Lorsque Dvan entra, il fut surpris par la fraîcheur des lieux. Le feu devait être sur le point de s'éteindre dans la cheminée et le fait d'avoir laissé la porte ouverte, n'avait en rien aidé à garder une atmosphère chaleureuse.
Après un pas, il avise le corps abandonné sur le sol. Il se pencha sur lui, distinguant du coin de l'oeil, une petite silhouette qui tentait de se tapir dans les ombres. Se sachant repérée, elle s’aplatit encore sur le sol, mais le géant l'ignora. Il avait plus important à faire pour le moment.
Un couteau gisait planté, dans l'épaule du mort. Sans effort, le géant s'en saisit et le nettoya sur les vêtements du cadavre, avant de froncer les yeux. Une arme bien utile dans la rue. Il décida de la garder sur lui pour le moment. Il interrogerait la fille plus tard, si elle acceptait de lui répondre.
Il se releva. Sur sa droite, se trouvait une petite alcôve, avec un lit, et des rideaux pour l'isoler de la pièce principale. Dvan hésita, mais préférait éloigner la jeune fille du cadavre au cas où elle viendrait à reprendre conscience.
Sur sa gauche, le coeur de la maison avec la cuisine, l’âtre et une solide table de bois, autour de laquelle s'alignait deux bancs. Sans aucun doute l'endroit où elle devait passer le plus clair de son temps.
Mis à part la créature, il n'y avait pas de trace de vie. Sans un mot, il enjamba le cadavre, en évitant de marcher dans le sang qui commençait à se répandre sur le parquet. Il continua son chemin. Devant lui, se trouvait une autre pièce, beaucoup plus petite. Il y entra.
Un autre lit s'y trouvait, ainsi qu'un coffre et des objets rangés à la va-vite sur une étagère. Comme si l'on y avait entreposé tout ce qu'on ne pouvait mettre dans le lieu de vie.
Il déposa la gamine sur le matelas. Une fois débarrassé de son fardeau, il s'assit à son côté et attrapa l'une de ses jambes, entreprenant de dénouer les lacets qui retenaient les bottines à son pied. Cela fait, le géant se saisit de la couverture pour la recouvrir, avant d'hésiter. Finalement, il suspendit son geste et se pencha à nouveau sur elle.
Avec un soupire, il entreprit de déboutonner son chemisier, avant de lui retirer. Lorqu'il eut terminé Dvan découvrir avec surprise l'état de ses sous-vêtements. En voyant le tissu déchiré qui laissait entrevoir, sa poitrine pâle, il se sentit gêné. Faisant abstraction de sa chair rebondit, il passa les doigts sur la lingerie abîmée.
Qu'est-ce qu'il avait bien pu se passer dans cette maison ? Que faisait cette jeune fille seule dans la nuit ? Et le cadavre dans l'entrée ?
Il éprouva de la colère, mêlée à de la tristesse, en imaginant ce qui avait dû arriver à la gamine. Qui était l'agresseur ? Etait-ce le mort ou alors quelqu'un l'avait-il tué alors qu'il tentait de la protéger ?
N'en sachant pas plus, il nota de lui poser la question. Peut-être accepterait-elle de lui répondre…
Reprenant son travail, il la débarrassa de son corset, libérant son corps fin. Elle se reposerait mieux ainsi, sans avoir de tiges de métal qui lui compressait la taille.
Son regard erra sur le lit et il y découvrit une chemise de nuit, pliée avec soin. Il décida de la lui passer. La pauvre se sentirait sûrement gênée si elle s'éveillait en sous-vêtements, avec un inconnu dans sa maison.
Continuant sur sa lancée, il lui retira aussi sa jupe, ses jupons et ses bas. Au moins, elle serait plus à l'aise pour se dormir. Le géant la couvrit avec la couverture avant de la bordée pour qu'elle garde sa chaleur. Il espérait sincèrement qu'elle se réveillerait en bonne santé. Savoir avoir prolongé sa vie, au détriment de celle de la jeune fille, ne lui serait d'aucun réconfort.
Prenant en main ses lunettes, il lui retira et les posa sur le meuble qui jouxtait le lit. Il versa ensuite un peu d'eau d'une carafe dans un bol, trempa un linge dedans et lui nettoya tendrement le visage, effaçant toutes traces de larmes. L'espace d'un instant, elle lui parut plus paisible. Mais peut-être n'était-ce qu'un effet de son esprit, pour l'empêcher de trop culpabiliser.
Elle aurait sûrement faim, en s'éveillant. Il décida d'aller lui préparer un repas, cela lui permettrait de reprendre des forces et de l'énergie. Il en profiterait pour s'occuper un peu de cette maison.
