Sa sœur tint parole et revint le voir. Il l'entendit avant de la voir. Instantanément, il se redressa, salivant d'avance. Dvan se maudit. Comment la nourriture pouvait-elle prendre une telle place dans sa vie ? C'était invraisemblable.
Il avait un peu dormi et ses rêves l'avaient mené à s'imaginer le liquide chaud dégoulinant dans sa bouche encore et encore. Il se sentait tellement mal, il le désirait tellement qu'en s'éveillant, le garçon s'était rendu compte qu'il s'était bavé dessus.
C'était vraiment de la folie.
En un sens, le géant était heureux d'être loin des humains. Il ne savait pas comment il aurait réagi face à eux, mais craignait le pire. Combien de personne aurait-il tué avant d'être enfin rassasié ? Et si cela ne s'arrêtait jamais ?
L'envie de frapper dans quelque chose, le prendrait rapidement. Heureusement, Rosa lui avait assuré que ça irait bientôt mieux.
La porte s'ouvrit et Rosa apparue devant lui. Elle était vêtue d'une robe neuve, fabriquait avec des tissus de qualité. Pas le genre qu'elle aurait pu se payer seule. Quelqu'un devait lui avoir offert. Malgré tout, sa tenue restait simple. Elle ne faisait que sublimer encore plus sa beauté naturelle.
Aussitôt, il plongea le visage dans ses cheveux, sentant le parfum doux de sa sœur, auquel j'ajoutais un autre masculin. Une grimace lui barra le visage, et il sentit à nouveau la rage l'envahir. Qui avait osé ? Quel était encore cet homme qui posait les mains sur Rosa ? Il n'avait qu'une envie le retrouver et le faire souffrir comme il avait dû le faire avec la jeune femme.
-Qui est-ce ?
-Pardon ?
Il soupira.
-L'homme, qui est-ce ?
Elle ne lui répondit pas, se contentant de lui tendre une bouteille. Le sang était visible à l'intérieur, l'attirant. Aussitôt, son attention fut toute centrée sur le contenant et son délicieux contenus, s'en était presque rageant, tant il était facile de le manipuler.
Sa sœur lui tendit le bien précieux, mais avant qu'il s'en empare, elle le cacha derrière son dos. Dvan n'aimait pas ce petit jeu et il se rendit compte qu'il s'était mis à grogner. Leurs regards se croisèrent. Visiblement, Rosa ne lui en tenait pas rigueur.
-Je sais que c'est difficile, mais il va falloir que tu boives le plus lentement possible. Voir même que tu arrêtes pendant quelques minutes.
Il déglutit. L'épreuve lui paraissait insurmontable, tant il ne désirait que ce précieux liquide dans sa bouche.
La jeune femme posa sa main sur son avant-bras.
-Ne t'en fais pas, je serais là pour toi.
Il hocha la tête. Il était beaucoup moins sûr de lui qu'il ne voulait le montrer. Pour tout dire, il avait même peur de goûter au sang à nouveau. Son désir était si fort, qu'il craignait de ne pas pouvoir le contenir.
Il retira le bouchon, l'odeur se fit plus forte. C'était agréable.
Dvan se sentit déchiré entre deux pensées contradictoires. D'un côté, son instinct de vampire lui rappelait qu'il avait faim et que de la nourriture se trouvait à proximité, dégageant un parfum alléchant. De l'autre, il voyait le sang d'une personne qui ne lui avait rien fait et qui en aurait sûrement plus eu besoin que lui, dans ses veines.
-D'où…
Il se mordit les lèvres. Résister était une abomination : une torture sans nom. Tout son corps se crisper, ne voulant qu'une chose le fluide vital contenu dans la bouteille.
-D'où ça vient ? Enfin, qui ?
Rosa ne répondit pas tout de suite.
-J'avoue que je l'ignore.
Sa main se serra sur le contenant.
-Et tu acceptes ça ? grogna-t-il agressif.
-Dvan, bois. Tu es en train de te faire mal tout seul.
Il fixa à nouveau le sang. Il en avait tellement envie. Non, il en avait tellement besoin.
En fermant les yeux, le géant laissa le liquide couler en lui et le réchauffer. Subitement, il se sentait mieux. Ses membres le faisaient moins souffrir, son corps se détendait lentement.
