Ils levèrent l’ancre en début de matinée, tandis que le soleil commençait tout juste à apparaitre à l’horizon. Le temps était clair, ainsi aucun nuage n’obscurcissait le ciel et aucune vague n’agitait les flots, ce qui était une bonne chose en soi et augurait un bon début pour ce voyage. Malgré tout, Astérix ne parvenait pas à se départir de son défaitisme. Dans son esprit, cette accalmie ne serait que de courte durée.
Et pour le moment, des cinq voyageurs, seul Obélix ne pensait pas du tout ainsi.
La tension qui régnait sur le grand bateau de pêche empêchait toute conversation, et même le rouquin s’en était parfaitement rendu compte. Malhabile pour tout ce qui était manœuvres de navires – enfin, il était tout à fait capable de le faire mais à sa façon, et forcément cela signifiait qu’il y aurait de la casse –, il avait été fortement incité à laisser cette tâche aux autres. Panoramix s’était isolé de son côté pour réfléchir aux éventuelles surprises susceptibles de les attendre une fois arrivés près de l’ile puis en son sein. Obélix n’était pas quelqu’un de subtil et de nombreuses choses lui échappaient, cependant il avait clairement senti le besoin d’isolement que ressentait son ami en ce début de journée ; par conséquent, il se limitait à faire la conversation à son chien, qui ne l’écoutait que d’une oreille attentive sans être en mesure de lui répondre autrement qu’en aboyant. Astérix, lui, se contentait de se pencher par-dessus le bastingage pour balayer l’immensité bleue du regard. Il refusait de le reporter vers la terre et vers la plage. A quoi bon se faire davantage de mal en repensant à cette scène tant abhorrée s’il venait à apercevoir son théâtre ? Il déprimait déjà assez comme cela et à présent, il lui fallait se ressaisir. Il espérait que ces journées de voyage en mer qui s’annonçaient – les deux mages en avaient évoqué plusieurs – lui seraient favorables de ce point de vue-là. Ainsi que sur le reste, d’ailleurs.
— Vous morfondre ainsi n’arrangera pas les choses, vous savez.
Astérix se retourna brusquement pour jeter un regard excédé à Amir, qui venait de le rejoindre. Il avait laissé Kadir seul à la barre, mais le vent modéré et la mer calme rendaient la conduite aisée et l’homme était débrouillard, à défaut d’être un marin expérimenté.
Il grogna avant de répondre :
— Parce que vous savez ce qui me traverse l’esprit ?
Si c’était le cas, il aurait dû percevoir son désir d’être seul ; il n’y avait nul besoin d’être proche de lui pour réussir à décrypter son attitude. Une aura noire l’entourait et dissuadait de l’approcher. Amir ne cilla pas. Au lieu de cela, il fronça les sourcils.
— Je ne prétends pas vous connaitre, comme vous ne me connaissez pas. Cependant, il m’a suffi de vous observer ces derniers jours pour comprendre que, pour vous, cette affaire a une dimension personnelle. Écouter vos concitoyens a confirmé ma pensée. Yucca est passée chez vous, n’est-ce pas ? C’est d’ailleurs vous qui vous en occupiez, durant son rétablissement.
Astérix ne répondit pas et se mit à trembler tandis que les souvenirs affluaient. Une simple phrase avait suffi… comment l’oublier ? Il aurait tellement aimé réussir à effacer son visage et ces moments de son esprit. Pour elle, ce devait déjà être fait, de toute façon. Ses poings se serrèrent sur la balustrade. Il devait se ressaisir.
Près de lui, Amir jaugea sa réaction sans un mot. Son regard s’adoucit. Plusieurs secondes s’égrenèrent dans le silence avant qu’il ne reprît la parole :
— J’ai cru comprendre que vous étiez devenu proche d’elle, vous ainsi que votre ami. La vérité a dû beaucoup vous blesser.
