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Sur les routes août 1920

La parfaite union entre l’homme et la machine était enfin atteinte sur cette route déserte du fait de l’heure matinale. Le conducteur avec ses cernes sous les yeux, était aussi à bout que sa voiture toussoteuse. Derrière cette belle harmonie se profilait la fin du chemin. Le conducteur regardait fixement la jauge à essence comme si elle allait remonter par miracle, puis accepta la déplaisante réalité, et releva la tête. Il ne voulait pas assister à la fin de sa monture.

Un miracle finit alors par avoir lieu. Un peu plus loin devant se trouvait une station service. Était-ce un mirage ? On pouvait légitimement se poser la question tant le bâtiment se trouvait au milieu de nulle part. Le conducteur refusa cette éventualité. Ca aurait été trop cruelle.

Il pressa un peu plus l’accélérateur, et arriva à destination. Cette appellation était-t-elle appropriée à cet endroit fantomatique ? Sans doute était-il trop tôt pour qu’il y ait de la clientèle ? Le conducteur reboutonna le haut de sa veste afin d’affronter la brise du matin, puis sortit. Une fois dehors il grimaça un peu en s’étirant. Ses longues heures de conduite avaient comme atrophié ses membres.

« Un souci m’sieur ? »

Le conducteur sursauta face à cette apparition soudaine. Comment ne l’avait-il pas vu venir ? Peut-être son état d’épuisement le rendait moins alerte. Cet homme portait une salopette crasseuse et usée en parfaite adéquation avec l’endroit. Par contre son visage de jouvenceau détonait dans ce tableau. Mais le plus surprenant était son air béa. Il était heureux vraiment heureux dans ce lieu de transition, dans ces limbes modernes.

Puis son expression changea. Il était intrigué ou gêné. Le conducteur réalisa alors qu’il attendait une réponse de sa part, et qu’elle tardait un peu trop à venir.

« Non je veux juste le plein. » Finit-il par dire en émergeant.

« Et votre pare-brise ? »

Le trou. Comment avait-il pu l’oublier ? Il avait vraiment besoin de repos.

« C’est en face du coté passager. Ça ne me gène pas. »

Visiblement cette réponse n’était pas satisfaisante, si on se fiait à l’air interloqué du jouvenceau. Le conducteur n’avait jamais été un grand causeur. Et la fatigue n’arrangeait rien à l’affaire. Il décida donc de rompre la conversation avant de se trahir. Il prétexta l’envie de se procurer de la nourriture, et se rendit donc à l’intérieur de l’établissement pendant que le jouvenceau se chargeait du plein. La boutique était comme la devanture à savoir miteuse.

« Vous désirez ? » Demanda d’une voix douce une femme à partir du comptoir.

Elle était un peu l’équivalent féminin du jouvenceau. Sa tenue se limitait à une robe dont le tissu aurait été plus approprié aux rideaux d’un hôtel bas de gamme. Sa coiffure se résumait à un chignon grossier. Et pourtant au milieu de toute cette pauvreté, de cette sous-vie, elle arborait un sourire un angélique. A croire qu’Adam et Eve venaient juste de sortir de l’Eden et de prendre en main cette station service.

« Je regarde. » Rétorqua froidement le conducteur ne voulant pas reproduire l’erreur précédente, et par conséquent évitait toute conversation.

Alors qu’il cherchait de la nourriture décente, il aperçut des cubis de vin. N’était-ce pas illégal depuis peu ? Intrigué il en prit un, et constata son erreur. Ce n’était que du jus de raisin. Un texte sur l’étiquette attisa sa curiosité. Une fois lu le conducteur émit un petit ricanement. Ces lignes décrivaient le procédé pour transformer cette boisson en vin notamment en y mettant du sucre, et en pratiquant une fermentation. Tout à la fin il était précisé l’aspect illégal de la manœuvre, comme s’il s’agissait d’un avertissement.

Comment quelque chose d’aussi grossier pouvait-il passer ? En tous cas cette distraction eu le mérite de ranimer l’esprit embrumé du conducteur. Il réalisa alors une perspective inquiétante. Et si sa voiture comportait d’autres dégâts bien plus révélateurs comme des impacts de balles ou des douilles ?

Il tourna alors la tête vers la porte-vitrée. C’était déjà trop tard. Après avoir placé la pompe Adam se releva brusquement le regard trouble. Il venait de comprendre. Un second réveil bien plus puissant eut lieu chez le conducteur. Sa véritable nature et tous les réflexes allant avec prirent le contrôle.

« Vous avez le téléphone ? » Demanda ou plutôt ordonna-t-il à Eve.

Bien que surprise par l’agressivité de la demande elle répondit « oui » instinctivement. Le conducteur ne pouvait pas prendre le risque, qu’ils contactent la police. La frontière de l’état n’était pas assez proche. Rapidité, simplicité, et efficacité, tel était son crédo. En matière d’arme il s’en référait donc aux professionnels, c’est-à-dire les militaires. Il dégaina un colt M1917 de l’U.S Army. Une arme puissante et solide sur laquelle on pouvait toujours compter.

Une détonation retentit. Eve tomba. Il restait le pompiste. Le conducteur fonça à l’extérieur tandis que sa cible elle justement faisait l’inverse. N’aurait-il pas dû s’enfuir ? Les deux hommes se retrouvèrent alors face à face. Adam pleura. Était-ce pour lui-même ou la femme à l’intérieur ?

Qu’importe le conducteur avait une consigne précise à suivre. Lors d’un braquage chaque seconde comptait. La station service connut immédiatement un second meurtre. Le conducteur retourna à l’intérieur vida la caisse histoire de rentabiliser l’intervention, prit un sachet de biscuits, s’assura que son réservoir était plein, et enfin repartit.

Quelqu’un finirait bien par passer à cette station service durant la journée. Dommage lui qui comptait se dégotter un petit coin tranquille afin de se taper une petite sieste, allait devoir attendre jusqu’à l’autre coté de la frontière. Car la collaboration entre les polices d’état était mauvaises. Quant aux forces fédérales elles en étaient encore à leur balbutiement.

Toute cette adrénaline accentua encore la stimulation de son esprit. Il réalisa alors qu’il aurait tout aussi bien pu couper la ligne téléphonique au lieu de commettre ce carnage. Ce gâchis le travailla bien une heure entière.


Texte publié par Jules Famas, 2 mars 2019 à 11h15
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