Dvan sortit de la chambre et prit la direction de la cuisine. Il posa son manteau sur le banc, avant de d'ajouter une bûche dans l'âtre, où il ne restait plus que quelques braises tentant vainement de réchauffer la pièce. Au moins la température allait remonter. Surveillant que le feu repartait bien, il se dirigea ensuite vers le cadavre.
Le saisissant comme s'il ne pesait rien, et l’entraîna vers le cimetière. Ne sachant pas trop quoi en faire, il le posa sur un tas de terre fraîchement retourné. D'ici, on ne le verrait pas, en passant par la route. Mieux valait éviter d'attirer l'attention.
Sur le chemin menant à l'habitation, le géant trouva un panier d'osier et des légumes tombés sur le sol. Il les ramassa rapidement. Au moins, il aurait de quoi à faire une soupe bien chaude pour réconforter la jeune fille, à son réveil et lui rendre quelque force.
Sur le côté gauche de la maison, il trouva un puits. Dvan en retira un seau bien rempli et retourna à l'intérieur. Un petit cri de terreur l'accueillit. La créature qui s'était approchait de la cheminée pour se réchauffer, s'enfuit à quatre-pattes pour se cacher sous la table. Elle ne l'avait sûrement pas entendu revenir.
Il posa le seau sur le parquet et ferma la porte d'entrée, avant de s’accroupir pour regarder plus en détail, la petite silhouette. Elle aurait pu ressemblait à une petite fille nue, mais son dos se faisait plus voûté, ses jambes plus courtes, et sa bouche beaucoup plus large, garnie de dents acérés.
Pendant un instant, ils se fixèrent sans un mot. C'était presque comme si elle tentait de savoir combien de chance, elle aurait de fuir. Dvan soupira.
-Une goule… Tu peux me dire ce que tu fais là ?
Bien sûr, l'autre ne répondit pas. Le géant haussa les épaules, avant de se relever. Ce n'était visiblement pas une menace d'autant plus avec le cadavre qu'elle avait entreprit de dévorer, elle devait être rassasiée.
Reportant son attention sur la cuisine, Dvan entreprit de faire bouillir de l'eau. Il posa le panier sur la table et commença à chercher les outils nécessaires à la préparation du repas. Ayant mis la main sur un couteau aiguisé, il tailla les légumes avant de les faire glisser dans le liquide. Il y ajouta le sel et les aromates qu'il trouva, avant de laisser cuire. Ceci fait, le géant se chercha une autre tâche à effectuer.
Récupérant une serpillière, il entreprit de nettoyer le sol, avec une eau savonneuse pour faire disparaître petit à petit les traces de sang. A genou, il frottait le parquet, qui avait prit une teinte sombre. Pourrait-il effacer toute trace de cette tâche ? Ayant fait ce qu'il pouvait, il décida d'atteindre que le bois sèche pour voir le résultat.
Il retourna en cuisine, tourna la soupe, qui cuisait tranquillement. Pour le moment, tout se déroulait bien. Peu à l'aise dans cet environnement non-familier, Dvan observa les lieux, pour trouver une occupation. Finalement, il se décida à retourner chercher de l'eau dans le puits. Se faisant, il contempla le ciel étoilé. Pour le moment, il faisait encore nuit, mais il lui faudrait sans doute passer la journée dans cette maison.
Seulement, il avait peur de la réaction de la gamine. Allait-elle le chasser, après ce qu'il lui avait fait ? Elle aurait eu toutes les raisons du monde de le faire. Il n'était qu'un inconnu pour elle. Pire, il avait profité d'elle, et s'était nourrit de son sang. Comment pourrait-elle l'accueillir à bras ouvert ?
Encore plus, avec la tête qu'il avait. Pour tout dire, lui-même ne se serait pas fait confiance. En plus, il était sale, plein de terre et de sang. Rien de mieux pour effrayer les gens. Comme si ce n'était pas déjà le cas…
A nouveau, il reprit de l'eau, qu'il fit couler dans une bassine. Ôtant sa chemise, il en profita pour se frotter avec le savon. Au moins, il aurait l'air plus présentable. Un coup d'oeil sur son flanc lui apprit qu'il n'avait pas de nouvelles cicatrices. A présent, il pouvait parfaitement être transpercé de part en part, et s'en sortir sans une égratignure après avoir bu du sang.
