Astérix était ce que l’on pouvait appeler un lève-tôt. La plupart du temps, il se levait au chant du coq pour faire sa toilette et ensuite, classiquement, il se préparait à partir à la chasse avec son ami. Cette fois-ci pourtant, il ne fit que pester sur l’animal en maugréant, tout en se cachant sous les couvertures dans l’espoir de ne plus l’entendre et de réussir à se rendormir. La couette étouffa à peine les stridulations enthousiastes.
— Maudit animal, jura-t-il en les écartant de son corps, car il estimait finalement que de toute façon, elles lui donnaient trop chaud.
Heureusement, l’oiseau cessa bientôt et Astérix en profita pour fermer les yeux, encore allongé mais le corps découvert. Il souhaitait ardemment se rendormir et ne pas avoir à affronter cette journée. Il ne voulait pas penser à l’absence de Yucca, à sa trahison et à son départ, à tout ce que cela impliquait, à ce foutu Calice, à eux qui ne savaient pas du tout quoi faire, à ce…
Trop tard, il y pensait déjà.
Fulminant contre sa vie et contre le reste du monde, il enfonça sa tête dans son oreiller. Il ne savait pas exactement ce qu’il avait espéré par ce geste mais il n’en tira qu’un mal de nez suite à son écrasement intempestif. Avec un soupir, il releva la tête juste pour la tourner et écraser ensuite sa joue contre le tissu rembourré de plumes, les yeux mi-clos. La pièce était lumineuse mais pas trop encore, pas de quoi l’éblouir pour le moment. Toutefois, cela promettait un extérieur clair et dégagé, un agréable changement au mauvais temps de ces derniers jours. Même si, pour lui-même, cela ne changeait pas grand-chose, et encore moins sa motivation à ne pas bouger de là de la journée.
Cependant, le reste du monde n’était pas de cet avis. A peine eut-il le temps de somnoler quelques minutes que quelqu’un vint frapper lourdement à sa porte avant d’entrer en s’écriant :
— Astérix ? Tu es là ?
Le bras du guerrier glissa sur ses yeux pour les recouvrir. C’était Obélix. Ce qui ne l’arrangeait pas. Autant il ne se serait pas gêné d’envoyer paitre la plupart des autres villageois, autant il ne souhaitait pas infliger cela en toute âme et conscience à son meilleur ami. Il n’y était pour rien – les autres non plus d'ailleurs mais c’était différent. Lui aussi avait de la peine mais il tâchait de le surmonter. A sa manière. Enfin, il était très certainement moins marqué que lui pour deux choses : d’une, il n’était pas amoureux de Yucca, pas qu’il le sût en tout cas, et de deux, il ne semblait pas avoir réellement compris l’ampleur de la trahison de la jeune femme.
Cependant, il faisait quelque chose et ne se laissait pas abattre et Astérix avait conscience qu’il devrait en faire de même. Même si pour le moment, il ne s’en sentait pas réellement la force.
— Astérix ?... Mince, je l’ai peut-être raté, mais où peut-il bien être ?
— Je suis là Obélix, répondit Astérix d’une voix un peu faible, tandis qu’il se redressait sur son séant.
Le lit grinça au mouvement, ce qui fit lever la tête du rouquin. Le visage de ce dernier s’éclaira d’un sourire à la vue des touffes blondes ébouriffées sur le crâne de son ami.
— Astérix ! Tout va bien ? s’exclama-t-il d’un ton inquiet, soudain conscient de l’état de son ami.
Après tout, il savait mieux que personne ce que la situation signifiait pour lui.
— Ça va, le rassura le guerrier blond en se levant, avant de quitter son lit pour rejoindre la bassine remplie d’eau.
Au moins dans sa crise de la veille qui l’avait plongé dans des activités diverses et variées, il avait pensé à le faire. Car en ce jour, il se sentait aussi mou qu’un vieil escargot handicapé. Ne pas avoir à faire l’effort d’aller la remplir le soulageait donc d’un poids considérable.
Il se rasa et effectua ses ablutions habituelles avant de s’habiller et de rejoindre Obélix dans son salon qui se dandinait, gêné.
— Tu sais, si tu ne veux pas… voilà… du temps quoi… être seul… je comprends, et… je peux repasser plus tard !
Astérix secoua la tête en signe de dénégation.
— Non, Obélix. Ta venue me fait plaisir, tu sais. Et puis, j’ai besoin de sortir.
Il ne précisa pas qu’il n’en avait pas du tout envie et qu’il serait bien resté se morfondre dans son lit toute la journée, seulement ce n’était pas nécessaire. Et à voir la tête ahurie du rouquin, ce dernier s’en doutait en partie. Car malgré ses rafraichissements, il était évident qu’Astérix n’était pas au meilleur de sa forme, et pas seulement physiquement.
— Tu veux aller chasser ? demanda aimablement le blond en fixant son glaive à sa ceinture.
Il vérifia toutefois la lame mais se rappela s’en être occupé la veille car le bain d’eau de mer n’avait pas été très apprécié. Puis il mit sa gourde vide à sa ceinture, songeant qu’il lui faudrait demander à Panoramix de la remplir. Cependant, il ne se sentait pas d’humeur d’y faire un crochet.
