naître. Quelqu’un se penchait sur lui et lui chuchotait quelque chose à l’oreille, mais ce n’était seulement que des mots dépourvus de sens, de simples sons articulés par une bouche ; il avait échoué ; encore. Enfin, on l’allongea. Mais qui était ce on, sinon ce mufle qui ne ressemblait à aucun autre dans lequel étincelaient des yeux fous.
— Soit le bienvenu, gronda la bête, comme elle se reculait.
— Pourquoi suis-je ici ? caqueta-t-il. Il n’aurait pas dû en être ainsi !
La bête posa sur lui un regard plein de mélancolie et laissa s’échapper un soupir. Était-ce de la compassion ? Il ne possédait pas la réponse.
— Non, il n’aurait pas dû en être, confirma le fauve.
— Alors ?
Mais l’autre n’ajouta rien et son regard devint vide.
— Que te manque-t-il ? coassa la poupée de porcelaine.
Un fugitif éclat illumina soudain les prunelles de la bête qui s’éteignirent aussitôt.
— Sûrement la même chose qu’à toi, gronda-t-elle, les yeux tournés vers un ciel imaginaire.
— Un nom… il est en ainsi de tous ceux qui s’égarent ici, ajouta-t-elle dans un soupir.
— Un nom… quel nom ? balbutia la chose en porcelaine.
— Ton nom. Le premier et le dernier ; tel est la clé pour s’échapper, murmura le fauve ; dans sa main repose un globe d’où s’échappe une lumière presque aveuglante : au milieu, ils sont deux, une momie et une pantine, enlacés. La pantine murmure quelque chose. Des mots, les mêmes mots qui, dans sa tête, résonnent : Armstrong.
Mais la chose en porcelaine pleurait, car elle savait que c’était un mensonge ; ce nom lui avait été donné par d’autres. Dans la sphère, ils s’échappaient, mais ici, dans cet autre réel, il demeurerait et son ami souffrirait.
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