Lynette continua son repas en silence, fixant de temps en temps, les déchirures sur la chemise de celui qui lui faisait face. Que lui était-il arrivé ?
-Votre chemise est abîmé, finit-elle par dire. Je pourrais vous la réparer si vous voulez.
-Ne t'embête donc pas pour ça.
-J'insiste. C'est le moins que je puisse faire, après tout ce que vous avez fait pour moi.
Il lui sourit.
-Tu te trompes. C'est toi, qui as fait beaucoup pour moi.
-Je ne vois pas de quoi vous parlez…
-Tu m'as quand même aidé à retirer la tige métallique qui avait décidé d'élire domicile dans mon corps.
Cet événement lui revint en mémoire. Elle l'avait pris pour un fou, mais à présent, il se tenait devant elle, indemne. Comment cela pouvait-il être possible ?
Elle laissa tomber sa cuillère dans le bol.
-Votre blessure ? Vous souffriez…
-Je n'ai plus rien, ne t'en fais pas.
-Vraiment ? Laissez-moi voir !
Une ombre passa sur le visage de l'homme. Quelque chose l'empêchait d'accéder à sa requête, piquant sa curiosité.
Cette chose que Dvan ne voulait pas qu'elle voie, c'étaient ces cicatrices. Il avait tellement honte de ses chairs bouffies qui parcourrait son corps. Il savait bien que si elle venait à poser ses yeux dessus, elle prendrait peur. La dernière chose qu'il avait envie de voir, c'était du dégoût dans chacun de ses regards.
Le géant en profita pour changer de conversation.
-Au fait, quel est donc ton prénom ? Je ne le connais même pas. Moi, je me présente, je m'appelle Dvan.
-Lynette, déclara-t-elle, avec un petit hochement de tête.
Elle reprit une cuillère de soupe et le silence se fit.
-Comment avez-vous fait pour guérir ? demanda-t-elle soudain.
A priori, elle ne semblait pas prête à lâcher l'affaire. Dvan soupira.
-Pour te répondre, il faudrait que je t'explique tout depuis le début…
-Faites donc…
Il la regarda surpris. Il ne s'était pas attendu à une telle réponse. Elle était bien plus déterminée qu'il ne l'aurait cru à première vue. Après réflexion, il tenta une autre approche.
-D'accord. Mais ensuite se sera ton tour.
-Mon tour ?
-De m'expliquer ce qu'il s'est passé ici. Je pourrais peut-être t'aider...
Elle soupira.
-J'en doute.
Des larmes commencèrent à naître dans ses yeux, mais elle se reprit.
-C'est d'accord.
-Une dernière chose, j'aimerais te demander une faveur, avant de commencer.
A ces mots, elle sentit son corps se crisper. Lynette redoutait le pire. Néanmoins, elle lui fit un signe de la tête, pour qu'il continue.
-J'aimerais avoir ton autorisation pour rester ici, jusqu'à demain soir.
Surprise, elle le fixa. Ce n'était que ça. Dire qu'elle s'était effrayée pour si peu, était risible.
-Aucun soucis.
-Quand j'aurais terminé mon explication, tu comprendras pourquoi je ne pourrais pas partir avant.
Dvan prit une grande inspiration.
-Lorsque tu m'as trouvé dans le cimetière, tu as dû penser que j'étais mort. Après tout survivre à une telle chute, n'est pas à la portée de tout le monde.
Elle hocha la tête.
-Si j'y ai survécu, c'est parce que je ne suis plus humain. Ca va te paraître bizarre, avant je l'étais, mais plus maintenant.
-C'est impossible !
La main de Lynette se crispa sur la cuillère, ce qu'il lui racontait n'avait aucun sens.
-Tu as bien une goule chez toi.
Du doigt, il indiqua la petite forme qui était retournée se placer près du feu, sans un bruit.
-Oui, mais… Est-ce qu'on a la certitude que c'est vraiment une goule ?
-Que voudrais-tu que se soit ? Une gamine qui se trimbale à poil dans le froid et mange des cadavres.
-Il était vivant… murmura doucement la jeune fille.
-Elle devait être affamée, et apeurée.
-Elle m'a sauvée.
