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tome 1, Chapitre 4 « Noyer le poisson » tome 1, Chapitre 4

Le Soleil achevait de disparaître à l’horizon, lorsque Cyril mit pied sur le ponton. Le ciel était encore clair à l’ouest, mais la pénombre tombait déjà. À l’autre bout du quai, une figure allumait les dernières lanternes. Elles étaient peu nombreuses, mais suffisantes pour remplir leur tâche : la capitale ne dormait jamais, et son port encore moins. Les lumières étaient là pour empêcher les somnambules et soûlards de trouver un repos trop définitif au fond du lac.

L’air était calme, gelé. Cyril entendait encore les clapotis de l’eau contre les pilotis, mais comme la vague qui les avait soulevés, ils mourraient bientôt. Il avait l’impression que ses pas résonnaient dans l’atmosphère cristallisée.

La buée née de son souffle s’échappait de sous sa capuche et se colora à la lueur de la flamme. Lorsqu’il fut passé sous la lanterne, il se tranquillisa. Il n’était désormais plus une figure bizarre venant du lac, mais un noctambule comme les autres. Et pour rester dans ce rôle, quelle meilleure destination que la taverne la plus réputée du port ?

***

Au fond de la salle, une figure encapuchonnée solitaire était attablée devant une pinte de bière. Son visage restait dans l’ombre, mais la direction de son regard était claire : l’entrée. Elle attendait quelqu’un.

Ses vêtements étaient tout ce qu’il y avait de plus banal, mais ils ne portaient nulle trace d’usure ni une seule tâche. Malgré cela elle aurait pu se fondre dans la masse, mais rien que son port aurait suffi à la trahir. Ses fines épaules étaient droites et son dos raide. Elle n’avait rien des clients habituels qui traversaient la salle en taguant, braillant des chansons de marins, ou encore avachis, leur esprit profondément engourdi par la bière.

Cyril n’eut pas à y regarder par deux fois lorsqu’il poussa la porte du Ramalac d’eau douce. Shalys avait fait des efforts pour cacher son identité, mais si personne ne l’avait encore reconnue, cela ne tenait qu’à l’improbabilité de trouver une princesse dans un établissement aussi bas, ou alors à l’alcool…

Il se dirigea tranquillement vers le comptoir et n’eut pas à attendre longtemps avant d’être servi. Lorsqu’il s’éloigna, le patron au ventre rebondi le suivit du regard, tout en continuant de frotter une chope avec une vieille loque. Lequel de ces deux objets ressortirait plus propre de l’opération n’était pas clair.

Lorsqu’il arriva à la table du fond, Cyril déposa son breuvage et s’assit nonchalamment.

– Je suis content que tu aies choisi cet endroit. On va pouvoir s’éviter les formalités.

– C’était l’idée, oui. Et puis il reste des chambres à l’étage…

Voilà une réflexion qui lui plaisait bien, mais, aussi tentante que l’idée soit, Cyril n’était pas sûr qu’elle soit bien sage.

– Je crains que l’on doive s’en tenir à une discussion, Shalys. On a pas mal de choses à débattre.

– Il y a une lettre de trop dans « débats »…

Elle avait de l’esprit, il fallait le lui concéder. Cyril se demanda comment la phrase devait être tournée dans sa langue originelle. Il était bien pratique, ce sort que leur avait jeté Thomas pour qu’ils le comprennent, mais il commençait à regretter de n’entendre que du français alors qu’Ictrear regorgeait de variété. Shalys était-il seulement son prénom, ou n’était-ce qu’un équivalent prononçable en français ? Il ne le saurait jamais, tout ce qu’il disait arrivait traduit dans l’esprit de son interlocuteur.

Un jour, Mart avait essayé de leur parler de ses études sur les limites de cette traduction. Dimitri et lui-même avaient coupé court à l’explication en disant que la question ne les intéressait pas, du moment qu’il y avait intercompréhension.

– Bon, pardon pour la tentative d’humour… Mon Dieu, que tu peux être sérieux !

L’attention de Cyril revint au bar bruyant et son tête à tête avec la princesse. Ça ne lui ressemblait pas de divaguer ainsi, et pourtant, une partie de son esprit notait la curiosité de l’expression « Mon Dieu » dans la bouche d’une personne qui ne croyait à aucune divinité. Encore une question de traduction sûrement.

– Pardon si je t’ai offusqué, ton trait ne manquait nullement d’humour…

– J’ai la lettre que tu m’as envoyée, si on en parlait un peu ? l’interrompit-elle.