— Ok ! s’exclama Obélix, avec un peu moins d’entrain que d’habitude.
La morosité évidente de son ami le gênait, d’autant que le moyen de la dissiper lui échappait. Devait-il en parler ou éviter le sujet ? Il ne savait pas, et donc il ne savait pas quoi dire. A ses pieds, Idéfix aboya piteusement, conscient lui aussi de l’ambiance maussade qui s’installait et impuissant à cela.
Ils sortirent de la hutte sur ces entrefaites et empruntèrent l’allée qui menait à l’extérieur du village et à la forêt. Ils croisèrent encore peu de monde à cette heure, puisque le village se réveillait à peine. Déjà, quelques cris d’enfants retentissaient pour protester contre ce réveil précoce mais ils n’étaient pas les seuls à se faire entendre. Des bruits indiquaient l’ouverture imminente des boutiques et le début des activités quotidiennes. Comme c’était le cas chaque jour, comme eux-mêmes se rendaient chaque jour à la forêt pour chasser. Comme si ce jour était comme tous les autres, finalement. Mais ce n’était pas le cas pour certains, malgré ce que les apparences laissaient supposer.
Concernant le trio, le trajet se fit d’abord en silence, les deux amis plongés dans leurs pensées. Idéfix trottinait près d’eux, et s’il avait essayé d’attirer leur attention au début, il avait vite abandonné. Ce ne fut qu’une fois en pleine forêt, tandis qu’ils cherchaient les traces de passage de sangliers, qu’Obélix trouva un lambeau de tissu coloré appartenant indéniablement à un de ces gens venus du sud – le textile était doux au toucher, la matière inconnue. Astérix se rapprocha de lui pour connaitre la raison de son immobilité, sa curiosité tout juste piquée et atténuée par la lassitude. La pensée du rouquin s’échappa alors de ses lèvres :
— Je me demande où ils peuvent être, à présent. Ils doivent forcément savoir pourquoi elles veulent le Calice et ce qu’il fait.
Astérix se figea soudain, stupéfait. Il lui fallut quelques secondes pour identifier le tissu et donc comprendre ce que son ami sous-entendait. La fatigue et l’abattement le quittèrent brusquement et il se sentit soudain réveillé, comme si une chape l’avait bloqué jusque-là et qu’il s’en trouvait à présent libéré. Obélix ne semblait pas s’en rendre réellement compte mais il avait raison. Pourquoi n’y avaient-ils pas pensé plus tôt ? Comment avaient-ils pu les oublier si aisément ?
— Obélix, tu es un génie ! s’exclama-t-il avant de courir en direction du village, dont ils ne s’étaient pas beaucoup éloignés.
Ce dernier ne comprit pas le soudain empressement de son ami.
– Ah… mais pourquoi ?
Perplexe, il prit Idéfix dans ses bras pour aller plus vite et le suivit au pas de course. Il le rattrapa en quelques secondes à peine.
– Astérix, qu’est-ce que tu fais ?
Il ne reçut aucune réponse. Ensemble, ils traversèrent le village et atteignirent la hutte du druide. Ce dernier les vit débouler avec effarement.
— Mais qu’est-ce que…
— Ô druide, je suis désolé de vous déranger ainsi ! s’écria Astérix, essoufflé, en arrivant juste devant lui. Et surtout de vous le demander avec autant de hâte : auriez-vous de la potion magique ?
— Oui, pourquoi ? s’étonna Panoramix, un peu inquiet.
Après tout, ne sachant pas ce que les druidesses voulaient, il avait décidé de faire du stock et donc de remplir toutes les marmites qu’il avait à sa disposition. Toute la pièce en était chargée, ce qui en limitait la place disponible. Malgré cela, il hésitait à en acheter des neuves pour les remplir à leur tour sans savoir si ce ne serait pas juste du gâchis.
— Les gens du Moyen-Orient ! C’étaient eux qui détenaient le Calice, et pendant la bataille, ils avaient clairement sous-entendu sa dangerosité ! Ils ont forcément une idée de son potentiel, et peut-être même du but poursuivi par les druidesses !
— Euh… c’est tout à fait possible, en effet, mais… comment comptez-vous les rattraper ? Ils doivent avoir au moins trois jours d’avance !
— Nous savons par où ils sont partis et où ils comptent aller, à peu près, rétorqua Astérix, bien qu’il ne sût pas réellement la localisation de leur pays d’origine avec exactitude. Et puis, s’ils veulent Yucca et le Calice, ils ne sont peut-être pas si loin que cela.
Mais surtout, n’ayant vraisemblablement pas de magie à leur disposition, ils seraient plus faciles à rejoindre et à aborder que ces femmes, d'autant que le but en était totalement différent. Ici, il s’agissait de leur demander de l'aide.
Panoramix parut un peu dubitatif mais n’ajouta rien. Il les invita à entrer et prit la gourde que lui tendait le guerrier pour la remplir. Il la lui rendit avec un léger sourire et leur souhaita bonne chance. Les deux amis ne tardèrent pas et prirent aussitôt le chemin qui menait à l’extérieur des palissades.
Droit vers une nouvelle aventure.
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