La surprise agita le petit groupe lorsque l’un des quatre gardes en faction saisit une clé pour ouvrir la cage. Un instant, Astérix songea qu’il s’agissait peut-être de les transférer ailleurs – puis son pessimisme prit le relais et estima qu’il était sans doute l’heure de la mise à mort de certains d’entre eux, et les paroles rassurantes de Yucca demeurèrent sans effet ensuite. Les visages austères qui les dévisageaient n’auguraient rien de bon.
Les cinq compagnons s’entreregardèrent, mais les paroles ne furent pas nécessaires ; même Obélix et Idéfix, sensibles à l’importance du moment, se taisaient. C’était leur unique chance, tous en étaient conscients. Comme ils étaient conscients que, sans potion magique pour les aider, Astérix n’était plus qu’un simple guerrier aux capacités respectables mais ordinaires, et Panoramix, dont la magie s’exprimait à travers ses potions, n’était pas en mesure de les aider. Deux mages et deux guerriers, contre un village entier, rempli d’enchanteresses, leurs chances étaient réduites. Mais ils préféraient mourir en tentant de retrouver la liberté plutôt que mourir selon le bon vouloir de leurs hôtes, prisonniers et misérables. Ce n’était que de la fierté, mais c’était l’unique chose à laquelle ils se raccrochaient.
Ainsi ils attendirent dans un silence qui ne cessait de s’alourdir au fil des secondes. Seul Obélix bougea pour attraper Idéfix et le loger entre ses bras.
La porte s’ouvrit dans un grincement de bois peu souple et le garde pénétra à l’intérieur. Sans doute avait-il dans l’idée de les en extraire un à un mais il n’en eut pas l’occasion. A peine introduit, le groupe se rua à l’extérieur dans un élan précipité. Dans le mouvement, ils repoussèrent le soldat avec violence contre les barreaux de la cage, ce qui l’assomma à moitié, sans que ce dernier eût le temps de réagir. Il s’écroula au sol.
Les cinq gardes restants se précipitèrent aussitôt en leur direction pour les bloquer, mais Obélix les envoya voler sur plusieurs mètres à l’aide de quelques claques négligentes avec une satisfaction non dissimulée.
— Voilà ce que j’en pense, de votre accueil !
Il ponctua ces paroles de remarques peu aimables, qui sonnaient comme une petite vengeance à l’égard du traitement qu’ils avaient reçu. Aucun autre membre du groupe n’eut besoin d’intervenir tant il fut efficace. Cependant, même s’il rêvait de combats et de revanche, Obélix savait que ce n’était pas l’heure des réjouissances et Astérix avait bien insisté sur le sujet pour qu’il ne cédât pas à ses pulsions guerrières ; les ennemies susceptibles de les attraper dépassaient leurs compétences, y compris les siennes. D’après les autres, il n’aurait même pas l’occasion de les toucher, car leur magie s’utilisait souvent à distance, et celle-ci serait trop puissante pour être évitable. Les deux mages ne se croyaient aucunement capables de les affronter. Obélix aurait aimé douter des assertions d’Amir et de Kadir, ou du moins les relativiser ; cependant, le témoignage d’Astérix pesait fortement dans la balance. Alors, bien que vexé d’en être réduit à fuir comme un sanglier traqué, il s’en tenait à quelques exclamations bien senties à l’intention de leurs poursuivants mais il s’engagea comme les autres dans une large allée. Celle-ci s’étirait en une ligne droite en direction de la forêt. Aucun mur d’enceinte ni palissade n’entourait le village ; un point qui jouait en leur faveur dans leur fuite. Même s’ils abandonnaient derrière eux armes et restes de potion magique, ainsi que le Calice qu’ils étaient pourtant venus récupérer. Cependant, ils ne se leurraient pas : si tant est qu’il fût dans le village, le chercher ne leur servirait à rien, si ce n’était annihiler leurs chances.
Malheureusement pour eux, les choses ne pouvaient continuer à se dérouler aussi bien.
