De grandes sculptures de glace s’élevaient et se modifiaient continuellement sur la Grand Place, sous les yeux émerveillés de la foule de spectateurs. L’eau virevoltait en motifs hypnotiques avant de se figer en une nouvelle structure transparente. Des exclamations de surprise retentirent lorsque le nouvel obélisque se mit à ruisseler. Haut comme une maison, le monolithe commençait ostensiblement à pencher. Il y eut un mouvement de recul chez les spectateurs, mais la plupart d’entre eux restaient figés sur place en silence, obnubilés par la magie qui s’opérait sous leurs yeux. L’eau remontait la grande colonne en spirales et formait un grand tourbillon à son sommet.
Lorsqu’elle s’immobilisa, un murmure d’admiration s’éleva, suivi d’applaudissements tonitruants. Une immense rose de glace, inclinée à 45 degrés, pointait sa couronne vers le château.
Cyril était satisfait. Le peuple formait un bien meilleur public que la noblesse. Il fit fondre les autres petites statues et en dirigea l’eau pour former un pilier en soutien à son chef d’œuvre. Lorsque celui-ci fut formé, il s’inclina, et les applaudissements redoublèrent d’intensité.
Il était temps pour lui de retourner à la cour, il ne gagnerait rien de plus à s’éterniser sur la place. Les badauds s’écartèrent pour le laisser passer. Ils portaient sur lui un regard empli de respect, peut-être plus même. Il sourit en se demandant combien remarqueraient la ressemblance entre le pilier écrasé par la rose et la tour du roi.
La situation était tendue. D’un côté, Mart n’avait pas envie d’abandonner son plan, mais de l’autre… Il avait encore moins envie de mourir bêtement. Si les douaniers les soupçonnaient d’être des traîtres, ils pourraient très bien décider de les éliminer sans autre forme de procès. Merde ! À ce prix-là, on aurait encore mieux fait de voler.
Il n’y eut pas d’avertissement, aucun mouvement. Soudain le vent envahit la pièce. Les gardes furent éparpillés, projetés contre les murs avec le mobilier. Plus d’un s’affaissa, assommé par le choc. Ou tué… Mart espérait que ce n’était pas le cas, ça ne leur faciliterait pas les choses, et puis ces hommes ne faisaient que leur boulot.
– Bien. Au risque de me répéter, je ne suis pas Arenhien. Cependant, je ne suis Krondarien que d’adoption, et pas seulement précepteur. Je suis Mart le Vif. Je suis ici en mission diplomatique et désirerais voyager incognito pour garantir la réussite de celle-ci.
Le garde qui avait mené la discussion jusque là se releva lentement, les mains ostensiblement écartées du corps, laissant sa lance par terre. Il prit son temps pour s’agenouiller auprès de chacun de ses hommes affalés par terre pour s’assurer qu’ils respiraient encore. Lorsqu’il eut fini, il fit un signe de tête vers Dimitri.
– Et lui ?
Une flamme s’alluma dans la paume ouverte de l’intéressé qui répondit nonchalamment.
– Quelqu’un dont vous devriez vous réjouir qu’il ne soit pas intervenu.
L’homme hocha la tête.
– Je vois. Votre mission, elle est urgente ?
– Assez, oui, répondit Mart. Les relations entre Krondar et Arenhie sont en jeu.
– Voilà qui est problématique…
Le garde se tut un moment. Il semblait déjà avoir oublié l’incident qui venait de se produire dans son propre poste pour se concentrer sur le problème de plus grande envergure.
– Voyez-vous, je fais partie des gens qui ont foi en la prophétie. Je ne remettrai donc pas votre bonne volonté en question. Ce n’est pas le cas de tout le monde hélas, alors je comprends votre vœu de discrétion. Je ne suis hélas pas en mesure de vous l’accorder.
– Pourquoi ? Il suffirait que votre hiéromancien marque les identités que nous vous avons présentées de prime abord. Personne ne questionnera une marque dûment apposée…
– C’est bien le problème… Notre hiéromancien est absent, avoua-t-il avec un visage contrit.
– Comment ça, absent ? s’étonna Dimitri.
– Je lui ai donné une permission, sa mère est gravement malade. Son remplaçant est en route.
– Quand arrivera-t-il ? Dimitri craignait la réponse qu’il allait recevoir. Le chef avait l’air très mal à l’aise.
– Il aurait déjà dû être là. Je suis sans nouvelles de lui depuis plusieurs jours.
La conversation tarit. Un ronflement particulièrement bruyant fit sourire Dimitri. Le garde le vit. Il voulut le réprimer, mais ne sut empêcher son rire nerveux d’éclater. Il essaya bien de se calmer, cependant en voyant le sourire de Dimitri s’agrandir de plus en plus, puis celui-ci céder à l’hilarité aussi, il repartit pour un autre fou rire.
Mart les regardait sans comprendre ce qui les amusait tant. Ce n’était vraiment pas le moment…
Lorsqu’ils purent enfin contenir leurs rires, Dimitri demanda son nom à l’autre homme.
