Lorsque le bus s'arrêta devant son arrêt, Déborah se sentit soulagée. Elle sortit tranquillement, et prit une grande respiration. Peut-être que cela allait lui faire du bien de s'éloigner un peu de Romuald. Enfin, c'était sûrement quelque chose qu'elle se disait pour apaiser sa conscience.
Après quelques minutes de marche, elle retrouva son immeuble, petit bâtiment enserré entre deux ensembles plus vastes. Après un tour de clé, elle entra dans le hall. Depuis combien de temps n'était-elle pas rentrée chez elle ?
Son week-end, elle l'avait passé chez Romuald. Penser à ses affaires restées là-bas, la fit soupirer. Il y avait ses vêtements, des bijoux, des papiers… A un moment où l'autre, elle devrait aller les chercher. Enfin, ce n'était pas vraiment le moment de penser à cela.
Déborah jeta un coup d'oeil dans sa boite aux lettres et y trouva, outre la publicité, la carte de visite d'un type qui retrouvait vos clés à distances, et une facture d'électricité. Rien de bien passionnant. Elle commença à grimper l'escalier. Juste deux étages, qui se révélaient une torture pour Romuald, au vu de l'état de son genou. Cela expliquait sans doute pourquoi il venait moins la voir. Lui avait un ascenseur dans son immeuble.
Une fois de retour chez elle, la mage commença par ouvrir les fenêtres, renouveler l'air ne serait pas un mal. Après avoir jeté le courrier sur la table de la cuisine, elle quitta ses chaussures et son blouson. C'était bon, de se retrouver chez soit.
Déborah ouvrit le frigo et promena son regard sur les denrées qui se trouvaient là. Heureusement qu'il n'y avait plus grand-chose. Elle se saisit de la brique de lait pour la sentir. Il avait sûrement tourné et n'avait plus qu'à finir à la poubelle.
Ce constat fait, la mage préféra fouiller dans ses placards. Elle en tira un paquet de biscuits au chocolat qu'elle grignota rapidement. Cela apaiserait un peu son estomac. Dans un sens, mieux valait qu'elle ne mange pas chez elle, ce soir sinon cela aurait terminé en pâte et boite de thon, de la haute gastronomie, à n'en point douter.
La mage ne put s'empêcher de sourire en pensant à François et son invitation. C'était si inattendu, mais finalement, ça lui ferait du bien de sortir. Même si elle était fatiguée. Prendre une douche chaude, lui paru une bonne façon de se réveiller. Elle se dirigea vers la salle de bain quand son attention fut attirée par le voyant rouge de son répondeur qui clignotait. Même si elle se doutait un peu de qui allait parler.
« Allo, Déb ? C'est moi. Réponds s'il te plaît ! »
Il y eut un blanc, avant qu'il se rende compte qu'elle était vraiment absente et raccroche.
« Déb, t'es toujours pas là ? Ou tu te fous de moi ? »
Un soupir… et il raccrocha brusquement.
« Déborah, c'est ta mère ! »
Elle hocha la tête. Elle en était sûre.
« Je m’inquiète pour toi. Ca va fait quinze jours que je n'ai pas de tes nouvelles. Si tu veux, je peux passer sur Dunkick, si ça t'arrange. »
-Ho pitié, non, gémit Déborah.
« Romuald m'a téléphoné. Tu ne lui as pas répondu de la soirée, il est très inquiet. »
Elle leva les yeux au ciel. Il avait fallu qu'il téléphone à sa mère. Est-ce que c'était un nouveau moyen de la faire culpabiliser ? Sûrement non.
« Tu travailles trop, ma chérie. D'ailleurs, c'est sûrement à cause de ça que tu n'as pas encore d'enfant ! »
Merci de remuer le couteau dans la plaie.
« Enfin, rassure Romuald, il a besoin de toi. »
-C'est bon, il a vu ma tête ce matin et il sait que je ne suis pas morte.
« Prend soin de toi, ma chérie. Et s'il te plaît, pense à me téléphoner. »
Elle hocha la tête.
-Je le ferais… Ce week-end…
Autant dire qu'elle n'allait pas se jeter sur le téléphone.