Malheureusement pour lui, les traces de ses autres blessures restaient bien présentes et toujours aussi inesthétiques et douloureuses. C'était de cela dont il aurait voulu se débarrasser le plus. Certains de ces mouvements s'en trouvaient ralentit. Enfin, ça n'avait plus d'importance, à présent qu'il était devenu encore plus monstrueux.
Les balles ne lui avaient rien fait. En y repensant, c'était presque risible. Malgré les tirs dont il avait été la victime, malgré la chute, malgré le fait de s'être fait empaler, il était encore là, traînant dans une habitation qui n'était pas la sienne, en essayant de se faire présentable alors qu'il ne ressemblerait jamais à rien.
S'énervant, il frotta le savon sur son épaule droite avec plus de force, comme si ce simple geste pouvait suffire à faire disparaître les marques de l'infamie. La douleur qu'éveilla ce mouvement, lui fit serrer les dents. Pourtant, il avait envie de continuer, envie de se faire mal pour se punir de tout ce qui était arrivé.
Il finit par se reprendre. Au lieu d'user du savon pour rien, il ferait mieux de laver et de tenter de décrasser ses vêtements. Même s'il doutait qu'il puisse y parvenir, sans que ceux-ci disparaissent en lambeau. Il lui faudrait à n'en point douter, acheter une nouvelle chemise.
Il repense au peu d'argent qu'il avait en poche et fit la grimace. Le géant savait bien qu'il n'allait pas aller loin avec. La seule solution serait de trouver un travail. Un travail où il n'aurait pas à sortir en plein jour. Alors que tous craignaient la nuit et ses misères.
Que lui restait-il comme option ? S'attaquer à des gens qui ne lui avaient rien demandé pour les voler et boire leur vie ! Il s'y refusait. Il repensa à tous ceux qu'il rêvait de voir mort, et plaçant Ervild en tête de sa liste pour le moment. C'était aussi le plus accessible.
Enfin, pour le moment, sa vengeance pouvait bien attendre. Il voulut aller glisser un coup d'oeil dans la chambre pour voir comme allait la jeune fille. Avant de se rappeler qu'il était presque nu et qu'elle n'aurait sûrement pas envie de le voir dans cette tenue. Lui non plus, d'ailleurs n'avait pas envie de se montrer ainsi.
Se saisissant de ses vêtements, il les plongea dans la bassine, les frottant avec application. Il vit les restes de sang teinté l'eau d'un tracé rouge. Plus ses mouvements se faisaient brusques, plus la couleur de l'eau changée. Il continua ainsi un petit moment, tentant de faire disparaître par tous les moyens les tâches disgracieuses. Il n'y parvint pas et il lui fallu bientôt se rendre à l’évidence, il ne faisait qu’agrandir le trou causé par la blessure.
Avec un soupire, le géant s'arrêta et essora le vêtement, le tordant en tous sens pour en extraire l'eau. Une fois, cela fait, il le posa devant la cheminée pour le faire sécher plus vite. Alors qu'il s'occupait du reste de sa lessive, son regard fut attiré par la petite silhouette, qui était sortie de son coin, pour se rapprocher de l'âtre.
Après lui avoir jeté un regard inquiet et vu qu'il ne bougeait pas, elle se décida à se rouler en boule près du feu. Elle paraissait exténuée. L'espace d'un instant, Dvan se demanda ce qu'elle pouvait faire là, et ce qu'elle aurait à raconter si elle en avait la possibilité.
Pour le moment, il ne l'avait pas chassé, ne s'en sentant pas capable. Elle lui paraissait si petite et perdue dans ce vaste monde. Il y trouvait un écho à sa propre vie.
En se concentrant, le géant écouta le bruit de la respiration de la jeune fille. Pour le moment, elle était calme et régulière, il n'y avait donc aucun souci à se faire. Cela le rassura, au moins une bonne nouvelle. Il n'aurait pas supportait d'être responsable de sa mort.
Une fois ses vêtements propres et mit à sécher, Dvan hésita sur les tâches à effectué. N'en voyant aucune autre sinon, touiller la soupe. Il s'installa à même le sol devant la cheminée. Cela faisait longtemps qu'il ne s'était pas trouvé dans un endroit aussi calme. Il avait l'impression de ne pas y être à sa place.
Cette maison lui plaisait. Il n'en avait jamais connu d'aussi belle. Si on lui avait posé la question, il aurait répondu qu'il voulait y rester pour toujours. Mais personne ne lui poserait une telle question, de même qu'il savait qu'il retournerait bientôt dans la rue. Pour le moment, il ne pouvait que profiter du lieu et savourer la chaleur sur sa peau. Ses yeux fixant les flammes qui dansaient devant lui, il se replongea dans ses souvenirs.
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