Les cris des gardes, en particulier lors de leurs envolées peu gracieuses, ainsi que leurs gémissements avaient tôt fait d’alerter leurs semblables à proximité. Une simple œillade d’Astérix pendant leur course avait réduit son ami au silence. A présent, des clameurs couraient derrière eux, signe que la poursuite s’organisait et ne cessait d’enfler. Des habitants ouvrirent leurs fenêtres pour contempler les fuyards d’un œil impitoyable. Certains encouragèrent leurs guerriers à l’aide d’imprécations sonores, d’autres s’hasardèrent à jeter des objets sans valeur sur les fuyards, autant dans l’espoir de les ralentir que pour témoigner leur mépris, et d’autres encore descendirent prêter main forte à leurs soldats, avec une efficacité toute relative. Ce fut bientôt toute une masse qui talonna le petit groupe, grondante et furieuse. Ils n’eurent bientôt de cesse d’esquiver ou de repousser les mains impérieuses et les corps qui voulurent faire barrage. Cependant, plus le temps s’écoulait, plus il leur était difficile d’avancer, et plus leurs espoirs s’amenuisaient. Alors que la forêt se dessinait entre les masures et se faisait plus proche, cruelle tentatrice, ils se dissipèrent totalement lorsqu’un petit groupe de silhouettes blanches s’aligna devant eux, leur coupant le passage. Des druidesses, évidemment. Inconsciemment, ils ralentirent, désespérés. La plupart des rues étaient bouchées par la populace, toute retraite était impossible ou presque. Astérix en repéra une sur leur droite, étroite et sombre, et surtout vide d’humain. Il la pointa du doigt.
— Par là !
Ils obliquèrent mais n’eurent pas l’occasion de s’y glisser ; un mur de lianes épaisses et de racines poussa en quelques secondes et bloqua l’issue. Leurs épaules s’affaissèrent et ils s’arrêtèrent. Les dés étaient jetés. Fuir était devenu inutile. Ne leur restait plus qu’à se battre.
Et prier pour qu’un miracle se produisît.
Ils se jetèrent des regards d’incertitude avant de reporter leur attention sur les magiciennes. La matriarche demeurait hors de vue ; il ne s’agissait que de femmes plutôt jeunes, qui oscillaient entre la vingtaine et la quarantaine, d’après l’appréciation des traits de leurs visages. Elles n’étaient que sept. Obélix s’en enthousiasma, estimant que quelques gifles devraient faire l’affaire ; les autres grimacèrent, défaitistes. Deux paraissaient amusées par leur tentative, tandis que les autres arboraient un visage neutre voire agacé. Nulle trace d’inquiétude n’était visible.
Derrière leur dos, la foule s’était arrêtée et reprenait son souffle. Eux-mêmes ne voyaient plus la nécessité de se presser.
Une boule de feu surgit pour foncer vers le mur de lianes qui frissonna à son contact et lutta contre son embrasement ; quelques feuilles brûlèrent et se réduisirent en cendres mais les flammes moururent rapidement, ne laissant que des traces noircies sur l’écorce épaisse qui se régénéra tout aussi vite. L’attaque avait coûté à la faiseuse de lianes, car une silhouette avait vacillé parmi les jeunes femmes. Cependant, elle avait vite repris une moue neutre et ne trembla pas, preuve que ses forces n’étaient qu’égratignées.
Astérix jeta un coup d’œil en biais et aperçut les mains tendues d’Amir, encore fumantes, ainsi que le visage grimaçant du jeune homme. Il retint un soupir, soudain las. Comme attendu, le combat s’annonçait perdu d’avance. Comment étaient-ils arrivés à une situation aussi désespérée, déjà ?
– Il serait plus sage de votre part de vous rendre, fit la druidesse en avant de son groupe, une grande brune à la peau mate et aux yeux sombres.
Son aspect dénotait fortement de l’essentiel de ses camarades, blondes ou rousses au teint crémeux ou légèrement halé. Ce n’était pas la plus âgée ; elle paraissait avoir à peine atteint l’aube de la trentaine. Amir vacilla à sa vue.
— Non…
– Et pourquoi cela ? s’exclama Astérix, indigné.
Son cœur se serra lorsqu’il aperçut Yucca parmi elles. Il se serra un peu plus en constatant qu’elle détournait les yeux, par refus de le regarder.
— Nous-mêmes sommes destinés à mourir, et ce que vous réservez à notre druide est pire que la mort ! Alors pourquoi resterions-nous ? Même si vous nous tuez maintenant, au moins ce sera en hommes libres !
Une partie des druidesses cilla à sa remarque et leurs regards se croisèrent.
– Pas exactement, non, ironisa son interlocutrice, qui avait haussé un sourcil à ses propos.