Elle gagna sa chambre et ouvrit l'armoire à la recherche de vêtement. La mage en tira un pull noir et un nouveau jean : sa tenue quotidienne en somme. Elle allait refermer la porte quand une robe attira son attention. Déborah la sortie, avant de la regarder. Dire qu'elle ne l'avait jamais porté. Si elle l'avait acheté, c'était avant tout pour faire plaisir à Romuald. Mais les événements s'étaient enchaînés de telle façon, qu'elle ne l'avait jamais mise.
Et si ce soir, elle osait….
Posant la robe à volants noires, sur son lit, elle fouilla un peu plus dans ses affaires, pour en sortir un collant fantaisie et un petit gilet. Ils iraient bien avec le reste de sa tenue. Restait à choisir des sous-vêtements : elle en tira deux. Soit elle choisissait des basiques, soit des plus sensuels. Finalement, Déborah rejeta ceux en dentelles. Nul doute qu'ils ne lui seraient d'aucune utilité ce soir.
Il était temps de se réveiller et de rester lucide. Elle allait dîner avec quelqu'un qui ne chercherait jamais rien d'autres que son amitié. Cela ne servait à rien de se jeter sur lui, alors qu'elle n'en avait même pas envie. La vérité, c'était qu'elle se sentait coupable et désirait oublier l'espace d'un instant combien elle s'inquiétait.
Du coup, jeter son dévolu sur un homme qui n'était pas intéressé par elle, pouvait être une bonne solution. Elle pourrait rêvasser tout en sachant qu'il ne se passerait jamais rien.
Enfin, mieux valait qu'elle se dépêche si elle voulait choisir des romans parmi les siens. Aussitôt, elle se précipita dans la salle de bain. Prendre une douche chaude l'aida à se détendre. Pour peu, la mage se serait endormie, mais ce n'était guère le moment.
Jetant un coup d'oeil au miroir envahie par la buée, elle se laissa tenter par l'idée de se maquiller. Juste un peu, histoire de souligner ses yeux noisettes, et la mettre en valeur. Ce soir, elle n'avait pas envie d'être juste une policière. Elle voulait être une femme.
Une fois prête, elle gagna son salon pour parcourir son étagère à la recherche des meilleurs romans, dans ceux qu'elle avait lu récemment. Elle en tira quelques uns et les posa sur la table basse. Finalement, Déborah les compta : cinq ça faisait beaucoup. Finalement, elle n'en prit que trois, dans le tas. Enfin, elle ne connaissait pas sa vitesse de lecture.
Se saisissant d'un stylo, elle inscrivit son nom et son prénom sur la première page. Une habitude qu'elle avait prise avec sa tante, qui ne se souvenait jamais quels livres, lui avait été prêté par qui.
Elle posa son chargement dans un sac. Il n'y avait plus qu'à espérer que François ne les est pas lu. Après, elle n'allait pas non plus ramener sa bibliothèque. Au cas où, elle lui en ramènerait d'autres.
Déborah jeta un coup d'oeil sur ses affaires pour ne rien oublier. Elle avait bien ses clés de voiture. Encore une chance d'ailleurs, que Romuald soit passer la chercher avec la sienne samedi, sinon elle aurait été bien embêtée, et aurait dû lui demander de la raccompagner jusqu'à son véhicule.
Ouvrant son placard, elle en tira un manteau couleur prune. Inconsciemment, elle laissa de côté ceux que son compagnon lui avait offert, et préféra cela que sa tante avait choisi pour elle. Il était suffisamment chaud pour la saison, même si elle n'en avait pas réellement besoin avec ses pouvoirs.
Elle choisit ensuite une paire d'escarpins, qui soit suffisamment haute pour la mettre en valeur, mais pas trop non plus, pour qu'elle soit confortable pour marcher. Les plus simples feraient l'affaire, à bout rond, noir vernis, il évoquait ceux que tout le monde pouvait porter, mais cela n'avait pas d'importance pour elle. Ses chaussures lui plaisaient.