Rosa lui attrapa le poignet pour lui faire signe d'arrêter. Il eut du mal à lui obéir. L'espace d'un instant, la rage le prit et il eut envie de la frapper, elle, qui osait l'interrompre. Bien sûr, il noya rapidement cette pensée, mais elle le fit frissonner. Jamais il n'aurait réagi ainsi en temps normal, Dvan aurait préféré avoir faim et lui donner son repas. Il se répugnait comme jamais, d'être devenu un animal ne vivant que pour la nourriture.
-Et toi ?
-Moi, ne t'en fais pas.
Elle s'empara de la bouteille et il prit conscience qu'il avait du mal à la lâcher.
-Désolé. Je ne suis pas dans mon état normal.
Elle hocha la tête.
-Ca ira mieux chaque jour. Ici, il n'y a pas d'humain à proximité, du coup, ça t'évite la tentation.
-Je ne sais pas comment je réagirais si j'étais parmi eux. Mal, je suppose.
Il baissa les yeux, cherchant la bouteille du regard.
-Et toi ?
-Ne te fait pas de soucis pour moi.
Elle lui sourit.
-Est-ce que tu ne souffres pas trop de…
-Ca va. Je suis une femme.
-Ca, j'avais remarqué, ricana-t-il.
Rosa secoua la tête.
-Non, je veux dire que c'est plus simple pour les femmes.
-Pourquoi ?
Elle haussa les épaules.
-J'ai pas la prétention de le savoir.
Sa sœur s'installa sur le banc et lui fit signe de s’asseoir à son côté. Ce qu'il fit, tout en cherchant la bouteille du regard.
-Je t'apporterais de l'eau et des vêtements propres, la prochaine fois.
Saisissant son beau visage entre ses deux grandes mains, il plongea son regard dans le sien.
-Dis-moi Rosa, est-ce que tout va bien pour toi ?
Elle cligna des yeux, le regard fuyant.
-Oui.
Cette fois, il jura qu'il ne s'y laisserait pas prendre. Trop de fois, elle lui avait répondu de la même façon, et il s'en était contenté, effaçant la douleur tapis au fond de ses yeux. Il ne voulait pas voir qu'elle allait si mal, parce que ça n'aurait fait que lui rappeler qu'il ne pouvait rien faire pour l'aider.
-Ce type est-ce qu'il…
-Non !
Il fronça les sourcils.
-J'avais même pas terminé ma phrase.
-Il ne me fait rien. Ne t’inquiète pas.
-Il te veux quoi alors ?
-Rien, soupira-t-elle.
Dvan secoua la tête.
-Tu ne me feras pas croire ça. Si c'était vraiment le cas, tu ne serais plus là.
-Bien sûr que si puisque toi, tu es là.
-Très bien alors promets-moi que lorsque je serais mieux, tu partiras avec moi.
Elle se mordit les lèvres.
-C'est…
-Impossible, n'est-ce pas ?
Rosa détourna le regard.
-Qu'est-ce que tu lui as fait à ce connard ?
-Dvan…
-Quoi ? C'est pas un connard ?
Elle posa la main sur sa bouche.
-Il pourrait t'entendre.
-Ca me fait une belle jambe.
-Ne gâche pas tout. J'ai fait de mon mieux pour pouvoir m'occuper de toi.
Il grogna.
-J'en étais sûr. Il voulait quoi alors ?
-Moi.
Dvan se releva rapidement.
-Je te promets que dès que je sors d'ici, je vais aller lui parler du pays.
Sa sœur sauta sur ses pieds à son tour et le prit dans ses bras.
-C'est trop dangereux, Dvan.
-Pourquoi ? En quoi est-il si puissant que tu dois faire tout ce qu'il te dit ?
-Calme-toi !
-Mais je suis calme. Pourquoi ne le saurais-je pas ? Attends parce qu'un connard couche avec ma sœur, alors qu'elle n'en a pas envie et que je ne pourrais rien dire.
-Je ne couche pas avec lui.
-Non, c'est l'inverse.
Elle soupira.
-Il ne m'a jamais touché.
-Alors pourquoi je sens son odeur partout sur toi ?! Sa putain d'odeur qui me dégoûte au plus haut point !
