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tome 1, Chapitre 12 « Fièvre et tensions » tome 1, Chapitre 12

– Non, Thomas, j’insiste ; c’est un plan de merde !

Cyril ne concevait pas que Thomas pouvait sérieusement envisager de faire s’écraser une météorite sur le château. La radiation en moins, c’était l’équivalent de lâcher une bombe atomique ! Les risques étaient bien trop grands : ce n’était pas que le château qui risquait de disparaître, mais la ville entière ! Il devait à tout prix empêcher qu’ils en viennent là. Et puis… Son cœur se serra en repensant à ce qu’il avait vu dans les souterrains du château. Il leur avait promis de revenir.

– Déjà tu l’as dit toi-même, tu ne sais pas combien de tes mages sont des traîtres. Alors tu ne peux pas convoquer d’assemblée.

– Et je n’en ai pas besoin, répliqua l’archimage. Je n’ai besoin que d’une personne, pour anéantir le château. Ah, et avant que tu ne commettes une erreur, ne t’avise pas de remettre en doute la loyauté de Galve.

– Pourquoi, c’est ton petit favori ?

Nix éclata de rire à cette remarque. Cyril en fut étonné. Il ne pensait pas sa pique spécialement drôle, il voulait juste essayer de discréditer Thomas, enfin, surtout l’ennuyer.

Il comprit mieux lorsqu’il vit l’armoire à glace qui se dressait dans l’embrasure de la porte. Cheveux blonds, sourcils broussailleux levés d’incrédulité, mâchoire carrée, épaules aussi larges que la porte…

– Je ne suis le favori de personne. Peut-être qu’on peut laisser les attaques ad personam de côté maintenant ?

Cyril coula un regard noir à Thomas. Saleté de télépathie…

– Bon, commença Nix, je te résume la situation : Cyril a découvert ce que font nos pourris. Le chef veut que tu les anéantisses, mais Cyril veut encore jouer au héros. Et moi, je les écoute se chamailler comme des gamins.

– Je vois, acquiesça sérieusement Galve. Vous me donnez les coordonnées, Archimage ?

– On ne donne les coordonnées de rien du tout ! intervint Cyril. On ne va pas détruire la capitale d’un pays parce que quelques mages ont décidé de mener des expériences illicites sous le château !

– Le roi est au courant ? demanda placidement Galve.

– Oui, mais…

– Alors soit il est de mèche avec ces sorciers, soit il tolère leurs pratiques. Dans les deux cas, il doit être éliminé, asséna le grand blond avec le calme de quelqu’un qui propose une partie de pêche.

Cyril ne savait pas trop quoi dire. Et pourquoi défendrait-il le roi ? Mais le peuple et les victimes des expériences ne devaient pas subir le châtiment infligé à leur monarque.

– Très bien. Mais ça ne justifie pas de raser toute la ville, ni même le château. Il n’y a pas que le roi qui vit dedans…

– Je ne discute pas les ordres qu’on me donne. L’Archimage doit avoir ses raisons, je ne l’ai jamais vu prendre de mauvaise décision.

Thomas et Nyx suivaient l’échange, le premier tout fier de la loyauté de son subordonné, la deuxième un air narquois sur le visage. Cyril commençait à désespérer. Il n’arriverait à rien en discutant avec le sbire, c’était Thomas qu’il devait convaincre.

– Oh, mais il en a déjà fait… Tu devrais m’écouter, cette fois.

Cyril s’était tourné vers Thomas, le regard dur. C’était bas, ce qu’il faisait, mais nécessaire. Le visage de l’Archimage perdit sa coloration pour virer au blanc.

– Une fois. Dis ça encore une fois…

Les yeux de Thomas venaient de passer au bleu électrique. Cyril préféra ne pas répéter. Il avait un peu trop bien réussi à l’énerver.

– Ce n’était la faute de personne ! Hathiir s’est sacrifié pour nous, ne souille pas sa mémoire ! ragea Thomas.

– C’est toi qui nous as guidés dans ce piège. Quand mon instinct m’a dit que quelque chose clochait, tu m’as traité de couard et insisté pour qu’on avance dans ce boyau de la mort. Et là, tout mon être crie qu’on s’apprête à commettre une erreur, comme jadis. Ne fais pas ça.