Que pourrait-elle amener ? Déborah jeta un coup d'oeil à l'horloge du four. Il fallait qu'elle se dépêche si elle voulait passer à la pâtisserie avant qu'elle ne ferme. Se saisissant du sac, elle quitta son logement, sous l'oeil surprit des commères du quatrième étage, occupées à voir qui faisait quoi.
Sur le parking, elle retrouva sa petite voiture grise, toujours à l'endroit même où elle l'avait laissé. La pauvre faisait pâle figure avec la berline de François, mais au fond, cela n'avait guère d'importance. Pour la mage, tant que le véhicule roulait, c'était l'essentiel.
Une fois déchargée de son sac, elle mit le contact et la voiture émit le vrombissement habituel. Elle était peut-être cabossé, mais fonctionnait correctement. En plus, au vu de sa taille, elle n'avait pas vraiment besoin d'un 4x4.
Après avoir attendu quelques minutes pour pouvoir sortir de la cour de l'immeuble, elle gagna la route principale. Entre les travaux et les sens uniques, elle avait intérêt à prévoir son itinéraire d'avance. Il n'y avait plus qu'à espérer que François ne se soit pas perdu dans tout ce bazar.
Par chance, la mage trouve rapidement une place devant le magasin. Elle descendit, courut vers la boutique et y jeta un coup d'oeil. Il ne restait plus grand-chose, mais à quoi s'attendait-elle ? Si elle avait téléphoné pour réserver d'avance, les choses auraient été plus simples. Seulement, elle n'y avait pas pensé, trop prise par les histoires du gamin et de son bridage. Une affaire dont elle ne pourrait pas parler à François.
Il lui faudrait prendre garde. Après tout, elle n'avait pas l'habitude de cacher la magie à ses proches, toute sa famille était mage et ses anciens compagnons aussi. Pour peu, elle se serait crue de retour à l'école.
-Madame ? Vous désirez ?
-Bonjour, j'aimerais savoir ce qu'il vous reste comme gâteau ?
-Pour combien de personnes ?
Elle hésita, elle n'avait pas besoin d'un trop gros dessert.
-Pour deux personnes.
-Nous avons des gâteaux pour deux à quatre personnes. Sinon vous pouvez les prendre en individuel.
Déborah réfléchit. Elle préférait prendre la même chose pour eux deux. Comme si cela allait lui prendre de tisser un lien particulier avec François.
-Alors nous avons le «trois chocolats », le « passion exotique », le « fraisier » et le « délice de framboise ».
Les deux derniers lui firent envie. Peut-être devait-elle prendre le fraisier pour éviter de faire trop répétitif avec ce matin ? Oui, c'était le mieux à faire.
-Un fraisier, s'il vous plaît.
La vendeuse acquiesça et emballa le dessert dans une boite noire qu'elle entoura d'un ruban rose.
-Quinze écu, s'il vous plaît.
La mage sortie sa carte bleue et régla la facture, avant de saluer l'employée et de repartir avec le sourire. Elle avait tout ce dont elle avait besoin, il n'y avait plus qu'à se rendre à l'hôtel.
Déborah reprit son chemin et se gara tranquillement sur le parking. La route avait été plutôt tranquille. Sûrement, parce que tout le monde avait déjà quitté son travail, et était rentré dans son foyer. Il fallait avouer que le mardi soir n'était généralement pas le jour où l'on sortait rencontrer ses amis.
Elle s'annonça à l'accueil de l'hôtel, avant de montrer jusqu'au quatrième étage. Sans savoir pourquoi elle avait le coeur battant, et ce n'était pas dû au fait de gravir des escaliers. Un sourire se forma sur son visage.
La mage frappa à la porte de son hôte, et attendit. François lui ouvrit rapidement. Une bonne odeur de nourriture lui frappa les narines. Ca lui donna faim.
-Bonsoir.
-Bonsoir. Je suis désolé, j'ai ma femme au téléphone. Du coup, je vous laisse vous installer. Ca ne devrait pas prendre longtemps. Enfin, j'espère…
Déborah hocha la tête et rangea le gâteau dans le mini-frigo. Elle vida ensuite le sac contenant ses romans et s'installa sur une chaise.
