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tome 1, Chapitre 10 tome 1, Chapitre 10

Le bruit de leurs pas dans la neige se perdait dans l’animation autour d’eux. La ville se mettait en branle pour poser les lampions colorés du réveillon de la nuit de Noël qui arrivait à grands pas. Des rires fusaient, au milieu desquels ceux des enfants s’amusant à batailler à coup de boules glacées. La jeune femme rousse en mante bleu horizon en reçut une et fit de gros yeux faussement méchants alors que la fine silhouette aux cheveux blonds qui l’accompagnait eut un rire, léger comme un vol d’hirondelle. Les gamins déguerpirent pour mieux se moquer un peu plus loin. Agniezska s’épousseta d’un air renfrogné, alors que Gretel lui demanda :

— Tu ne m’as pas répondu, que vas-tu faire à présent ?

La rouquine passa une main sur ses cheveux, la mine devenant songeuse. Elle avait eu une semaine de deuil, juste après leur affrontement avec Sofia, pendant laquelle elle avait pris congé du monde au milieu de la forêt, chez Peon. Le chasseur avait été trop heureux de pouvoir laisser la ville derrière lui afin de retrouver son paisible sanctuaire, ayant emporté ses trois loups et la jeune sorcière dans son sillage.

— Je ne sais pas. Je me sens incapable pour l’instant de reprendre l’héritage de ma grand-mère et Peon m’a assuré que j’avais ma place avec lui le temps qu’il me faudra.

Gretel assentit de la tête en accueillant la nouvelle. Il avait attendu ses retrouvailles avec son amie après la semaine qu’il avait passée au château de Wilhelm, le seigneur ayant refusé de laisser partir le héros de Nebol le temps des célébrations, et Gretel ayant refusé de quitter Hansel. Dissimulé sous l’apparence d’une jeune servante, qu’il venait de quitter. Il avait ressassé la scène qu’il avait vécue, depuis sa descente, seul, dans les caves, jusqu’à sa remontée, accroché au bras d’Hansel qu’il avait eu un mal fou à lâcher.

— Je suis désolé, finit-il par souffler.

La surprise peignit les traits d’Agniezska.

— De quoi donc ? D’avoir coincé la véritable coupable ?

— D’avoir mal étalé la poudre. J’aurais pu…

— Tais-toi, veux-tu ? Dans les conditions où elle t’avait plongé, je n’aurais pas fait mieux. Et comme tu l’as vu, chaque mur de sorbier, même incomplet, que tu as dressé amoindrissait ses pouvoirs pour augmenter les miens. Une très bonne recette de ma grand-mère, pour lutter contre les sorcières noires.

Ils marchèrent encore, s’éloignant du centre-ville pour parvenir jusqu’aux faubourgs, animés aux aussi. Ils passèrent devant l’enseigne de la Grusha pour laquelle Gretel, malgré son cœur qui se pinça, n’eut aucun regard. Agniezska, à qui il avait confié son passé, demanda d’une voix douce :

— Et toi, que vas-tu faire ?

Gretel haussa les épaules, et ne répondit pas tout de suite, se souvenant.

***

Ils étaient remontés de la cave où Sofia avait trouvé la mort, et, sans un mot pour le maître de la demeure, Hansel avait attrapé Gretel par la main pour l’emmener jusque dans la chambre qu’on lui avait attribuée. Là, après l’avoir fermée à clef, il avait posé ses grandes mains larges et chaudes sur les joues de Gretel, pour rejoindre leurs fronts. Gretel avait accroché ses doigts aux poignets d’Hansel et ne disait rien, profitant du silence que son cœur battant une furieuse chamade contre ses côtes brisait. À ce moment précis, tout aurait pu arriver, dehors, il s’en fichait comme d’une guigne. Il ne pouvait pas faire autrement. Pas quand Hansel le tenait comme ça.

— Je t’aime, murmura Hansel.

Gretel sentit son cœur partir plus vite, si c’était possible, et l’embrassa furieusement pour toute réponse. Il avait frôlé la mort, il avait besoin de se sentir vivant et aimé. Hansel répondit à son baiser, ne chercha pas à le tempérer et, au contraire, le moindre de ses gestes rendait l’échange plus passionné encore. Il attrapa une de ses jambes, la colla à sa hanche en remontant les jupons pour caresser la peau. Gretel s’accrocha à son cou, fou de joie.