Lynette contempla les légumes baignant dans leur bouillon, avant de revenir à la petite silhouette. Elle aurait pu passer pour humaine de loin, sans cette bouche démesurée et emplie de croc acérés. Son regard revint vers Dvan. Lui, n'avait rien de différent.
-Qu'êtes-vous ?
-Une créature qui supporte plus la lumière du soleil et a besoin de sang humain pour survivre.
-De sang…
Il hocha la tête.
-C'est ton sang qui a permit à mes blessures de guérir.
-Comment est-ce possible ?
-C'est ainsi que ça fonctionne. Le sang nous nourrit, mais il guérit aussi nos blessures. Enfin celles qui sont suffisamment récentes…
Il avait dit cela avec le regard dans le vague.
-J'ai bu ton sang pour me soigner et j'en suis désolé, ajouta-t-il penaud. Je te remercie d'ailleurs, d'avoir accepté.
Lynette ne se souvenait pas avoir réellement accepté. Elle s'est juste approchée de lui.
-Qu'auriez-vous fait si j'avais refusé ?
-Sincèrement ? Je n'en ai aucune idée.
Dvan préféra lui cacher ses craintes, après tout le pire avait été éviter, et puis, il ne voulait pas qu'elle se mette à avoir peur de lui.
-J'espère que la morsure n'était pas trop douloureuse.
Alors qu'il disait cela, la jeune fille porta instinctivement la main à son cou, cherchant toute trace de blessure. Il n'y en avait aucune. Elle se rappela les crocs se plantant dans sa chair comme un vif pincement. Ensuite, ce qui lui revenait en mémoire n'avait plus de rapport, Lynette se souvenait du géant lui embrassant tendrement le cou. La douceur de ses milliers de baisers, la fit frissonner. Pourquoi pensait-elle à cela puisque ce n'était apparemment pas la réalité ?
La voyant tremblante, Dvan interpréta ceci comme de la peur et s'empressa de la rassurer.
-Ne t'en fais pas. Je ne recommencerais pas. Jamais. Je suis tellement désolé de t'avoir blessée…
Elle baissa la tête. La jeune femme ne pouvait décemment pas lui dire que ce qui l'avait marqué, c'était la délicatesse dont il avait fait preuve avec elle. Résistant à l'envie de passer à nouveau sa main sur son cou, elle fixa son attention sur son bol. Mieux valait manger avant que cela refroidisse. Seulement, il lui était difficile de se concentrer lorsque des réminiscences s'amusaient à faire frémir son corps.
En face d'elle, son interlocuteur se confondait en excuses alors qu'elle détournait le regard dans l'espoir qu'il ne remarque pas ses joues rougissantes. Jamais aucun homme ne l'avait touché de cette manière et elle s'en voulait encore plus d'avoir apprécié cela, puisqu'à aucun moment Dvan n'avait cherché à la séduire. Au fond, c'était peut-être ça qui la touchait.
Elle se décida à prendre la parole, chasser le malentendu.
-Je…
Mais que pouvait-elle dire : « j'ai aimé votre morsure, pour moi, elle n'était que de tendres baisers ». Il allait sûrement la prendre pour une folle.
-N'en parlons plus.
-Merci.
Il lui fit un sourire sincère. Dvan était visiblement soulagé.
-Pour tout dire, j'avais peur que tu me chasses. Je l'aurais compris.
-Et revenir sur ma parole ? Jamais.
Le géant la fixa. En cet instant, elle était si déterminée, qu'il en fut le premier surpris. Il y avait une véritable force chez cette gamine. Il ne s'y était pas attendu et ne pouvait qu'en être étonné.
Lynette termina son bol de soupe.
-Tu en veux encore ?
Elle secoua la tête. Il était temps pour elle, de lui raconter tout ce qui s'était passé depuis la tombée de la nuit.
-Est-ce que vous souhaitez une tisane, avant que je commence ?
La jeune femme tentait de glaner des forces pour affronter ce récit qui promettait d'être difficile.
-Ca ira. Je vais t'en servir une.
Avant même qu'elle n'est pu faire le moindre geste, il se leva et prit l'affaire en main. La table devant elle fut débarrassée et une tasse fumante termina sa course sous ses yeux.