Son oreille fut attirée par la conversation de son ami. Elle n'avait pas spécialement envie d'écouter, mais vu la taille de la pièce, c'était difficile pour elle, de l'éviter.
-Oui.
François soupira.
-Oui, je t'écoute.
Quelques minutes passèrent en silence.
-Et donc…
Mais apparemment, il ne put pas ajouter quoi que soit, et la discussion à sens unique reprit.
-Tout ça, est très intéressant, mais est-ce que tu pourrais me passer Lucas, s'il te plaît ? J'aimerais lui parler un peu. Il me manque.
Il leva les yeux au ciel.
-S'il te plaît, j'aimerais…
A nouveau, il perdit la parole, et brusquement il regarda le combiné en secouant la tête.
-Merci de me raccrocher au nez…
Il remit en place le téléphone.
-Désolé. Je crois que ce n'est pas encore ce soir que je parlerais à mon fils.
-Elle a refusé ?
Il secoua la tête.
-Non, pour ça, il aurait encore fallu qu'elle m'écoute. Anne-Laure fait déjà passer ses informations, et ce qui a de l'intérêt pour elle. Pour le reste, c'est secondaire. Lucas doit donc passer après toutes les choses importantes de sa vie comme la véranda de sa collègue, ou la piscine de je-ne-sais-qui.
Il parut soudain, très las. Déborah se leva et vint s'asseoir près de lui sur le lit, avant de poser une main réconfortante sur son bras. Surprit, il la fixa sans comprendre, avant de sourire à son tour.
-Peut-être pourrez-vous l'avoir, en réessayant ?
-J'en doute. Elle m'a raccroché au nez parce qu'il était l'heure de téléphoner à sa sœur.
-Désolée.
-Non, ce n'est pas votre faute.
Le silence s'installa entre eux.
-Vous êtes très joli, ce soir.
Pourquoi cette simple réflexion la fit sourire comme une adolescente ?
-Merci. Disons que c'est moi lorsque je ne suis pas en service.
-Enchanté Déborah qui n'est pas de service.
Elle rit en lui serrant la main.
-Est-ce que ça ira, pour votre fils ?
Il soupira.
-Peut-être vaut-il mieux que je n'appelle pas tous soirs. Cela risque de l'attrister. Les enfants n'ont pas la même notion du temps que nous. Alors que si j'attends le moment où je reviens, il sera content.
-Je crois que je comprends, même si c'est triste pour vous.
-Je ferais avec. Ce n'est jamais simple d'être loin de ses enfants.
Il parut se reprendre.
-Je vous remercie pour ce que vous avez ramené.
-Ce n'est rien. J'avais dit que je le ferais.
Elle se leva et alla à la table pour chercher les romans.
-Je vous ai ramené mes dernières lectures. Celles que j'avais appréciées.
Déborah lui tendit pour qu'il regarde. Il s'en saisit et regarda les couvertures avant de les retourner pour lire le résumé derrière. La jeune femme en profita pour jeter un coup d'oeil sur le repas qui cuisait.
-Poulet basquaise ?
-C'est exact. J'espère que ça vous plaira.
-Ca fait très longtemps que je n'en avais pas mangé. Mais en tout cas, ça sent drôlement bon.
Elle le vit sourire.
-Merci. C'est assez rare qu'on me complimente pour avoir préparé le repas.
-Votre femme ne dit rien ?
-Ce n'est pas le genre de choses qu'elle remarque. Enfin, si ce n'est pas chez les autres… La vie de tout le monde lui paraît plus passionnante que la nôtre.
-Ho… Je suis désolée…
Déborah se sentit mal à l'aise. Il valait peut-être mieux éviter le sujet.
-Ce n'est rien.
Il lui fit un sourire.
-Je n'ai lu aucun de ces romans, lequel me conseillez-vous ?
A nouveau, elle s'installa près de lui.
-Alors celui-ci se passe au XIXe siècle, c'est très réaliste. Celui-ci est plus sanglant, c'est une histoire de tueur en série. Le dernier est plutôt humoristique. Je dois avouer avoir une préférence pour le premier, mais c'est parce que le côté historique me plaît beaucoup. Le deuxième est un peu effrayant. Le dernier se lit assez rapidement, et est sans prise de tête.