— Debout, en jupes ? dit-il en riant.

Hansel le souleva avec dans les yeux une lueur prédatrice qui lui plut et le rendit complètement malléable sous ses mains. Gretel embrassa son sourire alors qu’il le menait à l’énorme lit sur lequel il le renversa. Le regard qu’ils échangèrent alors qu’Hansel le rejoignit fut électrique et Gretel oublia toutes les peaux qui avaient touché la sienne.

— Dans un lit, et nu, répondit-il d’une voix un peu rauque.

Ce soir-là, l’amant de Gretel avait les mains chaudes, le regard amoureux et un rire plein de bonheur qu’il abandonnait sans cesse sur ses lèvres.

***

— Partir, répondit finalement Gretel avec un air rêveur.

Au fur et à mesure de leur discussion, ils étaient arrivés à l’orée de la forêt. Ils s’arrêtèrent.

— Ça, je l’ai toujours su, dit Agniezska, souriante. Mais où ? Pour faire quoi ?

— Vers le sud, je pense. J’en ai assez des hivers de Nebol.

Agniezska éclata de rire, et Gretel la suivit. La région était connue pour avoir des hivers longs et rudes, et beaucoup la quittaient pour vivre leurs aventures en un lieu plus chaud.

— J’ai payé ma dette à la Grusha, avec mes économies et une partie de la récompense d’Hansel. Le reste, je ne sais pas ce qu’on va en faire pour l’instant. J’aimerais quitter la ville avant qu’on s’aperçoive…

— Oui, je sais, moi aussi, coupa Agniezska, les yeux plein de malice, je vais rester chez Peon le temps que ça se tasse.

Pour masquer la mort de Sofia pendant quelques jours, Agniezska avait changé un chat errant en vieille dame et la pauvre bête ne comprenant pas ce qui lui arrivait donnait l’impression que la mère du seigneur perdait la tête. Le temps pour eux de partir et qu’on ne les soupçonne pas dans la disparition de Sofia, et sinon, d’être assez loin pour que personne ne puisse les rattraper.

La jeune sorcière enserra son ami dans ses bras.

— Tu vas me manquer, Gretel. Hansel aussi, mais moins que toi.

— À moi aussi, tu vas me manquer, souffla Gretel en lui rendant son étreinte.

Peon et Hansel arrivaient dans leur direction et, après que le chasseur ait une énième fois essayé d’enrôler le grand brun parmi ses nouvelles recrues, exhala un long soupir.

— C’est un talent que tu gâches, dit-il.

— Un talent ? Mensonge ! Je commence à peine à savoir manier une arbalète !

Gretel éclata de rire, de même que Peon et Agniezska. Il n’avait plus autant ri depuis une éternité et, alors qu’il se calmait, attrapa le regard d’Hansel sur lui. Un regard amoureux. Gêné par la présence de leurs amis, Gretel baissa le sien. Peon reprit la parole pour changer de sujet.

— Dans le premier village, au sud-ouest, appelé Nadezha. Vous y trouverez un vieil ami à moi, qui saura vous indiquer où ils ont besoin de bras. Parlez-lui de Madder Krasny, il peut avoir la mémoire qui flanche, et il se souvient beaucoup mieux de mon grand-père. Ce vieux bougre est au courant d’absolument tout ce qui se passe, en échange, racontez-lui les histoires qu’Iwona vous a mises dans la tête. Il la répandra partout où il passera !

Peon donna une arbalète, cette fois-ci toute neuve, à Hansel, sans dire un mot. Sa manière à lui de bénir leur départ. Hansel la fixa à son dos, et remis correctement le sac de provisions qui lui barrait la poitrine. Agniezska confia le sien, plein d’herbes médicinales, d’onguents et de potions qu’ils venaient de réunir à Gretel.

— Ça ira ? demanda-t-elle, la voix inquiète.

— Bien sûr, répondit son ami.

Les deux garçons embrassèrent le chasseur et la sorcière, puis se mirent en marche. Après une vingtaine de mètres, ils se retournèrent, exécutèrent des gestes de la main en signe d’au revoir, puis disparurent dans la forêt après avoir noué leurs doigts ensemble.


Texte publié par Codan, 9 septembre 2019 à 18h48
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