Ce passage est la réponse au défi suivant :
Standard (jusqu’à 1.000 mots)
Objet/chose « wagon »
Émotion/état « témérité »
Couleur « bleu »
Il se situe dans l'univers de Spiritus Mundi. Bonne lecture !
De retour dans la chambre aux murs bleus, Hadria regarda par la fenêtre le soleil se coucher sur le parc de Diringsite. Les lueurs orangées teintaient la gloriette d’une légère nuance saumon et embrasaient l’étang. Elle s’abîma dans ce spectacle paisible ; rien ne transparaissait des drames qui s’étaient déroulés sur la propriété. Elle laissa ses yeux errer vers le bosquet où Jane avait bien failli trouver la mort pour s’être fiée à des créatures surnaturelles. Ces êtres pouvaient se révéler impitoyables, mais bien souvent, elles ne possédaient pas la duplicité qu’on leur prêtait. Comme leurs réactions sortaient du champ de leur compréhension, les humains leur attribuaient leurs propres travers, de la même manière qu’aux animaux.
Mister Ashley se montrait intarissable sur la question. En dépit de son approche très académique, Hadria ne l’avait jamais jugé ennuyeux. Il savait rendre ses exposés aussi clairs qu’intéressants. Tandis qu’elle découvrait les phénomènes qui affectaient le manoir, la jeune femme pouvait presque entendre l’analyse que les faits lui auraient inspirée. Son partenaire se serait joint sans états d’âme à la petite expédition de la soirée : même s’il considérait toutes les situations de façon très réfléchie, il n’en manifestait pas moins une témérité d’autant plus folle qu’elle ne reposait pas sur de l’inconscience pure et simple. En dépit de son extrême réserve, il aurait contré les remarques d’Aulden sans le moindre effort.
Il était encore tôt pour dormir, mais Hadria sentait l’épuisement alourdir ses membres. Elle se déshabilla, enfila une longue chemise de nuit de lin blanc, puis s’affaire à défaire son chignon, à brosser ses cheveux et à les tresser pour éviter à ses boucles de s’emmêler. La solitude pesait au fond de son cœur. Malgré les attentions de l’adorable Jane, elle demeurait seule dans un lieu inconnu et chargée d’une sombre aura, soumise à des personnes hostiles. Elle éprouvait un vide étrange, comme si une part d’elle-même lui faisait défaut…
Les mains de la jeune femme se crispèrent malgré elle. Il lui fallait bien l’avouer, son partenaire lui manquait. Pas seulement l’équipe efficace et dynamique qu’ils constituaient, après avoir appris, au fil du temps, à travailler ensemble, mais aussi lui, en tant que personne. Elle peinait à définir leur relation. Collègues, bien entendu. Amis, peut-être, dans la mesure où ils se rencontraient, à l'occasion, en dehors du cadre Spiritus Mundi. Cependant, ils conservaient l’un envers l’autre une distance qu’ils ne franchissaient que par accident, ou lorsque l’un des deux se retrouvait en difficulté ou en position de vulnérabilité. Elle songea à ce moment, aussi amusant que maladroit, où Ashley s’était laissé aller à dormir sur son épaule dans le wagon qui les ramenait à Londres, après l’affaire de la « Reine des Fées ». Quand il s’était éveillé, le normaliste avait viré au rouge pivoine et avait passé le reste du voyage à s’excuser, même si elle lui avait maintes fois répété qu’il n’avait rien à se reprocher. Elle devait bien admettre que si le contraire était arrivé, elle aurait éprouvé un embarras similaire !
Hadria sourit avec résignation ; fût une époque, ses pensées se seraient tournées vers son ami d’enfance, Hector, son voisin, camarade de classe et associé dans l’aventure des Mystères de Minneapolis. Le garçon aux cheveux en bataille avait été son allié fidèle des années durant ; il avait partagé ses craintes, ses chagrins, ses rêves, ses espoirs… En moins d’une année, pourtant, ses traits s’étaient érodés dans sa mémoire. Certes, il lui avait beaucoup manqué, surtout au début de son séjour en Angleterre. À présent, elle n’éprouvait en songeant à lui qu’une vague nostalgie. Devait-elle se sentir coupable ?
La jeune femme se laissa tomber sur son lit, les yeux fixés sur le plafond blanc, qu’encadrait une moulure ornée d’une légère frise grecque. De minuscules fissures le parcouraient, aussi fines qu’un fil d’araignée. Le matelas sous son dos s’avachissait légèrement en son centre, comme s’il avait longuement servi. Déjà ses paupières devenaient lourdes ; si elle n’y prêtait garde, elle plongerait dans le sommeil et se réveillerait au milieu de la nuit, incapable de se rendormir, la tête habitée par toutes sortes de pensées confuses. En particulier celles où revenait un certain normaliste eurasien aux prunelles de jade.
La seule manière d’atténuer la morsure de l’absence était de se rapprocher de lui par l’esprit… et pour cela, une feuille et de l’encre aideraient grandement. Elle tira de sa valise son matériel d’écriture et s’installa sur le petit bureau. Par où débuter ?
Bien entendu, elle ne pouvait toujours pas lui révéler où elle se trouvait… Mais le connaissant, il s’intéresserait plus aux côtés techniques de l’affaire et ne demanderait pas de détails susceptibles de trahir l’identité de ses hôtes. Elle aurait bien besoin de ses conseils pour faire la lumière sur ces événements ténébreux. Elle resta un instant à taquiner son menton du bout de sa plume en attendant que lui vînt l’inspiration. Enfin, elle posa la pointe sur le papier et commença à rédiger sa missive.
Un instant, elle fut tentée de lui avouer la raison de ce courrier impromptu, qui ne recevrait pas de réponse avant son départ du manoir. Elle imagina son expression confuse avec un petit sourire qui s’évanouit bien vite. Non, elle resterait aussi neutre que possible.
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