-Je commencerais sûrement par le premier. J'aime aussi beaucoup les romans historiques. Est-ce que vous connaissez la série de « Miss Pelimine détective » ?
Elle hocha la tête avec un sourire.
-Je les ai tous lu. Le dernier sortira bientôt normalement…
-Au mois de mai.
-La traduction aura été rapide.
-J'avoue que je suis moi-même surpris, mais cela me fait plaisir.
Déborah comprenait son impatience.
-Achetons-le, le premier jour de sa sortie et voyons qui de nous deux réussira à le terminer en premier.
Elle se rendit compte de la bêtise qu'elle venait de dire qu'après l'avoir prononcé.
-Ca peut-être une idée amusante, déclara-t-il en hochant la tête.
Qu'est-ce qui était le plus surprenant ? Qu'elle se sentent assez bien pour faire ce genre de proposition ? Ou alors qu'il lui réponde le plus naturellement du monde que le défi lui plaisait ?
Est-ce que ça voulait dire qu'ils allaient se revoir et passer du temps ensemble ? En tout cas, il avait l'air de le désirer. Elle aussi avait envie qu'ils deviennent amis.
Brusquement, il se leva pour aller tourner le contenu de la gamelle. Avec un sourire satisfait, il se retourna vers elle.
-Le repas est bientôt près.
-Vous auriez pu attendre mon arrivée pour commencer à cuisiner, je vous aurais aidé.
-Je n'en doute pas.
-Vous avez que je vous fasse rater le plat ? plaisanta-t-elle.
Il secoua la tête.
-Non, mais nous nous sommes arrangé pour quitter plus tôt du coup, je disposais de plus de temps pour faire la cuisine. En plus, vous avez travaillé toute la journée, vous méritez de pouvoir vous reposer un peu.
-Ca va ce n'était pas une grosse journée.
-Peut-être mais nous n'avons pas beaucoup dormi cette nuit…
Elle sourit.
-Tout cela n'est plus de mon âge… Je suis trop vieille pour ça.
-Et moi, j'ai toujours été vieux dans ma tête.
-Pourquoi dites-vous cela ?
-Parce que c'est la vérité. J'ai toujours été le genre de personne à rester chez elle à lire, plutôt que de sortir dans des fêtes avec des amis.
Déborah le regarda parler. Elle le trouver touchant, lorsqu'il lui racontait ça.
-Je n'étais pas le genre à courir les soirées non plus.
-Vraiment ?
-Bien sûr. Est-ce si incroyable ?
Il hésita.
-Je vous vois comme une personne extravertie, du coup, j'imaginais que vous recherchiez plus le contact des autres. C'est sûrement ridicule…
-Non, vous avez le droit de vous faire une idée. Mais en vérité, même si je me sens à l'aise avec les gens, je n'ai pas besoin de faire un bain de foule à chaque instant. Du coup, je préférais juste voir mes amis que d'aller danser avec des tas d'inconnus.
-Je comprends.
Ils se fixèrent en silence et en souriant.
-Comment s'est passé votre journée ? Enfin, c'est peut-être confidentiel.
-Tant que vous n'avez pas tous les détails, il n'y aura pas de soucis.
En même temps, elle ne pouvait pas lui révéler tous ces fameux détails. En particulier ceux qui concernaient la magie.
-C'est rien, nous nous sommes juste occupé de notre voleur.
-Est-ce qu'il a fait des choses graves ?
Elle secoua la tête.
-C'est juste un garçon perdu. Il a plus besoin de soutien que de punition.
-Qu'en ont pensé ses parents ?
-Sa mère. Elle était surprise, mais elle le soutiendra.
Il hocha la tête.
-C'est une bonne chose, un enfant à besoin du soutien de ses parents.
-Vous soutiendrez toujours votre fils ?
-Bien sûr. Je veux le meilleur pour lui.
Elle sentit son coeur se mettre à battre plus fort. Sans savoir pourquoi elle était touchée par l'instinct paternel de François ? Était-ce parce qu'elle avait très peu connu son père ? Ce n'était pas sa faute, ni celle de qui que se soit. Il ne lui pas manqué en tant que personne, elle ne le connaissait pas assez pour ça, mais en tant que figure paternel. C'était aussi pour ça qu'elle voulait éviter d'avoir un enfant seul.