Elle sortit le papier plié en quatre, et l’étala au milieu de la table, devant lui.

Cyril la laissa faire. Il se pencha sur le message, même s’il savait déjà qu’il n’y comprendrait rien. Et en effet : l’écriture était bien la sienne, mais elle formait désormais des lettres qu’il ne comprenait pas.

– Bon, le ton formel indique que tu avais peur qu’il soit intercepté, alors quel est le véritable message ?

– Rien d’autre que ce qu’il disait. Je pense demander ta main à ton père, mais je voulais t’en parler d’abord.

Une boucle dorée s’échappa de la capuche lorsque Shalys pencha la tête. Un bref moment, la lumière du plafonnier accrocha son regard qui scintilla d’un bleu vif.

– C’est vrai alors ? Tu serais prêt à t’engager dans une relation durable ?

Cyril hocha lentement la tête. Elle ne semblait ni heureuse ni mécontente, juste surprise. Il ne l’avait peut-être pas si bien cernée que ça, après tout…

– Et tu penses que mon père sera d’accord ? Un héros contre le prince du royaume voisin… Il y a moyen que ça passe.

Elle réfléchissait à voix haute. Enfin, pas si haute que ça, Cyril devait tendre l’oreille pour l’entendre par-dessus le brouhaha ambiant. Il n’intervint pas, il était curieux de savoir le fond de sa pensée.

– Mais pour Arenhie alors ? Mon contrat de mariage avait déjà été négocié, tu ne crains pas qu’il y ait des représailles de leur part ?

– J’y ai pensé. Et heureusement, Ulric a aussi une fille. Ainsi, Krondar ne serait pas la seule à gagner la loyauté d’un Élu.

– Et à travers vous, les deux royaumes seraient quand même liés… Ça se tient.

– Il y a un « mais » dans ta voix. N’hésite pas, tu peux tout me dire.

– Si on doit en venir à s’épouser, il vaut mieux que cette confiance soit réciproque. Tu me dis bien tout, toi, n’est-ce pas ?

– Bien sûr, ma princesse.

Il lui offrit le sourire le plus enamouré qu’il pouvait produire. Il se sentait toujours idiot en faisant ça, mais ça marchait à tous les coups. Et en effet, les joues de Shalys se colorèrent légèrement, sous sa capuche.

– Eh bien, ce que je me demandais, c’est si tu en avais déjà parlé aux autres… C’est qu’à part toi, les Élus ne se mêlent pas beaucoup à la société. Lequel des deux accepterait ?

– Mart a déjà accepté. Tu as raison, ce plan n’aurait rien valu sans son approbation. Et pour être franc, je ne m’attendais pas trop à l’avoir…

– Je comprends. Qu’est-ce qui l’a poussé à accepter alors ?

Cyril haussa les épaules.

– Doué celui qui devinera ce qu’il se passe dans cette tête-là…

Un silence tout relatif retomba sur leur table, et chacun but un coup. Shalys s’essuya la bouche d’un revers de manche. En quelque sorte, la tache sombre de la mousse sur son vêtement rendait son déguisement un peu plus authentique.

Un moment passa avant qu’ils relèvent leurs yeux de leurs chopes. La princesse finit cependant par prendre la parole.

– Je ne vais plus pouvoir rester très longtemps. La gouvernante n’a accepté de me couvrir qu’à certaines conditions… Bref, tu connais l’histoire. Pour mon père, tu préfères que je lui en parle, ou bien tu t’en occupes ?

Autant pour les chambres à l’étage… Mais c’était sûrement plus sage ainsi. Quant à la meilleure stratégie de communication… Il serait risqué de se confronter directement au roi, mais pouvait-il vraiment lui demander la main de sa fille autrement sans que son honneur en pâtisse ?

Il serait tentant de laisser Shalys régler les choses, son père était sévère et un peu étroit d’esprit au goût de Cyril, mais il aimait sa fille. Elle saurait sûrement s’y prendre…

À moins de laisser jouer ses contacts… Il éviterait de se mettre en danger, et Shalys n’aurait pas à prendre parti.

Il replongea son regard dans le liquide ambré de sa bière, espérant y trouver une réponse à lui donner. Quel était le meilleur choix ?

Peut-être serez-vous de meilleur conseil que l’alcool… D’après vous, que devrait faire Cyril ?

1. Faire sa demande directement au roi.

2. Laisser Shalys convaincre son père.

3. Laisser ses contacts se charger de gagner l’assentiment de Tervos.


Texte publié par Mart, 4 mai 2019 à 19h53
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