Astérix l’entendit à peine. Comme ses camarades, il fixait les autres derrière elle. Des murmures commençaient à circuler dans la ligne mais leur contenu leur demeurait inaccessible. Qu’en conclure ? Qu’elles n’étaient peut-être pas toutes au courant de toutes les décisions de leurs matriarches, comme ils l’avaient suspecté avec Yucca la nuit dernière ? Étaient-ils en droit d’espérer ou était-ce inutile ?
– Donc vous préférez vous battre ? continua-t-elle d’une voix doucereuse.
Elle fronça soudain les sourcils et siffla à l’encontre de ses consœurs afin d’obtenir le silence. Elle l’obtint mais fut gratifiée en retour de regards vexés ou irrités, qu’elle ignora.
Les cinq camarades d’infortune raffermirent leur position et Idéfix se raidit dans les bras d’Obélix. Même Obélix était sensible à la gravité de la situation. Derrière eux, les guerriers réduisirent la distance entre eux à quelques pas seulement, puis se disposèrent en arc de cercle. Ils pouvaient presque sentir les pointes de leurs lances piquer leurs peaux. Ils ne répondirent pas, mais leurs visages effrontés et fiers parlaient pour eux. Finalement, la druidesse gloussa.
– Bien, comme vous voudrez. Il n’est pas certain que le destin dans lequel vous vous êtes projetés soit réellement plus désirable que celui auquel on vous destinait…
Ils restèrent muets et se gardèrent de frissonner à la menace sous-jacente – hormis Obélix, qui ne l’entendit pas. Était-ce une promesse d’une agonie lente et douloureuse ? Leur volonté n’en fut que raffermie ; même au prix de la douleur et de la mort, ils préféraient être libres, ou tenter de l’être.
Elle dut en prendre conscience car elle n’insista pas.
– Bien. De toute façon, ce ne sera qu’une formalité…
– Il ne t’aura pas été difficile de nous oublier, Aloe ! cracha Amir à la jeune femme, le visage contracté par la colère et l’œil douloureux.
Kadir posa une main apaisante sur son épaule, le fixant avec douceur et compassion. Astérix comprit que le même mal les rongeait tous deux et le jaugea avec sollicitude. Aimer quelqu’un qui se dressait désormais comme une ennemie.
– Même si votre victoire est presque certaine, ne crois pas que ce sera si facile pour autant ! reprit-il en se renfrognant.
A ces mots, il serra les poings alors qu’il avait ramené ses bras le long de son corps, cachés derrière les pans de sa longue tunique.
Ladite Aloe garda le silence quelques secondes, indéchiffrable. Puis elle haussa les épaules avec nonchalance.
– Cela dépend surtout de la vitesse à laquelle vous vous rendrez. Après tout, si vous-mêmes pouvez certainement tenir quelques minutes – et encore, en ayant l’amabilité de ne pas nous y mettre toutes –, vous avez avec vous quelques boulets qui n’en tiendront aucune, ajouta-t-elle sur un ton moqueur en désignant d’un geste de la main Panoramix puis Astérix.
Elle baissa ensuite les yeux vers Idéfix, qui grogna et aboya rageusement en réponse. Le sourire de la jeune femme s’accentua, railleur. Eux se raidirent, la mine assombrie, incapables de rétorquer car partageant la même pensée.
Amir détourna brièvement le regard, déçu.
– Assez parlé, grogna-t-il avant de lever de nouveau le bras.
Il fit apparaître une longue forme effilée qui fonça à toute vitesse vers les druidesses. Quoique ce fût, sa trajectoire fut brusquement interrompue par un mince filet d’eau à la forme d’un fouet qui le saisit en plein vol avant de le rompre et de le laisser tomber à terre, structure désormais brisée. Face à eux, Yucca s’était avancé. Son bras était tendu et guidait le fouet d’eau. Les deux mages grimacèrent de concert. L’attaque avortée et la riposte sonnèrent le début des hostilités.
Le fouet d’eau s’allongea soudain en direction des deux mages qui ne l’évitèrent que de peu. Les druidesses demeurèrent à leur place ; seules deux levèrent leurs mains pour assister leur consœur tandis que les autres restaient en retrait, et ce constat ne les rassura pas. Après un bref ordre lancé par Aloe dans une langue inconnue, les guerriers derrière eux s’avancèrent, lances penchées en leur direction. Obélix leur fonça dessus avec un cri de guerre, suivi d’Idéfix qui se faufila entre les jambes pour mordre des mollets et provoquer quelques chutes. Les guerriers s’écartèrent sur son passage avant de l’encercler. S’ils s’envolèrent par floppées, plusieurs eurent malgré tout l’occasion de le blesser. Cependant, cela eut le mérite de les détourner de ses camarades.