— A présent que c’est dit, il n’est plus nécessaire de s’attarder sur ce sujet. Je sais ce que nous avons à faire et pourquoi nous le faisons – pour protéger nos familles et nos camarades que ces femmes sont susceptibles de menacer avec cet objet –. Je saurai agir en conséquence, même si nous devons la retrouver en face de nous en tant qu’ennemie.
Amir poussa un soupir désolé.
— Je n’en doute pas. Ce n’est pas ce que je voulais dire, soyez-en assuré. Vous n’êtes pas le seul à ressentir cela ; nous avons connu plusieurs de ces femmes, elles étaient nos amies, nos… pour certains d’entre nous, nos femmes et nos amantes. Nous comprenons ce que vous ressentez, parce que nous le ressentons nous aussi, et plus encore car pour nous, ce n’est pas qu’une seule femme qui nous a trahis. Cependant, nous morfondre à ce sujet est inutile et ne changera pas le présent. Et nous avons toujours l’espoir qu’il y ait une raison à cela, une raison qui nous permette de mettre fin à cette folie de manière pacifique.
— Parce que vous y croyez encore ? rétorqua le petit Gaulois avec ironie.
Il ne voulait pas y croire. Il se l’interdisait. Il ne voulait pas essuyer une énième déception alors qu’il souffrait déjà tant. Il préférait une heureuse surprise inattendue à son contraire.
Amir acquiesça, le visage neutre.
— Oui. Leur repli à la suite de ce qui semble être l’utilisation du Calice montre que leur détermination n’est pas infinie et qu’il leur reste des limites à ne pas franchir. De plus, elles semblent avoir une dent contre les druides, qu’elles paraissent cibler en particulier – seuls les villages en possédant un ont été touchés jusque-là –. Si nous comprenons la rancœur qu’elles témoignent à leur égard, peut-être pourrions-nous parvenir à un arrangement.
— Vous parlez comme si c’était presque acquis. Qui vous dit que les décisionnaires se montreront si hésitantes ? Vous l’avez dit vous-mêmes, elles vont revenir.
— Peut-être bien. Je ne prétends pas que toutes reculeront au nom d’une certaine éthique, cela dépend également de leurs raisons et de l’importance qu’elles ont pour elles. Mais si nous en convainquons suffisamment, peut-être peut-il y avoir un recul général. Qu’y a-t-il à perdre à espérer ?
— Désespérer davantage ensuite, lorsque cet espoir sera balayé par la réalité ? proposa Astérix, morose.
Son regard était retourné vers la mer, qui frappait mollement la coque du bateau. Vision déprimante. Une belle image de son état d’esprit.
— Cela dépend. A vous voir, cela ne risque pas d’être votre cas ; vous avez déjà touché le fond. Chacun ses préférences. Pour ma part, je préfère réserver cet état pour quand la réalité m’aura confirmé qu’il n’y a plus lieu d’espérer, si cela a lieu d’être. Si vous, vous préférez passer votre voyage ainsi…
Sur ces mots, Amir le quitta et partit rejoindre les côtés de son camarade. Astérix resta dans sa position, songeur. Un espoir… y en avait-il seulement un ?
Au fond de lui-même, il savait qu’il avait surtout peur d’espérer.
— Assez !
Hommes comme femmes se figèrent au brusque éclat de voix et se tournèrent vers son origine. Valine. Epaulée par son frère qui les scrutait d’un œil sombre, elle les fusillait du regard, une grimace sur les lèvres. Pourtant, c’était une journée comme une autre ou presque ; le soleil était haut dans le ciel et illuminait le petit village gaulois, quelques nuages parsemaient le ciel au-dessus de la mer et l’air était doux et agréable. Cela ne faisait que quelques heures que les trois héros étaient partis et leur bateau n’était plus visible. Pendant que ces derniers recherchaient les druidesses, le quotidien avait toujours ses droits sur le village et chacun vaquait à ses occupations : faire fonctionner les affaires, acheter des provisions, entretenir le foyer… même si le même sujet occupait presque toutes les lèvres – les fameuses druidesses et leurs obscurs desseins –. Les femmes avaient, depuis longtemps, l’habitude de faire circuler le moindre ragot, et comme elles n’avaient jamais apprécié Yucca pour nombre d’entre elles, c’était l’occasion de médire à son sujet et de s’enorgueillir du fait qu’elles avaient eu raison depuis le début.