Le bleu déserta le regard de l’archimage, et Cyril se détendit un peu.

– Tu sais que c’est justement pour ne pas nous mettre en danger que j’ai suggéré cette option, n’est-ce pas ? souffla Thomas.

Cyril acquiesça, il le savait bien, mais ils ne pouvaient pas placer leur sécurité au-dessus de la vie de nombreux innocents.

– Je sais que ce sera risqué, mais on doit y aller. De qui d’autre es-tu sûr ?

– Parce que tu penses que s’il y en avait d’autres, ils ne seraient pas déjà dans cette pièce ? demanda Nix.

– Ah… Merde.

Cyril n’avait pas d’autres mots. Il comprenait tout à coup mieux le plan reposant sur Galve et une destruction massive. Ils allaient s’attaquer au château de la capitale et une association de sorciers à quatre. Ils n’étaient pas n’importe qui, mais… dire qu’ils étaient en sous-effectifs serait un euphémisme. Et pourtant, ils devraient s’en contenter.

*****

Il était dans le noir, complètement immobile. Il n’avait aucune conscience de son corps ; seules des pulsations rouges régulières brisaient l’obscurité. Quelque chose n’allait pas.

Du vert. Le noir était teinté de vert, et il approchait de lui. Le rouge était de moins en moins vif, les pulsations de plus en plus erratiques. Il n’aimait pas cette lueur. Elle lui en rappelait une autre. La dernière qu’il avait vue avant que l’enfer se déchaîne. Cette fois pourtant, il n’y avait pas de champignons luminescents, pas de gobelins. Ce n’en était pas moins dangereux, il en était sûr.

L’air moite s’épaississait, il avait du mal à respirer. Ce n’était pas exactement une odeur, mais… Il y avait quelque chose de fétide. Ce vert qui approchait n’était rien d’autre que la mort, et elle gagnait du terrain.

Il ne savait pas quoi faire pour la repousser. Le rouge n’arrivait déjà plus à tout éclairer lorsqu’il jaillissait encore. Le noir était strié de vert, et la couleur malsaine ne faisait que gagner du terrain. Dimitri allait perdre, et il ne comprenait même pas contre quoi il se battait.

Il n’arrivait déjà plus à respirer, le rouge ne battait plus que faiblement, par à coups. La panique le gagna. Il se recroquevilla, oppressé, sur le point de perdre conscience. Puis, alors que le vert allait couvrir toute sa vision, les flammes jaillirent. La nova de feu emporta tout, et soudain il pouvait à nouveau respirer… Et crier.

***

Dimitri était installé sur un lit dans une petite pièce annexe chez le guérisseur. Il avait eu l’air si apaisé le matin, quand les rayons de soleil caressaient son visage. À présent cependant, son sommeil était tourmenté. Sa respiration était saccadée et les draps étaient trempés de sueur.

Mart observait le guérisseur s’agiter dans tous les sens alors qu’il appliquait une compresse froide contre le front de son ami.

– Ça empire, déclara-t-il, une pointe de panique dans la voix. Vous n’avez rien qui puisse diminuer la fièvre ?

L’homme tenait plus du gourou de campagne que de l’homme de sciences, mais sa collection de fioles et herbes séchées était tout simplement impressionnante et embaumait toute la demeure. Il devait y avoir quelque chose là dedans…

– J’ai déjà tout essayé ! Même lorsqu’il était au repos, il avait déjà une chaleur corporelle bien trop élevée… Là il bat tous les records !

Ne le dis pas, surtout ne dis pas qu’il devrait déjà être mort… C’était la dernière chose que Mart voulait entendre en ce moment.

– On aurait quand même dû rouvrir la blessure pour essayer d’enlever le poison…

Le guérisseur s’immobilisa à ces mots pour regarder Mart.

– Non, cela n’aurait servi à rien, il circulait déjà dans son sang. Là aussi… Je n’ai jamais vu quelqu’un passer la nuit avec de l’extrait de coasseur aveugle dans les veines. Votre ami est vraiment plein de surprises.