– Obélix ! s’égosilla Astérix, lassé par le combat individualiste de son ami qui semblait les avoir oubliés, et en même temps inquiet des blessures qu’il y récoltait.
Les premières minutes, Astérix et Panoramix, sans armes, étaient réduits à esquiver les quelques attaques en provenance des deux fronts qui débordaient de leurs protecteurs. Astérix tenta à plusieurs reprises de récupérer une lance mais les armes lâchées par les guerriers assommées retombaient bien trop loin de leur position. Il jeta un coup d’œil aux druidesses imperturbables, dont les belligérantes que les deux orientaux peinaient à repousser. Ces derniers, comme lui, étaient troublés. Leur sort aurait dû être rapidement réglé ; pourquoi ce peu d’entrain à les vaincre ? Jouaient-elles seulement avec eux ou attendaient-elles quelque chose ?
Kadir chuta soudain au sol, sa main pressée contre son épaule ensanglantée, immobile et le souffle bruyant ; Amir se tenait près de lui, encore debout. La respiration haletante, tout son corps tremblait et luttait contre la fatigue accentuée par les multiples contusions qu’il avait récoltées, alors que, face à eux, les druidesses étaient presque toujours aussi fraîches qu’au début. Un coup de fouet à la cheville le fit tituber et il faillit chuter, mais il se rattrapa au dernier moment. Cependant, ce n’était qu’une question de temps avant qu’il ne tombât pour de bon. Son ami presque hors course, il commençait déjà à être débordé. Cependant, malgré cette perspective, aucune enchanteresse n’augmenta ni ne diminua la pression à leur égard, comme si quelques minutes de plus ou de moins importaient peu.
Panoramix se baissa pour éviter un éclat de glace qui se brisa au sol quelques pouces plus loin. Des tintements lourds attirèrent l’attention des deux Gaulois en direction du sol, où ils y aperçurent des lances. Ils s’en saisirent, le druide avec plus de réserve, incertain. Cet arrêt lui passa bien vite alors qu’Astérix se précipitait pour tenter de rejoindre Obélix qui avait certes fait le vide autour de lui, mais des lianes limitaient ses mouvements et les hommes valides revenaient le harceler de la pointe de leurs lances en s’efforçant de demeurer hors d’atteinte. Panoramix usa de son arme comme d’une masse et se mit à frapper indistinctement crânes, bras et genoux, sans viser d’autre objectif que celui d’assommer ses adversaires. Aucun ne se résignait à tuer leurs adversaires. Plus encore car ces hommes n’étaient que des exécutants d’ordres de femmes qu’il peinait à désigner comme simplement coupables, séquelle des aveux de Yucca. Cela jouait contre eux et tous en étaient conscients.
Cependant, leurs adversaires non plus ne paraissaient pas si résolus à les tuer.
Quelques secondes plus tard, les deux mages tombèrent, épuisés et vaincus. Les lianes enroulées autour d’Obélix ondulèrent, s’épaissirent, jusqu’à l’étouffer à moitié et l’empêcher d’effectuer le moindre mouvement, réduisant les jurons furieux du Gaulois à des gargouillis pitoyables. Idéfix aboya et tenta de le libérer en mordant les plantes, sans succès. Une tige le renvoya d’une pichenette aux pieds d’Astérix, ce qui lui arracha un couinement. Un coup d’œil de ce dernier l’assura seulement qu’il n’était pas blessé. La langue pendante, il se coucha, épuisé.
Les druidesses s’avancèrent pour les rejoindre et, en un instant, ils furent encerclés. Les Gaulois constatèrent avec retard et effroi les silhouettes affaissées des deux hommes, incertains quant à leur survie. Astérix se tourna vers les druidesses ; Yucca se trouvait au milieu d’elles, à présent, alors qu’Aloe s’agenouillait près des corps inconscients. Il plongea son regard dans celui de la jeune femme et se figea. L’esprit vide, il fut incapable d’y lire quoi que ce fût.
— Sont… sont-ils morts ?
Yucca fronça les sourcils. Astérix fut surpris de la voir comme outrée par sa question.