Plus la discussion s'envenimait, plus la rage prenait corps en Dvan. Il voulait tuer ce type. Il payerait pour tous ceux qui avaient osés touché à un cheveu de Rosa.
Elle leva les mains, en signe d'apaisement.
-Calme-toi. Ca va aller. On va en parler.
-Mais je ne veux pas en parler ! Je veux qu'il crève comme tous les autres.
En désespoir de cause, elle lui tendit la bouteille.
-Tu n'es pas dans ton état normal. Ca t'aidera.
Pour peu, il en aurait pleuré de rage. Elle ne faisait que détourner son attention, de manière pitoyable. Mais le pire, c'était que ça marchait. Son esprit avait beau hurler son mécontentement, son corps lui ne faisait que suivre le déplacement du contenant comme s'il avait le pouvoir de sauver sa vie.
-Garde-là, avec toi et tente d'en boire le moins possible. Je reviendrais lorsque tu seras calmé. Pour le moment, ça ne sert à rien.
-Rosa !
Il voulut la prendre dans ses bras et après un bref baiser sur le front, elle l'abandonna. La porte claqua sur lui, le laissant seul avec ses pensées sombres. Il sentit le désespoir l'envahir. Elle ne pouvait pas le laisser. Non pas elle.
-Rosa !
Il eut beau hurler, elle ne revint pas. Qu'avait-il fait de mal, nom de dieu ! Etait-ce si horrible qu'il veuille la protéger ?
Rassemblant sa haine et ce qui le décourageait, il frappa un grand coup la porte en bois, renforcé de métal, ne faisant que s'érafler les mains, sans résultat probant. Sa rage ne faisait que devenir plus puissante, un coup dans les pierres qui tapissaient les murs, ne fit que déclencher une souffrance plus intense. Un craquement lui apprit d'ailleurs, qu'il devait s'être brisé un os.
Il serra les dents, les larmes aux yeux. C'était tellement injuste !
Tellement stupide aussi, lui souffla une petite voix. Il croyait vraiment qu'il pourrait s'échapper en détruisant un mur à main nue. Même si cela avait été le cas, qu'aurait-il fait ? Il se serait mis à courir partout comme un fou, en hurlant le prénom de sa sœur ?
Dvan se laissa tomber contre le mur, et fixa la bouteille. Sa main le faisait souffrir, mais il tenta de ne pas y penser. Ce n'était que le résultat de sa stupidité. Bouger les doigts était devenu douloureux. Il devait vraiment s'être cassé quelque chose.
Cela lui serait évidemment d'une grande aide. Que dirait Rosa ? Elle serait sûrement en colère. Elle qui détestait la violence. C'était pour ça, qu'elle était partie. Même s'il avait de bonnes raisons de s'énerver, il lui avait fait peur.
Ses pensées dérivèrent vers son père. Allait-il devenir comme lui ? Un type qui ne pouvait s'exprimer qu'avec ses poings, et buvant bouteille après bouteille.
Dvan eut un petit rire ironique. La sienne ne contenait pas d'alcool, mais le faisait pourtant bien rêver. Il se détesta mais ne put résister à l'envie d'en prendre une gorgée. L'effet fut immédiat, la douleur disparue et il put à nouveau bouger correctement les doigts.
Le géant en fut le premier surpris. Jamais il n'aurait pensé qu'il lui serait si facile de guérir dans son état. Il commençait à comprendre ce qu'avait souhaité Rosa pour lui. Elle avait dû croire que toutes ses blessures de régénérer de la même façon. Ce n'avait malheureusement pas été le cas.
Hésitant l'espace d'un instant, Dvan porta sa main à sa bouche, il utilisa ses crocs pour déchirer sa peau fine. Le sang lui coula dans la bouche, et il le lécha avec avidité. Cependant, rien ne se produisit. Après avoir attendu, sans que rien ne change, il reprit une gorgée du liquide contenu dans la bouteille.
A nouveau, sa chair se répara comme par magie sous ses yeux. Il commençait à comprendre comment cela fonctionnait. Laissant sa main tranquille, le géant reporta son attention vers le contenant et ce qu'il restait de sang à l'intérieur. Juste un fond…
La nuit serait longue ou alors, c'était peut-être le jour.
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