-Je suis sûr qu'il ira loin.
-Je l'espère. C'est un garçon gentil et intelligent.
Déborah le fixa avant de reprendre la parole pour ajouter :
-Vous êtes un bon père.
-Je n'en suis pas sûr, mais je fais de mon mieux. De toute façon, je pense que je n'aurais qu'un seul enfant donc autant lui donner toute mon attention.
-Vous n'en voulez pas d'autres ?
-Ce n'est pas vraiment de mon fait, soupira-t-il. J'aimerais avoir une petite fille. Mais ma femme n'est pas très maternelle. Lucas qui est si calme, représente déjà un gros travail pour elle. Il n'est pas parfait…
Elle haussa les épaules.
-Aucun enfant n'est parfait. En plus, ça veut dire quoi être parfois, d'ailleurs ?
Le visage de François se ferma.
-Disons que le physique est très important pour elle. Déjà moi, je ne corresponds pas à ses standards. Mais alors que Lucas ne soit pas ce qu'elle voulait, c'est un drame pour elle. Du coup, c'est de ma faute.
-C'est ridicule. Son enfant qu'on a désiré, on l'aime comme il est. Peu importe son physique… En plus, il est très mignon ce garçon.
-Il a des lunettes.
Déborah fronça les sourcils. C'était si aberrant. Elle aurait été ravie d'avoir un gentil petit garçon, en bonne santé. Qu'importe qu'il est des lunettes…
Pour peu, elle aurait bien dit à François que si sa femme n'en voulait pas, elle n'avait qu'à lui donner. La mage saurait prendre soin du petit. L'audace de cette pensée, la fit rougir. Incluait-elle son interlocuteur dans le lot ? Sûr qu'elle prendrait aussi soin de lui.
-Je vois dans vos yeux, que cela vous semble stupide et je ne peux d'approuver. Enfin, nous ferions mieux de dîner. Je doute que m'entendre me plaindre de ma vie soit très intéressant pour vous.
La jeune femme se sentait plus révoltée que désintéresser.
-Ce n'est rien. Si vous avez besoin d'en parler, je suis là.
Elle posa tendrement sa main sur son bras, pour montrer son soutien. Il vint les couvrir avec sa paume. Le silence se fit entre eux. Ils se fixèrent.
Il est marié, se répéta Déborah. C'était un peu ce qui la retenait de se laisser aller. Sinon, elle l'aurait sûrement embrassé. Cela ne lui ressemblait absolument pas. Elle avait toujours eu des relations qui s'était inscrite dans la durée et avec des gens qu'elle avait appris à connaître.
Le truc, c'est qu'elle aimait parler avec lui, de tout et de rien. Il était si agréable, le temps passait vite en sa compagnie. Il avait l'air très doux et protecteur.
Elle soupira. Il était temps de revenir sur terre. François était peut-être tout ça, mais il n'était pas pour elle. Une autre femme occupait cette place spéciale dans sa vie. Peu importe que se soit quelqu'un d'insupportable, ce n'était pas à elle de donner son avis sur cette situation.
A regret, elle laissa échapper ces mots.
-Nous devrions passer à table.
Il hocha la tête.
Elle s'en voulut d'avoir gâché ce moment, qu'elle appréciait autant que lui, mais elle se devait d'avoir la tête sur les épaules. Enfin, elle essayait de s'en convaincre parce que si elle relâchait sa vigilance, elle imaginait sans peine combien elle pourrait se rendre ridicule.
François se leva et sorti des assiettes et des couverts du placard. Elle se leva pour venir à son secours, et décida de mettre la table.
-Merci beaucoup pour votre aide. Normalement, vous êtes mon invitée. J'aurais dû préparer toute la table, bien avant votre arrivée.
Elle se demanda ce qu'il entendait par là. Avait-il l'intention de mettre une belle nappe et allumer des chandelles ?