Et Valine en avait tout simplement assez, assez d’entendre ces femmes qu’elle qualifiait de mégères parler sans savoir, critiquer de choses pour lesquelles elles spéculaient plus qu’elles n’en connaissaient le fond. C’en devenait presque une philosophie de vie pour elles et la jeune femme en avait assez. Par moments, elle regrettait d’être revenue au village mais elle savait que de nombreuses femmes étaient ainsi, même ailleurs. A croire que s’occuper du foyer sans détenir de réel pouvoir à l’extérieur de la maison les rendait plus enclines à affectionner les commérages sans fondements, comme une façon de cracher leur fiel sur des situations dont elles ne pouvaient être maitresses. La jalousie faisait le reste.
Mais les femmes n’étaient pas les seules à s’abaisser ainsi ; elle avait entendu nombre d’hommes susurrer les mêmes types de propos, même si les raisons en étaient différentes.
— Vous êtes pathétiques, cracha-t-elle à leur encontre, ce qui provoqua des hoquets indignés.
Elle ne leur laissa pas le temps de s’insurger qu’elle éclata :
— Pathétiques, et totalement stupides ! Si Yucca était si maléfique que vous l’insinuez tous, ce village aurait déjà été détruit ! Pourquoi n’avons-nous pas connu le même sort que d’autres villages au Nord, pourquoi ? Nous avons un druide, nous aussi, et pas n’importe lequel !
Personne n’osa rétorquer, indécis. Personne n’en avait la réponse. Ce détail ne collait pas, mais que conclure d’autre ? Elle les avait tous trompés !
— Alors oui, c’est vrai qu’elle a menti. C’est assez logique d’ailleurs puisque lorsque nous l’avons retrouvée, elle était en position de faiblesse, alors elle a fait en sorte de ne pas passer pour un ennemi le temps de se rétablir. Et ensuite ? Elle est partie, c’est tout ! Elle n’a strictement rien fait à part susciter votre jalousie mal placée et vos désirs de médisance !
— Comment oses-tu…
— Petite insolente ! On ne parle pas ainsi à ses ainés ! siffla Ielosubmarine, énervée.
— L’air de la ville lui est monté à la tête.
— Fréquenter cette Yucca n’a rien arrangé !
Valine ricana. Les femmes se sentirent moquées et se crispèrent, agacées. Les hommes ne comprirent pas. Que lui prenait-il tout à coup, elle qui était si douce et si gentille d’habitude ?
Les gens chuchotaient entre eux, certains évoquaient l’idée d’en informer son père puisque le frère était présent mais ne faisait rien pour calmer sa sœur. Ce détail les dépassait quelque peu. Le visage du jeune homme montrait le même ressentiment que sa sœur.
— Et soyons réalistes ; elle n’avait aucune raison de se confier à vous. Au mieux elle vous laissait indifférents ou sa situation vous faisait pitié, mais beaucoup d’entre vous la méprisiez. Alors avouer qu’elle est magicienne dans un monde où l’on croyait que cet art se réservait aux hommes –
— Tu n’en savais rien toi non plus, pourtant elle se prétendait être ton amie !
— Si.
Les murmures cessèrent, remplacés par des mines stupéfaites.