-Me voilà invitée dans ma propre maison, soupira-t-elle.
-C'est le moins que je puisse faire.
-Vous n'en buvez pas ?
Il hésita avant de s'en servir un peu.
-Je suis stupide. Peut-être que vous ne pouvez pas en boire…
-Ca ne me fera aucun bien, mais pas non plus de mal. Tant que le produit est liquide, je peux m'en accoutumer.
-D'accord. Mais les gens ne se posent pas de question ?
-Je ne reste pas suffisamment longtemps pour qu'on se pose des questions.
-Vous n'avez pas de famille ?
Cette question jeta un froid et le regard de Dvan se fit teinter de tristesse.
-Pardonnez-moi, je n'aurais pas dû poser cette question.
-J'ai une sœur, souffla-t-il. Mais elle est loin de moi à présent…
Il semblait si malheureux que le coeur de Lynette se serra.
-J'ai un père, déclara-t-elle brusquement. Et après, cette nuit, je ne sais pas si je le reverrais un jour. Je n'ai plus que lui.
Des larmes coulèrent sur ses joues à mesure qu'elle parlait.
-Des hommes sont venus ici, ils ont emmené mon père et je n'ai rien pu faire pour les arrêter.
En la voyant si mal, le géant se leva et vint s’asseoir à côté d'elle. Il n'osait toujours pas la toucher de peur de déclencher une réaction pire que celle qu'elle vivait à présent, mais voulait lui faire comprendre qu'il était là pour elle.
-Tu n'aurais rien pu faire…
-Si seulement j'avais…
Elle ne parvint pas à continuer et cacha son visage dans ses bras.
-Tu n'aurais rien pu faire, répéta-t-il. Même s'il avait eu ce qu'ils voulaient, ils auraient trouvé une autre raison pour vous faire du mal, à toi et à ton père. Ces types ne font que se nourrir de la souffrance qu'ils prodiguent aux autres.
Elle se tourna vers lui. Ses mots trouvaient un écho en elle. En un sens, il la rassurait et lui montrait qu'elle n'avait pas été totalement inutile dans cette histoire.
-Que voulaient-ils ?
-Que mon père lui dise quelque chose.
-Quoi ?
-Un secret.
-Un secret ?
-J'en ai déjà trop dis. Ne posez plus de questions à ce sujet, s'il vous plaît.
Il haussa les épaules. Sans savoir pourquoi il pressentait le prétexte foireux pour laisser place au déchaînement de violence.
-Ils ont emmener mon père, murmura Lynette. Je n'ai aucune idée de l'endroit où il se trouve et s'il est encore en vie.
Elle enfouie son visage entre ses bras, pour se laisser aller à la tristesse. A son côté, Dvan ne dit rien. Il ne savait que faire. Il aurait voulu poser la main sur son épaule pour la consoler, mais n'osa pas.
Délicatement, il posa le bout de ses doigts sur sa main. Elle sursauta et il s'en voulut.
-Désolé.
-C'est juste que c'est froid.
-Ha oui. Je l'oublie souvent, mais je reste froid.
Elle prit sa main et la posa sur son front.
-Ca va m'aider.
Dvan ne put s'empêcher de s’inquiéter.
-Tu as de la fièvre ?!
-Ca ira. Ensuite, cet homme est resté seul avec moi. Il voulait… Il voulait…
-J'ai bien compris ce qu'il voulait.
-Je ne pouvais pas l'en empêcher, déclara-t-elle d'une petite voix en le regardant d'un air triste.
-Je m'en doute bien. Ce n'est pas grave. Tu n'es pas obligé de raconter la suite.
Mais elle continua tout de même dans un état second.
-J'avais peur. Je voulais mourir et elle est venue à mon secours.
Du doigt, elle désigna la petite silhouette comatant devant la cheminée.
-Elle m'a sauvée.
Tendue, Lynette se mit à claquer des dents. Elle paraissait si fragile en cet instant que Dvan prit peur.
-Ça suffit. Tu as besoin de repos.
Elle le regarda, les larmes coulaient toujours.
-Je vais t'aider à retourner jusqu'à ton lit, d'accord ?
La jeune femme ne se sentait pas la force de refuser.
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