– Capitaine Furans, pour vous servir, répondit-il alors qu’il essuyait les larmes du coin de ses yeux.
– Bien, et à quoi exactement allez-vous nous servir, Furans ?
Mart avait eu du mal à garder sa voix tranchante. Il fallait bien que l’un d’eux garde son sérieux.
– Les hiéromanciens de village ne sont autorisés à marquer que les nouveaux-nés, j’ignore quand arrivera le remplaçant, et le poste de douane le plus proche d’ici est loin en aval… Comme vous n’avez pas le temps d’attendre, ni de faire un si gros détour, vous allez devoir voyager illégalement. Alors je vous accompagnerai. Je serai votre garant. (#AnewMemberJoinedYourParty!)
– Vous avez été merveilleux, sire ! Toutes mes félicitations pour cette belle représentation.
Cyril se retint de souffler. Voilà déjà dix minutes qu’il essayait de se débarrasser des lécheurs de bottes qui lui collaient aux baskets. Enfin, façon de parler que ces arriérés ne comprendraient même pas…
Depuis qu’il était rentré dans l’enceinte du château, la moitié des courtisans s’évertuait à le flatter du mieux qu’ils pouvaient, la plupart sans même l’avoir vu à l’œuvre.
– J’ai particulièrement apprécié la finesse des épines ! ajouta un autre.
– Merci, répondit Cyril, elles étaient tellement fines que je ne les avais point vues moi-même, vous avez l’œil !
L’homme s’empourpra, bredouilla de vagues excuses et s’éclipsa. Son départ fut vivement commenté par le reste de la compagnie. Des poules qui caquettent, et je suis le coq… Il ne devrait pas s’en plaindre, il le savait bien. Il n’aurait d’ailleurs pas dû humilier l’autre… ministre, noble ? Il n’en savait rien. Mais il en perdait sûrement le soutien, et quelque chose lui disait qu’il en aurait durement besoin dans les mois à venir. Ce quelque chose était peut-être l’autre moitié de la cour. Celle qui l’ignorait superbement ou lui jetait des regards noirs depuis son affrontement avec le roi la semaine passée.
Deux camps s’étaient créés, celui du roi, et celui de Cyril. Le roi n’était qu’un faiblard incapable. Il était logique que la cour se raccroche à la première figure forte qui s’y opposait. Voilà bien une chose à laquelle il n’avait pas pensé avant la confrontation, et qui ne lui plaisait pas spécialement. Les responsabilités, très peu pour lui, alors déjà qu’il regrettait un peu de s’être engagé avec une princesse, mener une rébellion…
Alors qu’autour de lui, les membres de la cour continuaient de caqueter, Cyril vit une bonne excuse de leur fausser compagnie.
– Shalys ! s’écria-t-il. Excusez-moi messieurs, j’ai des choses à discuter avec la princesse.
Lorsque la troupe lui emboîta le pas, il s’arrêta pour spécifier :
– Seul.
Il se dépêcha de rattraper la jeune femme qui ne s’était pas retournée à son appel. Elle ne l’avait sûrement pas entendu, avec toutes ces commères autour de lui. Il la prit par le bras alors qu’elle atteignait le bout de la travée longeant la cour intérieure. Elle avançait d’un pas précipité et ne s’était pas retournée en entendant Cyril la poursuivre. À son contact, elle se tourna vers lui. Son visage passa de l’agacement à la surprise… Avec tout de même encore une bonne trace d’agacement, se dit Cyril.
– Oui ? demanda-t-elle, laconique.
– Je pensais justement à toi, et je t’ai vu passer, commença Cyril.
– Mais encore ?
Elle tapotait du pied, ne cachant pas son impatience à repartir.
– Eh bien… Je me disais qu’on pourrait parler, passer un peu de temps ensemble, ajouta Cyril, qui perdait sa contenance.
– Merci pour l’attention, mais j’ai des choses à faire.
Cyril resta bouche bée. Shalys ne s’était jamais montrée si froide envers lui. Elle avait son caractère, c’était sûr, et il appréciait cela. Mais là…
– Ahem !
Il reporta son attention sur la princesse. Celle-ci fixait avec intensité la main qui se refermait toujours sur son avant-bras. Cyril la lâcha.
– Merci.
Elle tourna les talons et s’en fut, plantant là un Cyril complètement perdu. Que venait-il de se passer là ?
La même question semblait animer les hommes qui avaient observé la scène depuis la cour intérieure. Cyril s’enfonça dans les couloirs, il n’avait pas envie de retourner auprès des courtisans, voilà qui était certain, mais… Que pouvait-il bien faire d’autre ?
1. Essayer de retrouver Shalys pour avoir des explications, elle ne peut pas encore être bien loin.
2. Regagner tranquillement sa chambre pour réfléchir un peu à sa situation, un peu de calme lui fera du bien.
3. Prétexter d’un message de Mart et Dimitri pour envoyer tout valser à Krondar et les rejoindre, cette situation ne lui plaît pas du tout !
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