— Si, je savais que Yucca était magicienne parce qu’elle me l’avait dit. Elle m’en a fait la démonstration, aussi. Vous pouvez dire ce que vous voulez, vous ne savez rien d’elle. Je n’en sais pas autant que je le voudrais mais c’est mon amie et je sais que c’est toujours le cas ; elle n’avait aucun besoin de me l’avouer et pourtant, elle l’a fait. Elle ne m’a rien dit concernant sa vie passée, sa communauté et les raisons qui les poussent à agir ainsi, mais je suis sûre qu’il y a une raison. Comme je suis sûre qu’elle s’est réellement attachée à certains d’entre nous, raison pour laquelle nous avons été épargnés. Car personne ici n’a été attaqué et ni elle ni ses collègues n’ont tenté d’enlever notre druide ! Alors au lieu de médire, vous devriez vous estimer heureux d’être toujours en vie et vous en demander la raison !
Valine ne put parler davantage et refusa d’entendre d’éventuelles remarques d’esprits étroits et fermés, alors elle partit. Son frère la suivit sans un mot. Cependant, aucune ne vint marquer son sillage comme elle l’aurait cru. Car c’était vrai, la question restait en suspens : pourquoi ?
Si jusque-là, ils l’avaient repoussée, comme si elle n’existait pas, les aveux de Valine venaient de la replacer au premier plan.
Yucca se laissa tomber sur son lit avant de placer son sac sur ses genoux et de l’ouvrir. Le Calice n’y était plus depuis un moment et à présent, il était entre les mains des Matriarches ; son sentiment était mitigé à ce sujet mais elle n’était pas mécontente de ne plus être concernée par son destin. Elle sortit sa tunique déchirée qu’elle laissa tomber au sol, en songeant vaguement qu’elle n’aurait pas dû s’en encombrer vu son état. Elle tomba ensuite sur la robe que Panoramix lui avait achetée. Elle se figea un instant et fixa le tissu, pensive. Elle aurait dû la jeter, elle aussi ; elle n’avait pas sa place dans ses affaires. Pourtant, bien que Calathéa l’y eût enjointe, elle n’y était pas parvenue. C’était pourtant une page qu’elle devrait tourner tôt ou tard.
— C’est la robe que les gaulois t’ont offerte, n’est-ce pas ?
Yucca sursauta et leva la tête pour apercevoir sa sœur qui la dévisageait.
— Pilea !
Cette dernière lui adressa un sourire triste.
— Eh bien. Tu devais vraiment les apprécier. Tu n’es pas si attachée aux objets, d’habitude.
— Ce n’est pas –
— Ne me mens pas. Je suis ta sœur, je te connais. Je vois bien ton air alors que tu louches sur cette robe. Si elle ne signifiait rien pour toi, tu ne devrais plus l’avoir.
Yucca baissa la tête, honteuse.
— Je ne…
Le soupir de sa sœur la coupa, bien qu’elle n’eût encore trouvé aucune réplique.
— Je suppose que te dire que ce ne sont que des mâles ne changera rien, n’est-ce pas ? Cependant, fais attention à ce que d’autres ne s’en aperçoivent pas, surtout les Matriarches. Tu te doutes qu’elles le prendraient très mal et que leur confiance à ton égard risquerait d’en pâtir. Calathéa s’en est également aperçue mais elle ne dira rien.
— Je sais. Elle me l’a déjà sous-entendu.
Pilea l’observa quelques instants, désolée.
— Tu sais, même si je me doute qu’ils ont dû se montrer gentils avec toi… Tu sais pourquoi nous faisons tout cela, l’importance de notre cause. Tu l’as dit toi-même, leur mentalité n’a pas changé. Et puis, la plupart ne risquent rien s’ils n’appartiennent pas à l’Ordre et s’ils ne font rien pour nous entraver. Nous n’allons pas massacrer tout le monde, alors sois sans crainte.
N’en sois pas si sûre… Yucca se rendit à peine compte que Pilea quittait sa chambre sans un bruit, sans doute appelée pour une tâche. Elle plongea son visage entre ses mains. Même si elle disait vrai et qu’elles se limitaient à leurs cibles et à ceux qui se dresseraient en travers de leur route…
Elle savait que malheureusement, ils en feraient partie.