– Il y a déjà été exposé une fois… Enfin, ce n’était qu’un contact cutané avec la bête. Peut-être qu’il a développé une certaine résistance ?

L’espoir de Mart ne dura pas longtemps : le souffle de Dimitri se transforma en un râle qui disait toute la douleur qui l’assaillait.

– On ne développe pas une résistance par une exposition unique… Ce n’est pas bon, ça !

Le guérisseur s’approcha de Dimitri, mais s’arrêta devant lui.

– Dîtes, j’ai entendu ce qui circule à propos d’hier soir… Vous ne pourriez pas l’aider à respirer ?

Mart secoua la tête. Quelque chose était en train de changer. Le souffle de Dimitri était extrêmement chaud.

– Je pourrais, mais ce n’est pas l’air le problème. J’interviendrai s’il suffoque, mais… Vous l’avez dit vous-même, il est plein de surprises.

– Je ne comprends pas, vous pouvez l’aider et ne le faites pas ? Un instant plus tôt, vous désespériez de pouvoir faire quelque chose…

– Faites-moi confiance et allongez-vous face contre terre. Je sais ce qui arrive. J’essaierai de limiter les dégâts…

– Ça n’a pas de sens ! Mon patient est sur le point de mourir et vous me demandez de me coucher sur le sol ?

Il n’y avait pas de temps à perdre en explications. Cela pouvait arriver d’une seconde à l’autre…

– À terre ! cria Mart.

Le guérisseur n’hésita pas une seconde, et ce fut ce qui le sauva. Une vague de flammes se déversa tout à coup de Dimitri. Mart avait beau être préparé, la chaleur de l’éruption lui roussit les poils. Ce n’était pas la première fois qu’il assistait au phénomène, mais jamais auparavant, le feu n’avait été aussi intense. Il avait pensé l’envelopper dans une bulle d’air et l’étouffer, mais tout ce qu’il put faire en un premier instant fut se protéger. À défaut de contenir le feu, il le redirigerait. Dommage que la pièce fût dépourvue de cheminées…

***

Lorsque Dimitri se réveilla, une étoile unique brillait au-dessus de lui. En se redressant, il sentit des draps glisser sur sa peau. Il avait les muscles endoloris et la gorge sèche. Un chiffon était collé contre son front. Plein d’odeurs mêlées, beaucoup trop fortes, emplissaient la pièce, comme si sa grand-mère avait mis à brûler toute sa collection d’encens en même temps. Mais cette pièce au trou dans le plafond n’était pas sa chambre. Depuis dix ans déjà, il n’avait plus dormi dedans. Où se trouvait-il ? Pas dans sa forge, et pourtant un marteau semblait s’obstiner à taper sur une enclume, dans sa tête.

Il poussa un grognement et se rallongea, les yeux ouverts sur cette étoile solitaire. Elle était rassurante, cette petite lumière dans la nuit.

Il allait se rendormir lorsqu’une autre lueur accrocha sa vision. Il se redressa précautionneusement pour voir de quoi il s’agissait.

– Ah, la Belle au bois dormant se réveille enfin !

Cette voix et ce visage qu’éclairait la chandelle, il les connaissait bien. Mart essayait de cacher son inquiétude derrière de l’humour. Il n’était vraiment pas doué.

– Pourtant elle n’a toujours pas eu de bisous.

Il avait voulu le dire sur un ton moqueur, mais il doutait que le coassement qu’il venait de produire pût contenir beaucoup de nuances. Mart fit une grimace et s’approcha. Sa voix avait vraiment dû être affreuse…

– Tiens, bois ça.

Son ami lui avait mis une chope au bord des lèvres et l’inclinait légèrement. La mousse fraîche était un baume pour ses lèvres sèches. Il recula dans le lit jusqu’à appuyer son dos contre le mur, puis s’empara du récipient que lui tendait Mart. Il savait quand même tenir une cinquante !

Il avala une première goulée généreuse et essuya la mousse qui s’était déposée sur les quelques poils blonds qui constituaient sa moustache.

– Ah, rien de tel pour se revigorer qu’une bonne bière ! s’exclama-t-il.