— Bien sûr que non !
– Dis-le-lui ! lui intima soudain Panoramix tandis qu’un autre groupe arrivait vers eux.
Le petit guerrier lui jeta un bref coup d’œil dubitatif. Cette injonction lui était-elle seulement destinée ? A voir l’attention que le druide lui portait, ce devait être le cas, et il supposa qu’il parlait de Yucca.
— Mais lui dire quoi ?
Et pourquoi lui ? En quoi cela changerait-il leur situation ?
A sa tête, se distinguaient Opuntia, la matriarche des druidesses, et le chef du village. Les rumeurs de la tentative de fuite leur étaient parvenues mais ils ne se montraient pas pressés, assurés de la maîtrise exercée par leurs concitoyens. La brièveté du combat leur donnait raison.
Cependant, malgré la distance, il était visible que le duo de dirigeants les considérait avec une certaine sévérité, comme si quelque chose les déplaisait dans le tableau.
La plus âgée du groupe, Rhipsalis, s’avança vers eux et croisa les bras, l’air revêche. De rares fils argentés se mélangeaient à sa chevelure rousse qui tombaient, libres, sur sa nuque.
— Vous rendez-vous ?
— Pourquoi ce cirque alors que vous voulez juste nous tuer ? marmonna Astérix, agacé.
Là encore, un frisson parcourut le groupe de femmes, suivi de regards perplexes qu’elles se jetèrent les unes aux autres. Yucca secoua la tête et Aloe lui jeta une œillade méprisante.
— Quelle excuse pathétique.
Elle se reconcentra sur Amir, au-dessus duquel elle était penchée. Ce dernier s’agitait un peu, sur le point de reprendre conscience.
– Alors ? Vous rendez-vous ? insista Rhipsalis, crispée.
– Jamais ! répondit Panoramix avec virulence avant de se retourner vers Astérix pour plonger son regard dans le sien et répéter : Dis-le-lui !
Alors Astérix crut comprendre où il voulait en venir, et il trouva l’idée particulièrement absurde. Il écarquilla les yeux. Lui demandait-il réellement d’avouer ses sentiments à Yucca ? Comment le druide était-il au courant ? Il ne le lui avait jamais révélé ! Et dans quel intérêt, hormis provoquer une éventuelle hilarité chez les enchanteresses tant cela sonnerait de manière incongrue vis-à-vis de leur situation ? Un élan de romantisme du vieil homme ? L’espoir stupide que cela provoquât chez elle une motivation suffisante pour se dresser entre ses consœurs et eux, seule contre toutes ? En quoi cela changerait-il quelque chose pour eux ? Et avait-il réellement envie qu’elle eût connaissance des sentiments qu’il nourrissait pour elle, surtout en ces circonstances ?
Quel intérêt, hormis une réception douloureuse ?
— Que se passe-t-il ici ? tonna soudain Opuntia, une fois à leur hauteur.
Un air de mécontentement était peint sur ses traits.
— Je peux savoir pour quelle absurde raison vous leur demandez de se rendre ? Ils sont à notre merci !
Rhipsalis la rattrapa en quelques pas et chuchota quelques instants à son égard, dans le but de lui résumer la situation. Yucca fixait Astérix ; elle avait deviné, à l’échange entre les deux hommes, qu’il était question d’elle, sans en connaître la substance. Cependant, elle demeurait muette, incertaine. Il ouvrit la bouche puis la referma, hésitant, avant de se détourner. Il évita le regard de Panoramix et préféra se concentrer sur Obélix qui se tortillait, toujours piégé dans les lianes qui le serraient toujours, quoique de manière un peu plus lâche que tantôt pour qu’il respirât à son aise, sans délaisser sa surveillance. Le voir réduit à un tel niveau d’impuissance lui serra le cœur. Lui, d’entre tous…
Un soupir fatigué s’échappa des lèvres de la matriarche et elle secoua la tête, désabusée.
– Je ne comprends pas que vous vous soyez embêtées de la sorte avec eux. Il suffisait de tous les tuer, sauf le druide, c’aurait été bien plus rapide. Enfin, en définitive, cela ne change rien.
Un silence hébété salua ses paroles. Les sept druidesses la fixèrent, les yeux agrandis de surprise, et même Aloe avait redressé la tête. Opuntia ignora leur trouble et se tourna vers les guerriers qui attendaient sans un mot.
— Tuez-les ! Sauf le druide.
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