La journée entière fut sensiblement la même, ainsi que celles qui suivirent, à l’exception du temps qui se gâtait et qui se faisait de plus en plus capricieux à mesure que la température diminuait. Ils prièrent tous pour que ce voyage, dont ils ne voyaient pas le bout, prît fin rapidement car l’ennui et les conditions climatiques avaient eu raison de leur patience. La simple vue de la large bande de terre, après quelques jours, fut donc salutaire pour tout le monde, même s’ils savaient qu’ils étaient susceptibles de recevoir un douloureux accueil une fois sur place.
La zone devant eux était densément boisée et de hautes falaises déchiraient le ciel, ainsi il leur était difficile d’apercevoir un éventuel comité d’accueil. Ils se résignèrent à accoster à l’aveugle. Ils amarrèrent dans une petite crique composée d’une plage étroite délimitée par une immense forêt. Ils avaient bon espoir que leur arrivée passât inaperçue, même s’ils devinaient que leurs efforts pouvaient avoir l’effet inverse. Si elles vivaient aussi près de cette côte, ils avaient foncé tous seuls dans un piège et ils seraient rapidement à leur merci.
Car c’était là tout leur problème et ils n’en mesuraient toute l’ampleur qu’à cet instant, à présent qu’ils se trouvaient devant le fait accompli. Il était étrange qu’aucun d’eux n’y eût pensé auparavant, d’ailleurs. Où vivaient les druidesses, exactement ? Si les deux mages connaissaient la localisation de l’île sur laquelle elles s’étaient réfugiées, ils n’avaient aucune idée de sa géographie. Ce n’était pas comme s’il était si aisé d’y pénétrer. Aucun de leurs espions envoyés en exploration n’était parvenu à aller aussi loin ou n’en était revenu. Cela n’avait pas étonné Astérix mais Obélix avait témoigné de sa perplexité et son ami l’avait rapidement réduit au silence. Malgré cela, les deux compères en étaient assez déçus. Cela n’arrangeait pas du tout leurs affaires, d’autant plus que cette île était vraisemblablement très grande, bien trop pour avoir été bien délimitée. Tout fouiller de fond en comble était difficilement envisageable. Alors que faire ?
Leur désappointement était tel qu’ils se retrouvèrent figés devant la lisière du bois, le navire amarré juste dans leur dos, secoués de frissons dans leurs épais manteaux fourrés à l’exception d’Obélix, insensible au mauvais temps. Celui-ci ne s’annonçait pas clément à leur égard. Il était froid et humide et à observer les gros nuages gris qui s’amoncelaient, la plupart des membres du groupe étaient prêts à parier qu’il ne tarderait pas à pleuvoir ou à neiger. Leur environnement n’était pas plus avenant : les arbres qui leur faisaient face étaient étroitement serrés et leurs frondaisons si épaisses que la maigre lumière ne filtrait presque pas au travers du feuillage. Ainsi, seuls les troncs de front étaient visibles et les autres étaient plongés dans l’obscurité, ce qui accordait au lieu un côté sinistre. Les quelques formes vaporeuses qui flottaient dans l’air – était-ce réellement de la brume, ou quelque chose de moins naturel ? – y apportaient une touche de mysticisme peu engageante. Si les Gaulois n’avaient pas peur, ils n’avaient pas davantage envie de s’y rendre. Mais comme ils n’avaient pas le choix, le problème était résolu.
— Bah alors, on y va ? demanda finalement Obélix d’un ton interrogateur tandis qu’Idéfix couinait dans ses bras, incertain, en fixant les arbres comme si quelque chose allait en surgir.
Mais le fait qu’il demeurât muet indiquait que pour le moment, il n’avait encore rien senti de tel.
L’exclamation impatiente du Gaulois les fit tous réémerger de leurs propres pensées et ils acquiescèrent.