– C’est qu’il n’y avait pas d’eau potable, sinon crois-moi que tu boirais autre chose…

– Hahaha, je te reconnais bien là, toujours aussi sérieux. Mais dis-moi, ce mal de tête là… Ce n’est pas une cuite, si ? Ce n’est pas si différent d’une gueule de bois, des crampes en plus.

Il but une bonne rasade, et faillit s’étouffer. Les secousses ravivèrent des douleurs, et lorsqu’il parvint à calmer la quinte de toux, il se retrouva exténué.

– Ménage-toi un peu, tu as bien failli y passer…

S’il n’avait pas eu mal partout, Dimitri aurait haussé les épaules.

– Ce n’est pas la première fois, et sûrement pas la dernière. J’ai dormi combien de temps ?

– Juste une journée, mais ne compte pas sur moi pour te laisser sortir de ce lit !

– Ohoh, et tu voudrais m’y maintenir comment ? demanda-t-il avec un grand sourire.

– En t’attachant, s’il le faut !

La plaisanterie n’avait pas l’air de plaire à Mart. Lui par contre, la trouvait affreusement drôle.

– Tu sais qu’il n’y a aucune entrave capable de me tenir ? Enfin, je pourrais jouer le…

– Je connais ta propension à faire fondre les choses, l’interrompit Mart. J’ai bien failli en faire les frais d’ailleurs, mais contrairement au plafond, j’ai pu échapper à cette funeste destinée.

Moins drôle…

– Dis… Je n’ai blessé personne quand même ?

– À part le plafond et le peu de poils qui me poussent sur le menton ? Non. Enfin, demain tu verras que les murs sont un peu roussis et à moins d’avoir perdu l’odorat, tu sens qu'il y a des herbes qui ont brûlé… Bref, rien d’irréparable.

La maison et l’œuvre de la vie d’un homme quoi… Mart était gentil à vouloir le rassurer. Et voilà pourquoi il ne sortait jamais de sa forge…

– Il s’est passé quoi pendant que j’étais au pays des rêves ? demanda-t-il, tâchant de ne pas perdre son sourire.

– Quelque chose d’absolument incroyable ! déclara Mart.

– Quoi donc ? demanda Dimitri sincèrement intrigué.

– Furans s’est rendu utile ! Enfin, au départ je n’étais pas si content que ça de son initiative, mais… Je pense qu’il a eu raison en fait.

– Mais explique-toi !

Dimitri aurait bien éclaté de rire, mais ça lui aurait certainement fait mal, et il était curieux de savoir le fin mot de l’histoire.

– Dès qu’il a un peu dessaoulé, il s’est occupé de l’arrestation et de l’interrogatoire de ton cher Sael et sa bande d’assassins, et il a envoyé une missive à la cour pour expliquer ce qu’il s’est passé et demander une escorte digne de ce nom.

– Et tu ne l’as pas engueulé ?

– J’ai bien failli le faire… Mais il a raison. Je ne voulais pas ébruiter l’échec du mariage arrangé entre Shalys et Kiel. Pas avant qu’on soit là pour jouer les diplomates. Cependant, vu la tentative d’assassinat qu’on vient d’essuyer, je pense qu’il est peu probable que Tervos cherche réellement à nouer de bonnes relations avec Arenhie…

– En effet… Et tu es sûr que c’était la cour krondarienne qui les envoyait ?

– Oui, Sael s’est montré plutôt coopératif quand il a compris qu’on ne lui ferait rien s’il donnait toutes ses infos. Il faut croire que notre roi de paille ne suscite pas un grand zèle chez ses serviteurs… Ah, d’ailleurs, son vrai nom, c’est Cal.

– On s’en fout un peu, non ? mentit Dimitri qui n’était pas mécontent que le colosse bronzé ait retourné sa veste. On fait quoi maintenant ?

– Rien. Tu te reposes et on attend l’escorte. Il faudra juste que tu décides si tu continues la route avec moi ou si tu rentres à Krondar. Cyril risque d’avoir besoin de toi…

1. Dimitri décide de continuer.

2. Dimitri décide de rentrer.


Texte publié par Mart, 2 septembre 2019 à 18h31
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