Tu penses n'importe quoi, ma pauvre fille…
-Je suis désolée, je n'ai pas eu le temps de préparer une entrée. J'étais au téléphone avec Anne-Laure… Enfin bref...
Il lui servit un peu de poulet.
-Est-ce que du riz vous va comme accompagnement ?
-Ca sera parfait. J'ai hâte de goûter à votre cuisine. La prochaine fois, ça sera moi qui cuisinerait.
Il lui sourit.
-Très bien, que diriez-vous de jeudi ?
Elle en resta bouche bée. Encore plus, lorsqu'elle répondit :
-Je pourrais vous faire des lasagnes au saumon et épinards. Enfin, si vous aimez…
-J'adorais les goûter.
-C'est un de mes plats préférés, mais…
Déborah se tue avant de laisser échapper la fin de sa phrase. Qu'allait-elle dire ? Que Romuald détestait ça ? De toute façon, il ne mangeait pas de poisson. En plus, c'était la dernière personne dont elle avait envie de parler. Parce qu'elle savait bien que si elle commençait, elle risquait de se mettre à pleurer. Ce n'était pas la meilleure façon de passer la soirée.
Lorsqu'ils furent servi tous les deux, elle lui sourit.
-Bon appétit, François.
Il lui sourit en retour.
-Bon appétit, Déborah.
Elle coupa un morceau de poulet, avant de le porter à sa bouche.
-C'est délicieux. Je vous félicite pour ce repas.
-Ce n'est rien. C'est juste un plat comme un autre. Je le fais dans la vie quotidienne, ça n'a rien d'une recette gastronomique.
-Mais c'est un plaisir à déguster. Est-ce que vous croyez que mes lasagnes sont dignes d'un trois étoiles ? C'est aussi, un plat de tous les jours.
-Je suis sûr qu'elles valent le détour.
-Comme ça, si un jour, je veux me reconvertir, je pourrais ouvrir un restaurant de lasagne.
-Je serais votre premier client.
Ils rirent de bon coeur.
-J'aime trop ce que je fais pour abandonner.
-Vous sauvez des vies. Ce n'est pas rien.
Elle fit la grimace.
-La plupart du temps, je ne sauve personne. Je fais de la paperasse. Du coup, j'ai plus l'impression de tuer des arbres que de sauver qui que se soit.
-Qu'avez-vous donc fait aujourd'hui ?
J'ai fait en sorte qu'un gamin est sa magie de brider…
Pas la meilleure des choses à raconter. Ce n'était pas son fait le plus glorieux.
-Je me suis occupée du jeune voleur.
-Toute la journée ?
Elle hocha la tête.
-Entre les papiers, les rapports à faire, les coups de téléphone à passer, la mère et le gamin à rassurer, on a pas arrêté. Demain, ça continue. Après, on verra ce qui se passera. Nous sommes une petite ville et il n'y a pas toujours des problèmes. Du coup, parfois, c'est calme, et nous nous penchons sur de vieilles affaires.
-Je l'ignorais.
-C'est juste qu'ici, les choses fonctionnent ainsi.
Ils continuèrent tranquillement leur repas en parlant de tout et de rien. Appréciant juste le fait d'être ensemble. Contrairement à ce qu'avez pensé, Déborah, il n'y eut pas de blanc gênant dans la conversation. Tout se passait naturellement. A tel point qu'elle se sentait totalement en confiance, avec François.
C'était presque comme s'ils se connaissaient depuis toujours. Elle se sentait libre de lui parler de tout, et lui l'écoutait toujours avec attention sans lui faire de reproche ou lui donner une foule de conseils. C'était apaisant, après la journée qu'elle avait passé.
Elle était bien avec lui, il n'y avait rien d'autres à ajouter. Quel dommage qu'il soit marié sinon… Mais mieux valait ne pas y penser. Cela ne lui apporterait rien de bon. Elle profiterait de la soirée. Ou plutôt de la semaine et ensuite, ils ne se reverraient sûrement plus jamais. C'était dans l'ordre des choses et elle ne pouvait aller contre. Au moins, il aurait pu passer un bon moment ensemble.
Déborah sourit. Ce n'était pas encore fini alors autant se concentrer sur le moment présent.
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