— Et pour aller où ? fit Astérix en fronçant les sourcils. Nous ne pouvons pas nous contenter d’errer sans but dans cette forêt, au risque de nous faire attraper ! Vous êtes sûrs de n’avoir aucune idée de leur localisation ? Une montagne, une –
— Non, aucune, répondit Amir en plissant le nez, un peu agacé par sa propre ignorance. D’ailleurs, il est très possible qu’elles aient plusieurs cités ; j’ai cru comprendre qu’elles avaient des gens avec eux, il n’y a pas que des druidesses sur cette ile. Cependant, ne vous leurrez pas : les hommes ici sont acquis à leur cause. Il nous faut donc avancer avec prudence mais dans l’ignorance, ce qui ne joue pas en notre faveur, je vous l’accorde. Toutefois, nous avons bien quelques sorts qui nous permettraient de nous dissimuler de leurs regards, du moins magiquement parlant ; si nous sommes également discrets, nous devrions arriver à nous faufiler, au moins jusqu’à ce que nous trouvions des signes de civilisation.
Tous hochèrent la tête en signe de consentement. Ils n’avaient pas d’autre choix que d’agir ainsi.
— Oui, il n’y a plus qu’à…, souffla Panoramix en levant les yeux vers le ciel.
S’il cherchait une quelconque information, il en fut pour ses frais et il dut se résoudre à reporter son attention sur le chemin que ses camarades empruntaient. Il s’agissait d’un simple sentier étroit slalomant entre les troncs d’arbres et les buissons, composé de feuilles mortes, de quelques cailloux informes et isolés et de brindilles échouées. Sans doute avait-il été tracé par le passage régulier de quelques animaux qui se rendaient régulièrement à la berge pour profiter des richesses que la mer leur offrait. Ou peut-être autre chose.
Ils laissèrent derrière eux la lumière et le soleil, remplacés par les ténèbres et la moiteur de l’endroit, et une dizaine de minutes suffit pour que la lisière disparût dans leur dos. Cependant, ils n’osèrent ni allumer une torche ni parler entre eux même en chuchotant ; la crainte de se faire repérer était trop présente, et la forêt paraissait si étrange – trop obscure pour que ce fût naturel – qu’il était de plus en plus évident pour eux que les druidesses n’étaient pas étrangères à cet état des choses. Mais pourquoi avoir rendu le lieu ainsi ? Afin d’effrayer d’éventuels visiteurs, ou plus encore ?
— Et on va où, au fait ? fit finalement Obélix d’un ton tranquille.
Sa voix grave fit sursauter l’ensemble de la troupe comme elle tranchait net le silence qui les environnait depuis de nombreuses minutes déjà. Car autour d’eux, il n’y avait pas non plus de bruits d’animaux, ni de vent sur le feuillage ou de branches qui craquaient ; comme si l’endroit était juste mort. Leur crainte fut démultipliée. Pourtant, hormis la noirceur et le silence, rien d’autre ne laissait présager de funestes événements en cet endroit. La végétation était parfaitement normale. Elle était particulièrement dense et sauvage, et les ronces, les fougères et les buissons étaient si fréquents qu’ils ne marchaient qu’à tâtons, sans plus d’espoir quant à conserver leurs vêtements dans leur état d’origine.
Aucun changement ne s’était présenté à leurs yeux, ce qui les empêchait de répondre à la question que tous se posaient et que le rouquin avait formulé à voix haute. Ils se contentaient d’avancer tout droit, de s’enfoncer davantage dans les terres et de prier leurs dieux pour qu’une clairière arrivât bientôt. Et surtout, des signes de civilisation qui les avertiraient de leur propre approche avant qu’ils ne se dénonçassent par mégarde, ce qui faciliterait leur capture.
Il n’y en eut aucun, tant et si bien qu’ils se demandèrent si cet endroit était suffisamment peuplé pour qu’existât ne serait-ce qu’un village. Ces femmes vivaient-elles dans des maisons construites ou ailleurs ? Peut-être le sauraient-ils finalement plus tôt que prévu car malgré toutes leurs précautions, quelques secondes suffirent pour que tous tombèrent, assommés, alors qu’une clairière se dégageait à leur vue. Ils n’eurent même pas l’occasion de voir leurs agresseurs.
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